Contenu du sommaire : Les politiques d'immigration en Europe et aux États-Unis
Revue | Revue Européenne des Migrations Internationales |
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Numéro | Vol. 5, no 1, 1989 |
Titre du numéro | Les politiques d'immigration en Europe et aux États-Unis |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Editorial - Riva Kastoryano p. 5-6
Articles
- L'État et les immigrés : France, Allemagne, Grande-Bretagne et États-Unis - Riva Kastoryano p. 9-20 A partir de l'exemple comparé de trois pays européens (France, Allemagne et Grande-Bretagne) et des Etats-Unis, cet article analyse les points communs et les différences dans les politiques publiques à l'égard des immigrés et leurs effets sur l'acculturation et les modalités d'intégration de ces populations dans la société globale. Les Etats nationaux adoptent des politiques différentes en ce qui concerne l'enseignement, le logement, la participation politique, en particulier à travers les lois sur les associations, et la nationalité. Les traditions politiques sont également différentes. Les populations immigrées diffèrent aussi par leur culture d'origine et leurs relations historiques avec les sociétés d'accueil. L'histoire explique pour une large part la différence des politiques suivies à l'égard des populations immigrées. Mais il faut nous demander si les réalités sociales ne sont pas plus proches, à l'heure actuelle, que les gouvernements ne le voudraient. L'exemple américain permet-il de poser le problème de l'avenir des populations étrangères en Europe ? La situation actuelle conduit-elle à la constitution des minorités ethniques sur le modèle américain, ou alors constitue-t-elle une étape intermédiaire avant ce G. Noiriel appelé « le creuset français ».This article compares the policies adopted by three European countries (France, Germany and Great-Britain) and the United States towards immigration. It analyses the impact of these policies on the acculturation of immigrants and on their integration into the larger society. Nation states have different policies of education, housing, political participation and especially of juridiction concerning associational life and citizenship. Their political traditions are different too. The immigrants are also not the same, neither in their cultural background, nor in their historical relationship to the host society. History explains for a large extent the immigration policy of these countries. Even if the wishes of governments might differ, the question is whether the actual social realities in each country are not much more similar to each other than the governments might wish. Does the American example provide insights into the future of foreign populations in Europe. Does the present situation lead to a status of ethnic minority on the American model, or does it constitute an intermediary stage before the « melting pot ».
- La nation, les droits de la nationalité et l'Europe - Dominique Schnapper p. 21-32 L'opposition entre le droit « ouvert » de la nationalité en France et le droit « fermé » de la R.F.A. s'explique par une histoire politique et démographique différente, liée à une conception d'abord politique (en France) ou d'abord organique (en Allemagne) de la nation. Les traits spécifiques du droit en Grande-Bretagne tiennent à l'héritage de l'empire. Mais dans tous les pays européens, le droit de la nationalité, hérité du passé, n 'est-il pas en train de devenir secondaire ? Le véritable problème n 'est-il pas de donner aux populations étrangères ou d'origine étrangère, durablement installées dans les pays européens, les moyens réels de participer à la vie nationale et européenne ?The difference between the « open » law of nationality in France, and the « close » law of the F.R.G. is explicable by the different political and demographic histories, linked to a conception of the nation which is above all political (in France) or organic (in Germany). The specific characteristics of the law in Great-Britain is related to the imperial heritage. But in all these European countries, isn't the law of nationality in the process of becoming secondary ? Isn't the real problem that of giving to foreign populations or those of foreign origin who live in European countries, the real means of participation in national and european life ?
