Contenu du sommaire : Les syndicats face à la Responsabilité Sociale des Entreprises
Revue | La Revue de l'IRES |
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Numéro | no 57, no spécial, 2008/2 |
Titre du numéro | Les syndicats face à la Responsabilité Sociale des Entreprises |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les syndicats face à la Responsabilité Sociale des Entreprises
- Introduction : La RSE, entre relations publiques et outil politique - Anne Bory, Yves Lochard p. 3 La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) est définie comme « l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ». Cet article introductif ambitionne de saisir la RSE dans ses dimensions sociales, économiques, managériales, juridiques et politiques. Au-delà de son enrôlement dans des logiques de communication, la RSE mérite d'être considérée comme une entreprise collective qui s'est développée, en France, depuis les années 1990. Désormais reconnue par le législateur à travers la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) de 2001, elle s'inscrit plus largement dans un contexte européen et international.La RSE est ici conçue comme une réponse volontaire aux pressions de l'environnement institutionnel de l'entreprise et comme une volonté politique d'autorégulation. Démarche active de la part d'une partie des chefs d'entreprise et des milieux d'affaires, elle tend à défendre une conception des relations entre entreprises et société et entre entreprises et salariés reposant sur une vision particulière de la place et du rôle légitime de l'entreprise dans le monde du travail et la sphère politique.Elle traduit particulièrement une évolution des relations entre les entreprises et les représentants traditionnels de salariés, les syndicats. En adoptant de telles démarches, les entreprises cherchent à se prémunir contre une intervention publique trop contraignante. Ce refus de régulation publique se double de l'apparition de nouveaux acteurs (ONG et associations) qui deviennent des interlocuteurs légitimes au même titre que les organisations syndicales et avec lesquels se définissent des modes de relation reposant sur des chartes et divers textes relevant du domaine déclaratif. Ramenés à un statut de partie prenante parmi d'autres, les partenaires syndicaux risquent d'en être contrariés dans leurs capacités d'action et le sens qu'ils donnent à celles-ci.CSR: Public Relations or Political Device?
The definition of CSR (Corporate Social Responsibility) states that it is “a concept whereby companies integrate social and environmental concerns in their business operations and in their interaction with their stakeholders on a voluntary basis.” This introductory article aims at presenting the social, economic, managerial, legal and political aspects of CSR. CSR does not just play a role in communication strategies; it deserves to be considered as a collective undertaking that has developed in France since the 1990s. While it is presently acknowledged by the legislator through the 2001 law on NRE (Nouvelles Régulations Economiques, New Economic Regulations), it is now in line with the larger European and international context.In this paper, we consider CSR to be a voluntary reaction to the pressures imposed by the institutional environment of enterprises and as a political willingness of self-regulation. It is an active approach of some of the business world and a part of the management and it tends to advocate a certain idea of the relation that exists between industries and workers, which is based on a specific conception of the legitimate place and role of the enterprise within the work environment and the political sphere.It particularly reflects the evolution of the relations between enterprises and traditional worker representatives, i.e. unions. By choosing such approaches, companies seek to protect themselves against some regulatory public intervention, often perceived as being too restrictive. This refusal of any regulation from the State is reinforced by the emergence of new actors (NGO and associations) which become as legitimate representatives as unions; this creates other types of relations, based on charters and other various texts coming from the declaratory field. The status of unions is then limited to being one of many stakeholders and could see their capacity to act and the meaning of their actions be restrained. - Contribution des codes de conduite et des accords cadres internationaux à la responsabilité sociale des entreprises - Reynald Bourque p. 23 Les codes de conduite sont l'instrument privilégié par les entreprises multinationales pour publiciser leurs engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale. Les organisations syndicales internationales considèrent, pour leur