Contenu du sommaire : Miscellanées

Revue Revue française d'études américaines Mir@bel
Numéro no 127, 1er trimestre 2011
Titre du numéro Miscellanées
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Emerson, l'esclavage et l'Amérique fugitive - Thomas Constantinesco p. 3-19 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Consacrée au discours d'Emerson contre le Compromis de 1850 et la loi sur les esclaves fugitifs (« “Address to the Citizens of Concord” on the Fugitive Slave Law », 1851), cette étude s'intéresse à la question de l'esclavage en Amérique depuis le point de vue d'un citoyen de Nouvelle-Angleterre pour qui antiesclavagisme et idéal national, quoique indissociables, demeurent difficilement compatibles. Bien que la vie, la liberté et l'égalité constituent pour Emerson des droits universels et inaliénables, les enjeux liés à la composition et aux frontières de la communauté viennent remettre en cause la primauté affichée du droit naturel. Si la Nouvelle-Angleterre doit être le fer de lance du combat antiesclavagiste et ainsi devenir la pierre angulaire d'une Union régénérée, débarrassée du fléau corrupteur de l'« institution particulière », il n'est pas certain que la nouvelle nation qu'il appelle de ses vœux doive s'étendre au-delà des limites du Massachusetts, ni même accueillir les esclaves émancipés.
    Focusing on Emerson's “‘Address to the Citizens of Concord' on the Fugitive Slave Law” (1851) and his opposition to the Compromise of 1850, this study explores the issue of slavery in America from the perspective of a New Englander. Although Emerson holds life, liberty, and equality to be universal and inalienable rights, uncertainties as to the nature of America's political compact and the delimitation of the nation's boundaries end up calling the primacy of natural law into question. If slavery must be abolished and if New England should lead the way towards the regeneration of a Union corrupted by the “peculiar institution,” it remains doubtful whether the new nation whose advent Emerson is prophesying should actually extend beyond the frontiers of White Anglo-Saxon Massachusetts.
  • Henry James's America : ?The Historic Desert? in Quest of the ?Historic Mausoleum? - Selma Mokrani Barkaoui p. 20-33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    On a toujours opposé le mercantilisme américain à la virtuosité culturelle européenne; érigé en norme, le contraste entre l'artificialité de l'un et l'originalité de l'autre a donné naissance à une géographie imaginaire des hiérarchies culturelles. Cette manière de voir a eu pour effet de légitimer la croyance que l'Amérique ne disposait pas des ressources nécessaires à la recherche de l'excellence en matière artistique. En tant qu'expatrié, mais aussi comme représentant de la « grande culture », Henry James souligne la supériorité des Européens en procédant constamment à des comparaisons entre les deux rives de l'Atlantique. S'il choisit l'Europe, c'est parce qu'il est convaincu que le génie littéraire est sujet à des déterminations spatiales. Pourtant, lorsque James avance dans The American Scene (1907) que « si l'Europe a jadis été romantique parce qu'elle était différente de l'Amérique, c'est désormais à l'Amérique d'être romantique parce qu'elle est différente de l'Europe », il contraint la critique à repenser en profondeur sa poétique de l'espace. Dans cet article, je me propose d'étudier la manière dont James reformule dans The American Scene les métaphores spatiales qui régissaient depuis longtemps sa vision de l'Amérique. Je tente de démontrer qu'il se transforme en « investisseur affectueux » (« fond investor ») à la sensibilité changeante, et que le climat ambiant en matière d'économie intellectuelle l'incite à conférer aux symboles de la nation américaine une signification compatible avec l'invention de`np pagenum="021"/b syntaxes spatiales plus « romantiques », clef d'une appréhension renouvelée de sa patrie délaissée. Je cherche aussi à démontrer que, dans le cadre des négociations qu'il mène avec la réalité de l'Amérique, il entreprend de se défaire de ses préjugés raciaux.
    America's commercialism has often been weighed against Europe's cultural expertise; the former's artificiality and the latter's originality have constituted the chiastic standard for an imaginative geography of cultural hierarchy. This outlook has further legitimized the general belief that America could not provide the necessary funds for artistic distinction. As a high-cultural expatriate, Henry James emphasized the superiority of European ways through his constant transatlantic comparisons. His choice of Europe came as an immediate consequence of his firm belief that literary genius is spatially determined. Yet the syllogism James advances in his travelogue The American Scene (1907) that “Europe had been romantic years before, because she was different from America; wherefore America would now be romantic because she was different from Europe” reshuffles all understandings of his poetics of space. In this paper I propose to study James's revision/negotiation, in The American Scene, of the metaphors of space that he had long attributed to America. I try to demonstrate his transformation into a “fond investor” with a highly mobile sensibility, who is motivated by the intellectual economy to impart meaning to national symbols in order to reinvent more “romantic” spatial syntaxes about his forsaken motherland. I also attempt to show that, as part of his negotiation with the American donnée, he undertakes a curative rescinding of his racial prejudices.
