Contenu du sommaire : Le pouvoir politique et l'histoire
Revue | Histoire@Politique |
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Numéro | no 2, mai 2007 |
Titre du numéro | Le pouvoir politique et l'histoire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le dossier. Le pouvoir politique et l'histoire
- Le pouvoir politique et l'enseignement de l'histoire - Laurent Wirth p. 1 Les lois mémorielles ont été en France un point de fixation récent des rapports du pouvoir et de l'enseignement de l'histoire. Mais l'intérêt du pouvoir pour cet enseignement est beaucoup plus ancien. Dans une démocratie, l'histoire et son enseignement ne sont pas embrigadés à des fins propagandistes. Comment se manifeste alors l'intérêt que leur porte le pouvoir ?
- Historians and the Politics of Memory - Jay Winter p. 2 Jay Winter would not have signed any of the Historians petitions against the fourth article of the French colonization law. He thinks all the memory laws are absurd, but that it is quite legitimate and logical that the politicians want to use professors to diffuse their conception of national identity. He wishes professors and intellectuals to ignore such injunctions, but to take care of the sensibilities of communities whom they belong.
- Enseignement de l'histoire et récit des origines, de Victor Duruy à nos jours - Jean-Pierre Rioux p. 3 L'enseignement de l'histoire comme discipline institutrice de la patrie, du civisme et de la morale n'est pas une exception française. Partout en Europe, son récit et sa légende permettent d'exalter la pureté nationale et de la hiérarchiser, souvent à l'aune du sang versé quand il s'agit de « mourir pour la patrie ». Cette histoire nationale a sans doute entravé l'apprentissage d'une histoire européenne, commune et comparée, qu'il y aurait lieu à présent de mettre en œuvre. Puisant dans les contradictions de ses références chrétiennes et révolutionnaires, s'arrimant à une ferme laïcité depuis l'époque de Duruy, l'enseignement de l'histoire de France a su et sait s'adapter aux évolutions, croiser résolument le temps et l'espace, par son alliance avec la géographie, et respecter, malgré l'exaltation de l'identité nationale une et indivisible, la diversité qui l'imprègne et en fait la richesse.
- Histoire et pédagogie nationale dans l'Italie contemporaine - Gilles Pécout p. 4 En partant d'éléments généraux sur la place du XIX e siècle et du Risorgimento dans les « usages publics » de l'histoire, on s'est interrogé sur la nature et les formes de l'utilisation politique et civique de l'histoire autour d'une initiative non étatique : Le livre Cœur (Cuore) publié par Edmondo De Amicis en 1886. Dans la pédagogie de l'Italie libérale, Cuore est un vecteur d'acculturation et d'éducation civique qui n'utilise l'histoire que lorsqu'elle est contemporaine et renvoie à un passé proche.
- Histoire et mémoire du passé nazi en République fédérale d'Allemagne - Edouard Husson p. 5 Les historiens allemands ont eu beaucoup de difficultés, depuis 1945, dans le traitement du passé. Néanmoins, l'Allemagne de l'Ouest est devenue un modèle pour d'autres pays, du fait de l'ouverture avec laquelle ont été menés les débats concernant le passé allemand. Dans une société démocratique, l'Etat est dans l'incapacité de diriger l'évolution de la "mémoire" : dénazification et démocratisation ont été formées par les forces sociales, à commencer par le conflit intergénérationnel. Au contraire, l'une des raisons pour laquelle d'Allemagne de l'Est n'a pas survécu aux années 1980, est sa mémoire officielle exclusive.
- Clio chez elle : l'histoire des Balkans revisitée - Christina Koulouri p. 6 Il s'agit de s'interroger sur la possibilité d'enseigner une histoire aussi sensible et controversée que celle des Balkans. À cette fin, nous analysons les diverses formes prises par la révision de cette histoire après 1989, le processus d'intégration de la « nouvelle histoire » balkanique dans l'histoire européenne. Nous réfléchissons également à la stratégie pédagogique que les histoires nationales et une histoire commune aux Balkans devraient suivre. D'une part, nous repérons les traces du passé qui pourraient constituer la trame d'une histoire commune à la région balkanique (empires byzantin et ottoman, empire austro-hongrois, ex-Yougoslavie). D'autre part, nous présentons les controverses nationales, ethniques et religieuses, qui se reflètent dans l'enseignement de l'histoire et qui n'ont pas trouvé de solution encore aujourd'hui (cas de Chypre).
- Mémoire, justice et... raison d'Etat dans la construction de l'Espagne démocratique - Danielle Rozenberg p. 7 En Espagne, les conditions dans lesquelles s'est réalisée la construction démocratique dans l'après franquisme a incité les élites de la transition politique à privilégier la prudence et le consensus, une démarche qui supposait la mise entre parenthèse des responsabilités du régime antérieur (loi d'amnistie de 1977). Vingt ans plus tard, ce "pacte" a été dénoncé par les victimes de la répression franquiste et leurs familles au nom d'une nécessaire récupération de la mémoire historique et du droit à une justice réparatrice, engendrant un mouvement social de grande ampleur et une réponse adaptée de la part des pouvoirs publics (loi mémorielle en préparation). Cet article analyse les différentes politiques de réconciliation nationale engagées au cours des trois décennies écoulées, en fonction des contextes successifs, à l'interface entre une reconnaissance des victimes de la dictature et les impératifs de la raison d'Etat.
