Contenu du sommaire : Varia et comptes rendus
Revue | Cahiers du monde russe |
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Numéro | volume 45, no 3-4, juillet-décembre 2001 |
Titre du numéro | Varia et comptes rendus |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Basile Kerblay (1920-2004)
- Basile Kerblay and his scholarship Selected probes - p. 371-384
- Chayanov, kerblay et les Shestidesjatniki : une histoire « globale » ? - Alessandro Stanziani p. 385-406 Ce travail inscrit la redécouverte, puis l'usage des travaux de ¢ajanov, dans un contexte intellectuel historique précis et multidisciplinaire. Ainsi, la redécouverte de l'auteur russe par Basile Kerblay est liée à l'essor des études d'histoire rurale en Russie, en Pologne et en Europe, tout comme à l'intérêt des économistes, des sociologues et des anthropologues pour la décolonisation et pour les pays en voie de développement. L'article évoque ensuite la fortune de la redécouverte de ¢ajanov à partir des années 1960 et jusqu'à la perestroïka. Il analyse en particulier son rôle dans le débat sur l'exploitation paysanne et dans le renouveau de l'histoire économique, à commencer par l'école des Annales et la théorie de la proto-industrialisation, jusqu'à l'étude du servage en Pologne de Witold Kula et à l'histoire agraire de Viktor Danilov et d'autres historiens soviétiques. La réhabilitation de ¢ajanov en 1987 et la nouvelle floraison de travaux le concernant sont évoquées dans la section suivante. Dans ce contexte, une attention particulière est consacrée à l'ouverture des archives, à leur re-classification et à leur usage.
Articles
- La mission diplomatique du père Antonio Possevino (s.j.) chez Ivan le Terrible en 1581-1582 et les premiers écrits jésuites sur la Russie moscovite à la fin du xvie siècle - Stéphane Mund p. 407-440 Cet article étudie la mission diplomatique du père Antonio Possevino chez Ivan le Terrible en 1581-1582 et l'impact qu'elle a exercé sur la connaissance de la Russie moscovite en Occident à la fin du xvie siècle. Le texte s'articule autour de trois parties. La première retrace le contexte historique de cette mission en la resituant dans le cadre plus large des relations diplomatiques entre la Russie et le Saint-Siège et en analysant ses enjeux, en particulier les attentes secrètes de la Papauté à l'égard de Moscou au sujet de l'union des Églises. Elle décrit aussi le déroulement du séjour des jésuites en Russie, en particulier leurs contacts avec le monde russe et leurs réactions face à ce dernier. Dans la deuxième partie sont analysés les différents écrits jésuites composés à la suite de cette mission diplomatique. Il s'agit en l'occurrence du traité Moscovia de Possevino publié en 1586, des récits de voyage manuscrits de Possevino et de son collègue le père Giovanni Paolo Campana et de la relation anonyme Missio Muscovitica publiée en 1584 dans le bulletin de la Compagnie de Jésus, les Annuæ litteræ Societatis Iesu Anni M.D.LXXXII ad Patres et Fratres ejusdem Societatis. L'analyse de leur contenu cherche à déterminer ce qui les distingue des descriptions antérieures de la Russie, en particulier du célèbre traité Rerum Moscoviticarum Commentarii du diplomate impérial Sigismund von Herberstein, et à voir dans quelle mesure ces textes se complètent ou se répètent. Par ailleurs, on s'efforce de mettre en évidence les aspects de la Russie et de la religion orthodoxe russe qui ont particulièrement retenu l'attention des auteurs. La troisième partie tente de déceler l'impact des écrits jésuites sur la connaissance de la Russie en Occident à la fin du xvie siècle à travers les rééditions et les emprunts faits à ces textes par d'autres auteurs de descriptions de la Russie, montrant ainsi que les écrits jésuites rédigés dans le cadre de la mission pontificale chez Ivan IV ont apporté une pierre non négligeable à l'édifice de la découverte occidentale de la Russie.
- Le recensement de 1897 : Les limites du contrôle impérial et la représentation des nationalités - Juliette Cadiot p. 441-464 L'étude du premier et unique recensement impérial de Russie en 1897 met en lumière un double aspect de la question nationale à la fin de l'époque impériale, à savoir la résistance de sujets non russes aux entreprises de centralisation étatique et la recherche mal assurée d'une nouvelle représentation impériale, fondée sur le caractère multinational du pays. Le recensement donna lieu à une série de révoltes, notamment dans les régions de la Volga et dans les provinces occidentales. Ces mouvements témoignent par leur ampleur de la mobilisation sociale, religieuse et politique de populations majoritairement non russes. La variété des enjeux que ces troubles révèlent s'inscrit dans le refus de la politique de prosélytisme orthodoxe menée par le régime, la peur d'une modernité étatique symbolisée notamment par l'école russe, et un sentiment de perte identitaire. Les insurgés, spontanément ou sous l'influence de réseaux politiques locaux, espèrent faire du recensement le lieu d'un possible dialogue avec l'État ou d'une redéfinition de leur place dans le système impérial. Finalement, le recensement mené à bien produira une représentation chiffrée du caractère multinational de l'empire composé de plus de 130 nationalités. Contestée par le pouvoir, mais attestée par la science, cette dernière permettra, à la suite de la révolution de 1905, à divers groupes nationaux de prouver leur existence et de réclamer la reconnaissance de leurs droits.
