Contenu du sommaire : RSE : l'entreprise au défi de la responsabilité sociale

Le projet sociohistorique adopté ici considère la RSE dans sa dimension politique. Il apparaît dans les discours managériaux une vision institutionnelle de l'entreprise comme entité dotée d'une mission, source de valeurs sociales et politiques valides pour l'ensemble de la société. Dans ces discours, l'entreprise se donne comme un dispositif politique du capitalisme contemporain : un ensemble de moyens visant à élargir son emprise sur le destin collectif. La RSE apparaît ainsi comme une fiction non dépourvue d'efficacité et notamment celle de donner à de nombreux acteurs de bonnes raisons de croire en elle et de la mettre en ?uvre.

Il s'agit ici de comprendre un phénomène nouveau : la diffusion massive par les grandes entreprises d'un ensemble de valeurs et de normes qualifiées d'éthique. En mobilisant la sociologie économique de Max Weber et la sociologie des productions symboliques d'Émile Durkheim, l'auteur analyse l'émergence du discours éthique dans les grandes entreprises, à partir de documents publiés entre 1990 et 1995 et d'une enquête de terrain dans une grande entreprise. Il en ressort plus clairement les conditions de l'adhésion des salariés aux valeurs qui leurs sont offertes, ainsi que les formes plus nettement coercitives que revêtent actuellement ces démarches managériales.

Les démarches éthiques des entreprises témoignent d'une prise de conscience collective de la situation de quasi-vide éthique qui accompagne l'internationalisation des échanges, mais aussi la crise du mode de régulation bureaucratique porté par les États-nations. À partir d'une lecture ?civiliste? de l'organisation, l'auteur met en évidence la nécessité de redéfinir une éthique de la décision face aux défis écologiques et sociaux contemporains. L'éthique de responsabilité, définie par Max Weber, fournit une base heuristique plus conséquente que la RSE, à condition toutefois d'être infléchie à travers certaines initiatives institutionnelles.

Dans l'actuel contexte brésilien, les entreprises peuvent-elles, en marge de l'État, apporter des solutions aux inégalités sociales ? En mobilisant la sociologie du contrat de Max Weber, l'auteur analyse, d'une part, un système solidaire privé mis en place par les entreprises et, d'autre part, un système de gouvernance solidaire au sein des entreprises privées. Ces démarches, mêlant adroitement public et privé, ne réussissent pourtant pas à éradiquer la pauvreté. Elles témoignent ainsi de l'ambiguïté même du modèle : l'incapacité des entreprises à régler les conflits entre les intérêts privés et l'action publique.

La Française des jeux a mis en place, depuis près de cinq ans, des actions dans la cadre d'une démarche de RSE : prévention du jeu excessif, rédaction d'une charte éthique, adhésion à un code européen de bonne conduite. Les auteurs, en contrat CIFRE dans ce monopole d'État, se proposent de comprendre comment l'opérateur et son ministère de tutelle ont tenté, par le biais de ce qu'ils appellent le ?jeu responsable? et d'une démarche managériale de développement durable visant les salariés et le réseau de vente, de retrouver une crédibilité auprès des instances et des acteurs qui la mettaient en cause, dans le cadre de l'ouverture des jeux à la concurrence.

Le propos est d'éclairer empiriquement le mode de relation engagé par les entreprises avec leurs fournisseurs/sous-traitants au nom de la RSE. L'approche est celle d'une sociologie des stakeholders de l'entreprise, cherchant à déterminer qui l'entreprise engage dans son sillage en se positionnant sur les questions de RSE et comment elle les engage. Cette relation, qui se construit dans une dimension scripturale, est analysée à partir des résultats d'un projet de recherche européen mené au sein des sièges sociaux d'entreprises européennes. L'auteur montre ici que les fournisseurs sont de fait des parties prenantes prises par la RSE et ses écrits.

Comment, lorsque l'expression du mécontentement n'advient pas spontanément, des ?entrepreneurs de morale? opèrent-ils pour modifier le comportement des entreprises en mobilisant les forces consuméristes ? À partir du terrain de l'étude d'une organisation militante de consommateurs anti-sweatshops, l'auteur montre que la responsabilité des entreprises quant aux conditions de travail chez leurs fournisseurs se trouve au c?ur d'une ?entreprise de morale? dont les animateurs procèdent non seulement à l'étiquetage des entreprises et des activités déviantes, mais s'attachent aussi à rendre possible la protestation des consommateurs. Ce faisant, on met en évidence toutes les difficultés associées à l'usage du consommateur comme levier d'action.

Igor Masalkov propose un bref panorama de la sociologie en Russie depuis sa fondation au début du siècle dernier jusqu'à nos jours. Il montre en quoi la sociologie est intimement liée au contexte politique et économique du pays, quel en a été le coût pour les sociologues, quels en sont les défis pour la discipline et comment les demandes d'une ?sociologie pratique? se formulent selon les périodes.