Contenu du sommaire

Revue Revue d'études comparatives Est-Ouest Mir@bel
Numéro Vol. 16, 1, 1985
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • L'établissement du régime communiste en Pologne et ses conséquences à la lumière des observations des agents diplomatiques et consulaires en France - Tadeusz Wyrwa p. 5-19 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les relations traditionnelles entre la France et la Pologne connurent une nouvelle étape avec l'arrivée du régime communiste, c'est ce que retrace cet article. Après l'introduction, où il est question des négociations que menèrent le général de Gaulle et Staline, en décembre 1944, aboutissant à l'échange de représentants entre le gouvernement provisoire français et le comité polonais de Lublin, l'auteur fait la description des conditions de vie en Pologne, conditions dans lesquelles les représentants français étaient obligés de travailler depuis 1944. L'article est notamment fondé sur des rapports se trouvant aux archives, récemment ouvertes au public, et rédigés par des Français. Il en résulte un tableau assez complet de l'atmosphère dans laquelle s'établit le régime communiste et des méthodes qu'il employait pour imposer son pouvoir, tableau qui, à beaucoup d'égards, permet de mieux comprendre la situation de la Pologne d'aujourd'hui. De plus, ces rapports font état des mesures qui auraient pu être prises pour éviter la coupure entre la Pologne et l'Occident, en général, et la France en particulier.
      The establishment of the Communist regime in Poland, and its consequences, as reflected in reports of French diplomatic and consular officials. Traditional Polish-French relations entered upon a new phase with the setting-up of the Communist regime ; it is with the history of this period that the present article is concerned. After an introduction, which deals with the negotiations between General de Gaulle and Stalin in December 1944, which led to an exchange of representatives between the provisional French government and the Lublin Committee, the author goes on to describe living conditions in Poland, conditions in which the French officials had been obliged to work since 1944. The article draws particularly on reports in the archives, compiled by French officials, and recently made available to the public. There emerges a fairly comprehensive picture of the atmosphere in which the Communist regime was established, and of the methods it used to impose its power. In many respects, it is a picture which helps towards a better understanding of the situation in present-day Poland. In addition, these reports note the steps which could have been taken to prevent the rupture between Poland and the West in general, and Poland and France in particular.
    • Les aménagements du système de planification en U.R.S.S. sous Andropov et ?ernenko - Irène Gawronski p. 21-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La « réforme » de 1965 était apparue, pour beaucoup d'observateurs occidentaux, au travers des mesures concernant une plus grande autonomie de l'entreprise par rapport au système administratif de planification centralisée, le prémice à un socialisme de marché. En fait, la « réforme » comportait un autre aspect, peu remarqué par ces même observateurs, qui était la pure et simple réhabilitation des Ministères économiques, typiques de la planification stalinienne (gestion économique par « branche »), et qui avait été abolis par KhruScev au profit des sovnarkhoz (gestion économique régionale). Le poids de cette gestion centralisée sera renforcé par la création des Unions industrielles, qui regroupent plusieurs entreprises, et remplaceront en quelque sorte les anciens glavki (directions sectorielles générales). En outre, le nombre des indices imposés par le plan seront renforcés, l'emploi et les fonds d'investissement décentralisés sévèrement contrôlés, faisant qu'à la mort de Brejnev l'entreprise aura encore perdu de son autonomie. Andropov, à son avènement, prend en compte la situation critique de l'économie soviétique et proposera une « expérience ». Sous cette appellation modeste, on assiste en réalité à une véritable reprise en main de l'économie ; il ne s'agira plus seulement de jouer l'alternative entre centralisation/décentralisation, mais de prendre le problème à sa base, c'est-à-dire l'individu. Ainsi Cernenko, après lui, continuera cette œuvre de véritable « recollectivisation » du travail.
      Developments in the Soviet planning system under Andropov and Chernenko. For many Western observers, the « reform » of 1965 was seen in the context of measures aimed at a greater degree of autonomy for enterprises in relation to the centralized planning system, an approach to a form of market socialism. In fact, there was another aspect to the « reform », little noticed by these same observers, in other words the straightforward rehabilitation of the economic ministries which were typical of Stalinist planning (economic administration by « branch ») which had been abolished under Khrushchev in favour of the sovnarkhoz (economic administration by region). The weight of centralized administration was to be further reinforced by the setting-up of industrial associations, consisting of a number of enterprises, which to some extent replaced the old « glavki » (general sectoral administration). In addition, the number of indicators laid down in the plan was increased, there was strict supervision of non-centralized investment funds and their use, so that, by the time of Brezhnev's death, the entreprise had lost even more of its autonomy. Andropov, on coming to power, recognized the precarious state of the Soviet economy, and proposed an « experiment ». What this unassuming title conceals is in fact a tighter grip over the economy from the centre, it is no longer simply a question of experimenting with administrative mechanisms, of choices as between centralization/ decentralization, but of going to the root of the problem, in other words the individual. Chernenko is carrying on the work of Andropov in « recollectivizing » production and, by extention, « homo sovieticus ».
