Contenu du sommaire : Politique et religion en Asie orientale
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | vol 32, no 1, mars 2001 |
Titre du numéro | Politique et religion en Asie orientale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Politique et religion en Asie orientale
- Coordonnateur : Eric Seizelet- Introduction - Éric Seizelet p. 5
I. La religion, obstacle ou défi à l'affirmation de la puissance chinoise ?
- La politique religieuse de la Chine au Tibet - Fabienne Jagou p. 29 La situation politique et religieuse tibétaine a considérablement changé depuis l'entrée de l'armée chinoise au Tibet en 1950. À partir de cette date, la Chine exerça au Tibet une politique équivalente à celle qu'elle imposa à ses habitants, notamment en matière religieuse. Compte tenu des spécificités bouddhiques du Tibet, la politique religieuse y fut menée de façon radicale. Elle attaquait les fondements de la culture tibétaine : le monastère, les moines et les maîtres réincarnés. Les monastères furent donc tour à tour détruits, rénovés et fermés. Les moines durent se séculariser, puis des ordinations furent autorisées et strictement réglementées. Les maîtres réincarnés, après avoir subi le même sort que les moines, furent récupérés par le gouvernement chinois pour l'aider à appliquer sa politique au Tibet.The Tibetan political and religious situation has changed considerably since the Chinese army onslaught in 1950. From then on, China has applied policies there similar to the one imposed on its own inhabitants, especially in religious matters, but in a more radical manner owing to the features of Tibetan Buddhism. This religious policy attacks Tibetan culture's very foundations : monasteries, monks and reincarnated masters. Monasteries were destroyed, renovated, then closed. Monks were secularized until ordination was authorised under tight control. The Chinese used the reincarnated masters, who had met the same fate as monks, to help them enforce their policies in Tibet.
- Les rapports entre le Saint-Siège et la Chine : un dialogue non abouti. - Michel Masson p. 55 Si fin 1999, la presse annonçait que Pékin et le Saint-Siège semblaient prêts à négocier l'établissement de relations diplomatiques, une série d'ordinations d'évêques nommés par le gouvernement chinois a démenti ces pronostics. Depuis 1979, la politique de réforme de Pékin a permis un renouveau certain des activités religieuses, mais les questions de fond demeurent entre deux conceptions difficilement conciliables du rapport politique/religieux. À ce contentieux, s'ajoute la division des catholiques en deux secteurs : "officiel" et "clandestin". Après une analyse des contacts entre la Chine et le Vatican au cours des deux dernières années, l'article fait le point sur le statut légal et institutionnel de l'Église catholique en Chine depuis 1979, puis examine les stratégies respectives de Pékin et du Saint-Siège.In late 1999, the press announced that Beijing and the Holy See were about to negociate the establishment of diplomatic relations. However, a series of ordinations of bishops by the government proved this to be incorrect. Since 1979, Beijing's reform policies have allowed for the renewal of religious activities, but the basic problem remains, namely : two irreconcilable conceptions of the relationship between politics and religion. Furthermore, Chinese Catholics split between two - "official" and "underground" - sectors. The last two years of Sino- Vatican "contacts" are reviewed as well as the Roman Catholic Church's legal and institutional status in China since 1979; and the strategies of Beijing and the Holy See, analysed.
- La politique religieuse de la Chine au Tibet - Fabienne Jagou p. 29
II. L'État et la religion en Asie du Nord-Est : entre sécularisation et instrumentalisation
- Politique et religion en Corée du Sud - Bertrand Chung p. 85 Cet article est une analyse historique des rapports entre la politique et quatre religions institutionnelles en Corée du Sud, le confucianisme, le bouddhisme, le catholicisme et le protestantisme. Centrée sur la période de 1961 à nos jours, qui est profondément marquée par trente années de régime militaire, cette étude distingue deux types de rapports entre politique et religion : collusion (bouddhisme et protestantisme conservateur) et conflit (catholicisme et protestantisme progressiste), alors que le confucianisme est fondamentalement dépolitisé. Il est certain que le type collusion a prévalu en Corée du Sud depuis 1945. Un examen du fondement socio-culturel du phénomène de collusion montre l'influence de la sécularisation confucéenne. Quant au type conflictuel, la capacité de résistance des religions face à l'autoritarisme de l'Etat prouve qu'elles peuvent exercer une influence positive sur le changement social en Corée du Sud.The relationship between politics and the four institutional religions in South Korea - Confucianism, Buddhism, Catholicism and Protestantism - is analysed historically with focus on the period since 1961, a time deeply marked by thirty years of military rule. Two types of relations between state and religion are distinguished : collusion (Buddhism, conservative Protestantism) and conflict (Catholicism, progressive Protestantism), whereas Confucianism is basically depoliticized. The first type of relations has quite clearly prevailed in South Korea since 1945. An examination of the social and cultural foundations underlying this collusion sheds light on the influence of Confucian secularization. The religions involved in conflict with an authoritarian state have proven that they can exercise positive influence over social change in the country.
