Contenu du sommaire : Les classes populaires dans l'enseignement supérieur
Revue | Actes de la recherche en sciences sociales |
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Numéro | no 183, juin 2010 |
Titre du numéro | Les classes populaires dans l'enseignement supérieur |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- « 30 % de boursiers » en grande école..et après ? - Beaud Stéphane, Convert Bernard p. 4-13
- Espace de l'enseignement supérieur et stratégies étudiantes - Convert Bernard p. 14-31 Alors qu'environ la moitié d'une classe d'âge accède aujourd'hui à l'enseignement supérieur, la répartition des effectifs selon les disciplines permet d'analyser les stratégies des étudiants. L'attrait des enseignements professionnalisés s'exerce plutôt sur les moins bons des bacheliers. Au sein des disciplines universitaires, s'opposent des disciplines « professionnelles » et des disciplines tournées vers l'enseignement, des disciplines demandant des prérequis et des « filières-refuges » qui n'en exigent pas. Dans chaque sous-champ disciplinaire, persistent des inégalités en fonction des origines sociales, scolaires et du genre.The analysis of the distribution of students among the different curricula and disciplines of higher education during the first five years of university makes it possible to specify the functions of these curricula within the educational strategies followed by students, at a time when approximately half of an age group is granted access to higher education. The idea that the university would be undermined by the competition between curricula based upon initial selection must be nuanced. The competition it faces from vocational training is strong, but it is most effective when weaker freshmen are concerned. The disciplines are thus distributed within a field where “vocational” curricula, whether traditional (medical school, law) or more recent, are opposed to disciplines geared toward teaching. Another opposition exists between disciplines requiring a specific prior training (arts and sciences) and those requiring none (such as artistic disciplines), while others (in particular the social sciences) are frequently the default curriculum for students coming from modest social backgrounds. Each disciplinary subfield is characterized by persistent social, educational and gender hierarchies.
- Le choix du BTS. Entre construction et encadrement des aspirations des bacheliers d'origine populaire - Orange Sophie p. 32-47 La sélection et la professionnalisation sont aujourd'hui présentées comme des réponses possibles aux taux importants d'échecs et d'abandons dans le premier cycle universitaire. Cet article étudie la construction des aspirations scolaires et du recrutement des formations qui, comme les sections de techniciens supérieurs, accueillent une part importante des bacheliers technologiques et les professionnels d'origine populaire. Il analyse notamment l'entrée dans ces filières comme le double produit de l'encadrement des ambitions scolaires de bacheliers d'origine populaire et de mécanismes de recrutement spécifiques.Selections and professionalization are today presented as possible answers to the high failure and drop-out rates of undergraduates, in particular in vocational schools training specialized technicians. These vocational programs take in the bulk of the “new students” reaching higher education, i.e. students with modest social background, and students with a technological or vocational baccalauréat. By analyzing jointly the prior construction of these educational aspirations and the recruitment at the entrance of these programs, the paper shows how the educational system shapes these “elective” educational choices. Enrollment in these programs then appears as the product of the regulation of the educational ambitions of freshmen coming from modest social backgrounds on the one hand, and of their socially and educationally situated recruitment on the other.
- Déscolarisation universitaire et rationalités étudiantes - Garcia Sandrine p. 48-57 Cet article confronte les dispositifs mis en œuvre à l'université pour combattre les taux d'échec avec les rationalités étudiantes et, en particulier, le rapport à la contrainte résultant de leur trajectoire scolaire antérieure. Il n'est pas vrai que « l'université produit de l'échec » ; elle s'avère plutôt incapable de scolariser les étudiants qui la choisissent par défaut, de leur faire incorporer les dispositions « laborieuses » qui, en cas de faible capital scolaire à l'entrée, conditionnent la réussite à l'université. Au total, l'article montre que le modèle de la responsabilité individuelle de l'étudiant relève d'un choix politique.This paper focuses on the policies implemented by universities in order to counteract the failure rates denounced by public authorities. It compares these policies with the rational constraints faced by students, and in particular with the constraints resulting from a prior educational trajectory. It challenges the idea that “universities generate failure”: universities are unable to integrate students who enroll in college because they have no other alternative, and fail to assist them in internalizing dispositions toward “hard work.” Such dispositions are not equally necessary for success, but they are sorely lacking when students have only little educational capital at their disposal when they enroll in college. In the end, the paper suggests that student responsibility is the product of a specifically political choice, which is not the most conducive to the democratization of higher education.
- L'emploi étudiant et les inégalités sociales dans l'enseignement supérieur - Pinto Vanessa p. 58-71 Malgré la « massification », les inégalités sociales devant l'enseignement supérieur perdurent. Elles sont de surcroît renforcées par l'exercice, au cours des années d'études, d'activités rémunérées dont les modalités, le contenu et les effets sur la scolarité varient sensiblement. Grâce à une enquête qui utilise conjointement des données statistiques et des enquêtes ethnographiques, cet article identifie plusieurs logiques polaires qui renvoient, chacune, à des formes d'articulations particulières entre emploi et études et à des rapports à l'avenir différents.Despite a “massification” of the student population, access to higher education is still determined by social inequalities: depending on their class background, young people face variable chances not only of becoming students, but also of reaching the more advanced diplomas and the curricula leading toward the highest social positions. Such inequalities are strengthened by the reliance, throughout the university years, on student jobs that vary enormously in terms of their nature and their impact on student performance. Illustrated by statistical data, this social differentiation of student jobs becomes particularly salient when ethnographic surveys contribute to fleshing out the ways in which students make use of these jobs. The paper outlines several distinct logics, which correspond to different types of linkage between the university and the job market and to different ways of envisaging the future. This suggest how these forms of “professional experience” contribute to reproducing social inequalities.
