Contenu du sommaire : Mondes musicaux sinophones (1)

Revue Perspectives chinoises Mir@bel
Numéro no 2019/3
Titre du numéro Mondes musicaux sinophones (1)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • Inclure la musique dans les études sinophones, décentrer la musique chinoise. - Nathanel Amar p. 3-7 accès libre avec résumé
      Durant les récentes manifestations contre la loi d'extradition à Hong Kong, des musiciens populaires originaires de Hong Kong, de Taiwan et de république populaire de Chine (RPC), ont produit des chansons à la fois en faveur et contre le mouvement social. En juin 2019, plus d'une vingtaine de chanteurs et compositeurs hongkongais et taïwanais ont mis en ligne la chanson « Cheng » 撐 (« Soutien »), ou « Caang » en cantonais. La chanson, produite par le Taïwanais Blaire Ko 柯智豪, met en scène des chanteuses et chanteurs de Cantopop et activistes pro-démocratie célèbres tels que Denise Ho 何韻詩 et Anthony Wong 黃耀明, ainsi que des groupes de rock indépendants taïwanais comme The Chairman 董事長樂團 et Fire Ex 滅火器1. Les paroles, quant à elles, sont écrites par le parolier taïwanais Wu Hsiung 武雄 et le célèbre auteur-compositeur de Cantopop Albert Leung 林夕, à la fois en cantonais et mandarin. À rebours des chansons mettant en scène des chanteurs populaires de Hong Kong, Taïwan et de la RPC produites par le Parti communiste chinois (PCC) lors d'événements internationaux comme les Jeux olympiques ou l'Exposition universelle de Shanghai, cette chanson offre la possibilité aux chanteuses et chanteurs d'utiliser leur propre langue – cantonais ou mandarin taïwanais – abolissant ainsi toute forme de hiérarchie linguistique. En août 2019, le groupe de rap nationaliste chinois originaire du Sichuan CD-Rev (Tianfu shibian 天府事變), financé par la Ligue de la jeunesse communiste, a mis en ligne une chanson anti-manifestants interprétée en anglais et en mandarin, intitulée « Hong Kong's Fall » (Xianggang zhi qiu 香港之秋). Cette chanson accuse les États-Unis d'interférence dans les affaires intérieures de la Chine, et appelle l'Armée populaire de Libération à « éradiquer les terroristes » hongkongais, tout en utilisant des images issues de la chaîne de télévision d'État CGTN. Cette dernière a par ailleurs partagé la chanson sur ses réseaux sociaux accompagnée de l'accroche : « Hé les manifestants de #HongKong ! Les rappeurs chinois du continent on quelque chose à vous dire ». Des rappeurs originaires de RPC comme PG-One, VaVa ou les Higher Brothers, ont aussi partagé sur leurs réseaux sociaux des images produites par le Quotidien du peuple en soutien aux policiers hongkongais – faisant étonnamment usage de caractères chinois traditionnels. Les manifestations à Hong Kong témoignent ainsi de l'importance que prend la musique populaire en tant qu'outil stratégique dans le champ de bataille idéologique et culturel entre Hong Kong, Taiwan, la RPC et au-delà5. De nombreux ouvrages se sont penchés sur les liens entre musique et mouvements sociaux, notamment en tant qu'affirmation identitaire (Eyerman et Jamison 1998), qu'instrument de mobilisation sociale (Eyerman 2019 ; Balasinski et Mathieu 2015), ou en explorant le rôle de la musique populaire dans l'expression de « la voix des sans-voix » (Hennion 1983). Au-delà de la mobilisation politique, la musique joue un rôle crucial pour les individus dans l'exercice de leurs capacités d'agir (agency) et dans l'articulation de leurs identités (DeNora 2000). L'objet de ce premier numéro spécial sur la musique sinophone est précisément d'analyser la façon dont la musique circule et est appropriée par différents acteurs de l'univers linguistique chinois. Afin de comprendre ces circulations musicales qui transcendent les frontières nationales, nous devons faire usage d'un concept ne limitant pas la Chine et la sinité (Chineseness) au territoire géographique et politique de la RPC.
