Contenu du sommaire : Différencier les enfants
Revue | Politix |
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Numéro | vol. 25, no 99, 2012 |
Titre du numéro | Différencier les enfants |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 5-8
Dossier : Différencier les enfants
- La différenciation sociale des enfants - Wilfried Lignier, Cédric Lomba, Nicolas Renahy p. 9-21 Les sciences sociales ne constituent pas des sciences « habituelles » de l'enfance, par comparaison avec les sciences cliniques et médicales en particulier. Pourtant, elles peuvent apporter beaucoup à la compréhension du jeune âge, autour des notions d'historicisation de l'enfance, de socialisation primaire ou encore de différenciation sociale des enfants. Cette dernière entrée est ici privilégiée, sachant qu'elle a l'avantage de ne pas exclure les deux autres - on parlera ainsi d'historicisation et de socialisation différenciées. Nous insistons sur trois manières distinctes d'aborder la différenciation des enfants : par la différenciation « concrète » des enfances, par l'identification différentielle des enfants, par les perceptions enfantines des différences sociales. Nous évoquons par ailleurs les enjeux méthodologiques inhérents à l'étude de ces enquêtés particuliers que sont les enfants.
- Quand les enfants parlent l'ordre social : Enquête sur les classements et jugements enfantins - Wilfried Lignier, Julie Pagis p. 23-49 À quel point les enfants perçoivent-ils le monde qui les entoure comme un ordre social ? À la fin des années 1990, Bernard Zarca s'est penché empiriquement sur cette question du « sens social » des enfants, appréhendé comme une capacité individuelle à hiérarchiser divers métiers. L'enquête que nous avons menée au sein de deux écoles primaires reproduit son expérimentation par tâches autour de classements de métiers, mais dans le cadre d'un dispositif collectif, permettant d'observer la manière dont les classements s'insèrent dans les interactions entre enfants. À l'attention statistique aux produits de la pratique (comment les enfants ont classé) nous avons substitué dans le cadre de cet article une attention ethnographique aux formats de la pratique elle-même (comment les enfants classent). De façon générale, nous mettons l'accent sur le fait qu'il est discutable d'envisager le rapport des enfants à l'ordre social indépendamment : 1) d'une part, des moyens dont disposent les enfants pour l'exprimer ; 2) et d'autre part, de la situation concrète dans laquelle ce rapport s'exprime. Notre enquête suggère ainsi de distinguer les possibilités culturelles de classer, des dispositions et des intérêts à le faire effectivement, dans la mesure où face aux autres, classer signifie toujours se classer, se situer socialement.
- L'émergence de goûts de classe chez les enfants de migrants : Modèles concurrents de goûts et pratiques alimentaires - Christine Tichit p. 51-77 L'enjeu de cet article est d'explorer la dimension sociale de l'acculturation alimentaire en situation de migration, en privilégiant le point de vue des enfants par rapport à celui des adultes qui est habituellement recueilli. L'enquête, menée en milieu scolaire, combine des temps d'observation et de recueil déclaratif par questionnaire et par entretiens collectifs, ménageant à la fois des espaces de réponses individuelles et d'échanges entre les élèves. Nous présentons ici quelques questions débattues en classe sur l'alimentation, qui montrent que les âges biologiques et sociaux se conjuguent différemment selon l'appartenance sociale des élèves. Les résultats relatifs aux préférences alimentaires des enfants par rapport à la cuisine familiale révèlent aussi l'émergence de goûts de classe chez les enfants de migrants. Les goûts exprimés individuellement et commentés en classe par les élèves, traduisent d'abord l'appartenance sociale de leurs familles. Ces goûts sont manifestement tendus par des logiques de distinction plus sociales que culturelles.
- L'expérience des enfants des classes populaires au prisme des récits personnels - Peggy J. Miller, Grace Cho, Jeana Bracey, Wilfried Lignier p. 79-108 En s'appuyant sur des développements récents dans le domaine de la théorie des genres de discours, cet article s'intéresse aux récits personnels tels qu'ils sont pratiqués par des enfants issus de classes populaires, ainsi que par leurs parents. Bien que les enfants des classes populaires et les enfants issus de milieux plus favorisés soient également exposés à des versions de récits oraux promouvant l'expression personnelle, ces versions ne privilégient pas les mêmes points de vue sur l'expérience. À partir d'un programme de recherche s'étendant sur plusieurs décennies et concernant deux quartiers euro-américains populaires, nous cherchons à caractériser le point de vue populaire dans des termes qui lui soient propres, et pas seulement en le rapportant à la norme définie par des groupes sociaux plus favorisés. Nous montrons que le point de vue populaire encourage les enfants à considérer qu'ils ont le droit et les moyens de raconter leurs propres expériences, en usant de techniques de dramatisation ; mais aussi que leur possibilité d'être effectivement entendus et de voir leur point de vue pris en compte est loin d'être garantie.
- L'art (tout) contre le sport ? : La socialisation culturelle des enfants des milieux favorisés - Christine Mennesson, Samuel Julhe p. 109-128 À partir d'une vingtaine de portraits de familles d'enfants de cinq à onze ans pratiquant au moins une activité associative de loisirs, l'article analyse dans quelle mesure les configurations familiales structurent les modalités de transmission d'un goût pour les activités artistiques et/ou sportives. En effet, même si le modèle de l'omnivore semble s'imposer dans les milieux favorisés, les membres des classes dominantes n'ont pas tous le même rapport à l'éclectisme. Partant de l'idée d'une division du travail de domination développée par Bourdieu, cette recherche distingue d'une part, la situation des familles de la petite bourgeoisie intellectuelle, et d'autre part, celle des familles des cadres du secteur privé. Du côté des professions intellectuelles, les familles développent des affinités à l'égard de la « culture cultivée », accompagnées d'un investissement plus modéré dans la sphère sportive, jugée plus secondaire. Inversement, du côté du secteur privé, les parents tendent davantage à investir le monde sportif, plus proche de leur ethos professionnel.
