Contenu du sommaire : Ordre et désordre asiatiques

Inauguré en août 1985, le Mémorial pour les victimes du Massacre de Nankin est depuis lors lieu de mémoire collective où la Chine se réapproprie l'histoire de la guerre sino-japonaise (1937-1945) et ses reconfigurations successives. Depuis 2007, le nouveau Mémorial s'affiche comme le centre national d'un activisme mémoriel, qui préconise un reformatage global de l'histoire mondiale des années de guerre recentrée sur le Massacre de Nankin.

Un débat sur les manuels d'histoire oppose le Japon, la Chine et la Corée depuis 1982 à propos de la période moderne. Afin de dresser un état des lieux de l'enseignement historique au Japon, cet article présentera ces débats au Japon-même depuis l'après-guerre puis analysera les manuels sans se limiter à l'extrême droite, dont l'influence doit être relativisée, ou aux manuels du collège.

Les échos de l'actualité nous renvoient souvent de l'Asie (de la Corée) une image peu intelligible : celle d'une région (d'un pays) en mutation rapide qui abandonne le discours historique à l'immobile retour du même. Alors que la fin de la guerre froide et l'intégration économique régionale encouragent le réarmement des postures nationalistes, on choisit au contraire de montrer ce qui émerge et se complexifie derrière cet immobilisme. La notion de carrefour historique et historiographique permet d'explorer ces réécritures, dont la plus spectaculaire est la réinscription de l'histoire du Nord dans les manuels scolaires du Sud.

La mémoire du Japon colonial et militariste est dans les pays d'Asie anciennement occupés extrêmement variable. En intensité : très vive dans les discours coréens et chinois, elle est beaucoup moins centrale en Asie du Sud-Est. En évaluation : implicitement ou explicitement comparé à l'Allemagne nazie, le Japon impérial fait l'objet en Corée du Nord comme du Sud et en Chine d'une éducation à la haine. Ailleurs, les appréciations sont plus mitigées et contradictoires, voire positives ou nostalgiques, par exemple chez certains nationalistes taiwanais ou chez les Malais et Indiens de Malaysia.

Réalisée à partir des sources françaises, cette étude s'intéresse à la façon dont le Siam a su, au tournant du XXe, se garder des entreprises coloniales et devenir un acteur indépendant des relations internationales. En outre, ses relations avec l'Indochine participèrent à la définition de l'identité thaïlandaise moderne. L'approche franco-siamoise est ainsi révélatrice des choix qui s'offrent alors au Siam pour trouver sa place comme nation indépendante en Asie .

Les tensions diplomatiques persistantes entre l'Indonésie et la Malaisie tendent à occulter une histoire plus ancienne de circulations intensives d'idées entre les deux rives du Détroit de Malacca. Dès les années 1920 se font jour, à partir du creuset de l'islam réformiste, des aspirations partagées à la définition d'un horizon d'identité politique qui déborde les frontières des juridictions coloniales. Dans les années 1950, l'Indonésie et la Malaisie connaissent également, malgré leurs trajectoires on ne peut plus contrastées de décolonisation, des évolutions politiques synchrones avec la naissance de partis musulmans sociaux-démocrates.

Résumé2007 marque certes les dix ans d'appartenance de la Birmanie à l‘Association of Southeast Asian Nations (Asean), ce sont surtout la Chine et l'Inde qui se profilent aujourd'hui comme ses premiers partenaires. À rebours de l'attitude comminatoire et punitive adoptée par les pays occidentaux, un consensus asiatique s'est forgé autour de la nécessité d'interagir avec le régime birman en dépit de ses infractions répétées aux principes démocratiques et aux droits de l'Homme. Les facteurs de discorde — griefs et suspicions historiques, pressions occidentales en faveur de l'ostracisme, imprévisibilité des généraux birmans — semblent bénins si l'on considère les intérêts stratégiques, économiques et politiques qu'ont ses voisins à s'entendre avec la Birmanie.

Timor Leste est né en 2002. D'une part, cette naissance est emblématique de la multiplication des États au XXe siècle, processus concomitant avec celui de régionalisation dont l'Asean est l'expression majeure. D'autre part, le positionnement des pays voisins quant à cette émergence donne un éclairage sur leur propre processus de construction nationale. Il rend manifeste le glissement de l'anticolonialisme au nationalisme, lui-même créateur d'une nouvelle forme d'expansionnisme néo-colonialiste.

Dès la fin des années 1960, dans la perspective de l'« après-Vietnam », un espace régional s'affirme en Asie du Sud-Est : la zone Asean. En analysant la première période de celle-ci, cet article examine trois facteurs essentiels pour comprendre le processus de la construction d'une identité régionale en Asie orientale : les évolutions des identités nationales, le développement économique et la géopolitique identitaire en Asie-Pacifique.

À Hong Kong a longtemps subsisté la Cité de Kowloon, un quartier d'immeubles qui, du fait de l'histoire impériale et coloniale, échappait aux autorités. Cette Ville emmurée a vu affluer corporations, triades, fumeurs d'opium, mangeurs de chien et immigrants venus du Continent. Conditions de vie précaires, relation à l'autorité, conjugaison du moral et de l'immoral, de l'ordre et du désordre, elle symbolisait l'univers hongkongais. Sa destruction en 1993 a engendré la rédaction de textes, dans une entreprise de mémoire du lieu. Lam Yin lui a consacré un roman, Nuages et fumée dans la Cité de Kowloon, publié dans un journal hongkongais en 1993 sous forme de feuilleton. Avec son protagoniste d'abord enfant, c'est un roman d'apprentissage de la société et de l'humanité : ordre spirituel et affectif se forge au contact des désordres environnants.