    • « La chanson de la vente d'olives »: expérience acoustique et identité cantonnaise à Canton, Hong Kong et Macao durant la séparation de 1949. - Nga Li Lam p. 9-17 accès libre avec résumé
      Cet essai examine l'identité culturelle et l'expérience acoustique partagée à Canton, Hong Kong et Macao à travers « La chanson de la vente d'olives ». Cette chanson est tirée de Siu Yuet Pak, une adaptation réalisée en 1950 de l'opéra cantonais Flamme de luxure, histoire datant de 1948, diffusée à Canton et qui devint rapidement célèbre à travers la région. À l'aide de recherches archivistiques et d'études de textes, j'expliquerai de quelle manière la chanson s'approprie l'icône culturelle de Siu Yuet-pak et réinvente la tradition consistant à « vendre des olives » tout en donnant à l'expérience de franchissement des frontières un socle de representations commun aux trois aires parlant le cantonais à une époque d'échanges fréquents, de compétitions occasionnelles et de potentielles déconnexions entre la fin des années 1940 et le début des années 1950.
    • « Manger de la hanité » : la tradition musicale ouïghoure en temps de rééducation - Amy Anderson, Darren Byler p. 19-29 accès libre avec résumé
      En février 2019, deux spectacles musicaux d'envergure mettant en scène des résidents de la Région autonome ouïghoure du Xinjiang ont été largement diffusés sur les réseaux sociaux chinois. Ces deux spectacles, un gala des récoltes dans le canton de Mekit et une représentation par une enseignante ouïghoure de Qumul, montraient des Ouïghours vêtus de costumes culturels han et jouant de l'opéra de Pékin. Ces cinq dernières années, depuis le lancement de la « Guerre populaire contre le terrorisme » (People's War on Terror), l'espace dédié aux spectacles de chants et de danses traditionnels ouïghours s'est profondément réduit. Dans le même temps, celui consacré aux Ouïghours mettant en scène leur hanité (Hanness) à travers l'opéra traditionnel chinois et les chants rouges s'est considérablement accru. S'appuyant sur des données issues des médias de langues chinoise et ouïghoure, une enquête de terrain ethnographique ainsi que sur des entretiens avec des Ouïghours de la diaspora, cet article analyse l'évolution du rôle de la musique dans la vie religieuse et rituelle ouï-ghoure, retraçant la façon dont les ministères successifs de la culture ont démultiplié leurs tentatives pour détacher la musique ouïghoure de ses origines soufies islamiques, dans le but de produire une « différence autorisée » non-menaçante (Schein 2000). Depuis 2016, la campagne de rééducation du gouvernement chinois sur la société ouïghoure a intensifié cette déconnexion, encourageant jusqu'à l'effa-cement de la « différence » garantie par l'État, mettant auparavant en scène des Ouïghours parés d'exotisme et heureux. La musique traditionnelle han est en train de remplacer la musique traditionnelle ouïghoure, témoignant d'une intensification de la violence symbolique exercée à l'égard du savoir traditionnel et de l'esthétique ouïghours. À l'ère de la rééducation ouïghoure, la représentation musicale sur scène est devenue un espace dédié à des rites politiques d'allégeance à une vision nationaliste han de l'État chinois
    • Construire un conservatoire aux caractéristiques chinoises et de premier ordre mondial. Rhétorique d'une institution musicale chinoise - Eugénier Grenier-Borel p. 31-39 accès libre avec résumé
      Le Conservatoire de musique de Shanghai a pour vocation principale de produire, au terme d'un parcours hautement compéti-tif, des interprètes de « musique classique occidentale » de niveau international. Le processus de « globalisation » passe par le déploie-ment d'efforts particuliers, à la fois plus explicites et plus développés que dans les Conservatoires européens ou américains, pour inter-nationaliser la formation. Cette apparente disparition des différences d'un modèle globalisé est néanmoins plus subtile qu'il n'y paraît. La globalisation est partielle et ciblée et surtout, elle va de pair avec une forme d'appropriation passant par deux mécanismes distincts : l'un consacré au développement et à la transmission d'un savoir-faire internationalisé dans l'interprétation, l'autre dévolu à la composition de pièces comportant des caractéristiques chinoises, qui mettent en musique un discours nationaliste.
    • « Bang Bang Bang » – Absurdité ou langue alternative ? Le paysage linguistique de l'adaptation chinoise/du remake chinois de I Am a Singer - Tian Li p. 41-50 accès libre avec résumé
      À travers l'analyse de l'adaptation chinoise du programme télévisé coréen I Am a Singer , cet article étudie la manière dont une émission musicale chinoise de télé-réalité met en œuvre et représente l'émergence de nouvelles exigences esthétiques pour la déterri-torialisation de ce que nous appellerons le « paysage linguistique », ce paysage évolutif des langues qui se mêle aux langues nationales standardisées et s'en libère. Il analyse également la manière dont ce paysage interagit avec la négociation affective qui s'opère au cours de la traduction ou de la transplantation dans le contexte de déterritorialisation culturelle. Cette émission musicale sino-coréenne té-moigne d'imaginaires non-ethno-centrés qui traversent les frontières nationales et idéologiques sanctionnées par l'État. Le paysage lin-guistique effectue une négociation affective et transcende le système linguistique officiel pour créer un processus à travers lequel une communication authentique devient possible à l'ère du numérique.