- Ethnographie du fait scolaire chez les migrants ruraux à Shanghai : L'enfance, une dimension sociale irréductible - Camille Salgues p. 129-152 La scolarisation des enfants de migrants ruraux en Chine fait aujourd'hui débat, dans le contexte d'un exode rural massif et d'une forte restriction de l'accès à la scolarité pour les nouveaux arrivants en ville. S'appuyant sur une enquête ethnographique réalisée dans un quartier dégradé aux marges de Shanghai, l'article propose une description d'une école privée pour migrants installée dans ce vide institutionnel, puis des formes que prend la scolarité au sein des familles à travers trois études de cas. La démarche s'efforce ainsi de restituer dans ses différentes facettes l'importance du fait scolaire, comme fait social, dans la vie de ces enfants. Elle s'inscrit plus généralement dans une approche durkheimienne de l'enfance et de ses institutions, qui vise à montrer que l'enfance est une dimension sociale à part entière, irréductible, de la genèse sociale des individus.
- La cause de mon enfant : Mobilisations individuelles de parents d'enfants en échec scolaire précoce - Stanislas Morel p. 153-176 Cet article étudie les mobilisations individuelles de parents en faveur de leur enfant en échec au cours des premières années de sa scolarité. L'accent est mis sur la confrontation entre les parents et une série de professionnels (enseignants, médecins, professions paramédicales, « psys ») qui se posent aujourd'hui en « réparateurs » légitimes de l'échec scolaire. Le développement d'un champ d'intervention professionnelle tend à exercer des effets contradictoires, souvent anxiogènes, sur les parents : il leur impose une délégation, au moins partielle, de leur « problème », mais il les oblige aussi à acquérir les compétences nécessaires pour se mouvoir entre ces spécialistes aux savoirs non unifiés. La professionnalisation du traitement de l'échec scolaire souligne également le caractère profane des mobilisations parentales. Fortement contraints, les parents disposent néanmoins, y compris pour les moins dotés d'entre eux, de marges de man?uvre : dans les interstices du pouvoir des « experts » se donnent à voir des manières socialement différenciées et relativement autonomes de se représenter les difficultés de l'enfant et les manières les plus efficaces de les résoudre.
- « Enfants en danger » et « enfants dangereux » : Expertises et différenciation raciale en Afrique du Sud, 1937?1976 - Laurent Fourchard p. 177-199 Dans la seconde moitié des années 1930, l'Afrique du Sud adopta une nouvelle loi sur l'enfance qui visait à réhabiliter davantage qu'à punir les enfants. Cet article s'interroge sur le rôle de nouveaux cercles d'experts dans la fabrique de cette loi et sur les effets de son application sur la différenciation sociale et raciale des enfants. Il analyse le sens du changement d'une action publique initialement libérale dans un contexte dominé par une discrimination raciale croissante. Alors que la loi créa les conditions pour une intervention plus systématique de l'État dans la vie des familles pauvres, les gouvernements successifs favorisèrent une individualisation des traitements pour les enfants blancs et une collectivisation de la sanction pour la majorité noire. Ce changement fut consolidé sous l'apartheid par un dispositif disciplinaire coercitif et par le triomphe d'une version localisée de la théorie de la désorganisation sociale de l'École de Chicago. Il contribua largement à la banalisation de l'usage de la violence chez les enfants noirs en les socialisant aux dures conditions de l'univers carcéral ou semi-carcéral des institutions de protection de l'enfance.
- La socialisation des enfants saisie par l'enquête quantitative : Entretien avec Bertrand Geay sur l'Étude longitudinale française depuis l'enfance (ELFE) - Wilfried Lignier, Cédric Lomba, Bertrand Geay p. 201-215
- La différenciation sociale des enfants - Wilfried Lignier, Cédric Lomba, Nicolas Renahy p. 9-21
Varia
- Processus de cadrage et mouvements sociaux : présentation et bilan - Robert D. Benford, David A. Snow, Nathalie Miriam Plouchard p. 217-255 Ce texte est la traduction d'un article devenu classique sur l'analyse des cadres appliquée à la sociologie des mouvements sociaux, initialement publié par l'Annual Review of Sociology en 2000. La récente multiplication de travaux académiques sur les cadres de l'action collective et sur les processus de cadrage liés aux mouvements sociaux permet de constater que ces processus sont désormais considérés - de même que la mobilisation des ressources et les processus d'opportunités politiques - comme une dynamique essentielle pour comprendre la nature et l'évolution des mouvements sociaux. Cet article étudie en quoi ces travaux sont utiles pour analyser et comprendre les dynamiques des mouvements sociaux. Il éclaire en premier lieu la manière dont les cadres de l'action collective ont été conceptualisés ainsi que leurs caractéristiques et leurs variables. Il examine ensuite les travaux portant sur les dynamiques et les processus de cadrage. Après cela, il étudie les travaux portant sur les différents facteurs contextuels qui contraignent ou facilitent ces processus de cadrage. En conclusion, il rend compte des conséquences de ces processus de cadrage sur les autres processus liés aux mouvements sociaux ainsi que sur leurs résultats. Ainsi cherche-t-il à clarifier les liens entre les concepts et processus en lien avec la notion de cadrage et d'autres concepts et formulations théoriques qui relèvent des mouvements sociaux, tels que les notions de schème et d'idéologie.
- Processus de cadrage et mouvements sociaux : présentation et bilan - Robert D. Benford, David A. Snow, Nathalie Miriam Plouchard p. 217-255
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 257-268