Contenu du sommaire : Ces réseaux numériques dits sociaux
Revue | Hermès (Cognition, Communication, Politique) |
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Numéro | no 59, 2011 |
Titre du numéro | Ces réseaux numériques dits sociaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Thomas Stenger, Alexandre Coutant p. 9-17
I. Réseaux sociaux ou réseaux socionumériques
- Réseaux sociaux, numérique et capital social : Entretien réalisé par Thomas Stenger et Alexandre Coutant - Nicole Ellison, Annike Thierry p. 21-23
- Du Web 2.0 au Web2 : fortunes et infortunes des discours d'accompagnement des réseaux socionumériques - Franck Rebillard p. 25-30 Lancées à quelques années d'intervalle, les formules Web 2.0 et Web2 ont connu des fortunes diverses. La première, exaltant la participation des internautes, a reçu un accueil extrêmement favorable. La seconde, appelant précisément à tirer profit des traces de cette participation, notamment via les réseaux socionumériques, n'a pas suscité pareil engouement. Un tel contraste est d'abord analysé à partir de deux textes de promotion du Web 2.0 et du Web2, écrits ou co-écrits par un auteur influent (Tim O'Reilly). Ils sont ensuite mis en regard avec les discours du principal acteur international en matière de réseaux socionumériques (Facebook) : l'argument d'une amélioration des services rendus aux utilisateurs, comme contrepartie de l'exploitation des données livrées par les internautes, est en particulier examiné. L'idéologie d'un partage entre internautes apparaît au final reformulée dans une vision plus pragmatique et partiale des opportunités procurées par l'interconnexion des données.From Web 2.0 to Web2 : changes in the ideological views surrounding social networking sites
Launched within just a few years of each other, Web 2.0 and Web2 have met with very different responses. Surfing on a wave of enthusiasm for user participation, Web 2.0 could not have been more favourably received. But Web2, banking on people making the most of user participation, especially through social networking, never caught on. This paper analyses these contrasting fortunes through two examples of promotional literature for Web 2.0 and Web2, both written or co-written by an influential author (Tim O'Reilly). We then compare these with the discourse of the leading international player in social networking (Facebook), giving particular attention to the argument that users get a better service in return for contributing their own information. We conclude that the ideology of sharing user input has been reformulated into a more pragmatic and partial view of the opportunities opened up by interconnected information. - Économie numérique et industries de contenu : un nouveau paradigme pour les réseaux - Pierre-Jean Benghozi p. 31-37 Par leur grande diversité, les industries de contenus marquent, avec Internet, la mobilisation de communautés et réseaux socionumériques au service de nouveaux paradigmes économiques. Ce phénomène central opère simultanément sur plusieurs registres. Il modifie les modes de conception et de développement des biens et services, il transforme la place et les pratiques des utilisateurs, il redéfinit les modèles d'affaires, les formes de commercialisation, les organisations comme les marchés sous-jacents. Les réseaux socionumériques dans les industries culturelles apparaissent ainsi comme le laboratoire d'expérimentation de nouvelles formes d'organisation, de travail et de marché.The digital economy and the content industry : a new paradigm for social networks
Because of its sheer diversity and thanks to the Internet, the content industry has been pressing digital communities and social networking sites into the service of new economic paradigms. This crucial development is operating on several different registers at once. It is changing the way goods and services are designed and developed, transforming user roles and practices and redefining business models, forms of marketing and the underlying organisations and markets. The culture industry seems to have become a laboratory for experimenting with new organisational, work and market patterns. - Retour à l'analyse des réseaux sociaux : Entretien réalisé par Thomas Stenger et Alexandre Coutant - Alain Degenne p. 39-42
- Réseaux sociaux et coopération entre concurrents - Emmanuel Lazega, Élise Penalva Icher p. 43-49 Cet article met en perspective sociologique la croissance de l'utilisation des réseaux socionumériques et propose une approche néo-structurale pour l'analyse des profils des utilisateurs. Il insiste notamment sur les comparaisons sociales et les jeux de statut comme l'une des dimensions de la rationalisation contemporaine de la gestion des interdépendances dans ces réseaux socionumériques. Cette rationalisation est mise en relation avec la flexibilisation des marchés du travail et l'affaiblissement des solidarités universalistes. L'analyse sociologique des réseaux met en évidence le travail relationnel et symbolique des acteurs qui cherchent à gérer ainsi leur capital relationnel, une rationalité sociale qui les guide, les rouages relationnels d'une discipline sociale complexe qui leur permet de se coordonner, qu'ils considèrent comme légitime et qui constitue aussi une composante du capital social du collectif. On suggère enfin que les avancées de la recherche sur les réseaux sociaux et organisationnels peuvent être mises à profit pour identifier les formes de discipline sociale qui émergent de ces nouvelles pratiques de construction d'une présence en ligne.Social networks and cooperation between competitors
