Contenu du sommaire : Varia
Revue | Sociétés contemporaines |
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Numéro | no 86, 2012 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Sélectionner, élire, prédire : le recrutement des classes préparatoires - Muriel Darmon p. 5-29 À partir d'une enquête par observation et entretiens portant sur des classes préparatoires scientifiques et économiques du lycée L*, l'article propose une analyse sociologique des procédures et processus d'admission en classe préparatoire, et notamment des catégories de l'entendement professoral qui s'y manifestent. Il évoque dans un premier temps comment elles s'inscrivent dans un contexte politique et professionnel particulier, celui d'une « politisation » de la question des classes préparatoires, qui joue comme contrainte, historiquement située, dans leur énonciation. Il montre ensuite comment elles prennent place dans des luttes de classements entre enseignants (à travers le couple catégoriel central du « travail » et du « niveau ») et comment elles mêlent évaluation et prédiction des dispositions étudiantes à travers la quête de « l'énergie scolaire » des candidats.Selecting, Electing, Predicting: how Students for “classes préparatoires” are chosen`/titrebBased on a 24-month ethnographic study of French “classes préparatoires”, two years intense and selective training before applying for very competitive examination for access to “Grandes Ecoles”, this article describes how prospective students are chosen for “classes préparatoires”. Its focuses on the debates within the Admission Committees (whose members are mainly faculty) display “catégories de l'entendement professoral” (Bourdieu, Saint Martin, 1975), which are namely criteria and judgments used to determine what is a “strong” candidate. It therefore demonstrates that these categories are not universal and shared representations but are (1) influenced by a specific historical and political context (2) and submitted to variations in teachers' disciplines and positions.
- Contrainte relationnelle et résistance au travail : Les vendeurs des grands magasins - Pascal Barbier p. 31-57 À partir d'une observation participante réalisée dans un grand magasin parisien et d'entretiens avec des vendeurs du grand commerce, l'article examine les contraintes exercées par les clients sur les vendeurs chargés de satisfaire leurs désirs. Il vise à comprendre l'origine et les effets des petites brutalités produites quotidiennement par les clients à l'encontre des vendeurs. Il met en évidence le rôle joué par plusieurs facteurs dans l'appréciation de situations qui coûtent à certains vendeurs et moins à d'autres, comme la trajectoire scolaire et professionnelle des vendeurs. Enfin, il montre les ressources relationnelles mobilisées par les vendeurs pour contenir, voire inverser le rapport de force que deviennent parfois leurs relations avec les clients.Facing Relational Constraint: Research among Department Store's Salesmen. Based on a participative observation in a Parisian department store and on interviews with salesmen, the article examines the constraints imposed by customers on salesmen who are expected to satisfy their wishes. This article aims at understanding the root causes and effects of these daily impediments on salesmen. It shows the role of different factors in evaluating some situations, which are more or less painful depending on salesman's school and professional career. The author concludes showing the relational resources used by salesmen to contain, or even change the power dynamics with clients.
- L'ambivalence des parents de classes populaires à l'égard des institutions de remédiation scolaire. : L'exemple des dispositifs relais - Mathias Millet, Daniel Thin p. 59-83 Les familles populaires sont, depuis longtemps, la cible de politiques publiques ayant pour objectif l'encadrement et la transformation de leurs pratiques les moins conformes aux normes familiales et aux normes d'éducation dominantes. De fait, ce sont les modalités institutionnelles d'encadrement et de conversion des pratiques familiales les plus hétérodoxes qui ont été étudiées, plus rarement le rapport des familles aux dispositifs institutionnels qui leur sont imposés. Cet article se propose au contraire d'étudier ce rapport sous l'angle du point de vue des parents de collégiens en ruptures scolaires pris en charge par un dispositif relais, observatoire privilégié des façons dont se structurent les relations des familles populaires aux institutions d'encadrement et de socialisation. L'article montre que, face aux prises en charge dont ils sont l'objet, les parents des familles populaires ne peuvent être pensés du seul point de vue de la domination et opposent aux logiques de prise en charge un ensemble de résistances objectives (ambivalence, pratiques d'évitement, appropriations hétérodoxes, etc.). Il souligne à la fois la situation d'acquiescement contraint dans laquelle se trouvent les familles face à l'intervention institutionnelle et leurs tentatives de saisir celle-ci selon leurs logiques propres. Il montre comment les décalages entre les espoirs des parents suscités par la prise en charge de leurs enfants en ruptures scolaires et les pratiques des dispositifs relais nourrissent l'ambivalence de parents de classes populaires à l'égard d'une action institutionnelle de remédiation scolaire teintée de socio-éducatif, ambivalence qui les conduit à osciller entre « jouer le jeu » institutionnel et se retirer du jeu, utiliser les dispositifs institutionnels et résister à leurs logiques.The Ambivalence of Lower Working-Class Families in front of Remedial Institutions for Students Dropouts`/titrebLower working-class families have been for a long time the targets of public policies. These last ones aims to frame and convert the practices not in compliance with family and educational standards. Actually, the institutional ways of supervision and conversion of the most heterodox family practices were studied but more rarely the relationships with the institutional action. This article proposes to study theses relationships from the point of view of families whose children are affected by special device for disruptive college students. They implement a set of objective resistances (ambivalence, practices of avoidance, heterodox practices, etc.). The study emphasizes that the families are led to a forced permission to the institutional intervention and that they try, at the same time, to use the institutions in their own logics. It shows the ambivalence of the parents generated by the gaps between the hopes of the parents waiting for academic support and the institutional action trying to change more widely the way of being of the pupils. This ambivalence leads them to oscillate between trying “to play the game” and withdrawing from the institution (get out) game, between trying to get help from the agents of the institution arrangements and resisting to their pratices or requests.
