Contenu du sommaire : Les résonances de 1905
Revue | Cahiers du monde russe |
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Numéro | volume 48, no 2-3, avril-septembre 2007 |
Titre du numéro | Les résonances de 1905 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - p. 169-172
Les idées et les formulations
- «Označajuščee i označaemoe» - Igoŕ A. HRISTOFOROV p. 173-185 « Le signifiant et le signifié » : la notion de « constitution » dans le discours politique russe avant et après le 17 octobre 1905 Cet article analyse un ensemble de problèmes touchant à la sémantique, au sens et aux significations contextuelles de la notion de « constitution » qui fit avant, pendant et après la révolution de 1905-1907 l'objet de réflexions intenses, d'âpres luttes politiques et de surenchères idéologiques tant du côté de la « société civile » que du côté gouvernemental.
- Malaise dans la culture juridique libérale en Russie après 1905 : « Pédagogie des libertés » et éducation au droit - Michel Tissier p. 185-208 La littérature politique de masse naquit en Russie pendant la révolution de 1905. Une de ses composantes concernait les libertés individuelles et leur place dans l'ordre juridique. Les brochures sur ce thème constituaient une sorte de pédagogie des libertés. Celle-ci révèle la vitalité de la culture juridique libérale, centrée sur la valeur universelle accordée aux droits individuels et sur la primauté du droit. La pédagogie des libertés resurgit en 1917, presque inchangée, mais elle est alors dépassée par des discours particularistes qui la rendent inaudible. Ce décalage est en partie la conséquence d'un malaise dans la culture juridique libérale après la révolution de 1905. Il affectait la façon dont les libéraux envisageaient la question de l'éducation aux libertés d'une part, au droit de l'autre. La contribution du juriste B. Kistjakovskij au recueil Vehi en 1909 révèle la tension entre pédagogie des libertés et éducation au droit, même s'il ne reconnaissait pas que cette tension était interne au projet éducatif de la culture juridique libérale. Kistjakovskij proposait une solution pour dynamiser ce dernier : renforcer l'influence des professionnels du droit. Mais cette solution s'est heurtée à de nombreux obstacles. La solution de la vulgarisation, la plus typique jusque-là de l'application à la culture juridique du tropisme éducatif des élites russes, fut globalement abandonnée par les libéraux. Cela permet de comprendre pourquoi la pédagogie des libertés en 1917 ne fut qu'une copie sans lendemain d'un discours daté.
- Pravitel stvo i problema zakonnosti v 1904-1917 gg. - Ekaterina Pravilova p. 209-220 Le gouvernement et la question de la légalité entre 1904 et 1917 L'article présente une analyse du développement des discours alternatifs sur la zakonnost´ (légalité) dans la politique russe entre 1904 et 1917. Il tente de définir les différentes origines de cette doctrine juridique et politique et de situer dans leur contexte les modèles des réformes juridiques et politiques proposées par les hommes politiques russes depuis Petr Svjatopolk-Mirskij jusqu'à Petr Stolypin au sein du champ théorique et sémantique des débats juridiques dans la Russie et l'Europe de la fin du xixe siècle et du début du xx. Les acceptions du terme « zakonnost´ », tel qu'il apparaît dans les actes législatifs, la rhétorique du gouvernement et l'idéologie libérale correspondaient à des visions concurrentes du régime idéal du règne de la Loi -- il s'agissait aussi bien du Rechtsstaat conservateur allemand que de la théorie slavophile d'une monarchie légale qui, dans le contexte russe, symbolisaient tous deux les alternatives à la monarchie constitutionnelle ou à la doctrine libérale d'une démocratie constitutionnelle.