  • Artfulness and Artlessness, the Literary and Political Uses of Impersonality in John Dos Passos's U.S.A. Trilogy - Alice Béja p. 34-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'«extinction de la personnalité» chère à T. S. Eliot est l'un des fondements de l'écriture moderniste. Dans U.S.A., John Dos Passos intègre la disparition de la voix narrative à un projet radical de critique de la société américaine, tout en oscillant sans cesse entre l'aspiration à une «fiction objective» et la mise en scène de la construction de son œuvre. L'analyse de la notion d'impersonnalité permet alors de revenir sur l'opposition entre modernisme et radicalisme dans la littérature américaine de l'entre-deux-guerres, de sortir d'une dichotomie trop souvent affirmée entre sophistication et naïveté, littérature et politique, pour analyser en quoi la disparition de la voix narrative peut mener à l'émergence d'un sujet collectif au sein de la fiction.
    T. S. Eliot's “extinction of personality” is one of the main tenets of modernist writing. In his U.S.A. trilogy, John Dos Passos combines the disappearance of the narrative voice and a radical critique of American society, while constantly oscillating between artfulness and artlessness, between the quest for a form of “objective fiction” and a conscious display of the construction of his work. Analyzing the notion of impersonality is a way to counter the opposition between modernism and radicalism in American fiction; it enables us to evade easy dichotomies (sophistication/naïveté, literature/politics) to show how the retreat into impersonality can lead to the birth of a collective voice within the fictional text.
  • Entre histoire collective et histoire personnelle : texte et contexte de L'Amérique au jour le jour 1947 de Simone de Beauvoir - Sylvie Mathé p. 47-64 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Initialement conçu comme une série d'articles pour Les Temps Modernes, le journal de bord de Simone de Beauvoir, L'Amérique au jour le jour 1947, retrace ses cinq mois sur la route à travers l'Amérique, entre janvier et mai 1947. Le récit, de fait, télescope ce premier voyage et celui qu'elle fit à l'automne 1947 pour rejoindre son amant, l'écrivain Nelson Algren. Oscillant entre fascination et dénonciation, Beauvoir y livre une anatomie de l'Amérique contemporaine à l'interface de l'existentialisme et du progressisme. Le récit de Beauvoir ne saurait toutefois se réduire à une énième variation sur la sempiternelle ambivalence du regard français sur l'Amérique. Les circonstances de sa publication, mais aussi le contexte plus spécifique, à la fois historique et privé, de ce récit de voyage en font en effet un texte « en situation », au croisement de l'histoire collective et de l'histoire personnelle. L'Amérique au jour le jour 1947 réfracte ainsi la séduction ambiguë exercée par l'Amérique dans ce double contexte d'engagement politique et de relation amoureuse.
    Initially published serially as sketches for Les Temps Modernes, Simone de Beauvoir's travelogue diary, America Day by Day 1947, is purported to relate her five months on the road through America, from New York to Los Angeles and back, between January and May 1947. This narrative actually telescopes the two visits she made in 1947, having returned after her first trip to join her lover, the writer Nelson Algren, in the fall. Mingling an existentialist stance with a progressivist approach, Beauvoir provides an anatomy of contemporary America which, in its ambivalent mixture of fascination and condemnation, does not so much re-enact the familiar topos of the French love-hate relationship with America as it refracts the particular historical and personal “situation” of its author, in the Sartrian sense. At the crossroads between public and private history, America Day by Day 1947 exposes the ambiguous seduction exerted by America in a context of political commitment and romantic involvement.
