Contenu du sommaire : L'économie du droit
Revue | Revue d'économie politique |
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Numéro | volume 112, novembre-décembre 2002 |
Titre du numéro | L'économie du droit |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Bruno Deffains p. 785-789
- Droit, gouvernement d'entreprise et marchés de capitaux - Bruno Deffains, Jean-Daniel Guigou p. 791-821 Cet article discute du rôle du droit dans les structures de gouvernement d'entreprise et dans le développement des marchés financiers. Il met en évidence les effets des règles de droit sur les performances comparées des systèmes financiers dans les pays de common law et dans les pays de droit civil. La relation entre protection des investisseurs et développement des marchés financiers est plus particulièrement mise en avant et la thèse de l'efficience économique de la common law est débattue. L'article passe en revue les travaux récents du Law and Finance qui recherchent l'origine de l'efficacité des formes de gouvernement d'entreprise dans des facteurs juridiques. La nature et les performances des systèmes financiers dans les pays de l'OCDE apparaissent en effet corrélées aux traditions juridiques de ces pays. Nous soulignons que non seulement le contenu des règles mais aussi leurs conditions d'application influencent l'architecture financière. Mais les systèmes juridiques sont également le produit de systèmes financiers et de systèmes de gouvernance différents qui font peser des demandes spécifiques sur les institutions juridiques. Ce papier montre en définitive que les systèmes juridiques peuvent contribuer à façonner les structures financières mais que l'évolution de ces systèmes est en partie la conséquence de l'action des forces économiques. Ces forces participent à la formation des règles juridiques et vice versa. Cette approche conduit à remettre en cause l'idée d'un système optimal de gouvernement d'entreprise tel qu'elle ressort des travaux sur la convergence des systèmes.
- Règles de droit et inexécution du contrat : L'apport de la théorie économique des contrats au droit comparé - Éric Brousseau, M'hand Fares p. 823-844 Il existe deux solutions en cas d'inexécution d'un contrat : la règle de dommages, règle dominante dans les systèmes de Common Law, et la règle d'exécution forcée, principe dominant en Droit Civil. Si la première règle a fait l'objet d'analyses économiques cherchant à justifier son efficacité, ce n'est pas le cas de la seconde. Dans le cadre d'un modèle de contrats incomplets, nous cherchons à définir les conditions d'efficacité de cette règle. On peut alors montrer qu'en situation d'investissement unilatéral, la règle d'exécution forcée est aussi efficace que la règle de dommages ; qu'en situation d'investissement bilatéral, la règle d'exécution forcée domine la règle de dommages s'il est possible d'allouer le pouvoir de négociation de manière extrême. Notre analyse souligne au passage l'intérêt de la l'analyse économique pour mener à bien des analyses de droit comparé.
- Assurance de responsabilité et aléa moral dans les régimes de responsabilité objective et pour faute - Claude Fluet p. 845-861 Cet article analyse la désirabilité sociale de l'assurance de responsabilité lorsque les comportements de prévention sont imparfaitement observables. On sait que l'assurance de responsabilité est socialement avantageuse en responsabilité sans faute, même s'il y a aléa moral et que l'assurance réduit les incitations à la prudence. Qu'en est-il en responsabilité pour faute, si la cour n'acquiert qu'une information imparfaite sur les actions de l'auteur du dommage ? Je montre que la désirabilité sociale de l'assurance ne va alors plus de soi et qu'elle dépend des risques d'erreur de première et deuxième espèce dans les jugements rendus par la cour (déclarer fautif un agent prudent et ne pas déclarer fautif un agent imprudent). J'identifie des conditions suffisantes sur les risques d'erreur pour que l'assurance de responsabilité soit avantageuse d'un point de vue social. Je montre que ces conditions sont satisfaites si le standard de preuve de la cour, pour une décision en incertitude, est celui de la « prépondérance des probabilités » appliqué dans la common law et certaines juridictions civilistes.
- Que peut bien apporter l'analyse économique à l'application du droit de la concurrence ? - Thierry Pénard, Saïd Souam p. 863-887 Cet article s'attache à montrer l'intérêt de l'analyse économique pour l'application des politiques de concurrence. Comment mettre en ?uvre plus efficacement le droit de la concurrence, compte tenu des différentes contraintes qui pèsent sur les autorités (budget limité, information asymétrique) ? Comment articuler contrôle ex ante et contrôle ex post ? Quels systèmes d'amendes ? Cet article présente et discute les principaux modèles et résultats de la littérature récente consacrée à l'application du droit de la concurrence (antitrust law enforcement).
- Théorie du droit français des entreprises en difficulté : Conciliation, liquidation et jeux - Régis Deloche, Fabienne Oguer p. 889-904 L'actuel droit français de la faillite comporte le traitement extrajudiciaire (préventif et amiable) des difficultés des entreprises et le traitement judiciaire (redressement et liquidation) de leurs défaillances. Dans le premier volet, la conciliation, en tant que processus, relève de la théorie des jeux non coopératifs et de l'économie de l'information. Dans le second volet, la liquidation aboutit à un résultat qui peut être analysé à l'aide de la théorie axiomatique du partage et de la théorie des jeux coopératifs. Utilisant ces théories, l'étude d'un cas permet de caractériser, d'une part, le rôle de conciliateur joué par le mandataire ad hoc dans la phase de règlement amiable et, d'autre part, la méthode française de répartition de la valeur de liquidation d'une entreprise entre ses créanciers.
- Dissuasion du crime et concurrence entre juridictions - Nicolas Marceau, Steeve Mongrain p. 905-919 Dans ce texte, nous étudions la concurrence que se livrent des juridictions dans la dissuasion du crime. Nous envisageons un monde dans lequel les criminels peuvent choisir la juridiction dans laquelle ils ?uvreront. Chaque juridiction, afin de protéger sa dotation, investit en dissuasion, ce qui réduit le rendement net du crime sur son territoire et repousse potentiellement les criminels vers l'autre juridiction. Nous caractérisons les divers équilibres, symétrique et asymétrique, qui peuvent exister dans ce monde. Nous montrons qu'en l'absence de coordination entre les juridictions, les seuls équilibres qui puissent être efficaces sont asymétriques.
- Les relations de mandat dans les systèmes constitutionnels : Approche théorique et application au cas européen - Jean-Michel Josselin, Alain Marciano p. 921-942 Cet article utilise la relation d'agence ou de mandat pour représenter les systèmes constitutionnels. Un modèle théorique analyse les États unitaires et discute les différentes formes de fédéralisme en lien avec la conception économique de la subsidiarité, plus vaste que celle du Traité de Maastricht. Puis ce canevas théorique est utilisé pour appréhender le statut constitutionnel actuel de l'Union Européenne, lequel hésite entre deux modèles. Celui du mandat confédéral des débuts de la communauté tend à laisser la place à une relation d'agence de nature fédérale. Hybride, la « constitution » de l'Union s'appuie pour l'heure sur les deux formes correspondantes de subsidiarité, latérale et ascendante.