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Titre Éduquer et punir : Travail éducatif, sécurité et discipline en établissement pénitentiaire pour mineurs[1]
Auteur Gilles Chantraine, Nicolas Sallée
Mir@bel Revue Revue Française de Sociologie
Numéro vol. 54, no 3, 2013 Varia
Rubrique / Thématique
Varia
Page 437-464
Annexes Bibliographie
Mots-clés (matière)conditions de vie détenu éducation enfant jeune prison sécurité système éducatif
Mots-clés (géographie)France
Résumé Un trait caractéristique des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), nouvelles prisons réservées aux jeunes de 13 à 18 ans, réside dans l'injonction faite aux surveillants pénitentiaires et aux éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de travailler en binôme au sein des unités de vie qui composent la détention. Nous décrirons, dans un premier temps, comment ces éducateurs, plongés en milieu a priori hostile, doivent puiser dans différents registres moraux, éducatifs et pénologiques pour justifier, en pratique, leur présence en détention. Côté pénitentiaire, cette proximité renforcée avec les éducateurs risque de les cantonner encore davantage dans un pur rôle de garde, de « porte-clés ». Il s'agit alors pour eux d'imposer l'idée que le travail éducatif n'est pas l'apanage strict de leurs collègues PJJ, voire que, mutatis mutandis, ce sont eux les « vrais éducateurs ». Ils initient là un conflit de juridiction autour de l'acte d'éduquer, que nous détaillerons dans un deuxième temps. Dans un troisième temps, nous décrirons comment le système de sanction propre à l'EPM éclaire la suprématie des logiques sécuritaires en détention. En effet, d'un côté, si les surveillants peuvent mettre en avant la dimension éducative de la punition, c'est à la condition préalable de conserver le privilège de définir ce qui, en détention, est possible ou non, en empêchant notamment l'émergence de toute forme innovante ou alternative de résolution des conflits. De l'autre, les éducateurs sont pris en étau entre une logique de retrait consistant au mieux à dénoncer la manière dont le système de sanction serait par nature anti-éducatif, et une logique de réinvestissement éducatif consistant à affirmer que le respect de l'ordre pénitentiaire, aussi arbitraire soit-il, est une étape indispensable du processus de responsabilisation du détenu, actualisant à nouveaux frais la vocation disciplinaire de l'institution carcérale.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Educate and punish. Educational work, security and discipline in juvenile detention centers. One characteristic trait of prisons for minors (EPM : Établissements pénitentiaires pour mineurs) — new prisons reserved for youths aged 13 to 18 — is the requirement that prison guards and Youth Judicial Protection Service (PJJ : Protection judiciaire de la jeunesse) educators work in pairs within the housing units that make up the prison. In the first part, we will describe how these educators, plunged into the middle of what is theoretically a hostile setting, must draw upon different moral, educational and penological registers to justify, in practice, their presence in the prison. As for the penitentiary staff, this reinforced proximity with educators risks confining them even more to the pure role of guard, of « key holder ». They therefore push the idea that educational work is not strictly the prerogative of their PJJ colleagues, even that, mutatis mutandis, it is they who are the « real educators ». Thus they initiate a jurisdiction conflict revolving around the act of educating, which we will detail in the second part. In the third part, we will describe how the system of punishment in EPMs sheds light on the dominance of security-centred rationales in prison. In fact, on the one hand, if the guards are able to highlight the educational dimension of punishment, this is the prerequisite for preserving the privilege of defining what is and is not possible in prison, particularly by preventing the emergence of all new innovative or alternative forms of conflict resolution. On the other hand, educators are caught between a withdrawal rationale that at best consists in condemning the system of punishment as anti-educational by nature, and a rationale of educational reinvestment that consists in asserting that respect for prison order, arbitrary though it may be, is an indispensable step in the process of prisoner responsibilization, newly updating the disciplinary purpose of the prison institution.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RFS_543_0437