    • Les problèmes de la protection de l'environnement en U.R.S.S. : discours et prises de position - Josyane Stahl p. 43-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'attitude soviétique envers la nature trouve ses sources dans des mythes historiques, renforcés et vivifiés par une compréhension particulière de la théorie marxiste. De Lénine à Brejnev, on assiste aux avatars du concept de protection de l'environnement et des ressources naturelles, prise en charge par l'idéologie officielle : c'est le règne de l'optimisme dans la littérature politique et les médias, et ce concert n'est que peu troublé par quelques voix discordantes.
      Problems of environmental protection in the USSR : attitudes and pronouncements. The Soviet attitude to nature has its roots in historical myths, inspired and supported by the particular Russian view of Marxist theory. From Lenin to Brezhnev, conservation of the environment and of natural resources has figured as part of official ideology : optimism reigns throughout political literature and the media, there being only a few discordant voices to add a jarring note.
    • Les « voies bulgare et est-allemande » en agriculture sont-elles purement soviétiques ? - Alain Pouliquen p. 67-84 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Durant les années 70, en Bulgarie et en R.D.A., comme en Union Soviétique, la restructuration « industrialiste » du secteur agricole-alimentaire visait à instaurer un dirigisme de type nouveau, à base de rationalisation technocratique et de délégation de responsabilités économiques à de grands ensembles productifs intégrés. En Bulgarie et en R.D.A., cette véritable mutation des rapports socio-économiques s'est déployée à grande échelle et sous une forme particulièrement radicale et spectaculaire, non pas seulement du fait de « conditions objectives » favorables (climat, disponibilité en moyens industriels, infrastructures), mais aussi parce qu'elle y était imposée par un pouvoir central d'État fort, en face d'une sorte de vide social. Dans le cas allemand, il faut ajouter le rôle facilitant d'un héritage sociologique pré-socialiste particulier. Au contraire, en U.R.S.S., cette mutation est restée très minoritaire et spécialement peu performante, car elle s'y est heurtée, d'emblée, à l'autonomie et à l'épaisseur relatives des rapports sociaux périphériques traditionnels, profondément enracinés dans les anciennes formes d'organisation. Il en résulte une divergence accrue des mécanismes économiques et sociaux à l'œuvre, souvent sous-estimés à l'Ouest. La manœuvre de réajustement structurel, d'esprit pragmatique et « économiste » qui a suivi depuis 1977-78, n'a pas réduit cette divergence. En effet, en R.D.A. et en Bulgarie elle était essentiellement imposée par les contradictions agronomiques, économiques et écologiques inhérentes au radicalisme et à l'ampleur mêmes de « l'industrialisation » opérée. Elle est un réaménagement de celle-ci et non pas un simple retour au mécanisme antérieur, et y est conduite, pour les raisons « sociales » déjà mentionnées, avec plus de détermination, de cohérence et de succès qu'en U.R.S.S. même... sans pour autant être assimilable à une convergence avec la « voie hongroise ».
      Alain Pouliquen. ? Agriculture in Bulgaria and East Germany. A purely Soviet line ? During the 1970's, in Bulgaria and the GDR, as in the Soviet Union, the food and agricultural sectors of the economy were restructured along « industrialist » lines, the object being to introduce a new type of administration based on rational technocracy and the delegation of economic responsibilities to large integrated units of production. In Bulgaria and the GDR this veritable transformation of socio-economic relations took place on a large scale and in a particulary radical and spectacular fashion, not only by reason of favourable « objective conditions » (e.g. climate, availability of the appropriate industrial means, infrastructures) but also because it was imposed by a strong, central State authority on a sort of social vacuum. In the case of the GDR, the change was also facilitated by the existence of a particular pre-socialist sociological heritage. In the Soviet Union, on the other hand, the transformation has had only a very limited scope and success, for it straightway came up against a relatively dense network of peripheral social relationships and traditional attitudes, which were deeply rooted in older organisational structures. The result has been an increasing divergence between existing economic and social mechanisms, which is often underestimated in the West. The move towards a pragmatic and « economist » ? orientated modification of the economic structure, which followed in 1977-78, has not lessened this divergence. In fact, in both Bulgaria and the GDR, this strategy was essentially dictated by the agronomic, economic and ecological contradictions arising from the radical nature, and the extent, of the « industrialization » which was carried out. It is a modified version of the latter, not simply a return to the earlier model, and it is being implemented, for the afore ? mentioned « social » reasons, with more determination, coherence and success than in the USSR itself, though it does not, for all that, approach convergence with the « Hungarian road ».
