Contenu du sommaire : Propagandes en démocratie
Revue | Quaderni |
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Numéro | N°72, printemps 2010 |
Titre du numéro | Propagandes en démocratie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Propagandes en démocratie
- Avant-propos : la propagande revisitée - Emmanuel Taïeb p. 5 Nombre de parutions récentes ont entrepris d'étudier la propagande en repartant de l'état de la question tel qu'il était dans la première moitié du XXe siècle, tout en reconduisant la péjoration du terme. La réactivation de la notion de propagande y est utilisée comme une voie d'entrée vers une critique idéologique renouvelée des médias, de la communication, et au fond du libéralisme économique. Mais ce « retour de la propagande » paraît surtout construit par les études mêmes qui lui sont consacrées. L'analyse de ce phénomène peut cependant sortir de cette labellisation pour constater d'une part un épuisement de la propagande en démocratie, et d'autre part les limites de ces travaux normatifs et mécanicistes. À côté de la classique étude de contenu, l'article plaide pour une meilleure prise en compte analytique des émetteurs de messages, des institutions qui en sont chargées, des politiques qui les fondent, et de la configuration entre formes de communication, champ médiatique et destinataires de ces messages, dans les sociétés pluralistes.Most of the recent publications on propaganda go back to the level of knowledge of the first half of the XXth century, and emphasise the pejorative nature of the term. This reactivation of the notion of propaganda is used as a path towards a renewed ideological criticism of the media, of communication, and of economic liberalism. But this « return of propaganda » seems above all constructed by these analyses themselves. However, the study of this phenomenon can leave this « labeling » behind to establish on the one hand the exhaustion of propaganda in democracies, and on the other hand the limits of these normative and mechanistic studies. This paper argues in favour of analyses which take into account the sources of messages, the institutions in charge of their broadcasting, their founding policies, and the interlinking of forms of communication, media-related ?fields and bene?ciaries of those messages in open societies.
- "Haro sur l'affichage !" Agir par écrit contre la publicité dans l'espace public parisien - Clara Lamireau p. 19 Cet article propose une analyse du phénomène des graffitis anti-publicitaires à travers une enquête réalisée auprès du collectif des Déboulonneurs, rassemblant des militants spécialisés dans les actions médiatiques réalisées à visage découvert. L'étude d'une action spécifique mise Enfin œuvre par ce collectif (les « barbouillages ») met enfin évidence la façon dont ces militants inscrivent leur lutte contre ce qui est désigné comme une « pollution visuelle » dans l'espace physique de la ville. Les « barbouillages », dont le but officiel est de modifier la loi sur l'affichage publicitaire, sont construits comme des événements publics. Deux aspects de cette mise Enfin scène de l'écrit dans l'espace urbain seront ici explorés. D'une part, dans le rapport aux forces de l'ordre, dont la présence systématique est prise Enfin considération à travers l'énonciation de principes de non-violence. D'autre part, dans la circulation de l'écriture exposée contestataire, maîtrisée à destination des médias. Nous verrons Enfin comment ces actions reposent sur l'attribution d'une force à l'écriture exposée.This article proposes an analysis of the phenomenon of anti-advertising graffitis, through an inquiry carried out within the collective of Déboulonneurs. This group assembles french activists specialized in openly realized media actions. The study of a specific action by this collective (the “scribblings”) highlights the way these activists expose their fight against a “visual pollution” in the physical space of cities. Those “scribblings”, which official goal is to modify advertising laws, are constructed as public events. Two aspects of this writing performance in the urban space will be investigated here. On one hand, the relationship with police forces, whose systematic presence is taken into consideration by setting nonviolence principles. On the other hand, the circulation of protest writings, especially designed for the media. Finally, we will see how these actions are based on the attribution of a strength to the exposed writing.
- Storelling : une nouvelle propagande par le récit ? - Benjamin Berut p. 31 En France, le storytelling est maintenant connu comme une propagande parfaite qui peut être utilisée par les leaders politiques pour contrôler l'opinion publique. Cette vision est, en fait, une vision politique qui a été intégrée en France par Christian Salmon et son livre. Le but de cette contribution est alors de comprendre les logiques sous-jacentes de cette interprétation pour voir l'analyse du storytelling comme une façon de comprendre comment la politique prend part à la construction des valeurs d'une société.In France, the storytelling is now well known as a perfect propaganda that can be used by the political leaders to control the public opinion. This vision is, in fact, a political vision that was integrated in France by Christian Salmon and his book. The aim of this contribution is then to understand the subjacent logics of this interpretation to see the analysis of the storytelling as a way to understand how policy takes part in the construction of the values of a society.