- « Le CAPES ou rien ? ». Parcours scolaires, aspirations sociales et insertions professionnelles du « haut » des enfants de la démocratisation scolaire - Hugrée Cédric p. 72-85 Cet article sur la « génération des enfants de la démocratisation » montre les hiérarchies sociales et scolaires qui structurent aujourd'hui le parcours des étudiants d'origine populaire dans l'enseignement supérieur. Il analyse notamment l'insertion des diplômé-e-s d'origine populaire dans la fonction publique comme une conversion de scolarités honorables en mobilités sociales raisonnables. En rappelant le poids des déterminants sociaux et scolaires dans les (dé)classements de cette fraction de la jeunesse populaire, il rend compte des médiations qui construisent ces parcours ascensionnels.This paper focuses on the different strata formed by the “children of educational democratization” and emphasizes the social and educational hierarchies that structure the pursuit of higher education diplomas by students with a modest social background. The ethnographic survey of graduates from the lower middle classes reveals that what is at stake in their entrance in public service professions is the conversion of respectable studies into reasonable social mobility. By recalling the weight of social and educational determinants in the status achievements or status decline of this specific fraction of lower middle class youth, this survey sheds light on the mediations that inform upward mobility and on the social conditions that shape the subjective assessment of the social distance that separates these graduates from their parents.
- Les déplacés de l'« ouverture sociale ». Sociologie d'une expérimentation scolaire - Pasquali Paul p. 86-105 Les débats français autour de l'ouverture du recrutement social des grandes écoles et des classes préparatoires occultant souvent l'expérience des élèves bénéficiaires de ces politiques, cet article étudie l'émergence des dispositifs d'ouverture sociale à travers une classe préparatoire expérimentale de bacheliers venant de ZEP. Il montre en particulier les rapports ambivalents que ces élèves à la réussite statistiquement improbable entretiennent avec leurs univers sociaux d'origine et d'accueil, et les pratiques, compromis symboliques qui leur permettent de résoudre les tensions et contradictions auxquelles ils sont confrontés.The debates that have been taking place in France for the past ten years around the social enlargement of the recruitment pool of the grandes écoles and the classes préparatoires have focused on ethical or statistical issues, thus obscuring the experiences of the beneficiaries of these policies implemented in elite curricula. Based on a study of the emergence of these mechanisms ensuring an enlarged social recruitment, and more specifically of the students and teachers of an experimental classe préparatoire (specifically designed for students coming from difficult schooling districts), the paper questions the ambivalent ways in which the students, because of their statistically implausible success, relate to their own social background (neighborhood, peers, family) and to their new social context (the new school, its “atmosphere,” its students and its teachers). It first focuses on the emergence of these recent policies promoting a social diversification of recruitment and on the circumstances under which the experimental classe préparatoire was created. After emphasizing the tensions and the contradictions that the students face before and after the year they spend in this program, the paper looks at the practices and the symbolic compromises that allow them to find their position within the social universes to which they belong.
- Le comblement inachevé des écarts sociaux. Trajectoire scolaire et devenir professionnel des élèves boursiers d'HEC et de l'ESSEC - Lambert Anne p. 106-124 À partir d'une enquête ethnographique auprès de boursiers d'écoles de commerce, cet article analyse les trajectoires scolaires et professionnelles des « miraculés » qui, très minoritaires dans les grandes écoles françaises, sont issus de milieux populaires. Analysés dans le détail, leurs parcours montrent les difficultés pour des élèves sur-mobilisés scolairement à convertir leurs dispositions scolaires en dispositions managériales. Après l'obtention du diplôme, même quand les classements scolaires leur sont favorables, les « miraculés » sont loin de choisir les métiers les plus élevés dans la hiérarchie sociale et salariale des écoles de commerce.On the basis of an ethnographic survey of students admitted through a scholarship in two of the most prestigious French business schools, HEC and ESSEC, this paper reconsiders the questions of the educational trajectory and professional career of these beneficiaries of an “educational miracle.” If the students from modest social backgrounds are still an extremely small minority within the best business schools, their educational trajectories are rather surprising and therefore deserve to be analyzed. They reveal the relative difficulty with which these students, who are over-mobilized at school, convert their educational dispositions in managerial dispositions as they get into business school, in an entirely new institutional and normative framework. The analysis of their professional outlets also suggests that the disparities between social classes are not yet reduced: even as their performance locates these deserving students high in the rankings, they are far from choosing the jobs that are at the most rewarding in terms of social prestige and income.