Contenu du sommaire : L'Un chez Plotin
Revue | Archives de philosophie |
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Numéro | tome 75, no 1, janvier 2012 |
Titre du numéro | L'Un chez Plotin |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Plotin, l'Un au-delà de l'être
- L'adversaire de Dieu dans la Philosophie de la révélation : Esquisse d'une satanologie schellingienne - Éléonore Dispersyn p. 87-112 On associe généralement la figure de Satan à une signification indigente ou mesquine. Dans la Philosophie de la révélation, Schelling tente au contraire d'en donner une interprétation différente, selon laquelle la « mauvaiseté positive » de Satan n'est pas seulement assumée, mais également revalorisée. Cependant, le rôle de Satan demeure ambigu, incarnant à la fois le tentateur universel et le maillon nécessaire à la révélation de Dieu lui-même. Dans cette étude, il s'agit donc de montrer à la fois la nature amphibolique du Diable, et de rendre compte des multiples endossements qu'il recouvre. Une tâche qui implique précisément la mise en évidence du rôle incontournable de Satan dans la victoire finale du bien, et qui se manifeste, en termes schellingiens, par l'incompatibilité de l'homme avec le feu dévorant du principe de lumière, laquelle nécessite un principe obscur qui hâte la séparation, pressent le mal et le provoque.One usually associates the figure of Satan with an impoverished, insufficient signification. On the contrary, in the Philosophy of Revelation Schelling tries to give a different interpretation, according to which Satan's potential for evil is not only accepted but embraced and given a positive valence, postulating a sort of “positivity of evil”. However, Satan's role remains ambiguous, since he represents both the universal tempter and a necessary link in the process that reveals God's presence in the world. In this paper, I want to emphasize the Devil's twofold nature and to explore his multiple forms. This highlights Satan's necessary role in the final triumph of good, and how this role appears, in Schellingian terms, through the human inability to sound the depths of the consuming fire of divine light, which necessitates the existence of a dark principle that entails a separation, foreknows evil and thereby creates it.
- Avant-propos. « La merveille, c'est l'Un » (VI, 9[9], 5, 30) - Jérôme Laurent p. 5-9
- La métaphore de la liberté. Liberté humaine et liberté divine chez Plotin - Laurent Lavaud p. 11-28 Contre les péripatéticiens, Plotin prétend opérer la « métaphore » de la liberté humaine vers la liberté divine : c'est de la volonté libre du Bien que la volonté de l'homme reçoit son essence. Trois figures distinctes de la liberté apparaissent cependant dans les traités plotiniens (et en particulier les traités 6 et 39 sur lesquels on appuiera plus précisément notre analyse). La liberté expressive suit la dynamique générale de l'émanation : elle est l'initiative de l'âme qui organise le corps individuel. La liberté réflexive est la maîtrise de soi par laquelle chaque principe se donne à lui-même un contenu et une détermination. Enfin, la liberté par transcendance est la simplicité pure de l'Un qui ne se laisse pas réduire à la multiplicité déterminée de l'ousia.Against the Peripatetics, Plotinus places the origin of the human freedom in the divine principles. Three modes of freedom can be distinguished in the Enneads. The expressive freedom follows the general movement of emanation : it concerns the voluntary descent of the soul into individual body. The self-determined freedom is the self-possession by which each principle gives itself a delimited contents. Finally, the transcendent freedom is the pure simplicity of the One, which is above the multiplicity of the intelligible ousia.
- Le Premier de Numénius et l'Un de Plotin - Alexandra Michalewski p. 29-48 La théologie de Numénius, qui définit le premier dieu comme un principe totalement simple, solitaire et transcendant, a joué un grand rôle dans la construction de l'hénologie plotinienne. Or, si cette dernière est en partie héritière des réflexions médioplatoniciennes, elle marque également un véritable tournant dans l'histoire du platonisme. Tandis que le premier principe de Numénius exprime l'unité parfaite de l'être et de l'intellect, l'Un de Plotin est « au-delà de l'être » de manière absolue. Cette différence a des conséquences décisives, tant sur la manière de concevoir le rapport du premier au second principe, que sur l'interprétation de la relation de l'Intellect divin à son objet. Cet article se propose d'analyser, à travers une étude de la conception du premier principe chez Plotin et Numénius, l'apport métaphysique que représente l'existence d'un principe au-delà de l'être.The theology of Numenius, which defines the first god as a principle which is totally simple, solitary and transcendent, has played a great part in the construction of the plotinian henology. If the latter, indeed, is in part the inheritor of the Middle Platonist reflections, it marks equally a real turning point in the history of Platonism. While the first principle of Numenius expresses the perfect unity of being and intellect, the One of Plotinus is « beyond Being » in an absolute manner. This difference has decisive consequences, as much on the manner of conceiving the link between the first and the second principle, as on the interpretation of the relation between the divine Intellect and its object. This article, through a study of the conception of the first principle of Plotinus and Numenius, proposes to analyse the metaphysical contribution which is represented by a principle beyond being.
