Contenu du sommaire
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | Vol. 14, 3, 1983 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La Chine: Une économie en mouvement
Articles
- Les politiques économiques de la démaoïsation (1977-1982) - Yves Chevrier p. 5-74 La démaoïsation a permis de refondre les structures de l'économie chinoise, mais de manière différente suivant les secteurs, avec une réussite inégale et suivant un processus contrasté qu'on peut analyser en trois temps. Après une phase de compromis avec la tendance néo-maoïste, qui oblige le camp pragmatique conduit par Deng Xiaoping à reprendre en partie l'héritage économique maoïste (1977-78), s'affirme une phase de rééquilibrage et de restructuration dans l'industrie, en particulier par une réforme ambitieuse mais progressive de la gestion des entreprises et de la planification centralisée (1979-80). Mais ce spasme réformiste (qui coïcide avec la prise du pouvoir par les pragmatistes) se résorbe rapidement (dès 1981) en raison de dérapages inflationnistes et budgétaires, tandis que s'affirme une profonde réforme des structures agricoles collectives, entreprise simultanément mais plus discrètement. Cette stratégie de réforme à la périphérie du système commande à la phase de stabilisation qui semble prévaloir à l'heure actuelle grâce à un compromis entre tendance «volontariste» et tendance « réformiste » au sein de la coalition régnante. Le renouveau depuis 1982 de l'ouverture sur l'extérieur, afin de renforcer et de financer (partiellement) un développement qui se veut désormais plus « intensif» (ou « qualitatif»), va de pair avec cette approche, qu'on pourrait dire celle d'une «néo-NEP». Dans cette perspective, la véritable réforme structurelle de l'économie chinoise a eu lieu et continue d'avoir lieu dans le secteur agricole ; le camp pragmatique s'identifie moins à la réforme industrielle (qui s'en prend trop directement aux assises mêmes du régime) qu'à ce type de réformes « à la marge ». Reste que le triple parti de l'ouverture, du développement intensif et de la décollectivi- sation rurale fait peser de lourdes incertitudes sur la stabilisation politique, d'autant que la stratégie d'augmentation des revenus suivie depuis 1978 est inégalitaire et coûteuse, c'est-à-dire limitée. Ces incertitudes sont celles-là mêmes qui font de toute politique de modernisation visant à renforcer le statu quo social au moyen de réformes économiques un exercice précaire. Néanmoins, les urgences démo-économiques de l'après-Mao incitent les modernisateurs chinois à maintenir le cap réformiste dans les faits (en sus de la simple rhétorique réformiste, qui fait désormais partie de la gestion du système). L'article s'interroge pour finir sur le type de « modèle » auquel aboutissent les réformes chinoises en fonction des capacités d'adaptation du système et des expériences d'adaptations passées (NEP soviétique) ou actuelles (Hongrie).The Economies of Demaoization (1977-1982). Demaoization allowed the structures of the Chinese economy to be remolded - but, in different ways in different sectors, with unequal success, and according to a contrasted process that can be analyzed in three periods. After a compromise phase of neo-Maoist tendency, which obliged the pragmatic camp lead by Deng Xiaoping to partially retrieve Maoism's economic legacy (1977-1978), an industrial rebalancing and restructuration phase took shape, in particular by an ambitious and progressive reform of the management of enterprises and of centralized planning (1979-1980). But this reformist spasm, which coincided with the pragmatists' coming to power, rapidly retreated (starting from 1981) due to price increases and budget deficits, while at the same time, though more discreetely, a deep reform of collective agricultural structures was undertaken. This strategy of reform at the system's edge governs the stabilization phase which seems to currently prevail thanks to a compromise between « volontarist » and « reformist » tendencies within the ruling coalition. The renewal, since 1982, of foreign contacts, in order to reinforce and (partially) finance development which would henceforth be more « intensive » (or « qualitative »), goes hand in hand with this approach, which could be called « neo-NEP ». In this perspective, the real structural reform of the Chinese economy has occurred and continues to occur in the agricultural sector. The pragmatic camp identifies itself less with industrial reform, seen as too delicate to handle (directly touching the regime's very underpinnings), than with this type of pooled reform. The fact remains that the triple wager ? of opening-up to the outside, of intensive development, and of rural de-collectivization ? has burdened political stabilization with great uncertainty, all the more so in that the strategy of revenue increases followed since 1978 has been inequal and costly, and thus limited. These are the very uncertainties which make any modernization policy meant to reinforce the social status quo by means of economic reforms a precarious exercise. Nonetheless, demo-economic urgencies of the post-Mao period have prompted the Chinese modemizers to maintain the reformist drive (over and above simple reformist rhetoric, which is herein part of the system's management). The article concludes by questionning the type of « model » the Chinese reforms are heading towards in terms of the system's adaptative capacities and past experiences (Soviet NEP) or present ones (Hungary).
