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Revue | Revue Française de Science Politique |
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Numéro | vol. 63, no 3-4, 2013 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La transformation du charisme et le charisme de fonction - Max Weber p. 463-486 Ce texte est un extrait de la première traduction en langue française de la Sociologie de la domination, qui constituait, avant l'édition critique allemande de l'œuvre de Weber, le chapitre 9 de Wirtschaft und Gesellschaft, l'un des ouvrages posthumes de celui-ci. Rédigé en 1913, au moment où Weber importe la notion de charisme dans la sociologie politique, il s'interroge sur les conditions de possibilité qui contribuent à inscrire dans le quotidien le charisme et la domination qu'il institue. Par quelles dynamiques le charisme, à l'origine de caractère révolutionnaire et strictement personnel, peut-il devenir une part fondamentale de certaines institutions ? Le texte ouvre à une interprétation, jusqu'alors occultée en France, du charisme de fonction par le fondateur de la sociologie allemande. S'intéressant notamment à la « succession par élection », cet extrait permet aussi de resituer la pensée wébérienne dans l'histoire de la démocratie occidentale, dont la sociologie historique comparée de l'auteur entreprend un premier inventaire à l'aide d'une méthode reposant sur les idéaux-types.The transformation of charisma and the charisma of function
This article is an extract of Sociology of Domination, which used to be the chapter 9 of Max Weber's posthumous book, Wirtschaft und Gesellschaft, before the German critical edition of its work. Drafted in 1913, when Weber introduces the notion of charisma in political sociology, it wonders about the conditions allowing anchoring in everyday life charisma and the domination it establishes. By what dynamics can charisma, formerly a revolutionary and strictly personal relationship, become a fundamental part of some institutions? The text illustrates Weber's notion of the charisma of function, which had been previously neglected in France. Focusing especially on the “succession by election”, this extract also allows situating the Weberian thought in the history of western democracy, a first inventory of which Weber's historical sociology undertakes through a methodology based on ideal-types. - Quand les milieux populaires se rendent aux urnes : Mobilisation électorale dans un quartier pauvre de Brasilia - Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, Daniella Rocha p. 487-518 Cet article présente les résultats d'une étude sur la mobilisation et la production des choix électoraux dans un quartier pauvre de la banlieue de Brasilia réalisée à l'occasion des élections de 2010. L'objectif est ici d'expliquer les taux de participation très élevés enregistrés dans ce quartier pourtant très populaire et faiblement politisé. La dimension « obligatoire » du vote en est un facteur essentiel à condition de ne pas la réduire à sa dimension de norme contraignante pesant sur les électeurs. L'étude souligne également les effets que cette obligation induit sur la production des campagnes électorales. Elle constitue, en effet, une puissante incitation pour les candidats à produire une offre attractive y compris en direction des publics les moins politisés. L'observation localisée montre ainsi que les taux de participation très élevés que l'on enregistre dans cet environnement populaire résultent, en grande partie, d'un intense campaigning qui repose principalement sur des transactions de type clientélaire, sur l'activation des structures d'encadrement, sur des interactions directes et la présence de relais d'opinion plus ou moins professionnalisés et bien insérés dans le tissu social.When grassroots go to ballot boxes
This article reports the results of a field study on mobilization and production of electoral choice in a poor neighborhood of Brasilia during the 2010 elections. The main purpose is to explain the very high participation rate yet recorded in this very popular area where people are weakly politicized. The “compulsory” dimension of the vote is an essential factor if we do not reduce it to binding standard weighing on voters. It is also a powerful incentive for candidates to produce an attractive offer even towards the less politicized citizens. The located observation shows that very high participation rates results in large part from intense campaigning based primarily on clientelistic transactions, on face-to-face interactions and on the presence of opinion leaders more or less professionalized and well integrated into local society. - L'amont et l'aval d'une loi électorale : Les « élections de changement de régime » en Pologne en juin 1989 sous l'angle d'une sociologie politique du droit - Jérôme Heurtaux p. 519-544 Cet article analyse un processus de changement de régime avec les outils de la sociologie politique du droit. Il étudie les élections « semi-libres » de juin 1989 en Pologne. Est examiné le processus de codification pendant les négociations de la « Table ronde », dont est issue une règle électorale ad hoc et ambiguë. Les différents usages du droit par les principaux acteurs (parti communiste, Solidarité, candidats) sont reconstitués. En partie inattendus, ils ont contribué à transformer une élection conçue pour sauver le régime communiste en outil de son effondrement.The upstream and downstream of an electoral law