- Le principe de séparation de l'État et de la religion : aperçus sur le rôle du fait religieux dans les institutions et la vie politique japonaises - Éric Seizelet p. 111 Les déclarations du Premier ministre Mon Yoshirô au cours du printemps 2000 sur le « Japon pays des dieux » et l'avènement d'une coalition tripartite entre le Parti libéral-démocrate (PLD ou Jimintô), le Parti libéral et le Nouveau Kômeitô en octobre 1999 ont relancé de façon spectaculaire le débat sur le principe de séparation de l'État et de la religion, d'une part, et l'influence politique des organisations religieuses, d'autre part. La démocratisation des institutions a certes contribué au démantèlement du shinto d'État sous le Japon impérial et libéré les organisations religieuses de la tutelle du gouvernement. Mais elle a permis également à ces organisations de jouer un rôle actif, soit du côté de la majorité, soit du côté de l'opposition, dans les affrontements politiques et idéologiques de l'après-guerre autour des valeurs constitutionnelles. Si elles n'ont point exercé d'influence récurrente sur les processus décisionnels, elles ont alimenté, pour certaines d'entre elles, l'idéologie du parti conservateur et joué un rôle important dans l'organisation de son électorat. L'arrivée d'un nouveau mode de scrutin en 1994 à la Chambre basse a réduit l'importance du "vote religieux", mais cette diminution a été en partie compensée par la volatilité de l'électorat et la succession, depuis 1993, de gouvernements de coalition qui ont obligé le PLD à accorder plus de poids au vote organisé, comme celui de la Sôka gakkai, quitte à bouleverser ses liens avec les organisations religieuses qui le soutenaient.Prime minister Mori Yoshirô's recent statements describing Japan as the "land of the gods", along with the coalition government formed in October 1999 by the Liberal-Democratic Party (LDP, Jimintô), the Liberal Party and the New Kômeitô, focused the spotlight on debates about the separation between religion and state as well as about the political influence of religious organizations. The democratization of political institutions following WWII did much to both disestablish state Shinto and free religious activities from governmental control. At the same time however, it let religious groups play an active part, on the side of the government or of the opposition, in political and ideological confrontations around constitutional issues. Although these groups were not in a position to continually sway political decision-making, some of them did manage to influence the ideology and program of conservatives and rally electoral support for them. The 1994 modification of the law for electing the lower house of parliament reduced the weight of the "religious vote", but the instability of voting patterns and the fragility of successive coalition cabinets since 1993 have forced the LDP to rely on organized blocs of voters, such as the Sôka gakkai' s one, even though this might entail a major shift in its relations with the religious organizations supporting it.
- Politique et religion en Corée du Sud - Bertrand Chung p. 85
III. Bouddhisme et politique dans un contexte de religion dominante
- Politique et religion en Thaïlande : dépendance et responsabilité - Louis Gabaude p. 141 Les relations entre religion et politique en Thaïlande sont encore dépendantes d'anciennes représentations du monde où la situation individuelle des hommes est régie par leur karma tandis que l'Ordre du monde, le Dharma, est en principe garanti par le roi. Or ce Dharma possède également une face religieuse exposée dans l'enseignement du Bouddha dont le Sangha, Communauté des bonzes, est le dépositaire. Dans un tel ensemble, le roi pouvait se permettre non seulement d'exploiter le Sangha — la religion - pour les besoins du Dharma - la politique -, mais même intervenir dans la gestion du Sangha pour le rendre plus fidèle à son propre Dharma, la règle léguée par le Bouddha (ou Vinaya). Depuis l'établissement de la monarchie constitutionnelle, le roi profite encore de ce scheme traditionnel mais la gestion politique lui a été enlevée. Les gouvernements ont continué d'exploiter le SanghaK d'abord pour la construction de l'identité thaïe puis pour échapper au communisme. A présent, la libéralisation politique aidant, les gouvernements n'ont plus le type de légitimité qui permettait au roi de discipliner le Sangha tandis que les bonzes veulent à la fois plus de protection et plus d'indépendance.In Thailand, the relations between religion and politics are still grounded in ancient world-views wherein karma defines the person's individual situation and the king guarantees the Dharma (or World Order). Dharma has a religious side as well, as exposed in the Buddha's teachings and transmitted by the Sangha (community of Buddhist monks). Accordingly, the king could not only use the Sangha (religion) for the benefit of Dharma (politics), but even intervene in the Sangha' s life to make it truer to its own Dharma (the rule bequeathed by the Buddha, or Vinaya). Since the establishment of the constitutional monarchy, the king still benefits from this traditional view even though daily political responsibilities are no longer his. Governments have used the Sangha to implement some important policies such as the construction of a Thai identity or the struggle against communism. But now that society is more open, they lack the kind of legitimacy that used to allow the king to discipline the Sangha. For their part, the monks want both more protection and more independence.
