Contenu de l'article

Titre « Manger de la hanité » : la tradition musicale ouïghoure en temps de rééducation
Auteur Amy Anderson, Darren Byler
Mir@bel Revue Perspectives chinoises
Numéro no 2019/3 Mondes musicaux sinophones (1)
Rubrique / Thématique
Dossier
Page 19-29
Résumé En février 2019, deux spectacles musicaux d'envergure mettant en scène des résidents de la Région autonome ouïghoure du Xinjiang ont été largement diffusés sur les réseaux sociaux chinois. Ces deux spectacles, un gala des récoltes dans le canton de Mekit et une représentation par une enseignante ouïghoure de Qumul, montraient des Ouïghours vêtus de costumes culturels han et jouant de l'opéra de Pékin. Ces cinq dernières années, depuis le lancement de la « Guerre populaire contre le terrorisme » (People's War on Terror), l'espace dédié aux spectacles de chants et de danses traditionnels ouïghours s'est profondément réduit. Dans le même temps, celui consacré aux Ouïghours mettant en scène leur hanité (Hanness) à travers l'opéra traditionnel chinois et les chants rouges s'est considérablement accru. S'appuyant sur des données issues des médias de langues chinoise et ouïghoure, une enquête de terrain ethnographique ainsi que sur des entretiens avec des Ouïghours de la diaspora, cet article analyse l'évolution du rôle de la musique dans la vie religieuse et rituelle ouï-ghoure, retraçant la façon dont les ministères successifs de la culture ont démultiplié leurs tentatives pour détacher la musique ouïghoure de ses origines soufies islamiques, dans le but de produire une « différence autorisée » non-menaçante (Schein 2000). Depuis 2016, la campagne de rééducation du gouvernement chinois sur la société ouïghoure a intensifié cette déconnexion, encourageant jusqu'à l'effa-cement de la « différence » garantie par l'État, mettant auparavant en scène des Ouïghours parés d'exotisme et heureux. La musique traditionnelle han est en train de remplacer la musique traditionnelle ouïghoure, témoignant d'une intensification de la violence symbolique exercée à l'égard du savoir traditionnel et de l'esthétique ouïghours. À l'ère de la rééducation ouïghoure, la représentation musicale sur scène est devenue un espace dédié à des rites politiques d'allégeance à une vision nationaliste han de l'État chinois
Article en ligne http://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/10277