Contenu du sommaire : Collectionner le vivant

Revue Gradhiva : revue d'anthropologie et de muséologie Mir@bel
Numéro no 36, 2023
Titre du numéro Collectionner le vivant
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction

  • Dossier

    • Le temps incorporé des collections. La collecte et la circulation des plantes entre l'Amérique et l'Europe au milieu du xviiie siècle - Samir Boumediene p. 28-51 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au milieu du xviiie siècle, les collections de plantes sont un enjeu central tant pour l'histoire des sciences que pour celles du commerce, de la politique et de la colonisation. Témoins les plus visibles de ce phénomène, les réceptacles que constituent les herbiers, les jardins, les collections de graines, ne représentent qu'un moment dans un processus plus long et plus complexe, qui articule une pratique du terrain à un art de la circulation, un savoir classificatoire à un savoir-faire de la mise en culture des plantes. À travers une série d'exemples portant sur l'histoire de l'Amérique et de ses rapports avec la France, l'Angleterre et l'Espagne, ce texte aborde la collecte et la circulation comme des processus temporels. L'observation des végétaux, l'entretien avec les populations locales ou l'usage de caisses d'histoire naturelle ne peuvent alimenter une collection qu'à condition de synchroniser la pluralité des temps propres aux différentes entités impliquées : les êtres humains, les végétaux, les insectes, les vents et les embruns.
      In the middle of the 18th century, collections of plants were fundamental to the history of sciences as well as those of commerce, politics and colonization. The repository of herbaria, gardens, collections of seeds, which bear witness to this phenomenon, represent nothing more but a moment in a longer and more complex process that connects a field practice and an art of transfer, a classificatory knowledge and a craft of plant cultivation. Through a series of examples on American history and its links to France, England and Spain, this text presents the systems of collecting and transferring as temporal processes. Observing the plants, interviewing the local communities or using transport crates of natural history cannot contribute to a collection unless these actions bring together the diversity of times as specific to the entities involved: human beings, plants, insects, winds and ocean spray.
    • Quand l'ivoire devient gênant. L'exposition de collections d'ivoires dans les musées à Hong Kong, Canton et Taipei - Claire Bouillot p. 52-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les collections d'ivoires d'éléphant, qualifiées de « vivantes » en partie, sont dotées de caractéristiques propres permettant aux conservateurs de musée de les valoriser sous différents aspects. Sur les territoires de Hong Kong, Canton et Taipei, pris dans la tension du marché global de l'ivoire, ces professionnels tentent une articulation délicate entre un discours de protection de l'animal dont l'espèce est menacée et un second autour de la protection d'une « culture de l'ivoire » subsistante dont ces objets sont les témoins. Plus ou moins sommés de donner l'exemple, ils proposent des formes d'exposition différentes d'objets en ivoire pourtant similaires.
      Collections of elephant ivories, partly qualified as “living”, are equipped with their very own characteristics that allow to be highlighted from different aspects by curators. In Hong Kong, Guangzhou and Taipei City, caught under the tension of the ivory global market, these professionals attempt to subtly accentuate a view that, on the one hand, revolves around protecting an endangered species and, on the other hand, defends a remaining “ivory culture” to which these objects bear witness. Since they are more or less forced to set the example, they propose different yet similar exhibitions of ivory objects.
    • Échantillons vivants sur fiches cartonnées. Science coloniale et archives de sang séché des années 1950 à nos jours - Ricardo Roque p. 68-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explore l'histoire d'une collection de sang humain séché archivée sur fiches cartonnées, depuis ses origines dans la science sérologique coloniale, jusqu'à ses usages dans la génétique contemporaine. Les anthropobiologistes coloniaux des années 1940-1950 ont collecté des milliers d'échantillons de sang séché sur des fiches cartonnées auprès des populations indigènes des colonies portugaises, dans l'intention d'établir une typologie des groupes sanguins et de la diversité raciale. Après la fin de l'empire colonial portugais en 1974, ces collections, désormais considérées comme des archives scientifiques, ont été conservées à Lisbonne. Par la suite, des généticiens ont tenté d'extraire des cartes un ADN asiatique et africain. Cet article, qui se veut une réflexion sur l'histoire de cette collection, examine quelques-unes des questions épistémologiques, politiques et ontologiques complexes soulevées par les usages anciens et récents de ces archives de sang séché sur support papier.
      This article explores the history of a collection of human blood on paper cards, from their origins in the sciences of colonial serology to their uses in contemporary genetics. Portuguese colonial anthropobiologists in the 1940s-50s collected thousands of dried blood spots on paper cards from the Indigenous populations of the Portuguese colonies, with a view to map blood types and racial diversity. After the end of the Portuguese colonial empire in 1974, these colonial collections persisted as scientific archives in Lisbon. Later on, geneticists attempted to extract Asian and African DNA from the cards. This article reflect on this collection's history, examining some of the epistemic, political, and ontological complexities raised by old and new uses of dry blood on archived paper.
    • (Dé)chiffrer l'animal sauvage. De l'administration numérique des collections vivantes en parcs zoologiques - Mélanie Roustan p. 86-107 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Entre « pensionnaires » et « détenus », les animaux de zoo sont administrés par une pluralité de logiques de collection, de hiérarchisation du vivant et de représentation de la nature. Certains sont les descendants d'une époque où le goût pour l'exotique présidait au choix des spécimens. D'autres, ou les mêmes, ressortent des listes officielles des espèces menacées, qui indiquent une valeur de raréfaction relative et structurent la politique de conservation de la faune sauvage légitimant aujourd'hui l'existence des zoos. L'article se fonde sur une enquête ethnographique menée au Parc zoologique de Paris. Les inventaires et registres y guident, comme au musée, l'action des professionnels. à une échelle élargie, les bases de données mutualisées régissent les populations captives : déplacements et appariements – parfois « euthanasies » en fonction des patrimoines génétiques. Ainsi, numérisation, encodage et décodage des animaux sauvages se répondent.
      Between “residents” and “prisoners”, animals in zoos are managed by different logistics for the collection and ranking of the living. Some of them are the heirs of an era where exotic preference controlled the choice of a particular species. Others, sometimes the same ones, appear on official lists of endangered species, which indicates their scarcity value and outlines the policies of wildlife preservation while also justifying the existence of zoos. Inventories and registries guide, similar to a museum, what professionals do. On a larger scale, shared databases determine the lives of the captives: their transfer, their pairing and mating – sometimes even “euthanazing” them. The processes of digitalization, encoding and decoding of wild animals match each other. The present article is based on an ethnographical survey carried out at the Paris Zoological Park.
  • Portfolio

