Contenu du sommaire : Vers la ville insulaire ?
Revue | Espaces et Sociétés |
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Numéro | no 150, 2012/2 |
Titre du numéro | Vers la ville insulaire ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
I. Vers la ville insulaire ?
- Éditorial : Vers la ville « insulaire » ? Tendances globales, effets locaux - Catherine Bidou-Zachariasen, Angela Giglia p. 7-14
- De la ville moderne aux micro-ordres de la ville insulaire : Les espaces publics contemporains à Mexico - Emilio Duhau, Angela Giglia p. 15-30 Cet article examine l'évolution des espaces publics en s'intéressant aux changements ayant bouleversé l'ordre urbain de la ville moderne, qui supposait un ensemble de règles applicables à l'espace urbain tout court, ainsi qu'une distinction assez précise entre espaces privés et espaces publics. Or, l'urbanisme insulaire actuel se caractérise par la prolifération de ce que nous proposons d'appeler des micro-ordres, terme par lequel il faut entendre des espaces soumis à des règles sui generis ayant à voir avec la spécialisation des usages et avec les droits de propriété. À partir d'une réflexion essentiellement axée sur la métropole de Mexico, cet article cherche à offrir une synthèse des transformations ayant marqué le passage de l'ordre urbain de la ville moderne aux micro-ordres de la ville insulaire.From the modern town to the micro-orders of the insular town
This article examines the evolution of public spaces in the light of changes which overturned the previously established urban order of the modern town which took for granted a set of rules applicable to any urban space stipulating a fairly precise distinction between public and private spaces. However, today's insular urbanism is characterised by the proliferation of what we propose to call micro-orders, a term which indicates spaces subject to sui generis rules concerned with specialisation of use and property rights. Based on a study essentially focused on the Mexican metropolis, this article offers a synthesis of those transformations which have marked the shift from the urban order of the modern town to the mico-orders of the insular town. - De la nature à vendre : fabrique urbaine et construction d'extra-territorialité à Recife (pe, Brésil) - Fanny Vuaillat p. 31-47 Les nouvelles tendances du marché immobilier à Recife (pe, Brésil) dessinent les dynamiques de la fabrique de la ville. L'intégration du thème de la nature dans la conception et la promotion de programmes immobiliers fermés et sécurisés montre la manière dont la fabrique de la ville insulaire et fragmentée se renouvelle. Cet article propose, dans un premier temps, de mettre en lumière le récent changement de rhétorique marketing des promoteurs immobiliers. Puis, divers exemples (portraits de plusieurs condomínios fechados en ville ou à ses marges, prise de position municipale ou encore discours des habitants) illustreront le renouvellement des ressorts qui sous-tendent la fabrique de la ville fragmentée, en sollicitant la nature et les loisirs comme nouvel idéal de l'habiter. La récurrence de la figure de l'extra-territorialité, que ce soit dans la conception ou la promotion des programmes ou dans la sensation des résidents de ces nouveaux complexes résidentiels, illustre une manière d'habiter se généralisant.Nature for sale: city-making process and construction of extra-territoriality in Recife (pe, Brazil)The new trends of the real estate market in Recife (pe, Brazil) illustrate the current dynamics of the city-making process. The integration of a topic like nature in the design and offer of the gated communities programs reveals the way the process of city-making is regenerating itself within the insular and fragmented metropolis. This paper intends in the first place to highlight the recent change in marketing rhetoric by the property developers. Then various examples (description of several condomínios fechados in or just out of town, official municipal rhetoric, residents' opinions) illustrate the currentmotivations underlying the city-making of the fragmented metropolis which invoke nature and leisure as the new ideals for living. The recurrence of the rhetorical figure of extra-territoriality, as expressed either through the conception and promotion of the programs or via the responses of residents, highlights a general move toward this way of living.
