Contenu du sommaire : Le Maroc
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 145, 2013/2 |
Titre du numéro | Le Maroc |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La Constitution marocaine de 2011 : une mutation des ordres politique et juridique marocains - David Melloni p. 5-17 Donnant à voir une définition inédite de la société politique marocaine, la nouvelle Constitution chérifienne annonce surtout une double mutation des ordres politique et juridique marocains. Par la première de ces mutations, elle procède à un profond rééquilibrage des pouvoirs, en posant les jalons d'un système primo-ministériel et d'une démocratie majoritaire dans lesquelles le souverain conserve une indéniable suprématie, à travers un parlementarisme dualiste réinventé. Par la seconde, qui traduit l'ambition de tendre vers l'État de droit, elle renforce la place de la loi dans l'arsenal normatif, et s'érige en réceptacle des droits et libertés, dont le respect sera doublement garanti – sous réserve de la prédominance accordée à l'islam – par l'instauration d'une exception d'inconstitutionnalité et la supériorité des normes internationales sur la législation interne. Ce faisant, le Maroc édifie un système juridique singulier, et consacre un modèle politique original, résolument porté vers l'idéal démocratique.The 2011 Constitution : A Mutation of Morocco's Political and Legal Orders
Offering a renewed definition of Morocco's political society, the country's new Constitution announces, above all, a dual transformation of the Moroccan political and legal orders. Regarding the first mutation, it provides a far-reaching rebalancing of powers, establishing the foundations of a system centered on the Prime minister and a majority democracy. In such a system, the monarch maintains an undeniable supremacy through a reinvented dualistic parliamentary regime. The second mutation, which reflects the willingness to strengthen the rule of law, reinforces the place of law in the normative framework and presents the Constitution as the guarantor of rights and liberties. These will be respected at two levels – subject, however, to the predominance accorded to Islam – through the introduction of an exception of unconstitutionality on the one hand, and the superiority of international norms over national legislation on the other. In doing so, Morocco is edifying a singular legal system and establishing an original political system, decisively veering towards the democratic ideal. - Mohammed VI, despote malgré lui - Ahmed Benchemsi p. 19-29 À en croire les médias internationaux, impressionnés par la manière subtile dont la monarchie marocaine a tiré son épingle du Printemps arabe, Mohammed VI serait un jeune roi avisé et ouvert à la démocratie. Mais à y voir de plus près, le roi du Maroc dispose de la panoplie du satrape oriental : pouvoirs absolus légitimés par le droit divin, richesse personnelle illimitée, culte de la personnalité extravagant... tout y est. Sauf, peut-être la personnalité autocratique qui va avec.Mohammed VI as a reluctant despot
If one is to believe the international media, apparently impressed by the subtle way in which the Moroccan monarchy has played its cards in the context of the Arab spring, Mohammed VI is an enlightened young king open to democracy. A closer look, however, reveals that the Moroccan king keeps at his disposal the entire panoply of the oriental despot : absolute powers legitimized by divine law, unlimited personal wealth, and an outrageous cult of the personality... nothing is missing. Except, perhaps, the autocratic personality such a role requires. - Au-delà de « l'opposition à sa Majesté » : mobilisations, contestations et conflits politiques au Maroc - Myriam Catusse p. 31-46 Le Mouvement du 20 février questionne les dynamiques qui traversent les oppositions marocaines et plus généralement l'état des forces politiques. Au sein d'un régime de pluralisme limité, dominé par l'institution monarchique où le « dissensus » politique fut souvent neutralisé par la force autant que par la persuasion (ou la cooptation), d'aucuns seraient tentés de réactualiser un schéma maintes fois convoqué pour rendre compte des relations entre le souverain et les élites politiques : celui d'un désamorçage savant mais imparable de toute forme de dissidence. Pourtant, l'histoire sociale et politique des oppositions marocaines peut se lire bien différemment. En considérant des formes plurielles de contestations, de mobilisations et de conflits politiques, cet article montre au contraire que les arènes de l'opposition sont à géométrie variable, qu'elles sont négociées et non d'avance fixées par en haut ; qu'elles sont le lieu de pratiques, d'engagements qui se réinventent et s'adaptent selon les enjeux, la conjoncture et la répression.Beyond “His Majesty's Opposition” : Mobilizations, Protests and Political Conflicts in Morocco