- Les obstacles à la citoyenneté : Immigration et naturalisation en République Fédérale d'Allemagne - Jurgen Fijalkowski p. 33-46 Le nombre et la concentration d'étrangers en RFA amènent à l'émergence de nouvelles « minorités ethniques ». L'article met l'accent sur les obstacles présentés par la loi allemande à l'acquisition de la citoyenneté par les étrangers, même ceux qui sont installés depuis plus de dix ans. Toute acquisition de la nationalité passe par la naturalisation, soumise à la libre décision du gouvernement et elle n 'est accordée que si le candidat remplit des conditions d'intégration économique, sociale et culturelle. Cette dernière exigence renvoie à la conception historique du peuple allemand, comme communauté ethno-culturelle. L'auteur suggère que soient harmonisées les législations européennes sur les étrangers et la citoyenneté, dans un sens plus libéral que la législation allemande.Due to their numbers and geographical concentration, foreigners in the RFA tend to constitute new « ethnic minorities ». This paper underlines legal obstacles to the acquistion of citizenship, even for those foreigners who have been living in Germany for over ten years. Acquisition of German citizenship is granted through naturalization, and is subject to discretionary decisions by the authorities, and granted only if the candidate fulfils conditions pertaining to economic, social and cultural integration. This last requisite may be traced back to the historical conception of the German people defined as an ethnic and cultural community. The author suggests the harmonization of European legislation concerning foreigners and citizenship, through a more liberal approach than that concerning German law.
- Europe and America : A Comparative Analysis of « Ethnicity » - Donald L. Horowitz p. 47-61 Les sociétés et les politiques varient d'après la façon dont ils divisent les groupes « ethniques » : les natifs ou les immigrés. Dans certains pays les populations indigènes revendiquent une priorité alors que dans d'autres les immigrés d'hier deviennent les autochtones d'aujourd'hui. Aux Etats-Unis, malgré l'immigration massive, la catégorie « immigré » est restreinte, la citoyenneté étant accessible par la naturalisation et par jus soli. En Allemagne en revanche, la citoyenneté est fondée sur le principe du jus sanguinis, la naturalisation est rare, la 3e génération de l'immigration turque est encore « immigré ». Alors qu'être Américain a peu de rapport avec le sang, être Allemand nécessite l'appartenance au peuple allemand et la citoyenneté allemande. La France et la Grande-Bretagne représentent des cas intermédiaires. Il existe une part « génétique » dans la définition du Français ou de l'Anglais, mais les immigrants peuvent devenir français ou anglais. Même si la France, à la différence de la Grande-Bretagne, est un pays d'immigration, les deux pays ont des difficultés à absorber les migrants venant d'Asie et d'Afrique. Les politiques de logement et de scolarisation varient d'un pays à l'autre. En Allemagne et aux Etats-Unis, deux pays fédéraux, le système scolaire est moins uniforme et plus soumis au contrôle local qu'en France et aux Etats-Unis, l'école a traditionnellement joué un rôle important dans l'acculturation et dans la mobilité sociale des populations étrangères. La politique de scolarisation en République fédérale met l'accent sur le retour dans le pays d'origine — ce qui est invraisemblable. L'Allemagne n'a pas de politique de logement pour les immigrés qui vivent dans des conditions défavorisées. En Grande-Bretagne, malgré l'absence de politique, les conditions de logement des immigrés se sont améliorées. Quant à la politique américaine, elle a surtout favorisé l'accès à de « bons » logements des minorités appartenant à des classes moyennes, mais il reste beaucoup à faire pour ceux des classes inférieures. La relation entre les politiques publiques d'immigration et les conditions de vie satisfaisantes des populations immigrées n 'est jamais claire.Societies and polities differ in the extent to which they divide ethnic groups into natives and immigrants. In some states, indigenousness creates strong claims to priority, whereas in others yesterday's immigrants can become today's natives. In the United States, despite massive immigration, the category of « immigrant » is shrinking. Citizenship is liberally available by naturalization and by jus soli. In Germany, by contrast, citizenship is acquired on a jus sanguinis basis ; naturalization is rare ; even third generation Turks are often considered « immigrants ». Whereas to be American has little to do with blood, to be German means to be a Germon citizen and a member of the German ethnic group. On all of these dimensions, France and Britain are in-between. There is some genetic content to being French or British, but immigrants can, to some extent, become French or British. Although France, unlike Britain, is traditionally a country of immigration, both have had difficulty absorbing migrants from Asia and Africa. Education and housing policies affecting minorities vary from country to country. In Germany and America, both federal states, education is less uniform and more subject to local control than in France and Britain. In France and America, the schools have been traditional facilitators of immigrant acculturation and social mobility. In parts of Germany, schools have emphasized preparation of immigrant children for a return to the home country that seems unlikely. Germany has no housing policy targeted at minorities, who tend to live in poorer conditions than Germans do. Despite the absence of a policy in Britain, minority housing conditions have improved steadily. American policies have improved the access of middle-class minority group members to good housing but have done little for members of the lower class. Overall, there is no clear relation between ethnic policies and the conditions in which the minorities find themselves.
