Contenu du sommaire : La Suisse et les ambivalences de la neutralité

Revue Matériaux pour l'histoire de notre temps Mir@bel
Numéro n° 93, janvier-mars 2009
Titre du numéro La Suisse et les ambivalences de la neutralité
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Avant-propos - Rita Thalmann et Marc Perrenoud p. 1 accès libre
  • Origines, interprétations et usages de la "neutralité helvétique" - Hans Ulrich Jost p. 5 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La « neutralité » helvétique, déjà évoquée au XVIIe siècle, fut inscrite dans les traités de Vienne de 1815 comme garante de l'intégrité et de l'inviolabilité du territoire suisse. Or, elle va souvent servir à camoufler son engagement douteux dans des affaires commerciales, bancaires ou politiques avec des pays étrangers. Chateaubriand déplorait déjà que « neutres dans les grandes révolutions des États qui les environnaient, les Suisses s'enrichissaient des malheurs d'autrui et fondèrent une banque sur les calamités humaines ». À partir de la Grande Guerre, le principe de neutralité fut hissé au rang de mythe de l'identité nationale et s'inscrivit désormais dans le catalogue des valeurs fondamentales de la politique du pays. Or, ce mythe a été sérieusement ébréché par les recherches historiques récentes qui ont mis à nu les sympathies suisses à l'égard de l'Italie fasciste, du régime de Franco et de l'Allemagne nazie.
    The Swiss neutrality, already evoked since the 17th century, was placed in the treaties of Vienna as a guarantee of the integrity and the inviolability of the Swiss territory. It would often serve, however, as a cover for the country's questionable commercial, banking and political dealing with foreign countries. Chateaubriand had already lamented that “neutral towards the great revolutions of the environing countries, the Swiss were growing rich thanks to the misfortunes of the others and founded a bank on the human calamities”. Since the Great War, the principle of neutrality was raised to the rank of a myth of the national identity and was included amidst the fundamental values of the Swiss policy. Nevertheless, this myth is seriously contested by recent historical research, that reveals completely the Swiss sympathy for fascist Italy, Franco's regime and Nazi Germany.
  • La crise des années 1930 et la hantise de la "surpopulation étrangère" - Georg Kreis p. 13 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cette crainte possède un long passé. On en trouve la trace dès 1900, mais la Suisse pense alors résoudre le problème par une naturalisation obligatoire des immigrés. Léger infléchissement en 1915 (« Nous ne voulons pas de Suisses de papier » écrit Carl Alfred Schmid). Dans les années vingt, surgit la théorie d'une race suisse, un homo alpinus helveticus, caractérisé par son souci du corps, de l'hygiène, du travail manuel, toutes qualités manquant aux étrangers. En 1938, la Suisse en vient à refuser d'accueillir la conférence destinée à traiter du sort des réfugiés, majoritairement juifs, venus d'Allemagne ou d'Autriche après l'Anschluss. L'exposition nationale de 1939 invite les hommes à choisir pour épouse une compatriote. Or cette hantise du déclin national ne correspond pas à la réalité puisque la population continue d'augmenter et le nombre d'étrangers à diminuer au cours des années trente.
    This fear has a long past. There were signs already by 1900, but at the time the solution was thought to lie in the compulsory naturalization of the immigrants. There was though a slight shift on 1915 (“We do not want any fake Swiss”, Carl Alfred Schmid wrote). In the twenties, the theory of a Swiss race saw the light. The homo alpinus helveticus was characterized by the care of his body, hygiene, manual labour, all these qualities that the foreigners were presumably short of. In 1938, Switzerland ended up by refusing to host a conference dealing with the fate of the -mainly Jewish- refugees coming from Germany and Austria right after the Anschluss. Moreover, the national exhibition of 1939 called for men to choose a fellow countrywoman as a spouse. Nevertheless, the obsession of the national decline did not match reality, as the Swiss population kept on growing during the thirties, whereas the number of foreigners declined at the same period.
  • Neutralité suisse et droit d'asile au temps du fascisme et de l'antisémitisme (1930-1939) - Stéfanie Prezioso p. 23 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La neutralité, notion malléable, est à bien des égards indissolublement liée à la définition du droit d'asile, du moins est-ce ainsi qu'au cours des années 1930, elle est envisagée tant par les autorités fédérales que par les exilés politiques. Le mythe d'une Suisse indépendante, libre et humanitaire est alors inséparable du dogme brandi de la neutralité. Cependant, entre égoïsme national, anticommunisme et antisémitisme latent, neutralité et droit d'asile s'apparenteront toujours plus à une adaptation graduelle au nouvel ordre européen fasciste.
    Neutrality, malleable concept, is by many regards indissolubly connected to the definition of the right of asylum, at least it was considered like this until the years 1930, as well as by the federal authorities as by the political exiled. The myth of an independent, free and humane Switzerland was then indivisible from the brandished dogma of neutrality. However, due to national selfishness, latent anticommunism and anti-Semitism, neutrality and the right of asylum will be more and more related by a gradual adaptation to the new fascistic European order.
  • Le changement politique après la défaite de 1940 - Daniel Bourgeois p. 32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Y a-t-il eu un changement politique en Suisse après la défaite française ? La nouveauté dans le paysage politique suisse est bien la force avec laquelle se manifeste le thème de la « Révolution nationale ». La Suisse n'a pas été envahie. Sa petite armée est intacte. Cette différence d'avec la France rend possible l'existence d'un helvétisme à deux faces, l'une franchement « Ordre nouveau », l'autre plus résistancialiste avec une composante dirigée contre l'Axe, qui se combine avec le « conservatisme », fidèle aux institutions démocratiques fondatrices de l'État fédéral. Celles-ci deviennent le meilleur garant de l'indépendance suisse et, malgré certaines faiblesses et les pleins pouvoirs, le lieu, non pas du changement sur un mode autoritaire, mais du futur développement de la démocratie sociale en Suisse.