- La réforme des finances locales en Chine, 1979-1982 - Philippe Aguignier p. 75-91 Le gouvernement chinois a tenté de réformer les processus budgétaires qui régissent les relations financières entre gouvernement central et gouvernements provinciaux. L'ancien système, mis en place vers 1952, avait l'avantage de permettre à l'Etat de redistribuer les ressources financières des provinces riches vers les provinces pauvres, mais il n'incitait pas les gouvernements locaux à gérer rigoureusement leur budget. La réforme de 1979 avait pour but de corriger cela en accordant plus d'autonomie aux autorités locales mais, victime en partie des effets de la politique de réajustement, elle a créé plus de problèmes qu'elle n'en a résolu : aggravation des déficits budgétaires, flambée des investissements hors budget, exacerbation des disparités régionales. Aussi le gouvernement, sans abandonner ouvertement le principe de la réforme, a introduit dès 1980 des dispositions financières qui la vident pratiquement de toute substance. Enfin, certains éléments d'information incitent à s'interroger sur l'origine de cette réforme : volonté ? comme il était proclamé ? d'améliorer le fonctionnement de l'économie ou simple concession aux intérêts provinciaux ?The reform of local finances in China, 1979-1982. The Chinese authorities have tried to reform the budgetary procedures governing financial relations between the central government and those of the provinces. The advantage of the old system, dating from about 1952, was that it enabled the State to channel some of the financial resources of the richer provinces towards the poorer ones, but this gave no incentive to local governments to monitor their own budgets strictly. The 1979 reform aimed at correcting this defect by affording a greater degree of autonomy to local authorities but, suffering in part from the efiects of the policy of readjustment, it created more problems than it solved, for example by causing worsening budget deficits, rocketing extra-budgetary investments, and an aggravation of existing local disparities. Therefore, the government, while not openly abandoning the principle of reform, adopted certain financial measures in 1980 which in practice rob it of all substance. Be that as it may, certain sectors of informed opinion are now questioning the origins of this reform : was it, as stated, a desire for economic improvement, or simply a concession to the provincial interests ?
- Quelques aspects de la centralisation et de la décentralisation dans l'économie chinoise avant la mort de Mao Tse-Toung - Gianni Salvini p. 93-101 Le système centralisé a fait ses preuves en Chine mais la stratégie de ces deux dernières décennies a été vivement critiquée pour son manque d'efficacité. Des voix se sont élevées pour prôner notamment une plus grande autonomie des entreprises. L'auteur analyse certaines des caractéristiques de la planification chinoise, du premier plan quinquennal à 1975, dans le domaine industriel notamment, ainsi que les réformes de type décentralisateur lancées par Mao en 1958. La réalité montre, cependant, que le pouvoir du gouvernement central est resté considérable en matière de planification de la production, d'allocation des ressources, de répartition des investissements de sorte que l'assimilation rapide des techniques modernes ? problème clé de l'économie chinoise ? en est profondément entravée.Some aspects of centralization and decentralization in the Chinese economy prior to the death of Mao Tse-tung. The centralized system has stood the test of time in China, but there is vigorous criticism of economic strategy over the last two decades on the grounds of its inefficiency. In particular, there has been a call for a greater degree of autonomy for enterprises. The author analyses certain aspects of Chinese planning from the first five-year plan up to 1975, with special reference to industry, as well as the reforms aimed at decentralization introduced by Mao in 1958. A look at the real state of affairs, however, reveals that the power of central government in matters of production planning, resource allocation and investment distribution is still considerable, with the result that the rapid assimilation of modern techniques ? the key problem for the Chinese economy ? is thereby seriously impaired.
