Contenu du sommaire : VARIA et comptes rendus

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 49, no 4, octobre-décembre 2008
Titre du numéro VARIA et comptes rendus
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Destins individuels et terreur

    • Aleksandr Shliapnikov's purge from the soviet communist party in 1933 - Barbara Allen p. 559-580 accès libre avec résumé
      L'exclusion d'Aleksandr liapnikov du Parti communiste soviétique en 1933 Aleksandr Gavrilovi? ljapnikov (1885-1937), un bolchevik de la « vieille garde » d'origine ouvrière, s'attira les foudres des dirigeants du parti communiste lorsqu'il prit la tête de l'Opposition ouvrière au début des années 1920. Toutefois il ne fut exclu des rangs du parti qu'en 1933. Cet article avance que, pour assurer sa défense, ljapnikov utilisa les procédés libéraux de la preuve et de l'enquête et recourut à l'humour pour renverser les accusations portées contre lui. ljapnikov remettait ainsi en question l'injonction faite aux members du parti d'intérioriser les valeurs staliniennes et de répudier tous les aspects de leur passé qui ne leur étaient pas conformes. Bien que ljapnikov n'ait pas docilement reconnu les accusations de « duplicité » politique et « d'hésitations mencheviques de dégénéré » dont il faisait l'objet, son comportement ne relevait pas du registre de la résistance. Son échange avec les membres de la commission des purges reflète sa conception autre de la partijnost´, qui prenait son origine dans l'histoire prérévolutionnaire du parti.
    • Le souffle lointain de la révolution et la terreur du quotidien : Le bolchevik Emel´jan Jaroslavskij dans les années 1930 - Sandra Dahlke p. 581-604 accès libre avec résumé
      À partir des journaux intimes et de la correspondance du dirigeant bolchevik Emel´jan Jaroslavskij, l'auteur étudie comment les responsables d'un régime dit révolutionnaire ont tenté de consolider leur pouvoir tout en ayant conscience de l'épuisement progressif de l'élan révolutionnaire. Engagé dans les révolutions de 1905 et d'octobre 1917, Jaroslavskij fut l'un des idéologues les plus influents du régime stalinien et le partisan loyal de Stalin ; jusqu'à son décès, en 1943, et même pendant les pires années de la Terreur, il ne cessa de cultiver un romantisme révolutionnaire. La première partie de l'article montre à quel point ses représentations du révolutionnaire étaient empreintes de la littérature du populisme russe de la seconde moitié du xixe siècle. Cette conception de son propre rôle fut renforcée par l'expérience de la foule et par la fascination qu'elle exerça sur lui pendant la période révolutionnaire. La seconde partie analyse comment la construction identitaire d'un leader des « masses ouvrières », héroïque et désintéressé, fut bientôt remise en question par deux circonstances : la banalité du pouvoir au quotidien et la monopolisation par Stalin de la notion du révolutionnaire qui devint un outil disciplinaire. En se fondant sur l'exemple de Jaroslavskij, l'article formule l'hypothèse que c'est parce qu'il parvint imposer sa notion du révolutionnaire -- et ce, dès le début des années trente -- que Stalin réussit à imposer son pouvoir total aux camarades qui cherchaient à sauvegarder à tout prix leur construction identitaire.
    • Dynamiques et contraintes de la critique à l'époque stalinienne : Traces des pratiques communicatives dans le journal d'A.G. Man´kov - Malte Griesse p. 605-628 accès libre avec résumé
      Le présent article analyse le journal personnel des années 1930 d'Arkadij Man´kov (1913-2006). Le premier objectif est d'explorer l'impact de la communication entre proches sur la formation de l'opinion chez le diariste. Alors que Man´kov lui-même se considère plutôt comme un « individu autonome » qui arrive par la seule observation de son environnement à une critique fondamentale du stalinisme comme système d'exploitation de la majorité de la population, voilée uniquement par la façade du mensonge, l'article s'intéresse ici aux conditions préalables à ces prises de position et, par ce biais, à la base de tout potentiel de résistance. Ce nouveau regard sur l'individu à travers l'intersubjectivité -- il est nouveau notamment par rapport aux études sur la subjectivité -- se justifie entre autres par le fait que le régime ne s'attaque guère à des individus, mais aux liens qui existent entre eux, liens qui sont appréhendés comme des cadres à même d'engendrer de la critique et qui, à long terme, peuvent déboucher sur une résistance concertée.
  • Jeunesse dans la société poststalinienne