- Le pouvoir politique et l'enseignement de l'histoire - Laurent Wirth p. 1
Vari@rticles
- Les origines de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) - Emmanuel Debono p. 8 La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) est née des suites du procès médiatique de Samuel Schwartzbard en 1927. D'abord intitulée Ligue internationale contre les pogromes en 1927, elle devint la Ligue internationale contre l'antisémitisme (LICA) en 1929 et fut placée sous la présidence d'un jeune journaliste, Bernard Lecache, qui devait en faire, dès l'avant-guerre, la première organisation antiraciste de masse française. Ses quatre-vingt années d'existence qu'elle fête en 2007 offrent l'occasion d'un retour sur des origines mal connues qui ont pu susciter certaines polémiques.
- Le manuel franco-allemand : une écriture commune de l'histoire - Guillaume Le Quintrec p. 9 Les manuels d'histoire ont joué et jouent encore un rôle important dans la construction des identités nationales. Ils constituent un enjeu politique et sont au coeur de conflits mémoriels. Mais, à l'heure de la construction européenne et avec le souci de la vérité historique, il faut savoir dépasser le point de vue national et se détacher de ses propres représentations pour s'ouvrir à celles de l'autre. Le manuel d'histoire franco-allemand est de ce point de vue une expérience inédite. Jamais deux pays n'avaient jusqu'ici réussi à se mettre d'accord sur un “programme commun”, permettant aux élèves de l'enseignement secondaire d'utiliser effectivement le même manuel, publié dans les deux langues. L'initiative fut lancée en 2003 : le Parlement franco-allemand des jeunes qui a réuni en janvier des lycéens des deux pays, à l'occasion du 40e anniversaire du Traité de l'Elysée, a émis le voeu d'un manuel d'histoire commun aux deux pays. Cette initiative a ensuite été officiellement approuvée par les deux gouvernements. Une commission scientifique franco-allemande fut alors chargée d'élaborer un programme, le plus proche possible de ceux qui existent dans les deux pays. Un tandem franco-allemand d'éditeurs, Nathan et Klett, fut chargé de la réalisation du manuel. Un premier volume, destiné aux classes de Terminale est paru en 2006. Il retrace l'histoire de l'Europe et du monde depuis 1945. Le prochain manuel, pour les classes de Première, est en cours de rédaction. Il traite du monde de 1815 à 1945.
- La manuel franco-allemand à l'épreuve de la classe - Raphaël Gitton p. 10 Après une année d'utilisation du manuel franco-allemand d'histoire, on peut dresser un premier bilan. Il convient de bien distinguer la pratique en classe de Terminale de celle en section européenne ou Abitur. Selon la pratique de l'enseignant, et selon le public lycéen touché, les forces et faiblesses du manuel ne sont pas identiques. En dépit de ses grandes qualités, il ne s'est pas encore imposé dans les équipes pédagogiques.
- Les origines de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) - Emmanuel Debono p. 8
Pistes & débats
- Les fonctionnaires (civils) sous Vichy : essai historiographique - Nathalie Carré de Malberg p. 12 Sous Vichy et donc dans l'historiographie de Vichy, les fonctionnaires – civils seulement ici – ont une place à part pour trois raisons essentielles : l'application de l'article 3 de la convention d'armistice conduit les fonctionnaires de la zone occupée à « une collaboration administrative minimale et inévitable » ; la politique de collaboration de l'Etat français, initiée par Montoire, entraîne les fonctionnaires de la zone libre à collaborer avec l'Allemagne ; enfin le nouveau régime leur assignant explicitement la double mission d'encadrement de la société et de relais des objectifs de la Révolution nationale, certains fonctionnaires subissent particulièrement et prioritairement, l'ensemble des mesures d'exclusion que d'autres fonctionnaires sont chargés d'appliquer. Cette place à part dans la collaboration, dans le régime de Vichy, dans la société, et lors de l'épuration se retrouve dans l'histoire de Vichy et réciproquement la période de Vichy occupe une place à part dans l'histoire longue des administrations et des différentes catégories de fonctionnaires. A cette spécificité des fonctionnaires, correspondent un questionnement original et une chronologie particulière dans l'historiographie. Quelle que soit leur approche tous les historiens ont cherché à répondre aux questions énoncées notamment par Marc-Olivier Baruch en 1995 : « Comment et pourquoi les fonctionnaires de la République sans doute républicains et patriotes, se sont adaptés à un ordre nouveau exceptionnel à double titre » en raison de l'Occupation et de la nature anti-républicaine du nouveau régime. L'enjeu, qui n'a pas été nécessairement perçue par tous les fonctionnaires à l'époque reste d'actualité, comme le rappelle Jean-Pierre Azéma : « Jusqu'où un fonctionnaire peut-il servir un Etat qui cesse d'être un Etat de droit et pratique ouvertement répression et exclusion ?».
- Les fonctionnaires (civils) sous Vichy : essai historiographique - Nathalie Carré de Malberg p. 12
Portraits & témoignages
- Entretien avec Pierre Gerbet, professeur émérite à l'Institut d'études politiques de Paris - Anne Dulphy, Christine Manigand p. 13