Contenu du sommaire : La gouvernance de l'eau

Dans ce numéro spécial sur la gouvernance de l'eau, nous nous intéressons à la question de la fragmentation et de l'intégration d'un point de vue international. Notre intention est d'examiner la façon dont différents pays d'Amérique du Sud et d'Europe ainsi que les États-Unis font face à la fragmentation dans les questions liées à l'eau. Cette première contribution constitue d'une part une introduction au thème de la gouvernance de l'eau et au débat qui fait rage dans l'administration publique à propos de la fragmentation/de l'intégration et, d'autre part, présente des exemples issus des Pays-Bas (deux zones de delta) pour illustrer la fragmentation et les tentatives d'intégration. Ces deux cas montrent que la fragmentation est manifeste et que les tentatives d'intégration existent bel et bien, mais sont souvent vaines. D'une part (Delta du sud-ouest), on vise l'intégration au travers de la centralisation (coordination descendante) et de la création d'une structure globale formelle (par le biais de la législation) et, d'autre part (Delta d'Ijssel – Sud), on constate que l'intégration est difficile à gérer et entraîne des effets d'éviction et des disparitions (des initiatives d'intégration régionale centrales aux initiatives d'intégration locale). Remarques à l'intention des praticiens. Les ressources en eau, en particulier l'eau douce, vont devenir l'une des ressources les plus rares pour les humains, les sociétés et les écosystèmes. Cela s'observe déjà dans plusieurs régions du monde. Un tiers de la population mondiale vit dans des pays soumis à des stress hydriques. La gouvernance de l'eau est par ailleurs déterminante sur le plan des excédents d'eau. Tous les deltas du monde ou presque sont concernés, et trois quarts de la population mondiale vit dans des deltas. Le point de départ commun de ce numéro spécial sur la gouvernance de l'eau concerne la fragmentation des responsabilités observée dans ce domaine. Parvenir à la coopération et à l'intégration dans des systèmes aussi fragmentés est un problème de gouvernance fondamental.

Dans le présent article, nous examinons un cas de gouvernance délibérative dans le projet intitulé « Dairy Gateway », dans le nord-est du Wisconsin, aux États-Unis. Dans ce projet, les pouvoirs publics, des chercheurs en milieu universitaire, des agriculteurs et des organisations à vocation environnementale ont établi des réseaux de coopération volontaires afin d'améliorer la qualité de l'eau, de l'air et du sol. Ils ont proposé de remplacer l'« autorité hiérarchique » du gouvernement par le dialogue, l'apprentissage et la fonction de direction. Un groupe plus large de participants a discuté de l'interprétation de ces concepts lors de trois types de réunions. L'étude de ces débats interprétatifs sous forme de travail de démarcation montre que les participants considéraient le dialogue et l'apprentissage en réseaux comme un moyen crédible de coopérer et qu'ils voyaient, dans la plupart des cas, que les agriculteurs comme des gestionnaires des terres. Ils voulaient cependant tous que le gouvernement contrôle cette gestion. C'est ainsi que la gouvernance délibérative a vu le jour en synergie avec le gouvernement.Remarque à l'intention des praticiens. Les conversations réflectives sur les concepts-frontières, comme celui « d'administration des affaires », peuvent contribuer à résoudre les conflits environnementaux. Ces concepts alignent des discours incompatibles. Lorsque l'on introduit des concepts-frontières, les participants à des réseaux d'agriculteurs, par exemple, les environnementalistes et les acteurs gouvernementaux sont obligés d'envisager de nouvelles solutions. Ils sont en outre encouragés à revoir le rôle de l'État. Les structures délibératives, dans lesquelles les facilitateurs s'intéressent plus particulièrement à la qualité des conversations, permettent cette remise en question. Dans ces conversations, les acteurs qui s'opposent peuvent marquer leur désaccord de manière compréhensive. Les participants se mettent alors à négocier des solutions crédibles et décident de la fonction que le gouvernement doit assumer.