- L'école face à la diversité de ses publics - Altan Gokalp p. 63-74 L'institution scolaire est confrontée à l'hétérogénéité culturelle et linguistique de son public. Les principes traditionnels d'« égalité de traitement pour l'égalité des chances » (France), « d'education for all » (Royaume-Uni) sont de moins en moins en résonnance avec la situation scolaire des enfants de l'immigration. Quelle place pour la langue et culture d'origine ? L'école à part, pour chaque communauté ? Le pluricultu-ralisme britannique décentralisé à l'extrême ? L'Education Interculturelle invoquée par les instances Européennes et par une majorité de pédagogues ? Ce sont les facteurs d'acculturation qui doivent être interculturels et non les objets culturels / témoins de la différence folklorisée. Sa mise en œuvre doit articuler trois pôles d'activités : le domaine péri-scolaire, d'abord, sous l'égide de l'école et en concertation avec les collectivités territoriales locales ; l'école, ensuite, en adaptant ses programmes aux disciplines de l'altérité (histoire, anthropologie, lettres, etc.) ; l'enseignement des langues « maternelles » enfin, qui n 'a d'avenir que si l'on parvient à assurer la continuité pédagogique dans l'ensemble du parcours scolaire et le débouché vers l'Université : la légitimation.The School is confronted with the cultural and linguistic heterogeneity of its public. The traditional principles of equality — equality of chances in France, education for all in Great-Britain — are less and less adapted to the present situation of immigrant children. What is the place to be given to the language of origin ? A separate school for each community ? Should the British decentralised pluriculturalism be the example to be followed ? Or should one follow the intercultural education advocated by the EEC and by a majority of pedogogues. The factors of acculturation should be intercultural and not the objects of culture, which are usually turned into a folklorized difference. Three points should be articulated : the pre-school period, under the guidance of the school and in concert with the local collectivity ; then the school, which will adapt its programs to disciplines which deal with the problematic of the « other » ; the teaching ofmother tongues which does not have a future if one does not succeed in assuming its continuity throughout the years of schooling and the opening for the Universities, which constitute the ultimate legitimation.
- The Education and Housing of Ethnic Minorities in the United States - Nathan Glazer p. 75-84 Le système de « busing » aux États-Unis qui consiste à transporter les enfants noirs dans des écoles fréquentées par des enfants blancs pour assurer un mélange racial dans les écoles élémentaires et secondaires a pour objectif d'aboutir à l'égalité des chances et d'améliorer la scolarisation des enfants noirs. Des oppositions politiques ont empêché d'obtenir des résultats espérés. Quant à une perspective d'intégration résidentielle, elle s'avère plus difficile que l'intégration scolaire.Busing was proposed as a solution to the existence of segregated schools in the United States. The goal was to eliminate the difference between black and white schools by having children attend public-schools nearest to where they lived in order to overcorne the demeaning distinction of race in law and assist the segregating schools to improve their program. The solution was apparently simple, but it did not happen because of political resistance. The problem of school integration by way of residential integration seems as difficult to realize as busing.
- Les associations, l'entreprise et la vie locale - Maryse Tripier p. 85-95 Il est courant d'accorder à l'Etat et aux politiques d'immigration un rôle prépondérant dans les formes d'intégration des immigrants dans la société d'accueil. On essaie ici de montrer que d'autres institutions et acteurs sociaux jouent un rôle important, en particulier dans le cas de la France, où l'action volontaire de l'Etat central a plutôt contribué à déstructurer les identités « ethniques », régionales ou immigrées. On développe ici le rôle joué par les syndicats ces vingt dernières années dans le recul des discriminations économiques, l'accès à une forme de citoyenneté dans l'entreprise, la socialisation à la classe ouvrière. Les identités collectives dont participent les immigrés sont « à géométrie variable » selon la nature des enjeux et les espaces d'interaction. On ne peut notamment assimiler les processus d'acculturation et de regroupements qui se déroulent dans l'univers professionnel et dans la sphère de l'habitat.The State and its policy of immigration is usually considered as having a major influence on the process of integration of immigrants into the larger society. This essay attempts to show that there are other institutions and social actors who play an important role, especially in the French case, where the action of the centralized state has contributed to the dissolution of « ethnic », regional or immigrant identities. It considers the role played by trade-unions in the last 20 years in the fight against economic discrimination, in the access to a certain equality in business and last in the socialisation of the working class. Collective identities such as those of immigrants are variable according to the nature of the spaces of interaction. One cannot mix together the process of acculturation and the unions which develop in the professional or private spheres.
