Contenu du sommaire : La guerre civile

Revue Pouvoirs Mir@bel
Numéro no 188, janvier 2024
Titre du numéro La guerre civile
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  • Penser la guerre civile - Julian Fernandez p. 5-14 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    La guerre que se font les citoyens entre eux a toujours eu quelque chose de honteux. Il a fallu attendre le xxe siècle pour que la pensée sur la guerre civile se développe et devienne un champ de recherche spécifique. Il faut dire que les conflits armés non internationaux se sont multipliés et qu'un besoin d'analyses renouvelées sur les origines, les ressorts et les conséquences des guerres civiles se fait ressentir. Encore faut-il bien identifier l'objet de recherche et les caractéristiques contemporaines de ces conflits.
    The war citizens wage against each other has always been somewhat shameful. It was not until the 20th century that the conceptualization of the civil war developed and became a specific field of research. Non-international armed conflicts have multiplied in such a way that there is a need for renewed analyses of the origins, the dynamics and the consequences of civil wars. It is essential to clearly identify the object of research as well as the contemporary characteristics of these conflicts.
  • « Guerre civile », une notion insaisissable mais indispensable - Jean-Clément Martin p. 15-24 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    La « guerre civile » demeure un objet difficile à identifier et à cerner parmi les formes de la guerre. En revanche, elle peut devenir un outil conceptuel lorsqu'on entreprend d'en distinguer des éléments constitutifs, que ce soit la transmutation de vengeances et de rancunes communautaires en objectifs politiques, la légitimité donnée à toutes les violences exercées sur des groupes rivaux, l'engagement dans une guerre à mort… Cette approche permet de comprendre comment les jugements portés sur cette notion ont évolué au fil du temps et pourquoi celle-ci a retrouvé une actualité.
    “Civil war” remains an object that is difficult to identify and define among the various forms of war. In contrast, it can become a useful conceptual tool when we try to differentiate its constitutive elements, such as the transmutation of communitarian revenge and resentments into political goals, the legitimacy granted to all violent acts against rival groups, the engagement into a war to the finish… Such an approach can help us understand how the judgments made about this notion have evolved with time and why it has become once again topical.
  • La guerre civile et les théories modernes du pacte social - Nicolas Dubos p. 25-35 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Le contractualisme permet de donner une signification nouvelle au phénomène de la guerre civile, en particulier par rapport au traitement dont il avait fait l'objet dans la littérature de la raison d'État et des arts de gouverner. Si l'institution politique est le fruit d'un pacte, c'est-à-dire d'une libre décision des sujets, qu'en est-il de sa dissolution ? Est-elle la manifestation d'une légitimité révolutionnaire où se rejoue le pacte originaire ou d'une contradiction du sujet avec lui-même ? En comparant les modèles opposés de Hobbes et de Locke, cet article s'empare de la question de la guerre civile pour distinguer, dans les contractualismes, ce qui tient précisément à la fécondité théorique du contrat de ce qui tient à des options politiques plus fondamentales : la conception de la nature humaine et les fins de l'association politique.
    Contractualism gives a new meaning to the phenomenon of civil war, in particular compared to the treatment it had been given in the literature concerning the national interest and the art of governing. If political institutions are the result of a pact, i.e. of a free decision of the citizens, what about their dissolution? Is it the manifestation of a revolutionary legitimacy in which the original pact is being restaged or of the subject being in contradiction with itself? Comparing the opposed models of Hobbes and of Locke, the article seizes upon the question of civil war to differentiate, within contractarian theories, what is related precisely to the theoretical richness of the contract from what is related to more fundamental political options: the conception of human nature and the purpose of political association.
  • La guerre civile peut-elle être un choix rationnel ? - Patrick Le Bihan p. 37-47 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Du point de vue du choix rationnel, la guerre est une énigme. La guerre ayant un coût, il devrait exister une manière pacifique d'allouer les ressources entre les parties prenantes qui soit préférable pour tous, étant donné qu'elle permettrait d'économiser ce coût. Mais trois principaux mécanismes causaux ont été découverts qui peuvent empêcher les acteurs soit d'identifier une solution pacifique, soit de la mettre en œuvre : les asymétries d'information, les problèmes d'engagement crédible et les problèmes d'agence. Au-delà de ces trois mécanismes, la littérature expérimentale a également révélé chez les êtres humains une propension à préférer la violence. Afin de faire respecter des normes de justice et d'équité notamment, les humains peuvent accorder une valeur intrinsèque à la guerre supérieure au coût qu'elle engendre.