    • La réforme des prix agricoles en République Démocratique Allemande : entre une recherche d'efficacité empirique et le maintien de postulats théoriques - Benoît Petit p. 85-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au 1er janvier 1984, le gouvernement de la R.D.A. met en place une réforme des prix agricoles, longtemps annoncée et discutée. A partir de la presse spécialisée et de discussions à Berlin (Est) et à Leipzig, avec divers enseignants, l'auteur se propose tout d'abord de présenter les mesures conjoncturelles ou leurs justifications officielles (l'élévation des prix industriels, largement antérieure, et la hausse des prix sur le commerce mondial sont les facteurs externes qui rendent nécessaire le changement dans les rapports des prix de production agricoles. En même temps les consommateurs sont assurés de ne subir aucune incidence sur les prix de détail, toujours plus subventionnés). Tous les producteurs, par la « vérité des prix », sont incités à élever leur productivité. Cette exposition rapide sert d'occasion pour, sinon faire la lumière, du moins exposer les trois fonctions des prix dans la théorie socialiste, à partir de quelques présupposés méthodologiques. Mesure des valeurs, stimulation économique, répartition sociale sont la plupart du temps évoquées de manière complémentaire parfois dialectique, mais une quatrième fonction semble inexistante, la spéculation, ou le risque que pourraient prendre quelques acteurs économiques comme les responsables de grandes exploitations agricoles ou fermes d'État. La planification nationale a-t-elle vraiment supprimé ce point, alors que les discours parlent tant de la responsabilité de tous pour diminuer les coûts et pour profiter des réserves de productivité encore existantes ? Mais il est intéressant de souligner que la littérature ne précise guère le rôle qui revient aux Banques, plus ou moins assimilées à l'État, et qui restent sous-estimées. L'octroi des crédits de modernisation est cependant de leur ressort, comme la répartition des prêts pour investissements, désormais plus limités ; par exemple les grandes centres d'élevage sont appelés à plus d'autonomie et à plus de productivité. Plus encore, les banques jouent un rôle important dans la stimulation, lorsqu'elles incitent les comptables à présenter une comptabilité plus rigoureuse et homogène. Ce domaine mériterait d'être plus particulièrement couvert par les chercheurs, de même que l'étude de la circulation de la monnaie.
      Agricultural price reform in the GDR : reconciling empirical efficiency and theoretical propriety. On the 1 st January 1984, the government of the GDR began implementing the long foreshadowed and much discussed reform in agricultural price policy. Using material from the specialist press, and from discussions in East Berlin and Leipzig with a number of scholars, the author begins his study with an analysis of the relevant measures, or the official justification for them (the raising of industrial prices, mainly at an earlier stage, and the rise in prices on the world market, are the external factors which necessitate a change in price-relationships for agricultural production. At the same time, consumers were assured that they would not be affected by any rise in retail prices, which continued to be increasingly subsidized). All producers were urged to increase productivity through « the reality of prices ». This brief survey provides the opportunity, if not for throwing light on, at least for offering an exposé of, the three functions of prices, starting from a number of methodological assumptions. Prices as a measure of value, economic stimulus, social distribution, arc discussed, for the most part, in terms of their sometimes dialectical interaction ; but there seems no awareness of a fourth function, speculation, or the risk which may be taken by certain economic agents, such as those in charge of large agricultural enterprises or State farms. Have the country's planners really eliminated this point, while so much is said officially about everyone's responsibility to lower costs, and take advantage of the reserves of productivity which still exist ? But it is interesting to note that writings on the subject pay scarcely any attention to the part played by the Banks, which are more or less an integral part of the state, and whose role is consistently under ? estimated. And yet the provision of credits for modernization is their responsibility, as is the apportioning of investment loans, henceforth to be curtailed ; for example, large livestock-raising units are exhorted to increase their autonomy and their productivity. Furthermore, the Banks play an important part in stimulating economic activity by encouraging accountants to achieve a more rigorous and coherent system of accountancy. This is a field which deserves closer attention from researchers, as does study of money circulation.