- Un Empire « un et indivisible » ? : La question de la représentation politique des non Russes à la Douma après la révolution de 1905 (1905-1907) - Juliette Cadiot p. 221-242 Sous la pression des événements révolutionnaires, le tsar appelle à la formation d'une Douma d'État fondée sur le vote censitaire. Dans cet article, l'auteur analyse ce que les différentes lois électorales nous enseignent de la manière dont le régime impéral construit une nouvelle hiérarchie définie par le droit de vote, qui fut accordé non seulement en fonction du sexe, de l'âge, du niveau de richesse, mais aussi du lieu de résidence et de la nationalité. En décrivant la manière dont le vote non russe fonctionne, l'auteur étudie aussi comment il fut stigmatisé par le pouvoir. Dans ces années de formidable ouverture politique, notamment pour tous les mouvements réclamant l'égalité civique et les droits culturels, la fracture coloniale de fait se renforça, car elle fut produite par un État qui reconnut aux colons russes et slaves un droit privilégié à la représentation politique avant d'en priver une grande partie des allogènes.
- La pétition des musulmans du Caucase en réponse à l'Oukase du 18 février 1905 - Édith Ybert-Chabrier p. 243-258 Différents corps constitués, doumas urbaines, associations professionnelles, ou représentants de gouvernements, districts et nationalités du Caucase ont pris part à la campagne de pétitions sur l'amélioration de l'organisation de L'État et du bien-être du peuple, ouverte et close par des oukazes de Nicolas II, en dates du 18 février et du 6 août 1905. Ces pétitions expriment des revendications d'inspiration libérale, réclamant l'égalité des habitants du Caucase avec ceux des régions centrales de l'Empire russe, le respect des langues et particularités nationales et la participation aux nouvelles institutions sans distinction de confession religieuse et de nationalité. Mais, elles attestent des modes et des stades de développement national différents chez les Géorgiens, les Arméniens et les musulmans. Rédigée principalement par Ali Mahdan Bek Toptchibachy (Top?iba?ev), la pétition des musulmans du Caucase dénonce l'exclusion des musulmans de la citoyenneté russe en raison d'un regard exclusivement confessionnel à leur encontre et réclame la fin des discriminations, l'égalité des droits, le libre et plein exercice de l'islam. Elle montre le caractère spécifique de la construction nationale des musulmans du Caucase, sa flexibilité encore grande à une époque où l'identité turque commence à s'affirmer aux dépens de l'iranité. Enfin, la défense de la terre qui doit rester entre les mains des autochtones musulmans est à replacer dans le contexte de la rivalité avec les Arméniens, principale cause de la guerre arméno-tatare qui ensanglante la Transcaucasie orientale en 1905-1906.
- «Označajuščee i označaemoe» - Igoŕ A. HRISTOFOROV p. 173-185
Mouvements
- «Pabočij vopros» i itogi 1905 goda - Timur Valetov p. 259-274 « La question du travail » et le bilan de l'année 1905 Dans les années 1880-1905, l'industrie russe a connu un vif développement et l'évolution des relations de travail. L'amélioration relativement rapide de la condition ouvrière résultait de trois facteurs : le gouvernement, qui avait promulgué de nouvelles lois sur le travail ; les propriétaires de grandes fabriques qui, de leur propre chef, avaient pris un ensemble de mesures pour calmer les ouvriers et les inciter à travailler consciencieusement ; et, enfin, les ouvriers eux-mêmes qui avaient lutté pour leurs droits. L'importance de ces trois facteurs a varié avec le temps et les tensions sociales dans l'industrie ont pour beaucoup dépendu des prises d'initiatives de chacun d'entre eux à des moments donnés. C'est de ce point de vue que cette étude se propose d'observer les actions et les réalisations de ces trois forces pendant les événements de 1905. Pour décrire les actions des fabricants et des ouvriers, l'auteur a accordé une attention particulière à l'étude du cas d'une grande entreprise de textile de la province de Moscou en se basant notamment sur les archives de la fabrique.
