Contenu du sommaire : Innovation, marché, culture technique

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 61, no 5, octobre 2006
Titre du numéro Innovation, marché, culture technique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Falkenau 1945

    • Ouvrir les camps, fermer les yeux - Georges Didi-Huberman p. 1011-1049 accès libre avec résumé
      Au moment même où il est devenu possible de commémorer en grande pompe la libération d'Auschwitz, la connaissance historique des camps se heurte encore à un problème de méthode : il demeure très difficile d'articuler la lisibilité de l'histoire à la visibilité des documents, photographiques ou cinématographiques, qui témoignent de cette période, depuis juillet 1944 (l'ouverture de Majdanek par l'armée soviétique, filmée par Roman Karmen) jusqu'en mai 1945 (l'ouverture de Falkenau par l'armée américaine, filmée par Samuel Fuller). Les exigences théoriques formulées par Walter Benjamin à l'endroit de la connaissance historique permettent cependant de mieux articuler le constat au récit, l'état des lieux à l'« état du temps », l'image à sa « légende ». Le film réalisé par Samuel Fuller à Falkenau, puis recontextualisé par Emil Weiss en 1988 nous montre exemplairement comment des images de l'horreur peuvent être rendues à une certaine condition ? esthétique, éthique ? de lisibilité, afin que soit reconnue avec dignité de quelle indignité les hommes sont capables. Façon de montrer à l'?uvre une très ancienne coalescence de l'imago avec la dignitas civile. « Brève leçon d'humanité en vingt et une minutes » d'images tremblantes, comme disait l'auteur même de ces images.
  • Sur les régimes d'historicité

  • L'Afrique urbaine

    • De la ville en Afrique noire - Catherine Coquery-Vidrovitch p. 1087-1119 accès libre
    • Naissance de l'industrie cinématographique : Les brevets aux États-Unis et en Europe (1895-1908) - Pierre-André Mangolte p. 1123-1145 accès libre avec résumé
      Cet article porte sur l'émergence historique de l'industrie cinématographique aux États-Unis et en Europe entre 1895 et 1908, et sur le rôle de l'institution des patents (ou « brevets d'invention ») dans l'essor et la définition des nouvelles activités économiques. Il porte aussi sur les théories et justifications économiques de l'institution. Cette période est dominée par les revendications de l'inventeur Thomas Edison, ce qui conduisit à une guerre des patents prolongée aux États-Unis qui handicapa fortement la production et donna finalement naissance à un monopole (la Motion Picture Patents Company). À l'inverse, en Europe et plus particulièrement en France, on constate un essor rapide de l'industrie dans une forme directement concurrentielle. L'analyse comparative systématique met alors en évidence les causes de ces évolutions si dissemblables, c'est-à-dire deux configurations historiques différentes des droits de propriété intellectuelle et deux définitions différentes de l'institution elle-même. L'étude peut ainsi éclairer le débat théorique récurrent (et contemporain) sur la définition (largeur, profondeur, renforcement, etc.) de l'institution des brevets.
    • Le contrôle républicain du marché : Vignerons et négociants sous la Troisième République - Olivier Jacquet, Gilles Laferté p. 1147-1170 accès libre avec résumé
      Dans un premier temps, s'inscrivant dans une problématique proche de Neil Fligstein, le retournement du marché des vins de Bourgogne au détriment des négociants de Beaune a clairement une origine politique : la syndicalisation massive des propriétaires, le contrôle des propriétaires par le parlement suite à la républicanisation des campagnes leur permettent de mettre à profit l'idéologie républicaine lors du cadrage juridique du marché pourtant initié par les négociants. La loi des appellations d'origine de 1919 et son application attribuent la plus-value aux propriétaires contre la marque des négociants. Mais cette origine politique ne suffit pas à expliquer la victoire des propriétaires de Nuits-Saint-Georges et de Meursault. Dans un second temps, ces derniers sont parvenus à imposer l'image d'un vin de tradition, ancré dans le terroir. C'est là qu'intervient la sphère culturelle et le travail complexe qui associe renouveau régionaliste, invention des traditions, valorisation du petit propriétaire comme figure emblématique de la République. Le vin de Bourgogne ? et toute la valorisation par le terroir et la tradition de l'économie alimentaire ? est donc une construction politique et culturelle.
    • Les mines de charbon du Briançonnais ( XVIIIe - XXe siècle) : Essai d'anthropologie symétrique - Jean-Louis Tornatore p. 1171-1190 accès libre avec résumé
      Entre le début du XVIIIe siècle et les années 1970, il s'est noué dans les Alpes briançonnaises un ensemble de relations entre une ressource, le charbon, et une population d'hommes, paysans et montagnards, concrétisées dans des formes spécifiques d'exploitation, les charbonnières, qui ont cohabité durablement avec les petites mines industrielles installées progressivement dans le bassin. Contre le point de vue surplombant d'une histoire des techniques pointant le défaut de rationalité des travaux miniers paysans, rejoignant ainsi le procès en irrationalité et en gaspillage des ressources instruit par les représentants de la technologie minière, les ingénieurs des mines, cet article veut souligner l'intérêt d'une approche pragmatique qui, appliquant le principe de symétrie généralisée de la « sociologie de la traduction », s'attache à faire le récit de ces relations, à parcourir la chaîne des associations au moyen desquelles les paysans et le charbon se sont simultanément inventés, concourant à la constitution d'une « socio-nature ». Ainsi l'activité charbonnière paysanne tient-elle principalement à quatre associations : la relation au charbon et sa naturalisation comme charbon adapté au marché; l'investissement « communaliste » de la forme d'État de la concession; la stabilisation d'un dispositif sociotechnique qui offre une troisième voie à l'alternative socio-économique à laquelle sont soumises les populations montagnardes : émigrer ou rester et subir le « bagne » de la mine industrielle; enfin une relation instrumentale à la technologie, c'est-à-dire à l'équipement pratique et discursif de la mine rationnelle et industrielle porté par les ingénieurs des mines.
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