The 20th February Movement raises questions about the dynamics at play among the Moroccan opposition forces and, more generally, about the situation of political forces in the country. Within a limited pluralist system, dominated by the monarchy and in which political dissent has often been neutralized by force as much as by persuasion (or cooptation), some may be tempted to update a model often summoned to describe the relationships between the monarch and political elites : that of a shrewd but unstoppable defusing of any form of dissent. It is possible, though, to tell the social and political history of the Moroccan oppositions in a very different manner. The articles looks at various forms of protest, mobilizations and political conflicts and demonstrates that the spaces of the opposition vary considerably ; they are negotiated rather than fixed in advance from above ; they are sites of practices and commitments that reinvent and adapt themselves according to the stakes, the circumstances and the repression. - L'émergence du pouvoir judiciaire dans la Constitution marocaine de 2011 - Bertrand Mathieu p. 47-58 La nouvelle Constitution marocaine reconnaît l'existence d'un véritable pouvoir judiciaire et met en place un organe, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, garant de son indépendance et doté de larges compétences s'agissant de la gestion des magistrats et de la politique judiciaire. Cette réforme, qui s'accompagne d'une transformation du contentieux constitutionnel, alloue au Maroc un outil constitutionnel novateur et performant. Cependant cette réforme est tributaire des lois organiques nécessaires à son accomplissement.The Emergence of Judicial Power in the 2011 Constitution
The new Moroccan Constitution acknowledges the existence of a real judicial power and establishes a new body to guarantee its independence, the Superior Council of the Judiciary, vested with wide powers regarding the monitoring of magistrates and judiciary policy. This reform, together with a transformation of the framework of constitutional litigation, provides Morocco with an innovative and effective constitutional instrument. However, this reform is dependent on the organic laws required for its implementation. - L'autre Maroc - Hicham Ben Abdallah El Alaoui p. 59-69 Le Maroc dans cinq ans, au lendemain de la « Révolution du cumin » : par le moyen de cette projection, sans recours à la politique-fiction, le bilan des blocages actuels est ici dressé a posteriori, à partir des solutions trouvées. Ce renversement de perspective permet de poser de vieilles questions, restées sans réponse, sous une forme nouvelle. La monarchie, l'islam politique, l'économie et l'émigration, le mal-vivre quotidien, la tension entre générations, entre modernité et tradition – tout est revisité à partir d'un avenir proche. Le « nouveau Maroc » se révèle ainsi une chimère, l'enfermement du pays dans une salle d'attente succédant à l'attentisme actuel, celle de l'utopie. Or, l'autre Maroc, celui où il ferait mieux vivre, est à portée de main.The Other Morocco
Morocco five years from now, in the aftermath of the “Cumin Revolution” : through such a projection and without any recourse to political fiction, the article draws an a posteriori balance sheet of the current stalemate by looking at the solutions proposed. Such a reversal of perspective makes it possible to raise old questions, left unanswered, in a new form. The Monarchy, political Islam, the economy, immigration, the daily struggles to live one's life, the tensions between the generations, between modernity and tradition – all these aspects are reviewed from the perspective of the near future. In this light, the “new Morocco” seems like a pipe dream, the confinement of the country into a waiting room following the current wait-and-see policy, a real utopia. Yet, the other Morocco – a country where life would be easy and pleasant – is within reach. - L'islam politique au Maroc - Youssef Belal p. 71-81 Cet article questionne la catégorie d'« islam politique » et revient sur son usage dans le cas du Maroc en montrant qu'elle comprend non seulement ce que l'on désigne habituellement par « mouvement islamiste » mais aussi des acteurs comme la République coloniale ou la monarchie marocaine, qui ont eu recours à l'islam dans leur stratégie politique de domination. Ce texte traite également du réformisme démocratique à travers l'exemple du Parti Justice et Développement (pjd) qui est à la tête du gouvernement marocain depuis les élections du 25 novembre, mais dont le rôle reste limité par les pouvoirs importants du roi soustraits à tout mécanisme de responsabilité politique.Political Islam in Morocco
The article questions the “political Islam” category and looks back at how it has been applied to Morocco. It shows that this category includes not only what is usually referred to as “Islamic movements” but also other actors, such as the colonial Republic or the Moroccan monarchy which have used Islam in their political strategies of domination. The article also looks at democratic reformism through the example of the Party of Justice and Development (pjd) which has controlled the government since the November 25 elections, but whose role remains limited due to the important powers of the King that are not submitted to any principle of political responsibility. - La prévention de la corruption au Maroc, entre discours et réalité - Kamal El Mesbahi p. 83-97 Cet article tente de dresser un état des lieux de la question de la corruption au Maroc. La ligne directrice se situe au niveau du paradoxe entre une corruption largement prégnante, et que tous les indices confirment, un cadre normatif relativement suffisant renforcé par les nouvelles dispositions constitutionnelles depuis juin 2011 et un discours politique fort quant à la volonté affichée de la combattre.The Prevention of Corruption in Morocco : Between Rhetoric and Reality