- Asian-Americans and American Foreign Policy - Myron Weiner p. 97-111 II apparaît légitime pour les populations naturalisées aux Etats-Unis, de chercher à influencer la politique étrangère de leur pays d'adoption en faveur de leur pays d'origine ; et ceci pour trois raisons : (1) le cadre légal des droits constitutionnels ; (2) le système de séparation des pouvoirs qui accorde au Congrès un rôle dans la politique étrangère ; (3) l'idéologie partagée par tous. Il existe traditionnellement des modalités d'intervention dans la politique étrangère des Américains d'origine européenne. Cet article montre comment les 4,5 millions d'immigrants d'origine asiatique (Philippins, Chinois, Japonais, Vietnamiens, Laotiens, Cambodgiens, Coréens et Asiatique Indiens) suivent le même modèle. On peut relever trois modes d'implication des immigrés dans la politique étrangère : (1) les migrants font pression pour que les Etats-Unis adoptent une politique en faveur de leur pays d'origine ; (2) les migrants sont hostiles aux politiques de leur pays d'origine, souvent à cause de la violation des droits de l'homme ; (3) les migrants qui appartenaient à des minorités ethniques dans leur pays d'origine cherchent à obtenir que les Etats-Unis soutiennent leur « peuple » qui lutte pour l'autonomie ou l'indépendance.It is legitimate in the United States for naturalized citizens to seek to influence their adopted country's foreign policy on behalf of their country of origin. There are three reasons : (1) the American legal framework regarding constitutional rights ; (2) the system of separation of powers which assigns Congress a role in foreign policy ; and (3) a widely shared ideology. There are historically well-established patterns of foreign policy involvement by Americans of European origin. This article shows how 4.5 million Americans of Asian extraction — Filipinos, Chinese, Japanese, Vietnamese, Laotians, Kampucheans, Koreans, and Asian Indians — follow similar patterns of behavior. Three patterns are identified : (1) migrants press the U.S. to pursue policies beneficial to their home country ; (2) migrants are hostile to the regime of their country of origin, often for its human rights violations ; and (3) migrants who were ethnic minorities at home support their ethnic kinfolk seeking greater autonomy or independence.
- Immigrés, Etats et sociétés - Rémy Leveau p. 113-126 Les émigrés sont trop souvent considérés comme des acteurs sociaux subissant un destin qu'ils ne contrôlent pas. A y regarder de plus près il semble bien que leur marge d'autonomie à l'égard des Etats et des sociétés, tant celles des pays de départ que des pays d'accueil soit plus importante qu'on ne le pense. Peut-on faire l'hypothèse que leur individualisme peut être à l'origine de changements sociaux, économiques et politiques dans ces pays, remettant en cause les fonctions de l'Etat telles qu'elles ont pu être définies lors des indépendances ?Migrants are often seen as social actors submitted to a fate they don't control. It seems however, that their space of autonomy in relationship with states and societies, in their country of origin as well as in their country of stay is much more important. Can we think that their individualism may bring social, economic and political change in these countries of origin as well as in their country of stay, is much more important. Can we (posit that they even affected the workings of the States as they were defined at their) Independances ? (text in parentheses added by Persée)
- L'État et les immigrés : France, Allemagne, Grande-Bretagne et États-Unis - Riva Kastoryano p. 9-20
Recherches
- Les Musulmans dans les écoles de Birmingham - Danièle Joly p. 127-136
- Note aux auteurs - p. 139