- La robe et le fusil : le bouddhisme et la dictature militaire en Birmanie - John Sisley p. 175 Depuis 1962 l'armée birmane a imposé une dictature, justifiée par « la Voie birmane vers le socialisme » jusqu'en 1988, puis tournée vers l'économie de marché et appuyée sur les valeurs traditionnelles du bouddhisme après cette date. Comblée d'honneurs et de prébendes, la hiérarchie bouddhique du Sangha ignore la dégradation de l'éthique des religieux et soutient le régime qui a mis en œuvre une politique d'exploitation des ressources naturelles et humaines de son territoire. Dans une population imprégnée de références religieuses, coincée entre l'ordre moral traditionnel prôné par les moines et l'ordre imposé par les soldats, le poids du facteur religieux reste fondamental pour légitimer le pouvoir de la junte, inhiber les aspirations démocratiques de la population et participer à la perpétuation du sous-développement socio-économique de l'Union de Birmanie.Since 1962, the Burmese army has imposed a dictatorship justified as the Burmese Way to Socialism till 1988, and then inclined towards a market economy and based on traditional Buddhist values. Laden with honors and prebends, the Buddhist Sangha hierarchy overlooks deteriorating religious ethics and supports the junta's policy of exploiting the country's natural and human ressources. The population, imbued as it is with religious values, is caught between the traditional moral order preached by the monks and the political order imposed by the military. Religion is a fundamental factor in legitimating the junta's power. It inhibits yearnings for democracy and helps perpetuate the country's social and economic underdevelopment.
- Politique et religion en Thaïlande : dépendance et responsabilité - Louis Gabaude p. 141
IV. Tensions politiques et religieuses dans les États multi-confessionnels de l'Asie du Sud-Est
- De la monarchie monastique à la séparation neutre : quatre siècles de relations passionnées entre politique et religion aux Philippines - Antoine Gazano p. 199 La culture philippine possède indubitablement un réfèrent spirituel prononcé en raison d'une histoire riche en influences religieuses autochtones et étrangères. De 1565 à nos jours, les relations entre l'État et les Églises, principalement catholique, s'en trouvent profondément marquées. Le cadre juridique a évolué de l'union à la séparation neutre. Les religions présentes aux Philippines véhiculent le plus souvent, selon des modes opératoires variés, des systèmes de valeurs et des règles de conduite parfois opposés. Depuis 1987, l'Église catholique a progressivement délaissé le champ politique et recentré son action dans le champ social. Quoique minoritaires dans le sud philippin, les musulmans développent une contre-culture islamique, attentatoire à la stabilité nationale, au nom d'un idéal religieux parfois dévoyé.Filipino culture has a strong reference to religion given its history of religious - both native and foreign - influences. Since 1565, the state-church relationship (mainly with the Catholic Church) bears the deep marks left by this past. The legal framework of this relationship has evolved from union to neutral separation. Religions in the Philippines often convey opposite values and rules of conduct. Since 1987, the Catholic Church has progressively abandoned the political area and shifted its action to social grounds. Muslims, a minority in the southern Philippines, have developed an Islamic counterculture that challenges national stability in the name of a religious ideals gone astray.
- Indonésie: de la tolérance religieuse à la guerre de religions - François Raillon p. 227
- De la monarchie monastique à la séparation neutre : quatre siècles de relations passionnées entre politique et religion aux Philippines - Antoine Gazano p. 199
Revue des livres
- Henry Rousso (sous la dir. de), Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparées - Louis Baslé p. 251