    From the point of view of rational choice, war is an enigma. War being costly, there should be a peaceful way of allocating resources between the concerned parties preferable to all since it would eliminate the cost. However, three main causal mechanisms have been identified which can prevent the actors either from identifying a peaceful solution, or from implementing it: informational asymmetries, problems of credible engagement, and problems of agency. Beyond these three mechanisms, the experimental literature has also revealed among human beings a propensity to prefer violence. Notably, in order to impose the respect of norms of justice and fairness, humans may choose to grant war an intrinsic value superior to its cost.
  • Le fantasme de guerre civile dans la culture politique américaine - Maxime Chervaux p. 49-59 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Cet article analyse le spectre persistant de la guerre civile dans la conscience collective aux États-Unis, qui est lié aux origines de la République américaine et à l'esclavage. Il montre comment les tensions politiques qui se sont exacerbées depuis la crise économique de 2008, et jusqu'à la présidence de Donald Trump, viennent renouveler ce fantasme, tout à la fois en influençant et en étant influencées par des discours toujours plus clivants.
    The article analyses the persistent threat of a civil war in the United States collective consciousness linked to the origin of the American Republic and slavery. It shows how current political tensions, that have sharpened from the 2008 economic crisis to the Trump presidency, have revived this fantasy, both by influencing and being influenced by ever more polarizing political discourses.
  • La prévention de la guerre civile par le droit et les institutions - Muriel Ubéda-Saillard p. 61-71 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Comment les vertus pacificatrices du droit, mis en œuvre par les institutions publiques, peuvent-elles prévenir la guerre civile et le déchirement du pacte social qu'elle cause inévitablement ? La guerre civile – ce « conflit armé non international », selon la qualification du droit international humanitaire – est toujours une défaite : celle de la communauté humaine d'un État à vivre ensemble de manière paisible ; celle du gouvernement (au sens que lui donne le droit international) à proposer un projet social inclusif, fondé sur des valeurs partagées ; celle des mécanismes constitutionnels à permettre l'expression non violente de la contestation utopique. Prévenir la guerre civile, c'est d'abord anticiper la survenance des facteurs belligènes, par une action publique résolue dans tous les domaines de la société (éducation, justice, élections, etc.). Mais c'est aussi s'y préparer, sur le plan opérationnel, de manière à déployer, dès les prémices de la lutte armée, une réponse multidimensionnelle adéquate permettant d'éviter l'effondrement de la cohésion sociale.
    How can the pacifying virtues of the law implemented by political institutions prevent civil war and the tearing apart of the social pact it inevitably causes? Civil war—a “non-international armed conflict”, according to the definition of international humanitarian law—is always a failure. The failure of the human community within a state to live peacefully together; the failure of the government (as defined by international law) to propose an inclusive social project based on shared values; the failure of constitutional mechanisms to allow the non-violent expression of utopian protest. Preventing civil war implies first anticipating the occurrence of belligerent factors through a decisive public action in all the domains of society (education, justice, elections, etc.). It also means preparing for it at the operational level, i.e. deploying from the early stages of armed struggle an adequate multidimensional answer in order to avoid the collapse of social cohesion.
  • Sortir des guerres civiles, ou ne pas y entrer - Sandrine Lefranc p. 73-82 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Comment sortir d'une guerre civile ? Comment ne pas y entrer ? Les nombreuses organisations actives dans la pacification des conflits, une large part de la littérature académique comme les producteurs de baromètres de la paix privilégient une conception ambitieuse de la paix civile ; une réconciliation doit permettre des liens denses entre les groupes et des valeurs communes. Ce texte réfléchit aux limites d'une telle action, et esquisse une conception plus ordinaire de la paix civile.
    How is it possible to exit a civil war? Or not to start one? The numerous peace-making organizations, a large part of the academic literature as well as those who produce peace barometers favour an ambitious conception of civil peace, i.e. a reconciliation that produces strong links between groups and common values. The article ponders the limits of such an action and sketches a more ordinary conception of civil peace.