  • Entretien

  • Traduction

  • Varia

    • La fin des corps. Notes sur les apocalypses silencieuses de Jean-Luc Godard et d'Ernesto De Martino - Nicola Martellozzo p. 150-170 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose d'analyser comme une forme d'apocalypse « silencieuse » le court-métrage Le Nouveau Monde de Jean-Luc Godard, en s'appuyant sur la lecture que fait Ernesto De Martino de la menace nucléaire et des imaginaires de la fin du monde. Le Nouveau Monde décrit l'inquiétant changement anthropologique provoqué par une explosion atomique au-dessus Paris, qui laisse les corps inchangés. Godard s'inspire de l'imagerie apocalyptique contemporaine de la crise de Cuba pour penser les transformations sociales de l'après-guerre, générées par l'incorporation d'un traumatisme culturel. L'analyse du film utilise la notion de « présence en crise », conceptualisée par De Martino, pour mettre en évidence la condition paradoxale des corps qui survivent à la fin du monde : la métamorphose de l'horizon historico-culturel est vécue comme l'intrusion au sein de la personne d'une altérité radicale.
      This article analyses Jean-Luc Godard's short film The New World as a form of “silent” apocalypse, based on Ernesto De Martino's interpretation of the nuclear threat and his view of the end of the world. The New World describes the worrying anthropological change caused by an atomic explosion over Paris, which leaves the bodies unaltered. Godard takes his inspiration from contemporary apocalyptic images of the crisis in Cuba in order to depict the post-war social transformations created by including a cultural trauma. The analysis of the film uses the notion of “crisis of presence”, developed by De Martino, to emphasize the paradox of the bodies that survive the apocalypse: the metamorphosis on the historical and cultural level is seen as the intrusion of radical otherness into a person.
  • Chroniques scientifiques