part, que les accords cadres internationaux offrent de meilleures garanties que les codes de conduite au chapitre de la protection des droits sociaux et humains des travailleurs employés par des entreprises multinationales et de leurs partenaires d'affaires à l'échelle mondiale. Ces accords négociés entre des entreprises multinationales et des Fédérations Syndicales Internationales (FSI) ont enregistré une croissance importante au cours de la dernière décennie, et sont considérés par ces dernières comme un champ d'intervention prioritaire à l'ère de la mondialisation. Cet article examine, à travers une comparaison du contenu, de l'application et des effets des codes de conduite et des accords cadres internationaux, leur contribution respective à la responsabilité sociale des entreprises multinationales. Il ressort de cette comparaison que les accords cadres internationaux font une plus grande place aux droits fondamentaux du travail et comportent des procédures de suivi plus contraignantes que les codes de conduite qui servent à promouvoir l'image de marque des entreprises multinationales.Contribution of Codes of Conduct and International Framework Agreements to Corporate Social Responsibility (CSR). Codes of conduct are multinational companies' preferred tools for promoting their commitment regarding social and environmental responsibility. International trade unions, for their part, believe that international framework agreements offer better guarantees for the protection of workers' social and human rights than codes of conduct within multinational companies and with their business partners worldwide. The agreements negotiated between multinational companies and international federations of trade unions have increased significantly in the last ten years and are seen by federations as a priority in an era of globalization. Through a comparison of the content, application and effects of codes of conduct and international framework agreements, this article examines their respective contributions to the social responsibility of multinational companies. This comparison makes it clear that international framework agreements give a greater importance to fundamental workers rights and include more rigorous monitoring procedures than codes of conduct, which serve chiefly as a means of advancing the public image of multinational companies.
- Responsabilité sociale des entreprises et droit du travail (européen), amis ou ennemis ? Chassez le juridique, il revient au galop - Filip Dorssemont p. 55 Cet article cherche à évaluer l'insistance de la Commission sur la RSE par rapport au droit du travail européen (dans le sens de communauté européenne) et de l'agenda social de la Commission. Il analyse le contenu et les répercussions du Livre vert publié par la Commission sur la RSE et procure un aperçu de la manière dont la Commission entend le concept de RSE : ce qui a débuté comme un projet ambitieux d'établir un cadre légal pour la RSE a abouti à un discours en creux sur la RSE en tant que telle. L'idée de mettre en place un instrument spécifique et exhaustif afin de s'attaquer aux problèmes légaux engendrés par la RSE a ainsi été abandonnée. Malgré l'absence d'une telle démarche, certains développements dans l'agenda social de la Commission ainsi que dans l'approche générique du « mieux légiférer » sont pertinentes pour s'attaquer à des problèmes légaux et plus en lien avec l'actualité, posés par la RSE. Mises bout à bout, elles devraient donner lieu à une approche fragmentée de la législation. De plus, le discours sur le mieux légiférer pourrait servir d'alibi afin de ne pas mettre en œuvre de cadre aussi complet. En outre, ce même discours pourrait être utilisé afin de développer la RSE au détriment du droit du travail proprement dit (« hard » labour law). Enfin, l'auteur se demande si le développement de la RSE constitue une remise en question des perspectives traditionnelles sur les sources du droit du travail de même que sur son renforcement. Ces questions légales soulevées par la RSE s'entremêlent au rôle historique qu'ont joué les acteurs collectifs dans le développement des standards du droit du travail. On peut alors se demander si le développement de la RSE dévalue la position des syndicats au profit des représentants des travailleurs élus. Le discours sur la RSE met aussi en lumière un nouvel acteur collectif du côté de l'employeur. Tandis que les entreprises mères multinationales étaient au cœur de la déclaration tripartite sur les entreprises multinationales publiée par l'OIT et des principes révisés de l'OCDE, des codes de conduite plus récents se concentrent sur la responsabilité des entreprises « hubs » à la tête d'un réseau d'entreprises.Corporate Social Responsibility and (European) Labour Law: Friends or Foes?