  • A Quiet Revolution : The Empowerment of Female Teachers in American Buddhism - Molly Chatalic p. 65-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La tradition bouddhiste n'est pas connue pour son militantisme ou son engagement social ; toutefois, alors qu'elle commence à s'intégrer au courant dominant de la société américaine, elle subit certaines transformations. Une des plus significatives est celle de sa féminisation progressive au vu du nombre croissant de femmes qui y occupent des positions d'autorité. Ces enseignantes sont des militantes dans la mesure où elles assurent la responsabilité de centres ou de monastères, contrairement aux schémas patriarcaux de la majeure partie des traditions bouddhistes qui s'établissent aujourd'hui aux États-Unis et où prédomine une hiérarchie asiatique masculine. D'autres exercent leur charge en l'absence de toute autorité substantielle, s'établissant ainsi comme de nouveaux modèles de référence dans leur société environnante. Ces enseignantes traitent de problèmes spécifiques aux femmes, organisent des retraites pour un public féminin, et rendent hommage aux divers aspects du féminin. L'attention portée aux problèmes posés par la mondialisation influence directement la dynamique de leurs actions communautaires. Cet article se propose d'étudier cette évolution récente, discrète et novatrice d'une religion mondiale alors que celle-ci s'implante sur le territoire états-unien.
    The Buddhist tradition is not usually best-known for its activism or for its political and social engagement, but as it enters mainstream society in the United States, it finds itself undergoing certain changes. One of the most significant of these is its gradual feminization with the steady increase in the number of women in positions of authority. These female teachers are activists in so far as they are being invested with the authority to lead centers or monasteries, contrary to the usual patriarchal patterns observed in the still widely male and Asian-dominated traditions of Buddhism, which are being transmitted on American soil. Others are self-empowering in the absence of a significant authority, thus establishing themselves as new models of leadership in spiritual communities, which may come to serve as organizational models or references in the wider society. These female teachers are addressing problems which are specific to women, organizing all-female retreats and honoring the feminine in its many aspects. Their concern with issues of globalization shapes the dynamics of their group actions. This article presents an overview of this innovative, recent and discreet change in the dynamics of a world religion as it is establishing itself in a new territory and being appropriated by women.
  • Point de vue sur..« Les représentations de George W. Bush »

    • Prince éclairé ou apprenti sorcier ? George W. Bush, l'histoire et les historiens - Jean-Marie Ruiz p. 86-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'efforce d'expliquer les relations paradoxales que George W. Bush entretient avec l'histoire, et son étonnant optimisme quant à sa postérité, alors même que sa côte de popularité était au plus bas à la fin de sa mandature. Pour ce faire, il examine le bien fondé de son opinion sur la guerre, qui est selon lui un tremplin vers la grandeur présidentielle, puis se penche sur son style de gouvernance, qui illustre ce qu'Arthur Schlesinger a appelé « présidence impériale ». Dans la mesure où la confiance de G. W. Bush dans le jugement de l'histoire est aussi liée à la question, l'article évoque l'impact des attentats de 2001 sur l'historiographie américaine de la présidence.
      This article is an attempt to come to grips with George W. Bush's paradoxical relationship with history, and to account for his perplexing optimism about his posterity, in spite of the very low approval rates when he left office. This aim is pursued from two perspectives. It begins by considering G. W. Bush's opinion that war is a springboard to presidential greatness, then examines his related presidential style, which belies what Arthur Schlesinger coined “imperial presidency.” The article also assesses the impact of 9/11 on presidential historiography, which appears to be the cornerstone of W's confidence in the judgement of history.
    • La présidence Bush sur scène et à l'écran : une résurgence absurde de tragédies passées - Pierre-Simon Gutman p. 100-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si l'année 2008 a semblé l'année de Barack Obama, le président sortant, George W. Bush, a bien plus alors occupé l'espace médiatique qu'il n'apparaît. Ont notamment été produits deux spectacles théâtraux (une pièce contemporaine, un one man show comique) et, surtout, un long métrage biographique d'Oliver Stone. Cet article tente de faire émerger la vision de Bush dessinée par ces interprétations artistiques et, peut-être à travers elles, par l'histoire. Le portrait qui ressort de ces œuvres, et spécialement du film W, est celui d'une présidence souvent ridicule, qui prend parfois la forme d'une redite grotesque de figures tragiques ou admirées du passé, tels que Nixon ou Reagan.
      While Barack Obama was the person of the year 2008, the incumbent president, George W. Bush, was then a lot more present in the media than expected, with two theatrical shows—a contemporary play and a comical one man show—and, significantly, a biographical Hollywood movie directed by Oliver Stone. This article is an attempt to capture the way the figure of Bush has been shaped by these artistic interpretations and, through them, by history. The portrait emerging from these works is that of an often-ridiculed presidency, which seemingly constitutes a grotesque retelling of events, in which tragic or admired figures of the past, such as Nixon and Reagan, have a central place.
    • Comptes rendus - p. 117-127 accès libre