- Les formes de la délibération interprofessionnelle : Le sens du dialogue - Jean-Pascal Higelé p. 85-111 La délibération politique sur et dans la protection sociale est marquée par un vocabulaire très présent mais dont les définitions semblent particulièrement flexibles : dialogue social et civil, partenaires sociaux, société civile, gouvernance. Pour autant, la flexibilité sémantique de ces notions ne signifie pas qu'elles sont sans effet pratique.En premier lieu, cet article défend l'idée que le dialogue social et civil, le partenariat social et la gouvernance forment un univers sémantique commun et qu'à ce titre ne sont pas des modèles de délibération étrangers l'un à l'autre. En second lieu il cherche à déconstruire le sens du dialogue et partenariat social et de la gouvernance. L'objectif en est de réinterroger la nature des relations professionnelles au niveau national et interprofessionnel à partir de deux cas l'assurance chômage et l'assurance maladie complémentaire qui donnent sens aux notions de dialogue social dans un cas et de dialogue civil dans l'autre. Ces outils revendiqués de la gouvernance et du partenariat social et civil permettent de montrer les modalités réelles de délibération interprofessionnelle : alors que la gouvernance prétend laisser place à une délibération partagée avec des partenaires sociaux et de la société civile, cet article montre par l'analyse croisée des règles de la délibération politique et des pratiques des acteurs qui en découlent, que la logique même du dialogue social et civil, consubstantielle à la gouvernance, se traduit par un renforcement du poids de l'État dans la délibération politique interprofessionnelle.The Forms of Interprofessional Decision Making: the Sens of Dialogue. The political deliberation about and in the welfare system is marked by a very present vocabulary but with particularly flexible definitions: social and civil dialogue, social partners, civil society, governance. However, the semantic flexibility of these notions doesn't mean that they have no practical effects.On the one hand, this article defends the idea that social and civil dialogue, social partnership and governance make a common semantic universe and thus, they are not deliberation models that ignore each other. On the other hand, it tries to deconstruct the sense of the social dialogue and partnership and, of the governance. The aim is to question the nature of professional relations at a national and cross-professional level, from two cases unemployment insurance and complementary health insurance that make the notions of social dialogue meaningful for the first case, and civil dialogue for the second one. These asserted instruments of governance and social and civil partnership allow us to show the real modalities of the cross-professional deliberation: while the governance claims to share the deliberation with social and civil partners, this article, with an analysis crossing the policy deliberation rules and the resulting actors' practices, shows that the logic itself of the social and civil dialogue, consubstantial to the governance, leads to strengthen the role of the State in the cross-professional policy deliberation.
- Espace, relations sociales et culture populaire dans le coeur ancien de la ville de Porto - Virgílio Borges Pereira, José Madureira Pinto p. 113-133 Cet article présente les résultats d'un ensemble de recherches sur la transformation des rapports sociaux, des sociabilités et des styles de vie dans un quartier du centre historique de la ville de Porto, principal pôle urbain de la région Nord du Portugal. L'analyse de la morphologie du lieu, du vieillissement de la population et de l'évolution de la structure de classes de la collectivité étudié permet de montrer comment la pauvreté et la précarité sociale y sont particulièrement profondes. Le texte vise aussi à démontrer que la restructuration des habitus induite par les transformations sociales de la collectivité s'est articulée avec le système local des styles de vie, de façon à renforcer la pression au départ des plus jeunes, l'isolement des plus âgées, le déclin des lieux de convivialité et quelques tendances anomiques inscrites dans le tissu social local. L'article discute le rapport entre classes, habitus et production d'« effets de lieu », et propose le concept de « matrice locale d'habitus » pour rendre compte de l'ensemble de rapports de sens qui sont en jeu dans les espaces concrets d'interconnaissance et d'interaction. L'ensemble de propos interprétatifs sur la structuration, spatialement déterminée, des modes de vie locaux et sur la genèse de processus de précarisation et de relégation sociales en milieu urbain conduit les auteurs à s'interroger sur la reproduction des « cultures populaires » dans des lieux stigmatisés et clivés, où les espaces publics et semi-publics sont menacés d'extinction.Space, Social Relations and Working Class Culture in Porto's Historical Downtown. This paper presents the results of a set of researches about the transformation of social relations, sociability and lifestyles in a neighbourhood of Porto's historical downtown. The analysis of the morphology of the place, of the population's aging process and of the evolution of the class structure shows the deep local inscription of poverty and social precariousness. The article tries to demonstrate that the restructuration of habitus induced by social changes in the neighbourhood has been connected with the local system of lifestyles, reinforcing the pressure to leave of the younger generations, the isolation of the older, the decline of the places of conviviality and some anomic tendencies inscribed into the local social fabric. The paper focuses on the relations between social classes, habitus and the production of “effects of place”. The concept of “habitus local matrix” is a key concept for analyzing the set of relations of meaning that are inscribed in different levels of integration, in real spaces of mutual knowledge and interaction. The authors call into question the reproduction of “working class cultures” in declining, stigmatized and divided contexts where public and semi-public spaces are threatened of extinction.