    Has there been a political change in Switzerland after the defeat of France? What is new in the Swiss political landscape is the force of expression of the theme of National Revolution. Neither Switzerland was invaded nor its army was destroyed, as it was the case for France, and this difference made possible the existence of a bifold helvetism, one frankly New Order and another more attached to the resistance against the Axis, combined with the “conservatism” of those who want to keep the founding democratic institutions of the federal state, which become the best garantee of the independance of Switzerland and ot the future development of social democraty in the country.
  • Entre neutralité et opportunisme : gestion des réfugiés antinazis allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale - Alix Heiniger p. 43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article analyse la gestion par les autorités fédérales des réfugiés politiques d'extrême gauche, principalement communistes, en Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ceux-ci posent un double problème à la Confédération. D'une part, en tant qu'opposants politiques, ils risquent de nuire aux relations diplomatiques et à la neutralité helvétique ; d'autre part, ils sont considérés comme une menace pour la sécurité intérieure de la Suisse.
    This article analyses how the federal authorities managed left-wing —mainly communist— political refugees in Switzerland during the Second World War. The challenge they represented for the Confederation was twofold. As politics opponents, their presence was seen as being detrimental to Swiss diplomatic relations and neutrality; and they were also considered a threat to Switzerland's domestic security.
  • Les femmes suisses face à la Deuxième Guerre mondiale - Monique Pavillon p. 49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le 2 septembre 1939, quelque 430 000 citoyens-soldats quittaient leur domicile et leur travail pour la Mob, la mobilisation générale de l'armée suisse. À une situation susceptible de déstabiliser l'ordre des genres, comment vont réagir les autorités helvétiques ? Et quelle sera l'attitude des Suissesses, toujours privées de droits politiques, face à la raison d'État et aux exigences du monde économique ? C'est à explorer quelques-unes de ces facettes que se consacre cet essai.
    On September 2 1939, some 430'000 male citizen-soldiers left their homes and workplaces to take part in the Mob, the general mobilization of the Swiss militia-army. How did political authorities react to such an event, that could potentially destabilize gender equilibria? And what was the attitude of disenfranchised Swiss women towards demands from the state and the economy? This essay explores some dimensions of this momentous event.
  • Traditions et rôle humanitaire de la Suisse - Antoine Fleury p. 60 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'aide aux réfugiés et l'assistance portée à l'étranger aux victimes constituent les deux piliers des activités humanitaires de la Suisse. Sa politique de neutralité est confrontée à des défis considérables au cours des années 1930 et 1940. De nouvelles dimensions et de nouveaux acteurs apparaissent, ce qui entraîne la participation de la Suisse à des organisations, telles que le Comité intergouvernemental pour les réfugiés, puis l'Organisation internationale pour les réfugiés.
    The help to refugees and the assistance to foreign victims constitute two pillars of the humanitarian role of Switzerland. Its politics of neutrality was confronted to important challenges in the 1930s and 1940s. New dimensions and new actors appeared, which implicated the involvement of Switzerland in organisations such as the Intergovernmental Committee on Refugees and the International Refugees Organization.
  • Les échanges économiques durant la Seconde guerre mondiale, dans une perspective de longue durée - Jean-François Bergier [Entretien] p. 71 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Après avoir présidé l'Association internationale d'histoire économique, Jean-François Bergier a présidé la Commission indépendante d'experts Suisse-Seconde Guerre mondiale (1996-2001). Il montre comment les tendances à long terme du développement économique de la Suisse déterminent des problèmes, tels que le transit à travers les Alpes, les exportations de matériel de guerre, les transactions financières et les biens pillés.
    Jean-François Bergier had presided the International Economic History Association and later the Independent Commission of Experts Switzerland-Second World War (1996-2001). He showed how long-term tendencies of the economic development in Switzerland determined its problems during the Second World War (transit through the Alps, export of war material, financial transactions, looted assets, etc.).
  • Neutralité, non-intervention et non-immixtion : la politique étrangère suisse durant la guerre civile espagnole (1936-1939) - Sébastien Farré p. 77 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les exportations industrielles et les transactions financières contribuent à la prospérité de la Suisse, mais posent des problèmes par rapport à la politique de neutralité. En fait, la capacité d'adaptation et d'accommodation aux circonstances externes caractérise les attitudes suisses. Ceci s'est avéré utile pour l'Axe, ce qui a motivé des critiques des Alliés, notamment à cause de questions liées aux biens pillés. Néanmoins, la Suisse a pu préserver ses intérêts grâce à la Guerre froide.
    Industrial export and financial transactions contribute to Switzerland's prosperity. However, they pose problems in terms of neutrality. In fact, the Swiss approach is characterised by the ability to adapt and accommodate to outward circumstances. The Axis Powers benefited from it, which led to criticism by the Allies, mostly because of questions related to looted assets. Notwithstanding, Switzerland was able to preserve its interests thanks to the Cold War.
  • Glossaire - p. 94 accès libre
  • Résumés - p. 96
  • Abstracts - p. 98
  • Bulletin d'abonnement - p. 100