- Les médiamorphoses du (néo)libéralisme. Propagande, idéologie dominante, pensée unique - Geoffrey Geuens p. 47 Forme impalpable de l'idéologie, la « ?pensée unique? » (néo)libérale est le symbole d'un marché désincarné et sans visage, évoquant une représentation insaisissable du pouvoir, entre dispersion et disparition, dissémination et dissolution? ; l'exact opposé, en quelque sorte, de l'imaginaire propagandiste en tant qu'il renvoie lui à une représentation instrumentaliste et intentionnaliste du pouvoir. Agissant par simple contagion, sans médiation institutionnelle, la « ?pensée unique? », concept anhistorique et anti-sociologique, procède donc d'une forme d'aliénation de l'idéologie. La présente contribution montre également comment, confondant un système économique avec sa justification philosophique, adversaires et tenants de la globalisation (néo)libérale, se révèlent être les deux pôles d'un même discours englobant. En ce sens, si l'utopie de la société de marché est étrangère au capitalisme réel, elle remplit néanmoins une fonction bien précise : confondre ce dernier avec sa justification philosophique, qu'on la qualifie de propagande, d'idéologie dominante ou encore de « ?pensée unique? ».Intangible form of ideology, the (neo)liberal « ?single thought? » is the symbol of a disembodied and faceless market, evoking an elusive representation of power, between dispersal, extinction and dissolution ; the exact opposite, in somehow, of the propagandist imaginary linked with an instrumentalist and intentionalist representation of power. Acting by mere contagion, without institutional mediation, the « ?single thought? », ahistorical and anti-sociological concept, is a form of alienation of ideology. This paper also shows how confusing an economic system with its philosophical justification, opponents and proponents of (neo)liberal globalization appear to be the two poles of the same encompassing speech. In this sense, if the utopia of market society is alien to real capitalism, it still fulfills a specific function : to confuse the latter with its philosophical justification described as propaganda, dominant ideology or even « ?single thought? ».
- L'interrogation sur la compétence politique en 2007 : une question de genre ? - Aurélie Olivesi p. 59 La question de la compétence des candidats à l'élection présidentielle, largement évoquée dans le compte rendu médiatique de la campagne, concerne principalement, comme le révèle une analyse lexicale, Ségolène Royal et les autres femmes politiques – ce qui amène à s'interroger sur la place jouée par le genre dans ce questionnement. Or, par-delà l'usage stratégique de l'argument de genre par les soutiens et les opposants de Ségolène Royal (l'évocation de son identité féminine sert-elle à expliquer ou à infirmer les propos sur son incompétence? ?), c'est au sein même des attaques de ses adversaires – à travers, d'une part, les thèmes sur lesquels portent ces critiques et, d'autre part, le recours à l'argument méritocratique – que la dimension de genre du questionnement sur la compétence peut être identifiée : si les propos sur l'incompétence de Ségolène Royal semblent neutres du point de vue explicite, l'argument de genre y est toutefois présent implicitement.During the 2007 presidential campaign in France, the competence of the candidates was a key issue in the media – especially in discussions of Segolène Royal and other female candidates. The lexical discrepancies between treatments of male and female candidates raises the question of whether the competence issue is gender-biased. As a matter of fact, the gender argument has been used strategically by both supporters and opponents of Royal (is she called incompetent just because she is a woman, as supporters claim – or do her supporters use her gender to mask her incompetence, as opponents claim ?). However, even when her opponents use seemingly gender-neutral language in their attacks on Royal's competence, their claims that women must earn their place in the political arena and their use of traditional gender stereotypes constitute an implicit gender bias.
- Des usages de la vie privée dans la (dé)légitimation politique - Fabrice d'Almeida p. 75 La vie privée est devenue progressivement objet d'attention pour les médias et les leaders partisans. En montrant leur existence quotidienne, les femmes et les hommes politiques ont tenté d'affirmer la qualité intrinsèque de leur être. Une manière, en somme, de se donner une légitimité assise sur la supériorité de leur naturel. A contrario, les attaques sur la vie privée sont donc devenues un moyen aisé pour délégitimer une personne publique.Private life is nowadays a major way to make up and assert the political legitimity of a leader. By showing their everyday life, their family and their leisures and pleasures, politicians pretend to give the true nature of their being. Therefore is it easy for their opponents to delegitimate them, by intruding their privacy.