    • Citizenship, Deviance, and Identity : Soviet youth newspapers as agents of social control in the Thaw-era leisure campaign - Gleb Tsipursky p. 629-650 accès libre avec résumé
      Citoyenneté, déviance et identité : la presse soviétique pour la jeunesse, agent du contrôle social à l'époque du Dégel En 1954-1955, poussé par la politique de Xru??ev qui visait à donner corps à l'utopie communiste et par la hausse perceptible de la délinquance juvénile, le parti communiste lança la campagne pour les loisirs afin de réguler le temps libre des jeunes. L'article étudie certains des aspects coercitifs de cette initiative et examine le rôle joué par les publications pour la jeunesse qui imposèrent des contrôles sociaux aux jeunes « déviants » tels les hooligans ou les zazous (stiljagi). En se fondant sur la presse, les archives et la littérature, l'auteur apporte un nouvel éclairage au tournant pris par la politique de Hru??ev qui visait à diriger la jeunesse par le biais du pouvoir infrastructurel et de la violence symbolique combinés à la mobilisation de la société et au soutien des initiatives de la jeunesse. Les sources montrent que la rhétorique journalistique, lestée d'ambiguïtés, a laissé de la place à la négociation, peut-être délibérément. L'auteur suggère que ces ambiguïtés ont ébranlé la cohésion du discours public sur la campagne pour les loisirs et ont contribué au développement de l'autonomie de la jeunesse.
    • La légitimation du rock en URSS dans les années 1970-1980 : Acteurs, logiques, institutions - Anna Zaytseva p. 651-680 accès libre avec résumé
      L'article analyse le chemin parcouru par le rock en URSS puis en Russie, de l'état d'une (sous)culture occidentalisée anglophone, ayant trouvé refuge dans les discothèques des années 1960-1970, jusqu'au canon du russkij rok actuel, devenu presque synonyme de poésie chantée, via sa légitimation progressive dans les années 1980. Celle-ci a été amorcée à la fin des années 1970 avec l'arrivée en force d'une nouvelle génération artistique au sein de l'underground rock (« nouvelle vague » de Leningrad), en rupture avec les anciens standards du mimétisme anglophone. Elle a également été rendue possible par l'affiliation du rock à une tradition culturelle russe, à la fois lettrée et populaire (poésie du début du xxe siècle, chanson de bardes, figure du nouveau folklore urbain). Nombre d'acteurs et d'institutions hétérogènes (intelligentsia littéraire et artistique, institution de censure attentive aux textes des groupes rock, le Rock-club de Leningrad, activistes rock underground en quête de reconnaissance, publics en quête de sens...), sans être orchestrés par une seule logique, ont contribué à la constitution du rock en un genre national (quasi) littéraire. C'est sous cette forme que, dans la dénonciation démocratique du régime soviétique, le rock a endossé le rôle d'avant-garde avant de devenir rapidement obsolescent, pâtissant de cette identité négative après la chute de l'URSS, sans pour autant se défaire de son identification littéraire.
  • Essai

    • The soslovie (estate) paradigm : Reflections on some open questions - Michael Confino p. 681-704 accès libre avec résumé
      La notion de « soslovie » (état) en histoire : réflexions sur des questions ouvertes Dans la terminologie des historiens ainsi que dans le language courant, le terme « soslovie » est employé couramment pour désigner certains grands groupes sociaux dans l'Empire russe tels que la noblesse, la paysannerie, les marchands (kupe?estvo) et autres formations sociales. Cet usage considère habituellement qu'il s'agit là de groupes définis comme tels légalement et que « soslovie » est (plus ou moins) l'équivalent des états en France jusqu'à la Révolution ou des Stände en allemand. (Exception faite des historiens pour qui les sosloviia en Russie n'étaient pas de « vrais » équivalents des états en Europe centrale et occidentale).
  • Comptes rendus