- Transcendance et relation. Plotin et l'antinomie du principe - Sylvain Roux p. 49-76 La question du principe occupe une place essentielle dans la philosophie de Plotin, notamment parce qu'il lui faut penser de quelle manière l'Un peut être à l'origine de toutes les autres réalités et jouer ainsi un rôle principiel. Mais l'analyse de cette question pose un problème particulier : si l'Un est en position de principe, il perd son statut transcendant. Plotin accuse Aristote et les stoïciens d'avoir ainsi affaibli la supériorité de l'Un pour en faire un principe, mais l'affirmation de la transcendance rend elle-même difficile l'établissement d'une relation entre le Principe et ce qui en provient. Comment surmonter ce qui apparaît bien comme une antinomie ? Nous montrons ici par quelles voies paradoxales Plotin y parvient mais surtout que l'usage du paradoxe offre la seule solution compatible avec l'orientation générale du système plotinien.This paper deals with the problem of principle in Plotinus's thought. He tries to show how to face a difficulty : from one hand, the first principle (the One) is considered as the producer of all realities and needs, for this reason, to be put in relation with them. But on the other hand, he must be considered beyond all reality : in that case, how can he remain a principle if there's no relation at all with what he has produced ? The way Plotinus follows, to answer that question is unconventional : by denying to the One all characteristics, he makes him powerful and attributes him the power to produce all the realities. It's only by this paradoxical argument that the problem can be solved.
- L'Un, modèle de la pensée religieuse de Bergson ? - Jean-Marc Narbonne p. 77-86 Bergson a critiqué l'ensemble de la métaphysique occidentale, héritée du modèle platonico-aristotélicien, pour son incapacité à penser une véritable maturation possible des choses, un temps-invention, dans lequel la réalité se renouvèlerait au fur et à mesure qu'elle se créerait – ce qu'il appelle la durée –, en opposition à un devenir dont le résultat est toujours donnée d'avance, fixée dans l'Idée ou l'Intellect divin, tel un plan que l'on se contenterait de déplier. Mais Bergson a sans doute trouvé également, tout particulièrement chez Plotin, les prémisses d'un dépassement de ce cadre grec classique, par exemple dans la notion plotinienne de la préséance possible de l'agir sur l'être, renversant l'adage selon lequel l'agir s'ensuit de l'être (operari sequitur esse), en celui de l'être qui s'ensuit de l'agir (esse sequitur operari), l'idée également d'un dépassement de la choséité par le Principe premier, l'Un plotinien, qui est un pur jaillissement antérieur au quelque chose, préfigurant la continuité de jaillissement qui, selon Bergson, serait de Dieu, si ce n'est pas Dieu lui-même.Bergson criticized all western metaphysics, inherited from the platonico-aristotelian model, on the grounds of its incapacity to envision a real maturation of things, a time-invention, in which reality as a whole would renew itself as it progressively develops – what Bergson calls duration –, as opposed to a becoming for which the result is always foreseen in advance, fixed as it is in the Idea or the Divine Mind, as a plan which one has only to unfold. But Bergson also found, especially in Plotinus, the basis for a possible overcoming of this standard Greek frame. For example, the Plotinian notion of the possible precedence of activity over being, which effectively inverts the classic formulation of operari sequitur esse as esse sequitur operari, or the notion of an overcoming of ‘thingness' by the First principle, the Plotinian One, which is understood as pure overflowing prior to any ‘something', prefiguring the continuity of overflowing which, according to Bergson, is of God, if not God himself.
- Prudence et sagesse chez Montaigne - Thierry Gontier p. 113-130 À l'encontre d'une école récente d'interprétation qui tend à voir dans les Essais de Montaigne une pensée du renoncement à toute maîtrise de l'action, nous voulons montrer qu'il y a chez lui une authentique pensée de la prudence. Si les références aristotéliciennes et stoïciennes sont sollicitées par Montaigne, il reste que le caractère mouvant et imprévisible de la fortune ainsi que la part de fortuit inscrite dans l'être l'obligent à redéfinir les contours de la notion traditionnelle de prudence. À un premier niveau de prudence qui consiste à savoir agir dans le monde s'ajoute un second niveau, qui consiste à savoir se préserver face aux sollicitations du monde. Montaigne inaugure ainsi une pensée moderne de la prudence, qui trouvera, mutatis mutandis, une expression contemporaine chez Hannah Arendt, Georg Gadamer et Paul Ricœur.Contrary to a recent school of interpretation which aims to see in Montaigne's Essays a thought of renouncement to any control of action, we intend to show the presence of an authentic thought of prudence. If Montaigne refers to aristotelician and stoician texts, the unsettledness and unpredictableness of fortune, as well as the part of fortuitness which is part of the being, require him nevertheless to redefine the outlines of the traditionnal notion of prudence. To a first level of prudence, which consists in knowing how to act in the word, one must add a second level, which consists in knowing how to preserve oneself facing with word's appeals. Montaigne thus inaugurates a modern thought of prudence, which will find, mutatis mutandis, a contemporary expression in Hannah Arendt, Georg Gadamer and Paul Ricœur.
- L'adversaire de Dieu dans la Philosophie de la révélation : Esquisse d'une satanologie schellingienne - Éléonore Dispersyn p. 87-112
Comptes rendus
- Comptes Rendus : La Correspondance de Schelling - p. 131-144
- Bibliographie : Ouvrages envoyés à la rédaction - p. 145-146
Bulletin cartésien XLI