    • Discours et pratiques de l'État vis-à-vis de la paysannerie à travers la presse officielle en Roumanie - Danièle Masson p. 107-120 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Des changements radicaux, irréversibles et pluriformes ont affecté le monde rural depuis 1945. D'ordre politique, économique et idéologique, ils se sont donnés pour but de transformer fondamentalement la paysannerie, objet de méfiance traditionnel des communistes. Avec la mise en place de la collectivisation, résultant d'un choix plus politique qu'économique, la priorité donnée à l'industrie lourde, le rôle croissant des organes de l'État et du parti dans les campagnes, le paysan fut enrôlé dans un processus de modernisation engagé à l'échelle du pays. Le mode de vie rural a été transformé sous les effets de l'industrialisation et de l'urbanisation des campagnes. Toutefois, le modèle théorique, inspiré de l'expérience soviétique et appliqué en Roumanie comme dans les autres pays de l'Est, s'est heurté à une résistance quasi générale de la paysannerie. Aussi, les échecs répétés de la politique agraire menée par le P.C.R. Pont-ils conduit à de multiples réajustements. La presse officielle, diverses revues théoriques roumaines apparaissent comme une source particulièrement fructueuse et éclairante de la politique du régime roumain à l'égard de la paysannerie, de ses contradictions, de ses limites et aussi de la tentative de l'Etat communiste de trouver dans un « héritage paysan » corrigé le fondement de sa légitimité nationale.
      Romania : the State's attitudes and actions vis-à-vis the peasants, as reflected in the official press. Since 1945, the countryside has been the scene of radical, far-reaching and irreversible changes. These have been political, ideological and economic in nature, and their aim has been the fundamental transformation of the peasantry, who are traditionally mistrusted as a class by the Communists. With the coming of collectivization, itself the result of a political rather than an economic choice, the priority given to heavy industry, and the growing importance of state and party organs in the countryside, the peasants found themselves mobilized in a programme of nationwide modernization. In the course of the industrialization and urbanization of the countryside, the rural way of life was transformed. However, the theoretical model, drawn from the Russian experience and applied in Romania as in other East-European countries, met with more or less universal opposition from the peasants. In addition, the persistent failures of the Party's agricultural policy necessitated numerous modifications. The official Romanian press and various specialist journals provide a particularly fruitful and illuminating source of information on the Romanian government's policy with regard to the peasants, on its contradictions and its limitations, and also on the communist State's attempt to seek the basis of its national legitimacy in a reformulated version of its « peasant heritage ».
    • L'économie yougoslave face au programme de stabilisation - Paolo A. Brera p. 121-152 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La réforme de 1965 et les transformations institutionnelles de la décennie suivante ont donné naissance, en Yougoslavie, à des structures socio-économiques nouvelles dont le fonctionnement a eu de profondes répercussions sur le développement du pays. Les entreprises du secteur socialisé ont été morcelées en unités plus petites et, à partir de ces dernières, leur unité a été reconstituée avec une toile d'araignée d'« accords autogérés » et de « pactes sociaux ». Ces accords ont eu l'effet secondaire de limiter les relations économiques au cadre restreint des républiques socialistes et des territoires autonomes, détruisant ainsi l'unité du marché yougoslave et aggravant les inégalités régionales. Même si les processus décisionnels à l'intérieur des organisations de travail associé n'ont généralement pas eu le caractère parfaitement démocratique que prévoyait la doctrine, la liberté d'action des organisations n'a pas été négligeable. Elles ont pu distribuer des revenus personnels croissants et engager des ressources, et même des ressources qu'elles ne possédaient pas, dans des grands projets d'investissement. Le système bancaire, à son tour réorganisé, a prêté les capitaux nécessaires pour l'investissement (et pour la distribution des revenus) à des taux d'intérêt plus bas que le taux d'inflation, soutenant ainsi la demande globale au-delà du niveau d'équilibre. Ce qui a fait que la demande intérieure a remplacé celle d'origine étrangère : il en a résulté un déficit de plus en plus inquiétant dans les échanges extérieurs, donc une montée de la dette yougoslave. L'inflation et le chômage achèvent le tableau. C'est donc une économie déjà affaiblie qui se présente au rendez-vous de la nouvelle situation internationale des années 80. En 1980 la politique dite de « stabilisation économique » débute. Par la restriction des importations et la manœuvre du taux du change on essaie de ramener le déficit extérieur à des dimensions raisonnables, puis d'obtenir un excédent ? qui s'est matérialisé en 1983. La demande globale a été modérée par le biais d'une restriction des revenus personnels (tombés, par habitant, au niveau de 1973), d'une politique monétaire thatchérienne et d'un resserrement de l'investissement. Tout cela n'a pourtant eu aucun effet sur l'inflation, qui a atteint des niveaux « sud- américains ». Le problème de l'inégalité régionale des revenus (on pourrait dire plus