- Rossijskoe studen?estvo v 1905 g. - Anatolij E. IVANOV p. 275-284 Le mouvement étudiant russe en 1905 Dans cet article, l'auteur étudie la participation de la majorité démocratique des étudiants lors de la première révolution russe en 1905, année de tension extrême dans la lutte du peuple contre l'autocratie. Il dévoile le terrain socio-politique qui a permis la propagation de la pensée anti-tsariste chez les étudiants et expose le rôle de premier plan de ceux-ci dans la lutte des classes moyennes urbaines. Les actions du mouvement étudiant qui se sont égrenées tout au long de l'année 1905 sont présentées comme une réaction à la répression policière dictée par le gouvernement à l'encontre de la jeunesse étudiante.
- Ruzaevskaja respublika - Valerij A. JUR?ENCOV p. 287-300 La république de Ruzaevka La naissance, en décembre 1905, de la république de Ruzaevka a été moins une prise de pouvoir que l'organisation de la vie d'une gare de chemin de fer et de la bourgade attenante dans un contexte d'instabilité politique et socio-économique qualifié de première révolution russe par les uns ou de période de chaos et d'anarchie par les autres. Dans cet article, l'analyse des événements survenus au cours de cette période permet de suivre assez précisément les différentes étapes de l'évolution des fonctions du comité administratif qui est passé de la gestion des grèves et du maintien de l'ordre à l'organisation de la vie dans la ville et sa gare.
- Partija socialistov-revoljucionerov vo vremja i posle revoljusii 1905-1907 gg. - Konstantin N. Morozov p. 301-330 Le parti des socialistes révolutionnaires pendant et après la révolution (1905-1907) : un phénomène socio-culturel dans le contexte de la subculture du révolutionnaire russe L'auteur de l'article s'efforce de dépasser l'image bien ancrée d'un parti révolutionnaire russe structuré, discipliné, centralisé et facilement dirigé depuis un noyau central menant l'ensemble à la baguette selon un plan rigoureusement établi. L'auteur divise l'existence du parti socialiste révolutionnaire en plusieurs périodes se différenciant les unes des autres par des traits bien marqués et un caractère particulier. Il distingue ainsi le protoparti (1902-1905), le parti de masse illégal (1906-1909), un milieu SR atomisé avec des tendances à l'intégration (1910- février 1917), le parti légal de masse (mars 1917 -- fin 1917), puis le parti de masse illégal (1918-1921) et, de nouveau, un milieu en liberté ou en prison (jusqu'à l'extermination physique totale des SR à la fin de l'année 1938). L'auteur observe les particularités et les caractéristiques de toutes ces étapes de la vie du parti SR. De même, pour la première fois sont introduites, et examinées, les notions de la subculture du révolutionnaire russe et celle de la justice du parti. La formation de la subculture du révolutionnaire russe et de la justice révolutionnaire s'est faite sous la forte influence, voire la domination de la culture de la noblesse et de son « code d'honneur » ; mais la conscience, les normes de conduite et la pratique du révolutionnaire furent aussi fortement influencées par les différentes classes et couches sociales ayant participé au mouvement révolutionnaire.
- «Pabočij vopros» i itogi 1905 goda - Timur Valetov p. 259-274
Institutions
- Des censeurs aux inspecteurs de la presse : Crise et métamorphoses des organes de censure après 1905 - Benjamin GUICHARD p. 331-346 La question de la censure après 1905 a été souvent discutée d'un point de vue externe, en cherchant à évaluer l'efficacité des pratiques de contrôle sur une presse russe en plein essor. Les conditions de travail des censeurs et leurs conceptions du métier dans un contexte juridique nouveau restent cependant mal connues. Les événements révolutionnaires sont vécus par les censeurs comme une crise profonde car ils se trouvent démunis face à une presse d'opposition en plein essor. Les nouvelles règlementations mettent en péril leur identité professionnelle car elles leur laissent peu de moyens d'action efficaces et les mettent en concurrence avec les instances de police. La Direction générale des affaires de presse cherche cependant à légitimer son activité aux yeux du public. Elle développe plusieurs stratégies destinées à défendre l'idée d'une opinion publique encadrée par l'État et protégée contre la spéculation commerciale et la surenchère politique. La défense de normes juridiques dans la pratique administrative, l'élaboration d'une bibliographie nationale et la consolidation du dépôt légal dans un souci patrimonial jouent un rôle majeur dans ce programme.