This article analyzes the process of regime change with the tools of political sociology of law. It examines the “semi-free” elections in Poland in June 1989. The author studies the codification process during the “Round Table” negotiations, which produces an ad hoc and ambiguous electoral rule. The various uses, partly unexpected, of the law by the main actors (the Communist Party, Solidarity and the candidates) are reconstructed. They helped transform an election designed to save the communist regime in a tool for its collapse. - « Nous avons réinventé la sociologie » : L'Association pour le développement des sciences sociales appliquées : genèse sociale d'une entreprise académique (1968-1975) - Alexandre Paulange-Mirovic p. 545-567 L'Association pour le développement des sciences sociales appliquées est une association créée en 1971 par Michel Crozier, Henri Mendras et Jean-Daniel Reynaud. Elle propose un cycle de formation à la sociologie qui devient en 1975 le DEA de sociologie des organisations de l'IEP de Paris. L'article propose de prendre cette entreprise académique à la fois comme un révélateur des concurrences et des enjeux qui structurent l'espace de la sociologie française entre 1968 et 1975, et comme un moyen de penser la dynamique interne du projet scientifique de Michel Crozier. Alors que l'ambition de « faire école » répond aux besoins de reproduction du corps et de professionnalisation, la promotion d'une « sociologie appliquée », contre un modèle d'excellence universitaire, révèle l'expression de dispositions formées dans un état antérieur des rapports au sein de la discipline.“We reinvented sociology”A nonprofit organization, the Association pour le développement des sciences sociales appliquées is established by Michel Crozier, Henri Mendras and Jean-Daniel Reynaud in 1971 to train prospective sociologists. By 1975 it is settled at “Sciences Po”. The paper aims to envisage this enterprise inside academia as an entry point to give an account of both the state of the field of French sociology between 1968 and 1975, and the internal dynamic of Michel Crozier's scientific ambition. First, the author shows that the stakes of becoming a school – and a school of thought – fulfils a need to shape young professionals fit to collaborate in research projects as well as to find positions outside academia. Second, the “applied sociology” creed – opposed to the traditional university-based model of excellence – reveals a set of dispositions shaped during a former configuration of the discipline.
Politiques publiques post-positivistes
- Les approches discursives des politiques publiques : Introduction - Anna Durnova, Philippe Zittoun p. 569-577
- L'expertise politique et le tournant argumentatif : Vers une approche délibérative de l'analyse des politiques publiques - Frank Fischer p. 579-601 À partir d'une critique de l'approche néopositiviste de l'analyse des politiques publiques, un large corpus de travaux de recherche sur les politiques publiques s'est développé ces dernières années en s'appuyant sur le tournant argumentatif proposé par Frank Fischer et John Forester en 1993. Cet article propose d'explorer les différents aspects de ce tournant en le resituant dans le contexte qui lui a donné naissance aux États-Unis, en évoquant ses enjeux épistémologiques, conceptuels et pratiques. Il insiste tout particulièrement sur le caractère problématique de la séparation de l'empirique et du normatif proposée par les approches traditionnelles des politiques publiques.Policy expertise and the argumentative turn
This article examines public policy expertise and policy deliberation from the perspective of the “argumentative the turn” that emerged in the fields of policy studies and planning in the 1990s (Fischer & Forester, 1993). While discussion of policy analysis and advice-giving in politics is in no way new, the practices of expertise and advice has been changing over the later part of the past of the 20th century. The article seeks to show that the argumentative turn can be usefully employed to interpret these changing patterns, as well to offer a number of potentially useful prescriptions. Toward this end, the discussion begins with a brief discussion of the long history of thought about political expertise and advice in the United States. It then examines the limits of the social scientific approach and presents the new argumentative approach that has emerged as its challenger especially as reflected in the field of policy analysis. On its tenets is outlined, in particular, the often problematic border between facts and values. - Une approche interprétative de la gouvernance : Intentionnalité, historicité et réflexivité - Mark Bevir p. 603-623 Cet article présente l'approche interprétative de la gouvernance, une approche inspirée par la philosophie herméneutique, qui met l'accent sur l'intentionnalité, l'historicité et la réflexivité et qui propose de repenser la gouvernance. Cette approche a été développée pour répondre aux défis posés par les théories du choix rationnel et leurs remises en cause des premières études sur la gouvernance qui, pour comprendre les réformes néolibérales, s'appuyaient sur un positivisme tempéré et sur la littérature des réseaux de politiques publiques. En considérant la gouvernance comme le produit d'un travail de mise en sens et en s'appuyant sur une conception non essentialiste de l'État, cette approche répond ainsi à l'idée de méta-gouvernance défendue par les tenants du choix rationnel. Cet article présente cette approche en insistant sur l'intentionnalité et l'historicité, en l'illustrant par des exemples d'histoires de gouvernance, et en proposant en conclusion les implications d'une telle approche pour l'analyse des politiques publiques. La théorie interprétative encourage une approche plus éclectique des données, suggère la méfiance vis-à-vis de tout modèle ou cadre formel, et accorde un rôle renforcé donné au storytelling.Interpreting governance