- L'enclave fonctionnelle du Strip à Las Vegas : quand l'insularité façonne la ville - Pascale Nédélec p. 49-65 Emblème de Las Vegas, le Strip est un grand boulevard le long duquel se concentrent les hôtels-casinos et les attractions touristiques de la capitale mondiale du jeu et du divertissement. Dès sa naissance dans les années 1940, le Strip se caractérise par une déconnexion spatiale et fonctionnelle d'avec le reste du tissu urbain. La spécificité de cette situation permet d'aborder l'idée d'urbanisme insulaire, ici appliqué à l'échelle de tout un quartier. Soutenue et même encouragée par les acteurs économiques et politiques locaux, cette déconnexion va à l'encontre de l'interdépendance réelle entre le Strip et l'agglomération végasienne. En résultent une transformation de l'expérience urbaine devenue produit touristique qui fragilise la cohésion urbaine dans son ensemble. L'insularité du Strip interroge les transformations de la ville américaine contemporaine et pose la question d'une possible remise en cause de l'ordre urbain.The Strip, functional enclave in Las Vegas: when insularity shapes the city
The Strip, the very emblem of Las Vegas, is a long boulevard concentrating both the hotel-casinos and the tourist attractions of the gaming and entertainment world capital. Since its birth in the 1940s the Strip has been characterized by spatial and functional disjunction with the rest of the urban fabric. The particularity of this situation allows me to discuss the idea of insular urbanism at the scale of an entire neighborhood. Supported and even encouraged by local economic and political actors, this disjunction goes against the real interdependence between the Strip and the Las Vegas urban area. As a result, the urban experience turns into a tourist product, thus weakening urban cohesion as a whole. The Strip's insularity questions whether the contemporary American city can transform itself and asks about possible reconsiderations of the urban order. - Artefacts sécuritaires et urbanisme insulaire : les quartiers d'habitat social rénovés à Belfast - Florine Ballif p. 67-84 L'objectif de cet article est de montrer que le processus de rénovation urbaine des années 1980 et 1990 à Belfast tend à créer des espaces insulaires. En effet, des considérations multiples sont à l'origine de la création de quartiers tournés sur eux mêmes mais pas totalement isolés. Le conflit communautaire et la violence confessionnelle sont en trame de fond, mais des considérations sur la délinquance de droit commun ainsi que les modes en terme de composition urbaine sont en jeu. L'organisme maître d'ouvrage, le Northern Ireland Housing Executive (nihe), gestionnaire du logement social est soumis à des pressions et impératifs contradictoires : peurs des communautés locales, revendications des élus et des milices paramilitaires, administration de la voirie opposée à la fermeture des rues. La voirie et les plans-masses des nouveaux quartiers, intégrant des grilles et des murs, sont en rupture avec la trame quadrillée et ouverte du bâti aligné sur rue, sans toutefois réaliser des enclaves retranchées de la ville.Security artefacts and insular urbanism: social housing neighbourhoods renovated in Belfast
The aim of this article is to show that the renovation process undertaken in the 1980s and 1990s in Belfast tend to create “insular” spaces. Indeed, many different influences have contributed to the creation of self-contained neighbourhoods. Intercommunal conflict and sectarian violence are deep causes but ordinary crime and urban design are also contributing factors. The Northern Ireland Housing Executive (nihe) – the social housing agency – faced contradictory constraints and pressures: anxieties and fears from the local communities, demands from politicians and paramilitaries, road service departments opposed to street closures. The road system and design layout of new neighbourhoods shifted away from the traditional grid square and street line, but without urban enclaves as such. - Classes supérieures de promotion et entre-soi résidentiel : l'agrégation affinitaire dans les quartiers refondés de Milan - Bruno Cousin p. 85-105 Issu d'une enquête de terrain réalisée en 2004-2008 dans les quartiers résidentiels de San Felice et Milano 2, cet article contribue à l'analyse différenciée des dynamiques d'auto-ségrégation des classes (moyennes-)supérieures milanaises. Dans une première partie, il décrit la configuration urbaine et l'organisation interne de ces quartiers d'immeubles collectifs de haut standing bâtis durant les années 1970 et issus de vastes opérations immobilières d'arasement, reconstruction, repeuplement et enclosure. Il analyse ensuite les représentations, les univers symboliques, les constructions de sens et les registres justificatifs au travers desquels les résidents développent leur refus de la mixité – dessinant ainsi des spécificités italiennes quant à l'articulation entre la hiérarchie sociale et son inscription territoriale.Promoting upper-middle classe and residential self-segregation: the case of the reconstituted neighborhoods of Milan (Italy)Drawing from fieldwork conducted in 2004-2008 in the residential neighborhoods of San Felice and Milano 2, this article contributes to a differentiated analysis of the Milanese upper-middle classes' self-segregation dynamics. Its first section describes the urban configuration and the internal organization of these complexes of exclusive collective buildings erected during the 1970s through large-scale real-estate operations of leveling, reconstruction, repopulation and enclosure. It then analyzes the representations, meaning-making, and registers of justification through which residents articulate their preference for local class homogeneity – highlighting some Italian specificities concerning the relation between social hierarchy and its territorial dimension.