- La réforme du ministère des affaires étrangères après la révolution de 1905 - Marie-Ève Rakuzin p. 347-354 Les événements de 1905 -- la révolution et la défaite de la Russie face au Japon -- ont mis en évidence pour les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères la nécessité de mettre en place une réforme, réforme qui était discutée depuis une décennie par ces mêmes hommes qui ont vu, et pris conscience, que leur statut et rôle avaient évolué. Aleksandr Izvol´skij fut celui qui, à sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères en 1906, mit en place ce processus de réforme. Il incarne à lui seul la nouvelle génération de diplomates qui se voyaient au service non seulement du tsar de par leur statut de fonctionnaire, mais aussi d'une politique concertée au sein d'un gouvernement.
- Goroda i izbiratel´nyj zakon 1905 goda - Ewa Bérard p. 355-364 La question urbaine et les projets de loi électorale dans la révolution 1905 L'article se propose de cerner le rôle des villes et des municipalités dans le processus constitutionnel de 1905, ce mouvement marquant un tournant dans l'évolution du libéralisme russe et sa légitimation dans le milieu urbain. Les différentes versions de la loi électorale sont analysées quant à la définition du vote citadin et l'on s'interroge sur la spécificité urbaine des projets constitutionnels émanant de doumas municipales. On se penche sur la dernière mouture de la loi électorale, consentie sous la pression du mouvement insurrectionnel des deux capitales, dont le sens politique reste controversé : des concessions en faveur de la représentation urbaine perpétuent l'ambiguïté des catégories sociales et administratives, destinée à assurer la prépondérance de la « Russie agraire » dans la future Douma d'État.
- Des censeurs aux inspecteurs de la presse : Crise et métamorphoses des organes de censure après 1905 - Benjamin GUICHARD p. 331-346
Les échos en Europe
- Les socialistes français et la révolution de 1905 - Gilles Candar p. 365-378 Les socialistes français se sont passionnés pour les événements de Russie en 1905. La campagne de solidarité leur permet, surtout à Paris, d'orchestrer plus aisément le processus unitaire dans lequel ils sont engagés. Les Français s'intéressent aux débats des révolutionnaires russes, mais en les interprétant en général d'un point de vue français. La prégnance du modèle révolutionnaire de 1789 et 1793 favorise la compréhension des stratégies russes les plus radicales, y compris chez Jaurès et ses amis. Longuet est assez seul à exprimer une sensibilité menchevik, plus proche des analyses social-démocrates dominantes dans l'Internationale. La révolution russe semble conforter les socialistes dans leur combat, même si finalement ils en attendent surtout que la Russie se rapproche enfin de l'exemple français.
- La révolution de 1905 dans l'opinion républicaine française - Wladimir Berelowitch p. 379-392 L'article retrace les réactions de l'opinion « républicaine » française, qui allait des socialistes aux radicaux, devant la révolution russe et qui se traduisit par une forte mobilisation, notamment des organisations de gauche et des anciens dreyfusards. À travers une analyse des prises de position politiques et de la presse, on constate une condamnation commune de l'autocratie et un espoir partagé de voir la Russie s'engager sur la voie d'un gouvernement représentatif. Cet alliage entre libéralisme et socialisme, conforme en apparence au bloc des gauches, ne s'étendait pas toutefois au gouvernement français, attaché à défendre l'alliance franco-russe et par conséquent complaisant sur la question des emprunts, ce qui contraignait les révolutionnaires russes, même libéraux, à se tourner davantage vers l'extrême-gauche française.