  • Diplomatie et guerre civile - Franck Petiteville p. 83-93 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    La diplomatie a été historiquement conçue comme une pratique interétatique. Si elle a accompagné le règlement des guerres européennes depuis le xviie siècle, sa mobilisation dans le règlement des conflits intra-étatiques que sont les guerres civiles a été plus tardive. Il faut attendre la création des Nations unies, quelques initiatives ponctuelles durant la guerre froide, puis surtout la fin de celle-ci pour voir la diplomatie internationale jouer un rôle croissant dans la médiation des guerres civiles. Ces dernières correspondent toutefois à des conflits souvent violents, décomposés et/ou marqués par de nombreuses ingérences de puissances extérieures (Bosnie, Libye, Syrie, Yémen). Il en résulte que les échecs de sortie de conflit par la voie diplomatique paraissent plus fréquents que les « succès » (Colombie).
    Diplomacy has been conceived historically as an inter-state practice. While it has accompanied the settlement of European wars since the 17th century, its mobilisation for the settlement of intra-state conflicts such as civil wars has been more recent. It has been necessary to wait the creation of the United Nations, a few initiatives during the Cold War, and especially the end of the latter, to see international diplomacy play an increasing role in civil wars mediation. However, these wars have often represented violent conflicts disrupted and/or marked by numerous external interference (Bosnia, Libya, Syria, Yemen). As a result, the failures to settle conflicts through diplomatic channels seem more frequent than the “successes” (Colombia).
  • Pacifier les sociétés post-guerre civile par la mémoire ? - Sébastien Ledoux p. 95-107 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    À côté des politiques d'oubli (amnésie/amnistie) ou de l'imposition d'une mémoire officielle par les vainqueurs, un nouveau paradigme mémoriel de sortie de guerre civile est apparu à la fin du xxe siècle. Dans un contexte où la mémoire devient elle-même un cadre social, un répertoire d'actions publiques mémorialisant la guerre s'est développé au nom des droits humains, dans différentes régions du monde, pour guérir et pacifier le corps social.
    Alongside policies of oblivion (amnesia/amnesty) or the imposition of an official memory by the victors, a new memory paradigm for the exit from civil war appeared at the end of the 20th century. In a context where memory itself has become a social factor, a repertoire of public actions memorialising the war has developed in the name of human rights, in different parts of the world, to heal and pacify the social body.
  • Guerres civiles en Afrique, un legs colonial ? - Roland Marchal p. 109-119 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Les guerres civiles en Afrique sont-elles un legs colonial ? Plutôt que d'abonder dans le sens commun, une réponse réfléchie doit d'abord s'interroger sur la nature du legs colonial, tel qu'il est appréhendé par les différents segments des élites contemporaines. L'État importé a fait aussi l'objet de réappropriations sélectives qui ont servi aux compétitions autochtones. De plus, il est rare que la guerre civile soit purement interne, et elle ne peut donc, dans son déroulement, seulement être comprise comme une simple conséquence de la colonisation.
    Are civil wars in Africa a colonial legacy? Rather than accepting this common meaning, a considered response should first question the nature of the colonial legacy, as it is viewed by the different segments of contemporary elites. The imported state model has been subjected to selective reappropriations that have fuelled local competitions. Furthermore, a civil war is seldom due only to internal factors, and its unfolding cannot therefore be understood as a simple consequence of colonisation.
  • Un mot de la fin - Henry Rousso p. 121-128 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
    Comment aborder avec précision la guerre civile malgré le caractère « insaisissable » ou « incertain » de sa définition ? Comment prendre en compte d'un même mouvement sa réalité tangible dans l'histoire et la difficulté d'un usage de l'expression souvent instrumentalisé ? Faut-il privilégier une approche plutôt conceptuelle, visant à une forme d'idéal-type au risque d'une trop grande généralisation, ou doit-on souligner plutôt la variété des situations par une approche empirique et contingente, plus sûre mais plus limitée ? Ce sont là quelques-unes des interrogations de ce numéro de Pouvoirs riche et original, nourri de textes venus d'horizons disciplinaires différents.
    How can we approach the notion of civil war with precision, despite the “elusive” or “uncertain” nature of its definition? How can we consider, at the same time, its tangible reality in history and the difficulty of using the term, which is often instrumentalized? Should we favour a more conceptual approach, aiming for a kind of ideal-type at the risk of over-generalizing, or should we emphasize the variety of situations through an empirical and contingent approach, which is more reliable but more limited? These are just a few of the questions raised in this rich and original issue of Pouvoirs, which draws on texts from a wide range of disciplinary backgrounds.
  • Repères étrangers : (1er juillet – 30 septembre 2023) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 131-137 accès libre
  • Chronique constitutionnelle française : (1er juillet – 30 septembre 2023) - Jean Gicquel, Jean-Éric Gicquel p. 139-169 accès libre