This article brings a sociological perspective to bear on the increasing use of social networking sites and offers a neo-structural approach to analyses of user profiles. It lays particular emphasis on social comparison and the “status game” as one of the dimensions of contemporary rationalisation in the management of interdependencies in social networking sites. This rationalisation is added to increasing labour market flexibility and weakening universalist solidarity. Sociological analysis of these networks brings out the relational and symbolic work accomplished by those involved, as they seek to manage their relational capital. The social rationality that guides them enables them to cross-coordinate and the relational workings of a complex social discipline, which they see as legitimate and is also a component of the collective social capital. We suggest, finally, that advances in research on social and organisational networks could help to identify forms of social discipline that are emerging from the new practice of constructing on-line presence.
II. La visibilité du quotidien
- Des techniques de soi ambivalentes - Alexandre Coutant p. 53-58 Les réseaux socionumériques constituent des supports identitaires ambivalents pour leurs utilisateurs. À de nombreux égards, ils entretiennent des proximités avec les techniques de soi développées depuis l'Antiquité dans la société occidentale. Cette similarité explique certainement leur adoption si enthousiaste. Cependant, ces plateformes possèdent des caractéristiques particulières qui les éloignent des objectifs usuels des techniques de soi, destinées au développement de l'autoréflexivité et au soin de soi. Elles constituent davantage des outils d'expression de soi que des techniques de soi. Leur compréhension nécessite aussi de sortir d'une vision égocentrée de l'individu pour envisager la dimension fondamentalement co-construite de notre identité.Ambivalent self-realisation techniques
For Internet users, the way social networking sites are supporting identity-building may be seen as ambivalent. In many respects, they tend to suggest a similarity with the self-realisation techniques that have developed in western societies since antiquity, a similarity that clearly accounts for the enthusiasm with which social networking sites have been adopted. However, the networking platforms have a number of characteristics that distance them from the usual aims of self-realisation techniques, which are designed to develop self-reflection and self-care. They are tools for self-expression rather than techniques for self-realisation, and to understand them, we need to step outside the egocentric view to engage with the essentially co-constructed dimension of our identity. - Accès à l'information dans les réseaux socionumériques - Dieudonné Tchuente, Nadine Baptiste-Jessel, Marie-Francoise Canut p. 59-64 L'analyse des réseaux sociaux est menée dans le domaine des sciences sociales depuis les années 1930. Le premier enjeu pour réaliser ces analyses se situe dans la collecte de l'information sur la structure de ces réseaux et sur leurs activités. Avec l'avènement du Web 2.0 et des technologies du Web sémantique, plusieurs mécanismes de collecte d'information sont désormais envisageables. Cependant, très peu d'utilisateurs sont conscients des facilités d'atteinte et de manipulation de leurs traces d'activités et de leurs données personnelles de plus en plus rendus publics sur les réseaux socionumériques en particulier. Dans cet article, nous étudions les différentes approches permettant l'accès aux données dans les réseaux socionumériques, en nous intéressant ? dans le cas précis de Facebook ? à la qualité et la quantité de l'information accessible, et par conséquent, aux risques potentiels d'atteinte et de manipulation des données personnelles des utilisateurs par des tiers. Une expérimentation menée via l'API Facebook (sur 7 081 profils) démontre l'accessibilité à un nombre important d'informations pouvant permettre de reconstruire automatiquement le réseau réel d'un utilisateur à partir de son profil.Data accessibility on social networking sites