Dans la gestion collaborative de l'eau, la variété des contextes dont les acteurs doivent tenir compte constitue un défi important. Dans la présente étude, nous analysons la fragmentation et le raccordement des contextes dans les projets de gestion collaborative de l'eau dans le bassin du fleuve Paute et de son sous-bassin, le Tabacay, dans les Andes méridionales, en Équateur. Nous nous sommes basés sur une analyse des contextes contenus dans les documents de projets, des entretiens et des enregistrements de réunions pour analyser les premières étapes de ces projets. Nous allons examiner (1) les rôles différents de la délimitation des problématiques et de la délimitation des problèmes dans la fragmentation des contextes (2) l'importance du cadrage de l'ampleur de la problématique et des problèmes ; (3) la tâche délicate qui consiste à relier des cadres d'experts à des cadres d'autres acteurs ; et (4) l'importance du dialogue en face à face pour le raccordement des contextes.Remarques à l'intention des praticiens. Les professionnels de la gestion et de l'administration publiques partout dans le monde participent de plus en plus à des processus de gouvernance, dans le cadre desquels ils doivent faire face à une multitude d'acteurs et de perspectives. Lorsque leur travail comprend la mise en place de projets collaboratifs avec d'autres agences gouvernementales, des organisations de la société civile et/ou des acteurs du secteur privé, ils ont tout intérêt à s'intéresser de près à la façon dont eux-mêmes et les autres acteurs définissent d'une part les problématiques et, d'autre part, les questions en jeu. Dans les processus de gestion collaborative de l'eau, il convient de s'intéresser à la façon dont les projets sont définis eu égard à l'ampleur des réseaux hydrographiques et à celle des administrations, ainsi qu'à la façon dont la définition technique des questions est mise en rapport avec les contextes et expériences d'autres acteurs.

Dans le présent article, nous analysons l'efficacité de la gestion régionale intégrée de l'eau (GRIE) dans la région de la Baie de San Francisco, en Californie, sur le plan de la réduction de la fragmentation et du renforcement de la collaboration entre les acteurs chargés de la gestion de l'eau. Dans la partie théorique, nous épinglons les éléments de la politique classique en matière de gestion de l'eau qui donnent lieu à la fragmentation et aux conflits. Nous comparons ensuite le modèle de la politique de l'eau classique à celui de gestion intégrée de l'eau, basé sur la collaboration. Nous décrirons brièvement l'évolution de la GRIE en Californie. Nous nous baserons sur une enquête menée auprès des intervenants dans la région de la Baie pour examiner si la participation à la GRIE dans la région de la Baie atteint les objectifs de collaboration et d'intégration. Les résultats fondamentaux indiquent que la région de la Baie n'a réalisé que de faibles progrès pour mettre fin à la fragmentation et aux conflits observés par le passé.Remarques à l'intention des praticiens. La gestion régionale intégrée de l'eau n'est pas une panacée pour la fragmentation des politiques. Les améliorations à court terme de la collaboration doivent être suivies par un suivi systématique de la mise en œuvre sur le terrain des projets d'intégration. La GRIE a peu de chances de susciter des changements immédiats et radicaux dans la mise en œuvre de la politique. L'évolution stratégique sera limitée et les décideurs doivent examiner si des mesures administratives plus drastiques s'imposent pour poursuivre le processus d'intégration et de collaboration. Traditionnellement, les intérêts influents ont tendance à dominer les décisions en matière de GRIE lorsque des mesures explicites ne sont pas prises pour donner les moyens d'agir aux groupes préalablement exclus. L'efficacité de la GRIE variera d'une région à l'autre, et des recherches supplémentaires s'imposent pour identifier les variables contextuelles importantes.