- Anatol´Lerua-Bol´e o pervoj russkoj revoljucii - Ksenia TSYKOVA p. 393-412 Anatole Leroy-Beaulieu et la première révolution russe Anatole Leroy-Beaulieu (1842-1912), historien, sociologue, publiciste éminent est renommé avant tout comme auteur du livre majeur L'Empire des Tsars et les Russes. Ses ouvrages postérieurs sont moins connus, mais ils élargissent la compréhension de son héritage et des questions qu'il analysait. L'étude des articles politiques, des lettres d'Anatole Leroy-Beaulieu écrites entre 1905 et 1907 et plus tard nous offre l'appréciation de l'expert reconnu ; l'impression du témoin immédiat ; les appréhensions, les espérances et les désenchantements du libéral face aux événements révolutionnaires. Leroy-Beaulieu s'intéresse à tous les aspects de la première révolution russe « à la fois sociale et politique », y compris la question agraire, le problème national, les relations franco-russes. Mais le centre d'intérêt d'Anatole Leroy-Beaulieu reste la question politique, la question de la constitution, de la représentation nationale. L'alliance si problématique en Russie du pouvoir suprême et des forces libérales de la société, la monarchie constitutionnelle sont pour lui le gage de l'évolution pacifique et féconde du pays. Il présente son analyse détaillée des premiers pas du parlamentarisme russe attardé, contestable et imparfait, en considérant la Douma comme « le germe vivant de toute évolution politique et l'instrument nécessaire de toute réforme sociale ».
- 1905 de Varsovie à Berlin : La polonisation de la gauche radicale allemande - Jean-François Fayet p. 413-426 Lorsque l'écho de la révolution de 1905 atteignit l'Allemagne, celle-ci était confrontée à une vague de grèves sans précédent, liée à l'aggravation des tensions économiques et sociales. Or, après la révolution de 1905, la plupart des dirigeants révolutionnaires du royaume de Pologne se retrouvèrent en Allemagne qui constituait une base de retraite traditionnelle pour les militants polonais fuyant la répression de la police tsariste.
- «Tak nazyvaemye Russkie» - Hartmund Rüdiger PETER p. 427-440 « Les prétendus Russes » : Évolution du type et de la conscience des étudiants russes en Allemagne après la révolution de 1905 Sous l'influence de la révolution de 1905, la communauté des étudiants russes fréquentant les universités et les établissements d'enseignement supérieur d'Europe occidentale connut des changements notables qui eurent un effet tant sur la composition de cette communauté que sur les motivations et les objectifs de partir étudier à l'étranger, ainsi que sur le parcours académique et la progression sociale de ces jeunes. L'ambiance dans les colonies estudiantines s'en trouva modifiée. Les jeunes étaient moins étroitement liés au rythme de la vie sociale et politique en Russie : les penchants et les intérêts individuels jouaient un rôle non négligeable. L'activité des unions estudiantines se diversifia, pour s'orienter davantage vers la satisfaction des besoins matériels, spirituels et culturels. Parallèlement, la « nationalisation » toujours plus importante engendra des contradictions et le renforcement de tendances centrifuges qui trouvèrent leur écho dans les structures organisationnelles. De sorte qu'il nous semble difficile parler ici de véritables colonies estudiantines « russes ».
- Russkaja revoljucija 1905-1907gg. I ital´janskie levye - Valerij P. LJUBIN p. 441-448 La révolution russe (1905-1907) et la gauche italienne Cet article propose une analyse de la perception de la révolution russe (1905-1907) en Italie. L'auteur examine les différents aspects des relations italo-russes à cette époque et, pour ce faire, se base sur des archives russes inédites, celles de l'AVPRI (Archives de la politique étrangère de l'Empire russe) du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie. Cet article cite également les rapports de l'Ambassade russe à Rome sur les réactions publiques en Italie à ces événements révolutionnaires. Il décrit les protestations des démocrates et des socialistes italiens ainsi que les actions des opposants russes émigrés dans ce pays (Maksim Gor´kij entre autres).
