Contenu du sommaire : Le voile en procès

Résumé Pourquoi les Français se sont-ils ralliés à une loi contre le port du foulard à l'école ? L'article s'interroge sur la facilité avec laquelle la loi du 15 mars 2004 s'est imposée. Pour ce faire, il met cette loi en regard avec les mesures législatives consacrant la séparation de l'Église et de l'État en France. Discutant les thèses de Marcel Gauchet, il avance l'idée que les lois de séparation ont moins exclu la religion de l'espace public qu'elles n'ont donné les moyens à l'État de soutenir les institutions religieuses tout en les contrôlant. Les affaires du foulard résulteraient d'une conjoncture nationale et internationale favorisant un climat d'anxiété. L'emballement de ces peurs, plus que la préoccupation affichée à l'égard des droits des filles opprimées par le port du foulard, aurait été le principal moteur du passage de la loi.

Résumé Comment l'épisode de passion collective autour du port du voile islamique à l'école est-il survenu en France, en 2003, et comment la prohibition s'est-elle imposée comme la solution, gravée dans la loi ? Divers travaux ont souligné la part qu'y ont prise les médias, notamment les magazines. Mais un examen plus englobant montre qu'ils n'ont pas eu la commande de l'affaire. Analysée par hypothèse comme une entreprise politique, l'affaire révèle une structure somme toute classique, si ce n'est que l'enjeu était de nature largement symbolique et que, parmi les opérateurs dont la coordination s'est effectuée à l'occasion de cette conjoncture particulière, le premier s'avère avoir été le chef de l'État.

Résumé Les auteurs proposent d'abord une distinction entre la laïcité française et le pluralisme belge, basé sur une intervention positive de l'État dans la promotion de la diversité, au travers du financement des cultes et de l'enseignement de la religion dans les écoles publiques. Ils relatent ensuite les travaux du pendant belge de la commission Stasi, la Commission du dialogue interculturel, qui a eu le mérite d'appréhender les enjeux des politiques d'intégration dans leur ensemble, sans se focaliser sur la question du voile. Une troisième partie est consacrée au port des signes religieux dans les écoles. Confrontées à un législateur muet, celles-ci doivent prendre attitude dans un brouillard que ne dissipe pas encore un arrêt de principe.

Résumé Cet article analyse les débats relatifs au foulard en Allemagne en se concentrant sur la production discursive le concernant et ses effets juridiques. Après avoir mis en relief le poids de l'imprégnation chrétienne sur la représentation de la neutralité d'un État séculier, il relativise la portée libérale de la décision de la Cour fédérale constitutionnelle autorisant le port du voile par une enseignante en analysant les discours et conséquences de cette décision, et en particulier la promulgation de lois prohibant le voile par la plupart des Länder. La contribution des experts musulmans au discours légitimant la prohibition du voile témoigne que la sphère publique démocratique libérale manque à sa promesse d'ouverture, l'accès à cette sphère se révélant de facto très sélectif.

Résumé Égalité complexe : les femmes musulmanes et le voile L'article examine la manière dont les croyances et pratiques des femmes musulmanes sont comprises et interprétées par la sphère juridique. Il milite en faveur d'une prise en considération du port du voile du point de vue subjectif des femmes musulmanes. Il suggère qu'une analyse multidimensionnelle de l'égalité (l'égalité complexe) s'accommode mieux de cette perspective subjective qu'une analyse unidimensionnelle de l'égalité. Cette perspective autorise une réflexion articulant la question du genre avec celle de l'ethnicité, de la religion, de la culture et de la domination socio-économique. Elle facilite en outre l'intégration des femmes musulmanes comme citoyennes à part entière dans la sphère publique européenne.

Résumé L'article rend compte d'un scandale qui a éclaté en Égypte sur la question du port du voile et montre comment cette affaire constitue un « réseau dialogique » liant de multiples instances, dont la presse et le Parlement. Nous expliquons d'abord ce que sont les réseaux dialogiques, puis nous cherchons à reconstituer le réseau de l'« affaire du voile », montrant à la fois son inscription dans un contexte public large et son unité spécifique. Nous rendons alors visible la manière dont le réseau dialogique s'étend et s'articule avec une séance parlementaire. Enfin, nous nous attachons à décrire, dans le détail de son déploiement, la manière dont un scandale initié dans la presse trouve un écho dans l'hémicycle du Parlement.