Dans le présent article, nous proposons de conclure ce numéro spécial consacré à la gouvernance de l'eau. Nous revenons sur les différentes contributions et examinons différentes observations intéressantes issues des trois articles axés sur le Wisconsin, la Californie et l'Équateur méridional. Nous plaçons ces observations dans une nouvelle perspective en matière d'intégration : la synchronisation des systèmes, considérée comme une option d'intégration dans les systèmes de gouvernance complexes, où personne n'est responsable.Remarques à l'intention des praticiens. Dans le présent épilogue, nous rassemblons les conclusions des contributions à ce numéro spécial. Nous en sommes arrivés à envisager le débat sur la fragmentation-intégration dans l'administration sous un nouvel angle, à savoir celui de la synchronisation des systèmes. En examinant différents cas dans le secteur de l'eau aux Pays-Bas, aux États-Unis et en Amérique du Sud, l'on obtient trois principes de synchronisation des systèmes : La synchronisation est synonyme d'auto-organisation et de variation; la synchronisation est synonyme de réflexion et d'action entre soi-même et un ensemble plus large; la synchronisation revient à agir sur les frontières des sous-systèmes et au-delà de celles-ci.Ces principes sont nécessaires pour réaliser la synchronisation de systèmes dans lesquels différents sous-systèmes conservent en grande partie leur identité, mais s'efforcent d'assurer une cohérence.

Le présent article s'appuie sur les principes essentiels du structuro-fonctionnalisme de Parsons pour analyser l'importance de la structure, du processus et des règles dans le développement d'institutions durables. Il convient de revoir l'orientation contemporaine en matière de construction de la nation, qui a tendance à privilégier les éléments structurels et administratifs de la reconstruction de l'État, en particulier dans les situations de post-conflit, pour privilégier une approche plus locale, axée sur l'aspect sociologique et sur les institutions. La notion d'institutions employée ici découle des analyses aux niveaux global (organisation sociale) et local (individuel) de la capacité d'une série d'actions, de pratiques et de fonctions différentes à maintenir un certain équilibre fonctionnel et interne au fil du temps. Tandis que cet équilibre indique la présence d'un « d'État stable », il contribue à renforcer l'idée que les institutions efficaces (comme les comportements individuels, les règles et les valeurs) peuvent constituer le fondement structurel nécessaire aux initiatives de construction de la nation abouties. Les efforts doivent dès lors se porter sur la construction des institutions plutôt que sur la construction de la nation.Remarques à l'intention des praticiens. Il faut bien se rendre compte que les petites choses qui déterminent et régissent les attitudes dans les secteurs privé et public sont aussi lourdes de conséquences que les choses plus importantes. Un aspect tout aussi important, cependant, concerne le fait que les pratiques administratives créent des modes de comportement régularisés, qui dépendent les uns des autres, si bien que cela débouche sur un ensemble fonctionnel. Les autres idées à noter sont que la structure du travail (ce que nous faisons) est aussi importante que la structure des organisations (les systèmes et les relations qui nous permettent de faire ce que nous faisons), des aspects qui jouent tous deux des rôles essentiels qui assurent la dynamique du système.

Le présent article a pour but d'analyser le modèle d'autoévaluation de la Fondation européenne pour le management par la qualité (EFQM) dans des établissements d'enseignement supérieur (EES) en Espagne et en Jordanie et de présenter ce que les EES jordaniens ont appris de l'expérience espagnole. Nous utilisons une méthode basée sur des études de cas portant sur huit services administratifs offerts par une université publique en Espagne et sur sept services offerts par une université publique et une privée en Jordanie. Nos observations font apparaître les étapes par lesquelles doivent passer les services administratifs pour appliquer efficacement la méthode d'autoévaluation basée sur un questionnaire. Notre article contient des enseignements pour les décideurs et les gestionnaires d'autres services publics dans des EES en Jordanie, ainsi que dans d'autres pays en développement, qui souhaitent effectuer une autoévaluation au moyen d'un questionnaire.Remarques à l'intention des praticiens. Nous présentons dans cet article une méthode pratique permettant d'évaluer la qualité dans les services publics dans les EES. Nous épinglons les mesures nécessaires pour mettre en œuvre cette méthodologie dans les services publics d'un pays développé (l'Espagne) et d'un pays en développement (la Jordanie), ainsi que les enseignements tirés par le pays en développement. Notre article montre que la notion de récompense de la qualité peut être adaptée à différents contextes, même si des adaptations et une mise en œuvre attentive sont nécessaires. Notre étude contient des enseignements pour les décideurs et les gestionnaires d'autres services publics dans des EES en Jordanie, ainsi que dans d'autres pays en développement, qui souhaitent effectuer une autoévaluation au moyen d'un questionnaire.