- Le Saint-Siège face à la révolution de 1905 : Entre réflexes conservateurs, réformisme et enthousiasme missionnaire - Laura Pettinaroli p. 449-462 Après plus d'un siècle d'opposition aux révolutions, comment le Saint-Siège réagit-il à la première révolution du xxe siècle ? À l'aide des archives vaticanes et de la presse romaine proche des centres décisionnels du Saint-Siège, l'auteur étudie l'attitude évolutive -- et en grande partie positive -- de Rome à l'égard de la première révolution russe. Les événements religieux de cette période (édit de tolérance d'avril 1905, conversions de masse dans les zones occidentales de l'Empire) stimulent une transformation profonde du projet missionnaire catholique pour la Russie. Par ailleurs, en suivant pas à pas le déroulement de cette révolution, nous voyons à Rome la succession d'espoirs et de déceptions, d'action diplomatique directe et de pression médiatique sur l'occident, de défense de l'autorité et de militantisme pour les réformes, qui font de cette expérience de 1905 un moment privilégié pour saisir certains paradoxes de la papauté en ce début de xxe siècle.
- Greek Perceptions of the Russian Revolution of 1905 : Russia overcoming Russia - ADA DIALLA p. 463-476 Les perceptions grecques de la révolution russe de 1905 : « Russia overcoming Russia » En Grèce, la révolution russe de 1905 a été jugée suffisamment importante pour être comparée à la Révolution française. Cet article relate les réactions du public grec face à 1905 (sur la base d'archives inédites) et contextualise le débat dans le cadre grec en prenant en compte les spécificités du royaume de Grèce, son image en tant qu'État et société, son identité nationale et sa vision historique. La relation grecque de la révolution de 1905 était structurée autour des thèmes suivants : la révolution et la réforme ; la nouvelle menace à l'establisment grec, i.e., le socialisme et l'émancipation du travail ; l'entrée des masses dans la politique ; la question du recours légitimé à la force tant par l'État que par les masses ; et la particularité de la Russie par rapport aux autres grandes puissances « civilisées ». L'expérience russe a également provoqué la discussion sur le dilemme du changement et de la démocratisation en Grèce même. Dans l'ensemble, les réactions vis-à-vis de 1905 furent multiples, fluides, souvent contradictoires, et fonction du moment historique et du cours des événements dramatiques en Russie. Les avis dominants grecs étaient également modelés par les différents discours européens sur la Russie et la situation politique et sociale en Grèce ainsi que par les stéréotypes nationaux sur la Russie et les Russes.
- La révolution russe dans la presse illustrée européenne - Anne-Marie Bouchard, Alexis Desgagnés p. 477-484 Les événements révolutionnaires de l'année 1905 en Russie ont généré d'innombrables images. Ce corpus iconographique a contribué au processus d'objectivation historique de la première révolution russe du xxe siècle. Parmi ces images, celles publiées dans la presse illustrée anglaise, française et allemande ont joué un rôle particulièrement important. Au-delà de leur seule valeur de témoignages de l'actualité révolutionnaire russe et de la réception de cette actualité en Europe, ces représentations -- qu'elles illustrent la presse généraliste ou la presse satirique -- ont institué durablement certains archétypes, thèmes et motifs iconographiques. De même les spectres de la Révolution française hantaient Nicolas II dans les caricatures de la presse satirique, les images du Dimanche rouge, de la mutinerie du cuirassé Potemkine et des protagonistes célèbres ou anonymes des luttes de 1905 continuent à conditionner la manière dont ces événements s'inscrivent, dans l'histoire, en révolution. Cet article est une présentation sommaire de représentations où la révolution, sans être toujours nommée, est néanmoins nécessairement anticipée.
