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Cette étude vise à prendre une vue d'ensemble de la poésie britannique et irlandaise contemporaine. La variété de cette poésie se comprend à partir d'un arrière-plan historique marqué par les mandats de gouvernement de Mrs Thatcher et par l'érosion du consensus politique qui avait prévalu depuis la fondation de l'État-Providence : cela a suscité un phénomène de dérégulation ayant des conséquences à longue portée pour la poésie. Non seulement la poésie d'aujourd'hui reflète l'influence de courants idéologiques et de mouvements historiques (féminisme, immigration) mais elle se rattache aux notions suivantes : « région », « classe », « genre », « race », « divisions ethniques », « religion », notions qui impliquent une approche multiculturelle des thèmes et de la langue. Cela signifie que maints poètes se sont engagés dans une quête de traits identitaires sociaux, sexuels et linguistiques et la situation se complique du fait que certains d'entre eux essayent de pactiser avec le modernisme et le postmodernisme. D'où l'émergence d'une multiplicité de voix, sinon d'une ligne dominante.

Dans son dernier recueil de poèmes, To Scorch or Freeze (1988), Donald Davie s'appuie sur les Psaumes afin de sonder le moi, le plus souvent par une autodérision qui passe de façon comique entre les langages élevé et familier, pour déterminer rigoureusement les valeurs du vivre par d'exactes distinctions et pour se réjouir de l'immensité transrationnelle de la création. Poète très anglais par son sens ample et varié du poétique, il enrichit la langue anglaise de l'intérieur au moment où, devenue universelle, elle risque de s'appauvrir.

L'objet de cette étude est d'aborder la question délicate de la voix lyrique dans la poésie récente de Geoffrey Hill, considéré à juste titre comme l'un des plus grands poètes anglais d'aujourd'hui. À la polyphonie s'oppose la volonté éthique d'une parole inaliénable donnant sens à la poésie elle-même et à l'identité. L'exemple de Speech! Speech! (2000) permet de résumer rapidement l'effort du poète devant cet enjeu : résister à la prolifération des discours de la culture contemporaine tout en attestant leur présence, résister à l'Autre profane qui cerne la voix poétique. C'est, cependant, dans The Orchards of Syon (2002) que Hill s'attache à déployer un cheminement que l'on peut qualifier de quête véritable d'une voix lyrique. Ce poème introspectif rejette le lyrisme directement expressif et, fortement influencé par l'exemple de Paul Celan, Hill semble y suggérer comme un lyrisme s'acheminant vers une difficile neutralité de la voix, vers une vérité de la poésie qui se défierait du poétique.

Le présent article tente de rendre compte de la spectaculaire éclosion de nouveaux talents dans le domaine de la poésie écrite par les femmes au cours des deux dernières décennies. Plutôt que de s'attarder sur telle ou telle figure en particulier, le choix a été fait de donner un aperçu de la diversité des talents concernés. Quatre grands axes ont été retenus : l'arme du rire, de l'humour et de l'impropriété, en réponse à l'angoisse concernant l'identité et le rôle des femmes en poésie ; le recours privilégié au monologue dramatique permettant d'habiter d'autres voix que la sienne ; la réappropriation postféministe du territoire de la domesticité, qui s'accompagne d'une politisation de l'intime ; le recours au discours de la science, bastion réservé aux hommes, comme élément d'un processus de dépersonnalisation de la poésie. Entrepris à la lumière des travaux théoriques de Frédéric Regard sur la force du féminin, redéfini comme un « style », cette étude veille aussi à prendre en compte ce qui, selon Christopher Ricks, fait la force de la poésie, laquelle n'est ni d'un genre ni de l'autre.

Cet article tente d'explorer et de définir le versant britannique du mouvement international contemporain qu'est l'écopoésie. Un bref examen de la notion d'écocritique, considérée comme un moment post-déconstructionniste de la théorie et de la critique littéraire, en vient à réaliser que plusieurs de ses arguments sont des reprises de considérations anciennes, dont le modernisme et le postmodernisme s'étaient détournés. À plus d'un titre, le discours de l'écopoésie et de l'écocritique est une résurgence et une reprise de l'idéologie romantique, pour lequel la figure de William Wordsworth revêt une importance particulière. Dans un certain sens, c'est une alternative au postmodernisme, qui trouve des soutiens théoriques chez des penseurs situés en marge du post-structuralisme, continuant ainsi une tradition séculaire d'écrivains qui portèrent un regard critique sur le rationalisme matérialiste occidental.

Cet article se propose d'analyser les innovations formelles de cette poésie britannique contemporaine qui n'émane pas des maisons d'édition les plus connues. Quand la critique se penche sur les aspects formels de cette poésie, elle se limite très souvent à relever les implications interprétatives liées au refus fréquent d'une syntaxe et d'une prosodie conventionnelles, plutôt que de proposer une analyse détaillée des formes nouvelles qui peuvent être proposées à leur place. Après un bref historique du développement de cette poésie, et de sa réception critique, l'article tente de fournir une analyse précise de certaines des formes qu'elle met en jeu, à travers la poésie de Bill Griffiths, R. F. Langley, Barry MacSweeney, Drew Milne, Geraldine Monk, Tom Raworth, Denise Riley, et Harriet Tarlo. L'analyse se concentre particulièrement sur le rythme, abordé selon un modèle qui combine la métrique des temps forts et temps faibles et les travaux de la phonétique contemporaine sur le rythme de l'anglais parlé ; la mise en page, la typographie et la ponctuation sont également étudiées.

Cet article analyse des textes de trois poètes écossais contemporains : Kathleen Jamie, Robin Robertson et John Burnside. Il se donne pour objectif d'examiner la question de la tradition « néo-lyrique » qui se trouve, en Grande-Bretagne, en conflit avec la tradition néo-moderniste. L'article suggère que les choix formels de ces poètes (choix qui trouvent leurs racines dans l'éco-poésie ou dans une certaine lecture de Heidegger) ne sont aucunement en soi un retour « conservateur » à des choix « pré-modernistes » mais qu'ils permettent au contraire l'écriture de poèmes qui renouvellent d'une façon très intéressante la tradition « lyrique » notamment dans le rapport que ce lyrisme établit entre un « je » dépersonnalisé et un « objet » radicalement autre.

Depuis 1985, la poésie irlandaise se situe à la croisée d'au moins trois phénomènes : la place de plus en plus centrale, et parfois encombrante pour ses contemporains, qu'occupe la figure de Seamus Heaney ; la prééminence accordée à la poésie nord-irlandaise en raison de son rapport conflictuel à l'Histoire ; enfin l'épanouissement d'une tradition poétique spécifiquement féminine jusque là largement ignorée. Dans la plupart des cas cependant, ces trois événements sont traités séparément par la critique. En conséquence, au lieu de vouloir offrir un panorama d'ensemble de cette période, qui serait lacunaire et fragmentaire, cet article se propose de se concentrer sur quelques textes qui ont marqué la production poétique irlandaise contemporaine, pour montrer en quoi ils agrègent et réfractent certaines préoccupations des vingt dernières années, notamment en ce qui concerne le lyrisme.