This contribution seeks to assess how the Commission's insistence on CSR relates to European (id est in the meaning of European Community) Labour Law and the Commission's Social Agenda. It analyzes the content and the aftermath of the Commission's Green Paper on CSR and provides insight into the Commission's conceptual understanding of CSR: what started of as an ambitious project to establish a legal framework for CSR has ended up in a shallow discourse promoting CSR as such. The idea to develop a comprehensive and specific instrument to tackle the legal issues related to CSR was thus abandoned. Despite the absence of such a comprehensive approach, some developments in the Commission's Social Agenda as well as the Commission's generic approach to “Better Regulation” are relevant to tackle more topical legal issues, which are raised by CSR. They might amount to a fragmented legal approach. Furthermore, the discourse on Better Regulation could serve as an alibi for not elaborating such a comprehensive framework. Furthermore, the same discourse could be used to develop CSR to the detriment of “hard” labour law. Finally, the author wonders if the development of CSR constitutes a challenge to the classical outlook of labour law sources as well as to the enforcement of labour law. These legal issues, which CSR raises, are intertwined with the historical role that collective actors play in developing labour law standards. The question arises whether the development of CSR undermines the position of trade unions to the benefit of elected workers' representatives. The discourse on CSR also sheds light on the emergence of a new collective actor on the employer's side. Whereas multinational parent companies were at the heart of the ILO Tripartite Declaration on ME's and the Revised OECD Guidelines, more recent codes of conduct focus on the responsibility of hub company controlling network companies. - Le comité d'entreprise européen : un acteur de la responsabilité sociale de l'entreprise ? - Elodie Bethoux p. 87 Malgré leurs histoires distinctes, le développement des pratiques de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) et le fonctionnement des Comités d'Entreprise Européens (CEE) se trouvent aujourd'hui de plus en plus souvent associés dans les représentations et dans les pratiques des acteurs économiques, sociaux et institutionnels européens impliqués dans la vie des entreprises multinationales. Ce sont ces différents croisements qu'analyse cet article, en interrogeant en particulier les conditions dans lesquelles les comités d'entreprise européens et leurs membres deviennent acteurs des démarches de RSE engagées dans leur groupe ou leur entreprise. Dans un premier temps, les liens qui unissent développement de la RSE et développement des CEE sont étudiés en se plaçant tour à tour aux niveaux de la politique communautaire définie dans ces deux champs, du contenu des démarches de RSE et des acteurs qui les portent. Les tensions que fait naître l'investissement des comités d'entreprise européens dans le champ de la responsabilité sociale des entreprises sont ensuite examinées, en distinguant d'une part celles qui tiennent à la nature même des CEE et d'autre part celles qui relèvent d'une possible concurrence entre acteurs dans la régulation sociale de l'entreprise mondialisée.European Works Councils: Effective Actors of Corporate Social Responsibility?
Despite their very different backgrounds, the way Corporate Social Responsibility has been put into practice and European works councils have been functioning are being associated more and more both in the ways they are represented and applied by economic, social and institutional European actors involved within multinational companies. This article aims at analyzing how they have thus become related and focuses in particular on the conditions in which European works councils and their members have become implicated in the CSR procedures implemented in their corporation. First, we will study what links together the development of CSR and works councils, in terms of the EU policies specific to each domain, the content of the CSR procedures and the actors involved. We will then examine the tensions that emerge from the involvement of European works councils within CSR, and will distinguish between those derived from the nature of works councils from those arising from a possible competition between the actors of the social regulation of global corporations. - Comment devenir légitimes ? Le double rôle des syndicats dans le marché de l'investissement socialement responsable - Elise Penalva Icher p. 111 Le marché de l'investissement socialement responsable a récemment émergé en France et notamment suite au travail de l'agence de notation extra-financière ARESE. Cependant, cette agence a été rachetée en 2001 par Vigeo et ne tient plus aujourd'hui le rôle fédérateur et institutionnalisant qu'elle a tenu à la fin des années 1990. Nous montrons au travers d'une analyse des relations de collaboration du marché de l'ISR que la fonction des agences de notation, qui ont pourtant été à l'origine du marché, est complètement remise en question