- The ironies of the Iron Curtain : The Cold War and the rise of Russian Studies in the United States - DAVID C. ENGERMAN p. 465-495 Une ironie du rideau de fer : la guerre froide et le développement des études russes aux États-Unis. L'article étudie l'évolution de la slavistique aux États-Unis dans les années 1940 et 1950, en particulier en ce qui concerne les sciences humaines et l'histoire. Il en fait remonter l'origine à la Seconde Guerre mondiale, lorsque les services secrets, l'armée et les diplomates conjuguèrent leurs efforts avec des donateurs et des universitaires dans le but de créer un domaine de recherche portant sur le monde slave. Le projet se réalisa partiellement après la guerre. Au fur et à mesure que les relations entre les États-Unis et l'URSS se détériorèrent, l'intérêt du gouvernement et des chercheurs pour l'URSS s'accrut. Il en résulta une expansion des études soviétiques qui toutefois ne remit pas en cause les objectifs développés pendant la guerre. La guerre froide encouragea l'expansion des sciences humaines, qui devinrent prédominantes. De plus, le meilleur de la recherche effectuée dans le domaine des sciences humaines et de l'histoire soulignait les points communs entre l'Europe occidentale et les États-Unis et non les différences. Enfin, l'expansion des études soviétiques attira une quantité surprenante de chercheurs venant d'horizons différents, dont un grand nombre de membres ou d'anciens membres de partis radicaux. L'article se base sur des documents d'archives et des matériaux publiés pour retracer ce chapitre de l'histoire intellectuelle américaine qu'est l'histoire de la slavistique.
- La mission diplomatique du père Antonio Possevino (s.j.) chez Ivan le Terrible en 1581-1582 et les premiers écrits jésuites sur la Russie moscovite à la fin du xvie siècle - Stéphane Mund p. 407-440
La Russie vue de france
- Russia as the land of communism in the nineteenth century ? : Images of tsarist Russia as a communist society in france, c. 1840-1880 - Ezéquiel Adamovsky p. 497-520 La Russie était-elle la patrie du communisme auXIXe siècle ? Représentations françaises de la Russie tsariste en tant que société communiste, 1840-1880. L'article examine l'apparition en France de la vision de la Russie comme une société communiste dans les années 1840-1850, soit bien avant la révolution bolchevique (en fait, avant la naissance du mouvement socialiste en Russie). L'émergence d'une telle représentation dès cette époque - phénomène passé inaperçu des chercheurs jusqu'à présent - eut pour cause un curieux débat engagé entre les libéraux français et leurs adversaires : les socialistes, les anarchistes et, dans une moindre mesure, les conservateurs romantiques. Lorsque Haxthausen découvrit la commune égalitaire du paysan russe, plusieurs écrivains français virent dans cette structure paysanne traditionnelle la preuve que l'organisation d'une société non capitaliste était possible. Les libéraux s'opposèrent à ces auteurs, affirmant que ces traits égalitaires de la Russie, loin d'être des vestiges du passé prometteurs d'un avenir meilleur, étaient à la source même du despotisme russe. L'image de la Russie en tant que menace communiste pour l'Europe fit son apparition au cours de ce débat et demeura bien présente dans la perception de la chose russe jusqu'à ce que l'existence effective d'un mouvement communiste en Russie ne vienne « confirmer » les craintes qu'elle suscitait.
- Hordes faméliques et colons militaires en Russie d'après le baron de la Ruë (1834) - Édith Ybert-Chabrier p. 521-560 Les deux rapports publiés ici portent sur l'état agricole des gouvernements du Midi, au lendemain de la famine de 1833, l'une des trois plus graves famines de la Russie du xixe siècle, et sur les colonies militaires. Ils ont été rédigés par le baron de La Ruë (1795-1872), officier de cavalerie et aide de camp du maréchal Maison, ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg qui l'a envoyé en mission sur les côtes de la mer Noire et à Constantinople. Ils dressent un tableau très critique des différentes mesures prises pour soulager le sort des victimes de la famine et opposent à l'incurie générale le rôle du comte Voroncov, vice-roi de la Nouvelle Russie et de la Bessarabie et du comte de Witte, à la tête des colonies militaires qu'il a créées dans l'Ukraine des faubourgs et en Nouvelle Russie. La confrontation du rapport sur les colonies militaires, qui reprend et met à jour un article de 1828 du Spectateur militaire, avec les autres publications sur le sujet parues en France dans les années 1820 et 1830 montre un certain nombre de clichés, plus ou moins fondés, communs à tous leurs auteurs.
