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Il existe, dans les romans de Thomas Hardy, de nombreux exemples de personnages-intrus qui bouleversent la supposée quiétude de la vie pastorale. Dans Far from the Madding Crowd, c'est Bathsheba Everdene qui fait irruption dans la vie de Gabriel Oak et de Boldwood. Alors que l'existence de Oak n'est que brièvement perturbée, celle de Boldwood vire au tragique. L'intrigue prend un tour ironique quand le sergent Troy plonge à son tour Bathsheba dans un enfer insoupçonné, mais Oak parvient à faire contrepoids au danger incarné par Troy. Un tel mouvement dialectique est pour ainsi dire absent des derniers romans de Hardy, qu'il s'agisse de Tess, meurtrière d'Alec, ou de Jude, victime d'Arabella, et de Father Time, qui tue les enfants de la famille avant de mettre fin à ses jours.

Comme souvent les premiers romans de John Fowles, A Maggot (1984) désire faire vivre au lecteur une expérience qui l'entraîne « au-delà du littéraire », comme Fowles le dit lui-même dans le prologue à la version revue de The Magus (1976). Le projet de Fowles se fonde sur les rapports entre fiction et réalité?; l'un des objectifs de cet article est de se pencher sur ce point. Ce roman partage certaines affinités avec le travail théorique de D. W. Winnicott sur les objets et phénomènes transitionnels et Fowles y propose une réflexion (en même temps qu'une mise en pratique) sur les effets bénéfiques de la rencontre entre l'individu et l'art. La mystérieuse entreprise de Lord, alias Mr. Bartholomew, est à mettre en parallèle avec l'interaction entre le lecteur et le texte. A Maggot déploie des stratégies post-modernes d'écriture qui sont le contrepoint du cadre historique du XVIIIe siècle, ce qui remet en question les approches empiristes de l'expérience humaine. De telles stratégies révèlent les inclinations romantiques de Fowles de même que ses aspects métafictionnels confirment sa conception d'un lecteur considéré comme sujet capable de se ré-écrire à travers la pratique active de sa lecture créative du roman.

Dans le roman de Russell Hoban, le langage de l'humanité du futur (revenue à l'âge de fer après l'explosion de la bombe atomique) n'a pas subi la même régression que la civilisation. Il a survécu à la catastrophe en faisant montre d'une redoutable force de résilience. Capable de se reconstruire sur des ruines linguistiques, il semble se rétablir beaucoup plus vite que les hommes. La langue est aussi tout ce qui « reste » de la civilisation précédente : résistance à l'oubli, elle porte le poids du passé au creux de ses signifiants. Le langage métaphorico-fantastique de l'?uvre est un langage déformé, altéré, un langage de « l'entre-deux », qui permet au lecteur d'appréhender une réalité peu commune : dans Riddley Walker, c'est le langage qui produit le monde.

En transposant le mythe wildien dans l'Angleterre des années quatre-vingt, Will Self expose sur le mode de la satire les ravages de la pensée magique diffusée par nos réalités virtuelles : le portrait de Dorian Gray est devenu Cathode Narcissus, ?uvre conceptuelle qui focalise l'amour de l'image de soi fondé sur une « dé-réalisation » du corps, un oubli de sa dimension mortelle. Mais le rêve d'inversion magique se retourne en cauchemar, le réel escamoté fait violemment retour. En réponse à la crédulité généralisée (« erection of credulousness ») qui fonde les scénarios imaginaires où se noie la passion de Dorian élargie à toute une société vouée au faire réel virtuel, le romancier ?uvrera à réhabiliter l'art et la ruse de la fiction : il s'agit de remettre au goût du jour l'écran du faire semblant consenti (willing suspension of disbelief) qui redonne du jeu au jeu, antidote possible à la folie de Narcisse.

La nouvelle d'Alice Munro, « The Beggar Maid », est envisagée ici, selon une perspective deleuzienne, comme un agencement collectif d'énonciation et un agencement machinique du désir. Le personnage éponyme de la nouvelle, la jeune mendiante, ne sera pas un sujet mais une fonction générale qui prolifère sur elle-même et qui ne cesse de se segmentariser et de se développer sur tous les segments, en se connectant à tous les termes des séries par lesquelles elle passe. À partir de la révision métafictionelle dans laquelle s'engage Alice Munro, on envisagera cette nouvelle comme un scénario de production auto-réflexif, qui ne désigne pas seulement son propre engendrement mais, de façon plus exemplaire, les pérégrinations d'un devenir-nouvelle par le détour des hypotextes et des hypo-icônes.

Dans The God of Small Things, Arundhati Roy transgresse plus d'une frontière dans les domaines culturel, artistique et religieux. Il en résulte une toile de fond où le mythe s'insinue dans la réalité, où l'espace et le temps sont abolis, où le sacré fait son retour, l'ensemble conférant au roman une dimension opératique et universelle.

Un des legs les plus importants de Sylvia Plath à la poésie contemporaine est sans doute son exploration de l'histoire du XXe siècle, et notamment ses références controversées au fascisme. L'?uvre de la poétesse américaine a eu un immense impact sur la poésie féminine en Irlande, comme le montrent entre autres les ?uvres d'Eavan Boland ou de Medbh McGuckian?; nous tenterons ici d'évaluer l'importance de l'imagerie fasciste pour la poésie masculine irlandaise. Si Paul Durcan demeure l'écrivain qui manifeste le plus d'intérêt pour Plath, il n'est pas seul à adopter les mises en parallèle établies par elle entre le père et la figure du dictateur. On examinera également les contributions de Paul Muldoon et de Thomas Kinsella au genre de la « poésie paternelle » et le rôle parfois problématique joué par la présence culturelle de Plath dans la conception du personnage paternel.