Social networks have been an object of analysis by the social sciences since the 1930s. The first challenge in performing these analyses is to gather information on the structure of these networks and on their activities. With the advent of Web 2.0 and semantic Web technologies, several different mechanisms can be used for this. However, few users are aware of how easy it is to access and manipulate the traces left by their activities and, especially on the social networks, by their personal data, which is becoming increasingly public. In this article, we look into the different ways of accessing data on the social networks, and – on Facebook in particular – into the quality and quantity of the information available and therefore the potential risks of users finding that third parties are accessing and manipulating their personal information. An experiment conducted via API Facebook (7 081 user profiles) shows that a great deal of information is accessible that can be used to automatically reconstruct a user's actual network from their profile. - Réappropriation des données et droit à la rediffusion - Mélanie Dulong de Rosnay p. 65-66
- Éducation et réseaux socionumériques : des environnements qui nécessitent une formation - Olivier Le Deuff p. 67-73 Nous exposons dans cet article les différentes interrogations posées par les réseaux socionumériques au sein de dispositifs de formation. Nous tentons de montrer qu'il est envisageable de repenser leur intégration au sein des systèmes éducatifs notamment pour montrer autant leur potentiels que leurs dangers. Nous montrons également les intérêts d'autres types de réseaux comme les plateformes de signets sociaux et les réseaux numériques thématiques comme ceux des loisirs créatifs pour envisager de nouvelles méthodes de formation.Education and the social networks : a world that needs to be trained for
This article discusses the different issues raised by social networking sites in the field of education. We try to show how their use in educational systems could be reconsidered, in particular to highlight both their potential and their dangers. We also show the potential contributions of other types of networks, such as social bookmarking sites and online thematic networks, on creative leisure activities for example, to ideas for new educational methods. - « On ne naît pas internaute, on le devient ... » - Geneviève Jacquinot-Delaunay p. 75-76
- À quel jeu joues-tu sur Facebook ? - Olivier Rampnoux, Valérie-Inés de La Ville p. 77-84 Cet article interroge l'originalité ludique du dispositif sociotechnique conçu par les réseaux socionumériques autour du profil pour organiser les différentes activités en ligne. Alors que les jeux constituent une des activités les plus prisées par les membres du réseau à laquelle ils consacrent un temps important, peu de recherches se sont focalisées sur l'analyse des activités ludiques sur les réseaux socionumériques. Par l'application de cadres conceptuels éprouvés pour analyser les jeux et activités ludiques, il est possible d'interroger la spécificité des modalités de jeux qui sont proposées sur les réseaux socionumériques. Une analyse centrée sur les fonctionnalités offertes par Facebook conduit à interroger de façon critique la nature même de l'activité ludique menée dans le contexte particulier des réseaux socionumériques.Facebook : What are you playing at ?
This article looks into the distinctively “playful” nature of the socio-technical system that social networking sites construct around user profiles in order to organize different online activities. Although games some of the most popular activities among network members, to which they devote a considerable amount of time, there have been few analyses to date of game-playing on social networking sites. A number of proven conceptual frameworks can be used to analyze online games and game-playing and to examine the particular patterns found on the social networking sites. Based on an analysis of Facebook features, we offer an in-depth discussion of the nature of the game-playing that takes place in the particular context of social networking sites. - Liberté des réseaux socionumériques, contrainte des chercheurs - Yves Gingras p. 85
- Des techniques de soi ambivalentes - Alexandre Coutant p. 53-58
III. À la poursuite du lien social
- Utilisation des réseaux socionumériques par les jeunes européens : Nouveaux résultats sur la vie privée, l'identité et les connexions sociales - Sonia Livingstone, Giovanna Mascheroni, Maria Francesca Murru, Annike Thierry p. 89-97 L'utilisation des réseaux socionumériques est sans doute l'activité en ligne qui enregistre actuellement la croissance la plus rapide parmi les jeunes. Cet article présente de nouvelles conclusions pan-européennes du projet EU Kids Online sur la façon dont les enfants et les jeunes exploitent les possibilités des réseaux peer-to-peer offertes par les réseaux socionumériques, en se basant sur une enquête menée auprès d'environ 25 000 jeunes (1 000 enfants de chacun des 25 pays de l'Union européenne). Globalement, 59 % des jeunes internautes européens âgés