- Final tragedii v ropse : Francuzskaja versija sobytij - Ljudmila V. HAJKINA p. 561-568 Le finale de la tragédie de RopÒa : une version française des événements. La vérité sur la mort de Pierre III est encore l'objet de réflexions et de débats parmi les historiens. Les témoignages de diplomates étrangers occupent une place significative dans le cercle relativement restreint des sources qui éclairent les circonstances de cette tragédie. Cet article apporte au champ d'observation des chercheurs une nouvelle description du meurtre de Pierre III, tel que l'a rapporté un diplomate français trente-cinq ans après la tragédie. Ces souvenirs furent suscités par l'accession au trône de Paul Ier, par ses premiers pas en tant que monarque ainsi que par l'édition en France des mémoires de C. C. de Rulhière, déjà largement connus sous forme de copies. On peut noter une série de coïncidences dans l'éclairage que donnent aux événements les deux diplomates. Leurs descriptions divergent principalement quant au rôle joué par A. G. Orlov. Ce nouveau témoignage sur les circonstances de l'assassinat de Pierre III fournit des éléments complémentaires pour un travail de réflexion sur un événement des plus significatifs dans l'histoire de la Russie, dont la restitution pose encore un certain nombre de problèmes.
- Russia as the land of communism in the nineteenth century ? : Images of tsarist Russia as a communist society in france, c. 1840-1880 - Ezéquiel Adamovsky p. 497-520
Le symbolisme Russie
- Le symbolisme russe en quête de paradis originel - Georges Nivat p. 569-578 Depuis le non finito jusqu'à la mort de l'art, l'art symboliste expérimente tous les modes de l'art total. Cette quête l'amène aux frontières de la synesthésie, ou de la fusion des arts plastiques et musical. L'échange entre Kandinsky et Schoenberg en 1912 au sujet de la Sonorité jaune s'approche asymptotiquement du grand rêve du symbolisme, et surtout du symbolisme russe.
- Quelques traits spécifiques du symbolisme russe - Cathérine Depretto p. 579-590 L'article essaie de mettre en évidence quelques particularités du symbolisme russe. Courant majeur de la poésie russe moderne (fin xixe-début xxe), il doit beaucoup à la poésie française (de Baudelaire à Mallarmé) et correspond surtout à la revalorisation, en terrain russe, des questions esthétiques. À côté d'une thématique nouvelle, le symbolisme a favorisé l'émergence d'un rapport nouveau à la langue, en cultivant tout ce qui pouvait favoriser l'apparition de sens inédits et contingents (prédilection pour la figure de l'anti-emphase). Le symbolisme a plus généralement contribué à un enrichissement de la culture du vers, avec la pratique de formes métriques traditionnelles et le développement d'un vers purement accentuel. Enfin, inaugurant un rapprochement fécond entre philologie et poésie, il a été, grâce en particulier aux travaux de Belyj, un des facteurs à l'origine du renouveau de la théorie de la littérature en Russie au xxe siècle (l'école formelle 1915-1930) et a initié une approche mathématique de l'étude du vers, toujours actuelle (travaux de M. Gasparov).
- Meyerhold et le symbolisme - Gérard Abensour p. 591-606 De 1903 à 1907 le metteur en scène Meyerhold vit sous le signe du symbolisme. Comme Stanislavskij, il est fasciné par une dramaturgie nouvelle qui privilégie le monde intérieur des personnages au détriment de toute visée réaliste. Comment réaliser scéniquement ces ?uvres qui mettent le mystère au centre de leur discours théâtral ? Maeterlinck en est le porte-drapeau. Le Théâtre artistique de Moscou aborde son théâtre avec précaution. Pour Meyerhold au contraire ce sera un champ fécond de réalisations, la plus réussie étant S?ur Béatrice (1906). Mais bientôt le metteur en scène semble se lasser d'une vision du monde qu'il ne partage pas au fond de lui-même. Le tournant sera pris à partir de la réalisation de La Baraque de foire de Blok, qui est à la fois un sommet en symbolisme et un adieu au symbolisme. En tant que praticien du théâtre, il a beaucoup appris au contact d'?uvres symbolistes, mais la vision esthétique et la métaphysique du symbolisme ne correspondent pas à sa pensée et à son tempérament. Ouvert à la diversité du répertoire, il gardera de cette expérience la capacité à mettre en valeur les symboles cachés que recèle toute ?uvre de qualité.
- Le symbolisme russe en quête de paradis originel - Georges Nivat p. 569-578
Recherches en cours
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 613-658