II. Hors dossier
- Les centres commerciaux à São Paulo : Renforcement de l'entre-soi ou déségrégation sociale ? - Paul Cary p. 107-127 Cet article se propose d'analyser le mouvement de diffusion des centres commerciaux dans la métropole de São Paulo qui en présente une très forte concentration. Basé sur une approche socio-ethnographique, il s'intéresse aux usages des malls, qui semblent révéler un entre-soi croissant en leur sein, à tel point qu'on peut y lire une extension du domaine de la maison (« casa ») théorisé par Da Matta en opposition à celui de la « rue ». Si les malls peuvent renforcer une certaine fragmentation des rapports sociaux et du tissu urbain, cette tendance ne doit cependant pas masquer que leur succès est l'indice d'une déségrégation massive de la société brésilienne, que l'accès massif à la consommation de populations – qui en avaient jusque-là été exclues – semble révéler.The commercial centres of Säo Pauli
This article aims to analyze the diffusion of malls in the metropolis of São Paulo, where they are highly concentrated. Based on a socio-ethnographic fieldwork, it focuses on the uses of malls, which seem to reveal a growing social exclusiveness. We can hypothesize they are a metaphorical extension of the “house” as theorized by Roberto Da Matta in opposition to the “street”. If the malls can reinforce a certain fragmentation of social life and of urban space, this trend should not hide the fact that their success also expresses a massive desegregation of Brazilian society which the access to mass consumption of long-excluded populations seems to reveal. - Sentiment d'insécurité et inconfort chez les classes moyennes et supérieures des banlieues résidentielles au Sud et au Nord - Guénola Capron p. 129-147 L'article compare le sentiment d'insécurité de résidents de classes moyennes et supérieures de banlieues résidentielles, anciennes et nouvelles, ouvertes et fermées, de deux villes, une ville intermédiaire française – Toulouse – et une mégalopole d'un pays du Sud – Mexico. En effet, au-delà des effets de contexte (taille, échelle, niveau de « développement », degré de violence), l'urbanité de ce groupe socio-spatial est marqué par un sentiment d'inconfort partagé. Toutefois, la gated community latino-américaine signifie une nouvelle étape de la production de la ville vers un contrôle social et urbain qui cherche à être total.Feelings of insecurity and discomfort amongst the middle and upper classes of residential suburbs both north and south The paper compares the feelings of insecurity among upper and middle class residents of suburbs established or new, open or gated, in two cities, the French intermediate city of – Toulouse – and the megalopolis of a country of the South – Mexico City. Indeed, beyond the effects of context (size, scale, level of “development”, degree of violence), the urbanity of this socio-spatial group is marked by feelings of shared discomfort. However, the Latin American gated community heralds new stage in the production of the city towards total social and urban control.
- Femmes, sexe, genre : Quelle approche géographique ? - Guy Di Méo p. 149-163 Le développement des travaux sur le genre, encore timide en géographie, invite à regarder la production de l'espace géographique en tenant compte du rôle déterminant des catégories sociales liées à l'appartenance de sexe ou aux orientations de la sexualité. Cet article s'efforce de définir ce qu'il convient d'entendre par genre. Il établit un pont entre théories du genre et géographie sociale. Il propose des outils opératoires (espaces de vie et vécu, territorialité et territoire, lieu et réseau ...) dont les résultats d'une expérimentation, réalisée auprès d'un échantillon de Bordelaises, sont présentés. Il s'avère que sous l'influence d'un ordre politique, urbanistique et social de nature masculine et familiale, les femmes interrogées construisent leur propre ville vécue en fonction de valeurs de genre. Elles y dessinent leurs territoires, leurs réseaux et leurs lieux (tous très diversifiés), qu'elles ceignent de « murs invisibles ».Women, sex, gender
Though still limited as far as geography is concerned, the development of gender studies is an invitation to take into account the key role of social categories determined by sex belonging and sexual orientations when studying the production of geographical space. The author of this essay sees gender as a relation of domination linking groups that are improperly and systematically defined by their sexes. His main purpose is to bridge the gap between gender theories and social geography by proposing operating tools (such as life-space and lived space, territoriality and territory, place and network ...) which he used in a study based on a sample of the Bordeaux female population. The results of this study are presented in the essay: women build up their own lived cities according to gender values, under the influence of a both male and familial social, urban and political order; in these lived cities they delineate their territories, networks and places (all of them very diversified), encircling them with “invisible walls”.
- Les centres commerciaux à São Paulo : Renforcement de l'entre-soi ou déségrégation sociale ? - Paul Cary p. 107-127
Notes de lecture
- Recensions d'ouvrages - Sylvie Tissot p. 165-185