de 9 à 16 ans disposent de leur propre profil sur un site de réseau social. Malgré des craintes, couramment exprimées, de voir la vie des jeunes entièrement exposée en public, la moitié ont moins de cinquante contacts, la plupart des contacts sont des personnes que l'enfant connaît déjà personnellement, et plus de deux tiers ont des profils privés ou partiellement privés. L'objectif de l'analyse est donc de comprendre quand et pourquoi certains enfants cherchent à élargir leurs cercles de contacts en ligne, et pourquoi certains préfèrent dévoiler leur intimité plutôt que protéger leur vie privée. L'étude montre que les différences démographiques entre les enfants, les facteurs culturels dans les différents pays, et les affordances spécifiques des réseaux socionumériques ont tous une influence sur l'élaboration des pratiques en ligne des enfants en matière de vie privée, d'identité et de connexions sociales.Social networking among European children
Social networking is arguably the fastest growing online activity among youth people. This article presents new pan-European findings from the EU Kids Online project on how children and young people navigate the peer-to-peer networking possibilities afforded by social networking sites, based on a survey of around 25,000 children (1000 children in each of 25 countries). In all, 59 % of European 9-16 year olds who use the internet have their own social networking profile. Despite popular anxieties of lives lived indiscriminately in public, half have fewer than fifty contacts, most contacts are people already known to the child in person, and over two thirds have their profiles either private or partially private. The focus of the analysis, then, is to understand when and why some children seek wider circles of online contacts, and why some favour self-disclosure rather than privacy. Demographic differences among children, cultural factors across countries, and the specific affordances of social networking sites are all shown to make a difference in shaping the particularities of children's online practices of privacy, identity and connection. - Amitiés 2.0. Le lien social sur les sites de réseaux sociaux - Fabien Granjon p. 99-104 Dès les premières études sur les usages sociaux des dispositifs télématiques, l'un des chemins empruntés par la recherche fut celui de l'analyse des nouvelles modalités de lien social. Aujourd'hui, le succès des sites de réseaux sociaux relance cet intérêt. La possibilité de constitution de cercles relationnels étendus dont les membres peuvent potentiellement appartenir à des espaces sociaux éloignés des milieux de sociabilité ordinaires a notamment conduit à ce que se développent des recherches portant sur la constitution de ces réseaux d'« Amis », leur morphologie sociale, leur structure topographique ou, plus rarement, sur les motivations et le sens social de ces engagements numériques de soi couplés à des mobilisations d'autrui. S'intéressant au rôle que joue l'informatique connectée dans la construction du lien social, la recherche anglo-saxonne a notamment privilégié des approches s'inspirant des théories du capital social. Cet article rend compte des principaux résultats de ces études et souligne certaines de leurs limites. Quelques pistes de travail qui permettent d'aborder la question du lien social sur les sites de réseaux sociaux depuis des perspectives plus critiques sont également envisagées.Friendship 2.0. Social ties on social networking sites
From the very first studies on social uses of computer communication systems, researchers were already analysing the new kinds of social ties that were emerging. Today, the success of social networking sites has brought renewed interest in this topic. Possibilities for creating wide-ranging relational networks whose members may move in circles that are very far removed from ordinary social life have given rise in particular to studies on how these networks of “friends” come into being, on their social morphology, their topographical structure and, more rarely, on the motivations and social significance of online engagement, which goes hand in hand with other people's motivations. Looking into the role of online communication in the creation of social ties, research in the UK and USA has focused in particular on approaches based on theories of social capital. This article describes the main results of these studies and shows some of their limitations. We also consider several avenues for further research, from a more critical perspective, on the question of social ties on social networking sites. - L'usage des réseaux socionumériques : une intériorisation douce et progressive du contrôle social - Serge Proulx, Mary Jane Kwok Choon p. 105-111 Nous formulons et illustrons l'hypothèse que les sites de réseaux socionumériques constituent un mécanisme emblématique de la « société de contrôle » prophétisée par Gilles Deleuze. Au centre de ce dispositif, se retrouve