- L'économie parallèle en Chine : une seconde nature ? - Wojtek Zafanolli p. 103-151 L'étude de l'économie parallèle dans un pays socialiste a un intérêt considérable. Par ce biais, on peut en effet aborder la question des modalités réelles du fonctionnement du système économique par rapport à ses modalités légales ou officielles. Apprécier l'importance du décalage entre les unes et les autres impliquerait que l'on puisse quantifier très précisément l'ensemble des phénomènes ressortissant à l'économie parallèle : faute de statistique, cela n'est en général pas possible. Les indications contenues dans la presse du pays permettent néanmoins de mettre à jour des mécanismes partiels montrant que les activités parallèles se développent partout où l'économie officielle se révèle incapable d'organiser la production et la distribution de façon rationnelle et efficace, et qu'elles correspondent à la réintroduction de motivations économiques dans un système qui en est presque complètement dépourvu. La criminalité économique présente une grande diversité. On peut a priori distinguer trois formes principales, qui sont : les délits institutionnels, commis par les entreprises et l'administration, et qui sont un effet des contradictions traversant le système ; puis viennent les délits qui, d'une manière ou d'une autre, participent de la corruption, et qui, par définition, sont l'apanage des cadres ; enfin, il y a ce que l'on peut appeler les ?crimes du pauvre'. L'article explore ces divers aspects de l'illégalité économique dans un des pays socialiste où il en est le moins souvent question, la Chine. Pour des raisons en partie structurelles et en partie conjoncturelles (qui tiennent à une tentative de réorganisation et de réforme de l'économie), le secteur parallèle en Chine a pris aujourd'hui une très grande extension. Les comptabilités truquées, l'importance des détournements de biens et de fonds, opérés tant par les individus ? cadres ou simples particuliers ? que par les entreprises, la place occupée par le pot-de-vin, le pillage pur et simple des biens de l'Etat, etc., évoquent la description classique de ces phénomènes faite par Ilja Zemtsov pour l'Azerbaïdjan soviétique. Après avoir montré que ces pratiques en apparence hétérogènes forment un ensemble cohérent et articulé, l'auteur est amené à poser un certain nombre d'interrogations sur la nature du système socialiste et des forces qui y sont à l'œuvre.China's second economy : second nature ? A study of the second economy in a socialist country is a matter of considerable interest. Indeed, the use of this approach can throw light on the ways in which the economy really functions, as opposed to the legal or official routes which it is supposed to follow. Assessment of the extent of the divergence between the two would require a precise quantification of all the diverse forms of economic activity by which the second economy manifests itself, and this, given the lack of statistics, is not generally possible. However, such indications as can be found in the country's press afford some insight into its workings, suggesting that the activities of the second economy tend to develop in all those sectors where the official economy has proved itself incapable of organizing production and distribution in a rational and efficient manner, and that they represent the reintroduction of economic incentives into a system which is almost entirely lacking in these. Illegal economic activity takes a great many forms, but broadly it might be classified under three main headings : illegalities committed by enterprises and by the administration, which arise from the contradictions within the system ; then come those illegal activities which, in one way or another, have to do with corruption and which, by definition, are committed by officials ; and lastly there are the « poor man's crimes ». The article examines these various aspects of illegal economic activity in China, one of the socialist countries which are least often mentioned in this context. For reasons which are partly structural and partly circumstantial (the latter having to do with an attempt at reform and reorganization of the economy) the second economy in China has nowadays become greatly extended. Falsification of accounts, the amount of goods and funds misappropriated not only by enterprises but also by officials or ordinary private individuals, the importance of the bribe, the simple straightforward pillaging of State property, all bring to mind Ilya Zemstov's classic description of such activities in the context of Soviet Azerbaïdjan. Having shown that this apparently heterogeneous assortment of practices does in fact add up to a coherent and well-articulated whole, the author goes on to ask a number of questions about the nature of the socialist system and the forces at work therein.
- Shenzhen : une zone économique spéciale en Chine populaire - Michel Roy p. 153-167 Engagée depuis 1979 dans une politique d'ouverture économique sur l'extérieur, la Chine populaire a été le premier pays socialiste à mettre en place des zones franches sur son territoire. Shenzhen, la plus importante des quatre zones économiques spéciales chinoises, connaît depuis quatre années un développement économique spectaculaire, qui devrait faire de la zone un pôle d'activité économique important de la Chine méridionale. La situation singulière de Shenzhen, aux portes de Hong-Kong, lui confère un rôle de modèle et d'exemple dans le cadre de la politique d'ouverture aux investissements étrangers. Mais c'est aussi un élément essentiel de la partie engagée par Pékin, sur le futur statut de la colonie britannique de Hong-Kong, à l'horizon 2000.Shenzhen : a special economic zone in socialist China. Having, in 1979, adopted a policy of opening the way to external trade, the people's republic of China is the first of the socialist countries to introduce free trade zones on its territory. Shenzhen, the most important of the four special economic zones in China, has over the past four years been the scene of spectacular economic growth, which should make it a significant centre of economic activity for South China. Shenzhen's unique situation, on Hong Kong's doorstep, gives it a specific role as model for the policy of opening the way to foreign investment. But it is also an essential piece in the strategy to be adopted by Pekin when the future status of the British colony of Hong Kong comes up for decision as we approach the year 2000.