Le National Audit Department (NAD) de Malaisie a créé l'indice de responsabilisation en matière de gestion financière (Financial Management Accountability Index, FMAI) dans le cadre de son système d'évaluation. La présente étude décrit l'expérience malaise en ce qui concerne l'utilisation du FMAI en tant qu'outil de responsabilisation, évalue les résultats obtenus par les agences dans le cadre du FMAI et propose des mesures afin d'améliorer l'utilité du FMAI. Notre étude utilise des données secondaires telles que présentées sur le site Web du NAD. Des analyses descriptives ont été réalisées dans l'évaluation des résultats obtenus par les différentes agences. L'on a constaté que la majorité des agences avaient un « bon » système de gestion financière, et que les agences fédérales obtenaient de meilleurs résultats que leurs équivalents au niveau des États. L'on a également constaté que le système global d'évaluation et le FMAI étaient divulgués de manière insuffisante, ce qui réduit leur utilité. Des améliorations sont encore possibles, elles doivent être abordées par le NAD afin de renforcer l'intérêt du système global d'évaluation.Remarques à l'intention des praticiens. Le FMAI, développé et utilisé en Malaisie, est une initiative importante qui peut être imitée par les gestionnaires publics dans d'autres pays, que ce soit sous sa forme actuelle ou en y apportant des modifications. Cet indice est particulièrement intéressant à des fins d'analyse comparative. Dans le contexte malais, la présente recherche offre aux décideurs publics des informations importantes sur les moyens d'améliorer encore l'utilité du système d'évaluation.

Les chercheurs partent de l'hypothèse que la motivation de service public des personnes (PSM, pour « public service motivation ») présente une relation positive avec l'intention professionnelle : plus la PMS d'un individu est grande, plus il a de chances de chercher à entrer dans une organisation publique. Peu d'études empiriques ont cependant vérifié cette proposition. La présente étude s'appuie sur une enquête menée auprès de 584 étudiants dans deux universités prestigieuses de l'Est de la Chine pour examiner la mesure dans laquelle la PSM est liée à l'intention professionnelle des étudiants.Notre étude relève que toutes les dimensions de la PSM ne sont pas systématiquement liées à l'intention professionnelle. La dimension « abnégation », ou « sacrifice personnel », de la PSM présente effectivement un lien positif avec l'intention professionnelle, mais ce n'est pas le cas de la dimension liée à l'attachement à l'intérêt général. Nous avons en outre constaté que les étudiants de sexe féminin se spécialisant dans les sciences sociales et ayant des proches ou des parents dans le secteur public sont ceux qui ont le plus de chances d'opter pour un emploi dans le secteur public. Nous allons examiner les implications de cette étude et les domaines de recherche future.Remarques à l'intention des praticiens. Les résultats de notre étude font ressortir l'existence d'un lien significatif entre la PSM et l'intention professionnelle, mais toutes les dimensions de la PSM ne sont pas systématiquement liées à l'intention professionnelle. Les résultats mettent en avant plusieurs implications essentielles : (1) Pour les professionnels responsables du recrutement et de la sélection des agents de l'État, la PSM du demandeur d'emploi est un critère déterminant. (2) Pour les demandeurs d'emploi, lorsqu'ils décident d'entrer dans le secteur public, le niveau de leur PSM doit être pris en considération. (3) De plus, les informations générales à propos des demandeurs d'emploi ont une certaine importance dans les procédures de recrutement et de sélection dans le secteur public.