exactement de l'inégalité ethnique) n'est pas résolu, et celui du chômage non plus, malgré une nouvelle politique agricole et l'encouragement donné aux entrepreneurs privés et aux investisseurs étrangers. L'interprétation courante de la Ligue des Communistes à l'égard des difficultés économiques en voit l'origine dans la limitation de l'autogestion par les groupes « technocratiques » et « étatistes ». Donc, si l'on renforce l'autogestion, on ramènera l'équilibre dans l'économie. Les chefs de file yougoslaves semblent se rendre compte seulement à moitié que l'épanouissement des rapports autogestionnaires de marché exige l'action de l'autorité centrale pour orienter la politique industrielle, exprimer une ligne de politique commerciale (et économique en général) face à l'étranger, gérer la demande globale, etc. Si l'État abdique ses devoirs d'intervention « à l'occidentale », il se verra obligé d'avoir tôt ou tard recours à une intervention administrative « à la russe », ce qui est bien souvent le cas aujourd'hui en Yougoslavie. Si la stabilisation ne se déroule pas exactement dans les conditions internationales les plus favorables, l'atmosphère intérieure s'est elle-même alourdie. La croissance zéro des dernières années a substitué le désarroi à l'optimisme comme attitude sociale la plus répandue ; l'adhésion au système politique s'affaiblit. Faut-il donc conclure à une crise de l'autogestion ? Non, si l'on entend par-là l'autogestion comme notion-limite ; oui, si l'on pense à l'autogestion yougoslave, qui ne saurait se développer (et peut-être même pas survivre) sans s'adapter à la situation profondément changée des années 80.
      The Yugoslav economy and the stabilization programme. The 1965 reform, and the institutional changes of the following decade in Yugoslavia produced new socio-economic structures whose operation profoundly affected the country's development. Entreprises in the socialized sector were fragmented into smaller units and, starting from these, a new unity was reconstituted, knit together with a web of « self-managing agreements » and « social pacts ». A side-effect of these agreements was to limit economic relations to the narrow context of socialist republics and autonomous territories, this destroying the unity of the Yugoslav market, and aggravating regional disparities. Even if the decision-making processes within units of associated labour were not, in general, as perfectly democratic as theory would have suggested, organizations newertheless enjoyed a not inconsiderable degree of freedom of action. They were able to increase personal earnings, and to commit their resources, or even resources which they did not possess, to large ? scale investment projects. The banking system, which was likewise reorganized, lent the capital required for investment, (and for the distribution of income) at rates of interest below the rate of inflation, this maintaining overall demand at a level beyond economic equilibrium. The result was that demand at home replaced that of the export market, thus generating an increasingly alarming deficit in foreign trade, and a corresponding rise in Yugoslav indebtedness. Unemployment and inflation complete the picture. It was, therefore, with an already weakened economy that Yugoslavia prepared to meet the changed international situation of the 1980's. In 1980, the so-called policy of economic stabilization was introduced. Through restriction of imports, and manipulation of the exchange rate, an attempt was made to reduce the deficit on foreign trade to a manageable level, and then to bring about a surplus, which was achieved in 1983. Overall demand was controlled by means of a reduction in personal incomes (which fell, per capita, to the level of 1973), a monetarist policy à la Thatcher, and by curtailing investment. However, none of this has had any effect on inflation, which has risen to South American heights. The problem of regional inequality of incomes (or, more exactly, ethnic inequality) has not been solved, nor has that of unemployment, despite a new agricultural policy and encouragement for the private entrepreneur and the overseas investor. The current view of the League of Communists attributes the country's economic difficulties to the limitation of self-management by « technocratic » and « etatist » groups. So, by strengthening self-management, the authorities should once more active a balanced economy. Yugoslav leaders do not seem fully to appreciate that the full development of self-management and the market requires action by the central authority to direct industrial policy, to adopt a particular commercial, or general economic policy vis-à-vis abroad, control global demand, etc. If the State abdicates its duty to intervene, in the Western manner, it will sooner or later be forced to intervene in the Russian manner, which happens quite frequently in Yugoslavia to-day. The stabilization programme may not be taking place in the most favourable international conditions, but the atmosphere inside Yugoslavia has itself worsened. The zero rate of growth of the last few years has resulted in confusion replacing optimism as the most prevalent social attitude ; commitment to the political system is weakening. Should this be seen as a crisis of self-management ? No, if what is meant is self- management as an idea ; but yes, in the context of Yugoslav self-management, which cannot develop (or possibly even survive) without adapting to the profound changes of the 1980's.
  • Revue des livres

  • Résumés des articles - p. 167-175 accès libre