- La politique chinoise d'ouverture : nouveau commencement ou impasse ? - Yves Chevrier p. 169-183 La stratégie du développement industriel programmée par le 6e plan quinquennal (1981-1985) peut être définie comme le passage du développement extensif caractéristique des premiers stades de l'industrialisation « socialiste » à un développement plus intensif. Ce passage s'articule sur deux priorités : refonte technique des entreprises industrielles et déblocage du goulot d'étranglement énergétique. Comme ces deux priorités sont conçues en fonction d'un substantiel apport de capitaux et de technologies en provenance de l'étranger, la politique d'ouverture apparaît à la fois comme le dénominateur commun et comme la clé de voûte de la nouvelle stratégie industrielle, au même titre que les réformes structurelles portant sur la planification et la gestion. L'objet de cette note n'est pas d'étudier la part actuelle et l'avenir des transferts de technologie dans l'économie chinoise, ni l'évolution des flux commerciaux et financiers, mais d'analyser brièvement les changements intervenus depuis 1978 dans l'organisation de ces transferts et de ces flux. Une telle analyse montre en effet que si la « construction du socialisme », en Chine comme ailleurs, s'est toujours plus ou moins faite en liaison avec l'extérieur, ce lien, conçu comme marginal, n'avait donné lieu à aucune consolidation institutionnelle (§ I), tandis que la politique d'ouverture suivie depuis cinq ans (à partir de 1979) se marque à la fois par l'élargissement du lien et par la mise en place des infrastructures qui faisaient défaut jusqu'alors. En sorte que l'ouverture actuelle apparaît comme un nouveau commencement tant qualitatif que quantitatif^ II). Mais dans la mesure où la conjoncture internationale et la position relative de la Chine se sont dégradées au moment même où l'ouverture se consolidait à l'intérieur, cette politique ? comme dans maints pays du Tiers Monde et d'Europe orientale ? risque aussi de conduire à une impasse en aggravant sans contrepartie réelle la dépendance extérieure de la Chine niChina's opening of its economy : a new beginning or dead end ? The strategy for industrial development proposed in the 6th 5-year plan (1981-1985) may be defined as one of transition from the extensive development characteristic of the first stages of « socialist » industrialization to a more intensive development. There are two priorities on which this transition depends : technological reform of industrial enterprises, and release of the energy bottleneck. As both these priorities assume a considerable investment of capital and technology from sources outside China, the policy of opening up the country for foreign trade is seen both as the common denominator and the keystone of China's new industrial strategy, along with the structural changes envisaged in planning and management. It is not the purpose of this note to examine the present and future role of technology in the Chinese economy, nor the development of trade and financial flows, but rather to undertake a brief analysis of the changes that have taken place since 1978 in the organization of the latter. Such analysis shows that although in China as in other countries the « building of socialism » has always been to a certain extent linked with activities in the outside world, such a link was seen as marginal, and did not give rise to any institutional consolidation, whereas the present « open » policy, which has been followed over the past five years (since 1979) is marked both by the expansion of this link and the creation of infrastructures which were previously lacking, with the result that the present « open » policy can now be seen as a new beginning, both in quantitative and qualitative terms. However, given the extent to which the world trade situation, and China's relative position, have both deteriorated at the moment when the new policy was being implemented internally, there is a danger that this policy, as in the case of many countries in the Third World and in Eastern Europe, may end up in a dead end, by increasing Chinese dependence on outside trade without any compensating advantage.
- Les politiques économiques de la démaoïsation (1977-1982) - Yves Chevrier p. 5-74
Revue des livres
- Agricultura Sinica, édité par Erwin M. Reisch - Stephan Merl p. 187-190
- Résumés des articles - p. 191-198