Contenu du sommaire : Démocratie et participation : un état des savoirs
Revue | Participations |
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Numéro | no 1, janvier 2011 |
Titre du numéro | Démocratie et participation : un état des savoirs |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Pourquoi une revue sur la participation ? - p. 5-7
Démocratie et participation : un état des savoirs
- Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? - Loïc Blondiaux, Jean-Michel Fourniau p. 8-35 La foisonnante littérature sur la participation donne au premier regard une impression d'éclatement. Il est possible cependant de dégager de cet état des savoirs sur la participation du public en démocratie, quelques postures partagées et une série de questions transversales, autour desquelles un débat scientifique peut se nouer. Ces huit questions nodales démontrent à quel point la participation peut être un analyseur fécond des phénomènes sociaux et politiques plus larges qui la rendent possible et la contraignent. Ces problématiques sont autant d'enjeux qui rendent nécessaire l'établissement de passerelles entre les recherches, par-delà les disciplines et les cadres théoriques mobilisés, justifiant ainsi la création d'une revue et d'un réseau de chercheurs spécialisés dans ces questions.The extensive litterature on participation research gives at first a very scattered impression. It is however possible to draw from this state of the art on public participation in democracy several shared assumptions and a set of salient questions, around which a scientific debate can blossom. These eight cross-cutting questions highlight that participation can allow analyzing broader social phenomena, which make it possible and constrain it. These interrogations emphasize the need for building further links between research, beyond disciplinary boundaries and theoretical models, and justify the creation of a network and of a new journal dedicated to participation research.
- Participation, urbanisme et études urbaines : Quatre décennies de débats et d'expériences depuis « A ladder of citizen participation » de S. R. Arnstein - Marie-Hélène Bacqué, Mario Gauthier p. 36-66 Plus de quatre décennies après la publication de l'article fondateur de S. R. Arntein « A ladder of citizen participation », les auteurs proposent un bilan critique des recherches portant sur la participation publique en urbanisme et en études urbaines dans un contexte nord-américain et européen. Après avoir délimité les champs de l'urbanisme et des études urbaines, ils retracent la façon dont la participation a émergé dans ce champ de pratiques, en opposition au modèle de la planification rationnelle globale. Un intérêt particulier est porté aux approches collaboratives de la planification et de l'urbanisme, fortement inspirées des courants communicationnels et délibératifs, et aux débats qui ont accompagné leur diffusion. Les auteurs reviennent ensuite sur quelques pratiques participatives concrètes et sur les analyses qui en sont faites, afin d'établir un bilan des recherches actuelles et des questions qu'elles soulèvent. En conclusion, les auteurs discutent la thèse de l'émergence d'une période post-collaborative des recherches et débats sur la participation, qui tendent à dépasser l'opposition traditionnelle entre une perspective « idéaliste » et une perspective « ultra-critique ». Ils proposent d'adopter plutôt une perspective « pragmatique » et « empirique », afin d'analyser et de comparer les processus et les dispositifs participatifs en urbanisme.More than four decades after the publication of S. R. Arntein's seminal paper, “A ladder of citizen participation”, the authors offer a critical review of research pertaining to public participation in urban planning and urban studies in a North American and European context. After delineating the fields of urban planning and urban studies, they recount how participation has emerged in this field of practice in opposition to the model of rational comprehensive planning. A particular interest is brought to collaborative approaches in urban planning and urban studies, strongly inspired by the communicative and deliberative currents, and to the debates that have accompanied their diffusion. The authors then come back on some concrete participative practices and on their analyses in order to establish a review of current research and questions that they raise. In conclusion, the authors discuss the thesis of the emergence of a post-collaborative period in research and debates on participation that tend to transcend the traditional opposition between “idealistic” and “ultra-critical” perspectives in order to instead adopt a “pragmatic” and “empirical” perspective to analyse and compare the processes and participatory mechanisms in urban planning.