- De l'opposition entre "propagande" et "communication politique" à la définition de la politique du discours : proposition d'une catégorie analytique - Caroline Ollivier-Yaniv p. 87 Cet article revient sur l'opposition, naturalisée, entre « propagande » et « ?communication publique? ». L'interdiction de l'une comme la promotion de l'autre relève d'une conception idéale du fonctionnement de la sphère publique démocratique. Partant de cette analyse, l'article propose une catégorie analytique et empirique qui permet de définir les pratiques, diversifiées et rationalisées, qui constituent la communication de l'État contemporaine, en tant qu'elle est un instrument de l'action publique? : la politique du discours.This paper focuses on the social and political opposition between « ?propaganda? » and « ?public communication? ». The first one would be forbidden although the second one would be a necessity? : both are normative and due to an ideal conception of democracy. Consequently, the paper proposes another category, empiric and theoretically grounded, to define the professional and rational activities in communication of the modern State, which is part of public activity? : the policy of discourse.
- Avant-propos : la propagande revisitée - Emmanuel Taïeb p. 5
Politique
- Les territoires numériques : au-delà de l'information localisée, l'hospitalité au fil des écrans ? - Dominique Pagès p. 101 L'article propose de questionner la place des services, des réseaux et plus avant de la culture numérique dans l'affirmation des territoires des métropoles et de leur capacité à créer du « vivre ensemble ». La métropolisation est un processus intensifié et amplifié par le numérique, de telle manière qu'on parle parfois de « territoire numérique », c'est-à-dire d'un territoire dont le déploiement et le fonctionnement passent par les supports numériques et plus particulièrement par ceux qui facilitent la mobilité. Ces territoires « numériquement accompagnés » sont-ils source de nouvelles formes d'être ensemble, de sociabilités renouvelées ? Favorisent-ils ce passage d'une urbanité relativement codifiée à une métropolité inédite ?The article proposes to question the place of services, networks and further digital culture in the affirmation of the territories of cities and their ability to create "living together". Metropolization is a process intensified and amplified by digital technology, so we sometimes called "digital territory", that is to say, a territory whose deployment and operation pass through the digital media and more particularly those that facilitate mobility. These territories "numerically accompanied" are they a source of new forms of being together, sociability renewed ? Do they promote the transition from a relatively codified in an urban metropolitan novel ?
- "Tous journalistes" ! Les professionnels de l'information face à un mythe des nouvelles technologies - Michel Mathien p. 113 Le « tout information », comme le « tout communication » résultant d'une idéologie de la transparence et de la liberté d'expression sans limite, nés de la convergence numérique des supports électroniques, a conduit au mythe de « tous journalistes ». Et celui-ci nourrit bien des illusions sur les comportements des acteurs sociaux, politiques et économiques, ainsi que sur le tout un chacun en tant qu'acteur de l'information participative. Dans la « société de l'information » tout le monde peut-il donc se prétendre journaliste ? Or, manifestement, par rapport aux fonctions sociales assurées dans la société par les journalistes via les médias historiques, la somme des blogs ne saurait constituer un nouvel espace public. Dans le contexte des mutations technologiques, des usages nouveaux ou détournés par les promoteurs comme par les usagers, les motifs ne manquent pas pour que les journalistes se repositionnent en tant que « professionnels » dans un système social démocratique. L'avenir du journalisme participant pleinement des débats sociétaux, il ne saurait rester confiné dans le seul champ clos des « partenaires sociaux ».The "all information" as "any communication" resulting from an ideology of transparency and freedom of expression without limits, born of the digital convergence of electronic media has led to the myth of "all journalists". And it feeds many illusions about the behavior of social, political and economic, as well as on everyone as a player in participative information. In the "information society" everybody can therefore claim to be a journalist ?Now, obviously, compared to the social functions performed in society by journalists through media history, the sum of blogs do not constitute a new public space. In the context of technological change, new uses or hijacked by developers and by the users, the reasons are not lacking for journalists to reposition themselves as "professionals" in a democratic social system. The future of journalism participating fully of societal debates, it does not remain confined to the only closed field of "social partners".
- Les territoires numériques : au-delà de l'information localisée, l'hospitalité au fil des écrans ? - Dominique Pagès p. 101