  • Article

    • Politiques de l'imagination à Formose : contester le multi-culturalisme, les traditions et la mémoire historique dans Ten Years Taiwan - Justin Wu p. 51-59 accès libre avec résumé
      Cet article s'appuie sur le film Ten Years Taiwan (2018) pour mettre en évidence trois enjeux apparemment mineurs quoique urgents de la société taïwanaise contemporaine : le dilemme du multiculturalisme, la préservation des traditions et le rôle de la mémoire historique. Contrairement au film Ten Years (2015) consacré à Hong Kong et qui porte notamment sur les tensions politiques et culturelles entre la Chine et l'ancienne colonie britannique, Ten Years Taiwan met en relief le quotidien de différents groupes sociaux à Taiwan, tels que les autochtones, les travailleurs migrants et les habitants des zones rurales. À travers les expériences vécues par ces populations et tout en abordant indirectement les problèmes politiques connexes, Ten Years Taiwan invite le public à repenser la signification d'une société « taïwanaise », suscitant ainsi des questions sur la façon dont Taiwan doit évoluer en tant que société.
  • Actualités

    • Le rôle des urbanistes dans l'aménagement des communautés résidentielles - Liao Liao, Chong Zhang, Jianfeng Feng p. 60-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La gouvernance participative est devenue un mode de gouvernance prédominant dans le monde depuis les années 1990, y compris dans des contextes non démocratiques. En novembre 2002, la notion de gouvernance participative a été intégrée par les autori-tés chinoises à l'issue du 16e Congrès national du Parti communiste chinois (PCC). Depuis 2010, de nombreuses expériences de gouver-nance participative, allant de la gestion du budget à la planification, ont été mises en œuvre en Chine. Cet article étudie le développe-ment spécifique de la gouvernance participative en Chine à travers le rôle des urbanistes. Il aborde dans un premier temps le contexte du développement de la participation publique au niveau local, tout en analysant l'émergence de la planification participative et ses impli-cations. Il examine ensuite le rôle des urbanistes dans la planification participative. L'article est plus particulièrement consacré à l'évolu-tion de la gouvernance locale, et notamment au cas de la gouvernance communautaire, dans les communautés résidentielles. Dans les dernières parties, l'article analyse le rôle de médiateur des urbanistes dans la participation et détaille les approches plus théoriques du modèle. Il discute en conclusion des expériences participatives chinoises
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    • Une brève généalogie du Hanmai - Ge Zhang, Jian Xu p. 67-72 accès libre avec résumé
      C'est d'abord comme un son à part que le hanmai 喊麦, littéralement « hurler dans un micro », s'est fait connaître du public, lorsqu'en 2015 il gagnait en popularité et en notoriété. À cette époque, les plateformes de flux vidéo en direct comme YY (crée en 2008 en tant que client de messagerie vocale) ont connu une croissance exponentielle1. Le hanmai contemporain est donc en grande partie lié aux médias de diffusion de flux en direct2. Cependant, on peut retracer ses origines à une date bien antérieure. La culture de ce son peut se rattacher au contexte plus large de la réforme du marché et à l'émergence de la musique disco dans les années 1990, mais également à l'évolution de la culture populaire du Nord-Est (Dongbei 東北) à la même époque. L'art du parlé-chanté (spoken word) du Dongbei a profondément façonné la structure des paroles du hanmai et ses représentations, tandis que le contenu des paroles a progressivement évolué, passant de textes inspirés de la culture dance emplis de désirs hédonistes de la fin des années 1990 jusqu'au début des années 2000, à des textes inspirés de la culture des flux vidéo en direct, évacuant les frustrations causées par des désirs insatisfaits. D'autre part, d'un point de vue socio-technologique, la culture hanmai s'est d'abord développée autour de la commercialisation de CD de compilations piratées, puis s'est déplacée vers QQzone (la version de Tencent d'un site communautaire de blogs similaire à Myspace) au fil des années 2000. Il s'est réinventée à travers la culture Internet, d'abord sur les premiers portails de partage devidéos comme Acfun et également grâce aux web fictions populaires, et a finalement (ré)-émergé sur YY comme une réitération contemporaine du hanmai. Cet article a pour but de retracer la généalogie du hanmai, en tenant compte des trajectoires divergentes, des parallèles, et des réitérations de ce style particulier de son dans la société chinoise à partir des années 1990.
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  • Comptes rendus de lectures