- Démocratie environnementale et territoires : un bilan d'étape - Rémi Barbier, Corinne Larrue p. 67-104 Cet article dresse un bilan d'étape de la démocratie environnementale, à partir d'un choix de références centrées sur les problèmes territoriaux de gestion des ressources et de maîtrise des risques et nuisances. Nous revenons d'abord sur la genèse et la diversité des fondements normatifs de la participation puis précisons les contours respectifs de la démocratie environnementale et de la gestion concertée de l'environnement. Nous nous attachons ensuite au fonctionnement concret de la participation à travers, d'une part, la présentation de trois formes de participation (commissions, débats publics et jurys de citoyens) et, d'autre part, l'analyse de leurs effets sur les acteurs de la décision environnementale. Enfin, nous mettons en débat la démocratie environnementale, en montrant notamment son encastrement irréductible dans une gestion concertée avec laquelle elle entretient des rapports complexes. Nous exposons également les termes d'une critique plus générale de ce nouveau paradigme et esquissons des pistes de recherche.This paper reviews progress of environmental democracy, from a selection of references devoted to the territorial dimension of resource management, risk control and nuisance prevention. We first analyze the origin and the normative foundations of participation and then draw, on one hand, the design of environmental democracy and, on the other, collaborative management of the environment. We then focus on the concrete implementation of participation through, firstly, the presentation of three forms of participation (advisory committees, public debates and citizens' juries) and, secondly, analysis of their effects on actors of environmental decision. Finally, we debate about environmental democracy, pointing out in particular its embedding in a collaborative management with which it has complex relationships. Lastly we propose a more general criticism of this new paradigm and outline some of research perspectives.
- Les relations ambiguës entre participation et politiques publiques - Laurence Bherer p. 105-133 L'objectif de cet article est de tracer un bilan des études consacrées à la participation dans le champ d'analyse de l'administration et des politiques publiques (APP). Même si la participation publique peut potentiellement renouveler le cadre d'action des acteurs des politiques publiques, l'APP s'est relativement peu intéressée à ce nouveau phénomène. Les analyses sont consacrées principalement à : 1) des discussions prescriptives sur les besoins de réforme de l'administration publique et l'apport que pourrait avoir la participation publique à ces réformes ; et 2) des typologies sur les différentes formes de dispositifs participatifs. L'article identifie des enjeux où les théories de l'APP pourraient faire une contribution plus importante.The objective of this article is to present an overview of studies on public participation in the field of public administration and policy (PAP). Although public participation could potentially change the context in which public policy actors operate, PAP has shown relatively little interest in this new phenomenon. The analyses are primarily devoted to: (1) discussions and recommendations on the need to reform public administrations and the role that public participation could play in these reforms ; and (2) typologies of the various kinds of participation mechanisms. The article identifies areas where theories on PAP could prove especially helpful.
- La participation du public organisée par le droit : des principes prometteurs, une mise en œuvre circonspecte - Gérard Monédiaire p. 134-155 Le droit de la participation du public est étudié ici essentiellement dans les domaines du droit de l'environnement et de l'urbanisme, où la démocratie participative a entraîné l'adoption de plusieurs procédures. L'analyse prend en compte les apports du droit international, du droit de l'Union européenne et du droit français, en mettant en relief la dynamique des différentes sources juridiques et l'opposition des systèmes de civil law et common law. Deux moments sont distingués, celui de la participation du public au stade de l'élaboration de la décision, et celui de la participation du public en vue de l'effectivité du droit existant. Une distinction est faite entre procédures entraînant un effet juridique sur le processus décisionnel et procédures sans effet juridique, une autre isole les procédures permettant une controverse sur l'opportunité d'un projet et celles qui concernent davantage sa faisabilité.Public participation in law is analysed here in respect of environmental and town planning issues, where participative democracy has produced various judicial procedures. The study examines the contributions of international, European and French law, insisting on a dynamic between these different levels, and on a difference between “civil law” and “common law” systems. Two periods are also distinguished, the first concerning public participation during decision making, the second involving participation once the law is in effect. A further distinction is made between judicial procedures which affect the decision and those which do not. Finally the paper will show that the judicial procedures promote debate which differentiates between the necessity of a project or its feasibility.
- La participation en ligne, révélateur d'une évolution des pratiques politiques ? - Laurence Monnoyer-Smith p. 156-185 Cet article propose de suivre une partie de la littérature récente dans le domaine des cultural studies et des media studies qui analyse les mutations des formes de la participation grâce à l'utilisation d'Internet et des nouvelles fonctionnalités autorisées par le web 2.0. La notion de participation est abordée dans ce cadre comme une composante essentielle de la « culture numérique » qui se dessine à mesure que les pratiques de production et d'échange de contenus en ligne s'affirment et se diversifient. Cette forme de culture participative interroge les frontières traditionnelles de la participation politique en dépassant les formes classiques de l'engagement militant et citoyen pour se pencher sur d'autres formes de la prise de parole politique. Ainsi replacée dans un contexte sociotechnique et médiatique plus large, la notion de participation politique invite à reconsidérer certains des constats pessimistes sur l'engagement politique des citoyens.This article aims to follow the recent literature in media studies and cultural studies which analyses the mutation of political participation as the use of Internet and web 2.0 tools grow. In this perspective, political participation is addressed through the notion of digital culture of which it is an essential component, as practices of content production and exchange develop themselves online. This particular form of participatory culture challenges existing conception of political engagement and citizenship and takes into account other mediated forms of political talk. Political participation is then envisioned in a new sociotechnical context and invites us to reconsider some pessimistic views on citizens' political engagement.