This article discusses the interpretive approach to governance. The interpretive approach comes from a hermeneutic philosophy, emphasizing intentionality, historicism, and reflexivity. These philosophical ideas decentre governance. The first wave of governance studies relied on a lukewarm positivism, extending the literature on policy networks to cover neoliberal reforms. This account of governance faced challenges from rational choice theory and from the idea of metagovernance. The interpretive approach responds to these challenges. The interpretive approach to governance responds to rational choice by decentring governance; patterns of governance arise as the products of meaning in action. The interpretive approach responds to metagovernance by decentring the state; the state is stateless. The article illustrates this interpretive approach, with its emphasis on intentionality and historicism, using stories of network governance. It then concludes by discussing the implications of the interpretive approach to governance for policy analysis. Interpretive theory encourages: a more eclectic approach to data, a suspicion of formal models and frameworks, and a greater role for storytelling. - Entre définition et propagation des énoncés de solution : L'influence du discours en « action » dans le changement d'une politique publique - Philippe Zittoun p. 625-646 À partir de l'étude empirique de la mise en place d'un tramway à Paris, l'article se propose de montrer l'influence des pratiques discursives dans les processus décisionnels. Plus précisément, il s'agit de mettre en évidence trois dimensions du discours en « action » qui y jouent un rôle essentiel : le discours comme pratique définitionnelle et analytique pour produire du sens et former un énoncé « cohérent » ; comme pratique de persuasion pour propager cet énoncé et former une coalition discursive ; comme pratique conflictuelle de pouvoir pour redéfinir une topographie des positions. La fabrique d'une politique publique, saisie à travers l'analyse des jeux de langages, d'acteurs et de positions, doit être observée comme une activité politique majeure au cours de laquelle un gouvernement se propose de mettre en ordre la société.Between defining and spreading solution's statements
By using an empirical study of the implementation of a tramway in Paris, the article assesses the influence of discursive practices in decision-making. Furthermore, it highlights three dimensions of a discourse in “action” which plays a key role: 1/ as a definitional and analytical practice to produce meaning and shape a “coherent” statement; 2/ as a practice of persuasion to propagate this statement and structure a discursive coalition; 3/ as a conflicting power practice to redefine the topography of positions. The policy-making process, understood as the analysis of games of languages, actors, and positions, must be considered as a major political activity during which a government tries to put order in society. - Lectures thématiques - p. 647-661
Note de recherche
- Qui milite sur Internet ? : Esquisse du profil sociologique du « cyber-militant » au PS et à l'UMP - Anaïs Theviot p. 663-678 Qui milite en ligne ? Ce questionnement en induit un autre : comment enquêter sur ces militants d'un genre particulier ? Cet article propose une méthode pour « capter » les cyber-militants, et plus largement pour diffuser un questionnaire via Facebook. Cette modalité de passation permet au chercheur d'établir un contact individuel, ciblé, touchant presque à la sphère intime, mais de façon massive. Cette difficulté méthodologique résolue, nous verrons que le profil sociologique du cyber-militant s'éloigne peu de celui du militant « traditionnel » (excepté pour l'âge) : le cyber militant est « toujours plus ». Toujours plus diplômé, plus masculin, plus haut dans la position professionnelle. Ceux qui militent en ligne sont en fait les membres les plus actifs dont l'action en ligne s'ajoute à celle de terrain. Cette enquête révèle aussi quelques surprises concernant la catégorie socioprofessionnelle d'agriculteurs-exploitants.Who militates on the Internet?
Who militates on line? This question implies another one : how can we study these activists of a particular kind? This article presents a method “to get” the cyber-activists, and more widely to spread a questionnaire via Facebook. This method allows the researcher to establish an individual, targeted contact, getting almost to the private sphere, but in a massive way. We will see that the sociological profile of the cyber-militant is but slightly different from that of the traditional militant (except for their age): the cyber militant is “always more”. More qualified, more male, higher in their professional position. This investigation also reveals some “surprises” concerning the farmers socioprofessional category.
- Qui milite sur Internet ? : Esquisse du profil sociologique du « cyber-militant » au PS et à l'UMP - Anaïs Theviot p. 663-678
Chronique bibliographique
- Lectures critiques - p. 679-693
- Comptes rendus - p. 694-764
Droit de réponse