The article tries to assess the current situation of corruption in Morocco. It illustrates the paradoxical situation of a widespread corruption – confirmed by all the indicators –, a rather well-developed normative framework further strengthened by the new constitutional provisions since June 2011, and a political discourse that expresses a strong determination to fight it. - Presse : le Printemps perdu - Ahmed Benchemsi p. 99-103 Pour les journalistes indépendants marocains, la décennie 2000 a été celle de toutes les audaces et de tous les succès. Mais ce qui avait débuté dans l'espoir et l'enthousiasme s'est achevé dans l'aigreur et la déconfiture. Directeur des deux hebdomadaires alors les plus vendus du royaume, Ahmed Benchemsi raconte le Printemps de la presse marocaine.The Lost Spring of the Press
For Moroccan political journalists, the first decade of the 21th century was one of audacity and success. However, what had begun with hope and enthusiasm ended in bitterness and collapse. Former director of the country's two best-selling weeklies during this period, Ahmed Benchemsi, tells the story of the “Spring” of the Moroccan press. - Changement de cap et transition politique au Maroc et en Tunisie - Khadija Mohsen-Finan p. 105-121 L'analyse comparative des transitions marocaine et tunisienne montre qu'au Maroc, même si le roi reste la pièce maîtresse du dispositif politique, le changement n'en demeure pas moins réel. Profitant des espaces de liberté concédés à la faveur d'une ouverture – aussi stratégique fût-elle – et de l'effet de contagion des autres soulèvements, le mode de revendication des Marocains et leurs attentes sont aujourd'hui radicalement différents.En Tunisie, malgré la révolution, la rupture avec le passé est loin d'être franche. La transition s'opère en se référant à « l'esprit et aux valeurs de la révolution », tout en conservant de nombreuses institutions et pratiques du passé. Malgré cela, la dynamique du changement réel et profond est engagée de manière irréversible.Change of Course and Political Transition in Morocco and Tunisia
A comparative analysis of political transitions in Morocco and Tunisia reveals that even though the king remains the key player of the political system, change is nevertheless real in Morocco. Taking advantage of the new area of freedom granted by a period of openness – however strategic – and by the contagious effect of the upheavals in neighbouring countries, the new forms of protest and the expectations of Moroccans are radically different today. In Tunisia, despite the revolution, the break with the past is far from being radical. The transition is conducted in reference to “the spirit and the values of the revolution”, while keeping many institutions and practices from the past. In spite of all this, the dynamics of a real and profound change is definitively underway. - Le Maroc et le Printemps arabe - Fouad Abdelmoumni p. 123-140 Le Maroc sort de son moyen âge, mais il le fait dans la lenteur et la confusion. L'ancien modèle de société, fait de conservatisme féodal, d'autoritarisme patriarcal, de prédation et de rente, de répression et de corruption, est condamné par les mutations sociologiques, économiques, politiques et technologiques. Mais il cède difficilement devant les inerties politiques et sociales dues, notamment, à l'éviction, la répression, la corruption et la décrédibilisation des élites menées par le palais depuis l'indépendance, ainsi qu'à la crainte de déstabilisation (islamiste, militaire, sécessionniste...). Ainsi, les espaces de libéralisation récemment concédés permettent un jeu politique plus fluide, plus transparent et mieux sanctionné par la volonté populaire. Mais les élites au pouvoir et celles capables de peser à moyen terme grâce au suffrage populaire sont très largement prisonnières de la logique autoritariste, paternaliste, clientéliste et rentière, ce qui empêchera probablement l'éclosion d'une véritable démocratie active pour une ou plusieurs décennies, le temps que la relève se cristallise et que les us démocratiques s'imposent.Morocco and the Arab Spring
Morocco is emerging from its Middle Ages, but it is doing so very slowly and in a confused manner. The old model of society, based on feudal conservatism, patriarchal authoritarianism, predation and unearned income, repression and corruption, is condemned by sociological, economic, political and technological evolutions. However, it does not give way easily in front of political and social inertia due partly to the eviction, repression, corruption and the undermining of the credibility of the elites carried out by the palace since independence, as well as to the fear of destabilization (by Islamic, military or secessionist forces). Thus, the spaces of liberalization recently conceded make for a political game that is more fluid, transparent and better sanctioned by the will of the people. However, the elites now in power, and those who could reach power by popular elections in a near future, remain in great part prisoners of the authoritarian, paternalistic, clientelist and rentier logic. This will probably prevent the emergence of a true and active democracy for one or more decades, the time necessary for a younger generation to emerge and for democratic customs to impose themselves. - Le sondage d'opinion : attribut de la démocratie ou manipulation de l'opinion - Vanessa Brochot p. 141-154
- Repères étrangers : (1er octobre ? 31 décembre 2012) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 155-169
- Chronique constitutionnelle française : (1er octobre ? 31 décembre 2012) - Pierre Avril, Jean Gicquel p. 171-202