- Démocratie participative et mouvements sociaux : entre domestication et ensauvagement ? - Catherine Neveu p. 186-209 Cet article propose quelques pistes de réflexion quant aux liens, ou à leur absence, entre dispositifs institués de participation et mobilisations sociales et politiques. Si certaines filiations peuvent être repérées, elles sont souvent plus complexes qu'il y paraît de prime abord, notamment du fait des significations diverses attachées à la notion même de participation. Dans les conditions contemporaines, peut-on envisager ces relations comme des relations de complémentarité, d'enrichissement réciproque, ou au contraire, le développement d'une démocratie participative « officielle » présente-t-il des risques pour les mobilisations ? Ces questionnements ne doivent-ils pas conduire, finalement, à penser autrement ces relations entre « institutions » et « mouvements sociaux », y compris sous la forme d'une autonomie réciproque ?This paper explores some dimensions of the links, or absence thereof, between « official » participatory devices and social and political mobilisations. If filiations can be found, they are often more complex than it seems at first sight, especially since the very notion of « participation » is endowed with very diverse meanings. In contemporary conditions, can these relations be envisioned in terms of complementarity, reciprocal enrichment, or on the contrary, is the development of an « official » participatory democracy somehow a risk for mobilisations ? Should not such issues be considered under a different light, including that of a reciprocal autonomy between « institutions » and « social movements » ?
- Des sciences, des techniques et de l'ordre démocratique et participatif - Dominique Pestre p. 210-238 Cet article est un article de synthèse autour de la question des sciences, des techniques et de l'ordre participatif, aujourd'hui et dans l'histoire. Il ne vise pas l'exhaustivité, de toute façon impossible, mais à dire les questions et enjeux majeurs de ce champ. Il définit d'abord ce qui fait l'originalité de ce domaine, il présente ensuite quelques références théoriques et normatives, puis les approches empiriques abordant le surgissement du social ainsi que les études qui portent sur les modes de gestion instituée du différend. Il se conclut sur les interprétations qui ont été données de ce tournant participatif et normatif dans les études sur les sciences et techniques en société.The paper is a systematic presentation of the studies that deal with ‘Science, Technology and the Participatory Order' today and in the past. It does not aim at exhaustivity, an impossible project, but at showing what the main stakes are in the field. It starts by defining what the specificity of the field might be, it then suggests four key theoretical (and normative) references, it analyses empirical approaches that deals with the way ‘civil society' takes over the questions, and how institutions try and shape collective solutions. It concludes on the interpretations that have been given of this participatory and normative turn in the studies of science and technologies in society.
- Délibération et participation : affinité élective ou concepts en tension ? - Yves Sintomer p. 239-276 Les notions de délibération et de participation peuvent sembler complémentaires. Pourtant, elles sont en même temps dans un rapport de tension. Participation du grand public et délibération de qualité ont souvent été opposées. Comment rendre compte de ce paradoxe ? L'article étudie tout d'abord la façon dont les républiques antiques et modernes ont posé le rapport entre délibération et participation, en insistant plus particulièrement sur Durkheim, symbole d'un certain paternalisme républicain. Il retrace ensuite comment l'émergence d'une théorie de l'espace public chez Habermas puis dans les sciences humaines et sociales a constitué une rupture démocratique par rapport à cette tradition, l'enjeu étant cependant de forger une conception réaliste de l'espace public. La troisième partie explore les théories de la démocratie délibérative, marquées par une tension entre les approches centrées sur la délibération de mini-publics et celles qui placent la focale sur la participation du grand public. En conclusion sont explorées les relations entre les notions de délibération, de participation et de représentation.Deliberation and participation are often seen as complementary. Nevertheless, they could also be in tension. A good deliberation and the participation of the many have often been opposed. How is it possible to understand this paradox? The article begins with an analysis of the way in which ancient and modern Republics have articulated deliberation and participation. A special emphasis is put on Durkheim, whose position symbolizes a paternalist Republicanism. The second part explains how the emergence of the concept of the public sphere, in Habermas' work and in the social and human sciences, represents a democratic shift in comparison with this Republican tradition, and how the challenge is to propose a realistic conception of the public sphere. The third part focuses on the theories of deliberative democracy, which are divided between those who put the light on the deliberation of mini-publics and those who insist on the participation of the mass public. The conclusion explores the relationships between deliberation, participation, and representation.
- Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? - Loïc Blondiaux, Jean-Michel Fourniau p. 8-35
Varia
- Des acteurs aux prises avec le « Grenelle Environnement » : Ni innovation politique, ni simulation démocratique, une approche pragmatique des travaux du Groupe V - Pierre Lascoumes p. 277-310 L'article présente une analyse du processus de travail d'un des groupes du Grenelle Environnement à partir d'une observation participante et d'entretiens avec des membres. Après avoir écarté les problématiques fonctionnaliste (une innovation majeure) et critique (une mystification), l'auteur retient une approche pragmatique qui suit l'implication des acteurs, leurs interactions et montre l'indétermination de cette concertation. Il montre aussi le rôle décisif de la procédure imposée au groupe et du style de conduite des réunions. Ainsi, malgré un cadrage initial précis, l'analyse détaillée de l'évolution des propositions et de la construction montre la marge d'autonomie que le groupe a pu conquérir en imposant certaines priorités.The article offers an analysis of the work process of one of the groups of the Grenelle Environnement, based on participant observation and interviews with members. After having discarded the functionalist (it would be a major innovation) and the critical (it is a mystification) interpretations, the author suggests a pragmatic perspective, following actors' commitments and interactions, thus highlighting the indetermination of this consultation process. He also stresses the crucial role of the procedure imposed on the group, as well as the style of facilitation of the meetings. Thus, despite a clear initial framing of the discussions, the detailed analysis of the evolution of the proposals of the group shows it has progressively gained a form of autonomy by imposing certain priorities.
- Délibérer avant la révolution : Vers une éthique de la démocratie délibérative dans un monde injuste - Archon Fung p. 311-334 La démocratie délibérative correspond à un idéal politique révolutionnaire qui implique des mutations essentielles des institutions politiques, des modes de prise de décision collective et des modes de distribution des ressources. Peut-être en raison de cette dimension révolutionnaire, les approches théoriques de la délibération politique n'ont jusqu'à présent pas proposé aux acteurs d'orientations opératoires dans le contexte actuel de nos démocraties. Cet article développe une approche éthique de l'action démocratique délibérative dans des contextes « imparfaits », c'est-à-dire caractérisés par des inégalités politiques et matérielles et par un manque de réciprocité authentique. Dans de telles conditions, des principes d'action appropriés peuvent résoudre la tension entre la délibération et un activisme politique d'ordre conflictuel. La logique de ces analyses est analogue à celle de la justification de la désobéissance civile : la portée des écarts possibles par rapport aux normes délibératives croît en fonction de l'adversité du contexte politique. Cette approche éthique recouvre les principes de l'activisme délibératif, leur application à quatre types de circonstances de plus en plus défavorables, ainsi que la présentation d'un ensemble de stratégies politiques et institutionnelles qui permettent d'accroître l'inclusion et l'égalité.Deliberative democracy is a revolutionary political ideal that requires fundamental changes in political institutions, bases of collective decision making, and the distribution of resources. Perhaps because of its revolutionary character, accounts of deliberation in political theory thus far have offered little guidance for actors in actually-existing democratic circumstances. This article develops an ethical account of deliberative democratic action under imperfectly just conditions characterized by material and political inequality and failures of reciprocity. Under such conditions, appropriate principles of action can resolve the tension between deliberation and confrontational political activism. The logic of this account parallels the justification for civil disobedience: the extent of permissible deviation from deliberative norms increases according to the adversity of political circumstances. This ethical account is composed of principles of deliberative activism, applications of those principles to four kinds of increasing unfavorable circumstances, and a menu of institutional and political strategies that increase deliberative inclusion and equality.
- « Écrire une histoire générale de la démocratie » - Pierre Rosanvallon p. 335-347
- Des acteurs aux prises avec le « Grenelle Environnement » : Ni innovation politique, ni simulation démocratique, une approche pragmatique des travaux du Groupe V - Pierre Lascoumes p. 277-310