- Les socialistes français et la révolution de 1905 - Gilles Candar p. 365-378
Filiations historiques
- Le culte russe de la Révolution française - Alexandre V. Tchoudinov p. 485-498 De tous les événements mondiaux, c'est très certainement l'histoire de la Révolution française qui a exercé la plus grande influence sur la mémoire historique des Russes. Très longtemps, l'image de cette révolution a occupé une large place dans l'opinion que l'intelligentsia russe se faisait de l'avenir souhaitable pour sa nation. La Révolution française était représentée comme une sorte de modèle idéal de renouvellement et de transformation sociale. C'est ainsi que son image relève davantage de la sphère de l'anticipation sacrée que de celle de la connaissance scientifique. D'une génération d'intellectuels russes du xixe siècle à une autre, l'évocation de la Révolution française a été nettoyée de toutes les scories qui pouvaient souiller sa réputation telles que la Terreur, la guerre civile, la destruction de l'économie, etc. Cette image prédominante de la Révolution française, qui ressemblait à des vacances, a d'abord fait naître de faux espoirs dans l'intelligentsia russe qui pensait mettre en place la révolution en Russie, avant de lui assener un choc psychologique quand elle a découvert que la réalité révolutionnaire n'avait rien de commun avec le culte idéaliste de la Révolution française entretenu de longue date par les Russes.
- Les historiens russes et la révolution de 1905 - Korine Amacher p. 499-518 Cet article analyse l'influence des événements de 1905-1907 sur les historiens russes et leurs recherches. L'évolution des formes d'action politique, la création des partis ont renforcé les possibilités d'organisation sociale et politique dans l'Empire russe. Fortement sollicités par l'actualité, les historiens ne sont pas restés hors de ce processus. Les événements qui secouent la Russie durant ces années ont suscité une radicalisation politique, voire un véritable engagement politique d'historiens qui étaient auparavant plus modérés ou peu politisés. Mais 1905 a aussi amené certains d'entre eux à donner sens au passé à la lumière des événements présents, à renforcer ou à reformuler certaines de leurs interprétations historiques. Enfin, une réorientation des recherches a parfois aussi eu lieu, en partie due à l'émergence de nouvelles thématiques historiques. Cela s'explique notamment par l'accès à des documents et à des archives auparavant inaccessibles. Ainsi, la révolution de 1905 a contribué à enrichir une historiographie russe qui évoluait déjà de façon impressionnante depuis la seconde moitié du xixe siècle.
- Pamjat´o Pervoj rossijkoj revoljucii v 1917 godu. - Boris I. KOLONICKIJ p. 519-538 Mémoire en 1917 de la première révolution russe : les cas de Sébastopol et d'Helsingfors Dans cet article, l'auteur étudie la politique de la mémoire menée après la révolution de Février 1917 et propose une étude comparée des cas de Sébastopol et Helsingfors, deux bases militaires navales importantes de la flotte russe. Il attire l'attention sur le fait que le culte des « combattants pour la liberté » morts pour la cause, naquit de l'opposition des forces politiques en présence qui avaient recours à ce biais pour renforcer leur influence. Cependant, dans l'ensemble, cette politique de la mémoire favorisa la naissance d'une tradition politique telle qu'elle donna l'avantage aux socialistes radicaux. C'est ainsi que de nombreux éléments de la politique soviétique officielle de la mémoire furent créés avant l'arrivée au pouvoir des bolcheviks, et parfois même par leurs opposants.
- Une révolution sans révolutionnaires1905 dans des manuels russes récents - Jutta Scherrer p. 539-556 Dans cet article, l'auteur se propose d'analyser quelques manuels d'histoire russe de la dernière décennie utilisés dans les dernières classes du lycée et en première année à l'université. Il s'agit d'examiner comment quelques questions clefs y ont été posées (ou ignorées) comme par exemple : la définition de la révolution de 1905 et sa mise en perspective avec celles de 1917 ; les conflits sociaux qui ont conduit à la révolution ; les classes et les groupes sociaux, les partis politiques et leur leaders comme acteurs de la révolution ; le processus révolutionnaire dans les périphéries de l'Empire ; la narration, l'iconographie, la documentation -- comment ces ouvrages se différencient-ils des manuels soviétiques ; et enfin, y a-t-il des valeurs de 1905 qui puissent être relevantes pour la Russie actuelle ?
- Le culte russe de la Révolution française - Alexandre V. Tchoudinov p. 485-498