aujourd'hui. En effet, leur action est assez décrédibilisée aux yeux des gérants. Dans ce contexte, les syndicats peuvent intervenir dans la qualification de ce type d'investissement encore assez incertain qu'est l'ISR. La circulation de l'information extra-financière ne reposant plus sur les agences, les syndicats ont la possibilité d'endosser ce rôle, au moins pour le volet social. Ils participent en effet à une stratégie de validation d'une information certainement plus qualitative et informelle que l'information standardisée offerte par les agences. De plus, grâce au CIES, ils s'affirment en tant que représentants des salariés dans le cadre de l'épargne salariale socialement responsable. Il s'agit pour l'instant de l'un des rares clients institutionnels identifiés de l'ISR. En outre, l'épargne salariale est soumise à un débat sur son ouverture vers des retraites capitalisées. Le ou les rôle(s) des syndicats dans ce marché deviennent alors déterminants : ils peuvent désormais compter sur une ou des forme(s) de légitimité au sein d'un monde financier qui les a longtemps ignorés et ainsi garder la capacité de politiser ce débat.Obtaining Legitimacy. The Dual Role of Unions in the Socially Responsible Investment Market
The Socially Responsible Investment (SRI) market has recently emerged in France, partly thanks to the work of ARESE, a social and environmental rating agency. However, the agency was bought out in 2001 by Vigeo and no longer plays the unifying and institutionalizing role that it used to play towards the end of the 1990's. Our analysis of the collaborative relations within SRI market will show that the role of rating agencies is being widely questioned today, despite being an initiator of this market. Indeed, their activities have lost much of their credibility in the eyes of fund managers. In this context, unions can intervene in the definition of the still rather nebulous field of investment that is SRI. As the publication of extra-financial information no longer depends on agencies, unions are now able to take on this role, at least as far as the social aspect is concerned. In effect, unions take part in the strategy used to validate information, which is without doubt more qualitative and informal than the standard information provided by the agencies. Moreover, thanks to the CIES (Union Committee for Employee Savings Plans), unions represent employees in socially responsible employee savings plans. At present, this is one of the rare SRI-identified institutional clients. Furthermore, there is currently a debate over whether to open the employee savings plan to capitalized pensions. The role(s) of unions in this market then become(s) decisive, conferring upon them one or more forms of legitimacy − in a financial world that has long ignored them − and enabling them to politicize this debate. - Syndicaliste et/ou bénévole : mécénat d'entreprise et engagement dans le monde de l'entreprise - Anne Bory p. 141 Les politiques de mécénat d'entreprise sont une des composantes majeure de la RSE. Elles reposent de plus en plus sur l'implication des salariés comme bénévoles auprès d'associations extérieures intervenant dans le domaine de la solidarité. L'étude de ce bénévolat d'entreprise, centrée ici sur deux grandes entreprises françaises, met en évidence comment une politique de mécénat peut être conçue en dehors de la sphère d'intervention des organisations syndicales, ou bien au contraire comme un élément du dialogue social. Au-delà de ces dispositions patronales, les militants syndicaux s'intéressent de fait à ces politiques de mécénat mais les considèrent comme un sujet périphérique de l'action syndicale, quels que soient les enjeux du bénévolat d'entreprise pour la vie professionnelle des salariés. Cette relative distance s'explique notamment par les types d'engagement impliqués par le syndicalisme et le bénévolat d'entreprise, qui entraînent des relations à l'entreprise et des relations entre sphère professionnelle et sphère privée tout à fait différentes, voire antagonistes.Unionist and/or Volunteer: Corporate Philanthropy and Citizenship in the Corporate World
Corporate philanthropy is an important aspect of CSR. Corporate philanthropy policies demand more and more that employees and voluntary workers commit themselves to non-profit organizations. This study of corporate volunteerism, which focuses here on two leading French companies, illustrates how policies may be designed outside unions' sphere of action, or on the contrary, as an element of the social dialogue. Unionists take an interest in corporate volunteerism, but regard it as peripheral to union action, whatever the consequences of corporate volunteerism on employees' working lives might be. This relative inattention on the part of unions can be explained by the different definitions of citizenship implied by trade unionism and corporate volunteerism, which entail very different, indeed antagonistic, visions of employees' relationship to the company and relations between the private and the professional worlds.
- Introduction : La RSE, entre relations publiques et outil politique - Anne Bory, Yves Lochard p. 3