en effet un double mouvement contradictoire : d'une part, le processus de captation capitalistique des informations déposées par les usagers contributeurs – nous pourrions décrire ce premier mouvement comme étant celui d'une surveillance institutionnelle se réalisant par le contrôle centralisé de l'information ; d'autre part, et de manière surprenante, l'on constate un consentement – voire même parfois, un désir – exprimée par de nombreux usagers d'exposer publiquement des informations et des images concernant leur vie personnelle, et cela malgré les risques (éthiques et professionnels) qui se rattachent à de telles opérations de dévoilement. Ce second mouvement apparaît être le mécanisme central du processus d'intériorisation douce du contrôle social par des usagers pratiquant une forme de « servitude volontaire » rattachée aux besoins du capitalisme informationnel, c'est-à-dire un système dont la production de la valeur économique est fondée sur l'agrégation en bases de données gigantesques et monétisables, des informations (souvent minimes à l'échelle individuelle) déposées sur les sites selon une logique du grand nombre (crowdsourcing).Social networking sites uses as a gradual and painless internalisation of social control
The hypothesis we put forward and illustrate in this article is that social networking sites have become a mechanism which is emblematic of the “society of control” prophesied by Gilles Deleuze. At its hub are two conflicting movements : one is a capitalistic process of capturing information posted by contributing users, which might be seen as a tendency towards institutional surveillance through centralised data control. The other is the somewhat surprising consent of many users – and even their active desire – for public disclosure of information and images on their private lives, despite the ethical and professional risks attached to these practices of self-disclosure. This second movement seems to be a central mechanism that governs a process of painless internalisation of social control by users, as they consent to a kind of voluntary enslavement to the needs of information capitalism, in other words to a system where the production of economic value is based on aggregating, or “crowdsourcing”, often minuscule items of information (at the individual level) into gigantic databases capable of generating money. - Du Kula à Facebook : le poids du prestige - Brigitte Munier p. 113-116 Rapprocher Facebook du Kula mélanésien, un système archaïque d'échanges intertribaux décrit par Marcel Mauss, permet de souligner la capacité de la plateforme phare du Web 2.0 à répondre à des besoins socioculturels anthropologiquement attestés. Tous deux obéissent à une contrainte implicite de réciprocité qui, au-delà du contenu matériel des échanges, possède une fonction symbolique : les interactions mises en œuvre et la recherche de partenaires traduisent une quête de prestige, de mana selon le fameux terme chinook. Le Kula et les murs de Facebook offrent une immense vitrine où chacun valorise son mana et scrute celui d'autrui tout en cherchant de nouveaux partenaires. Mobiliser le Kula tel un modèle de Simmel – un schème d'intelligibilité – indique l'ancienneté de ces traits culturels : la combinaison des dimensions matérielle et symbolique dans les échanges entre pairs et, en l'absence d'instance régulatrice, le risque lié à l'emballement de ce processus inévitablement concurrentiel.From Kula to Facebook : the power of prestige
Our comparison between Facebook and Melanesia's Kula, an archaic system of inter-tribal exchanges described by Marcel Mauss, has highlighted the ability of the flagship Web 2.0 platform to respond to anthropologically verified socio-cultural needs. Both systems obey an implicit demand for reciprocity, which, over and above the actual content of exchanges, has a symbolic function : the interactions at play and the search for partners reflect a quest for prestige, or mana as it is famously known in Chinook. Kula and Facebook's walls are a gigantic shop window where anyone can show off their mana and look at other people's, while also seeking out other partners. The use of the Kula as described by Simmel – as a model of intelligibility – suggests the ancient roots of these cultural traits : the combination of material and symbolic dimensions in exchanges between peers and, if there is no regulating authority, the risk that this inevitably competitive process may run out of control - Réseaux socionumériques et solidarité - Alain Kiyindou p. 117-122 Cet article questionne les usages des réseaux sociaux, décèle les signes et expression d'actes solidaires ou de partage. Il s'agira donc d'observer ce qui se donne à voir sur des réseaux socionumériques considérés comme nouveaux et émergents dans une diaspora « reconnue » par son caractère solidaire. Cette réflexion s'appuie sur des données issues d'une enquête en ligne, réalisée sur la base d'un questionnaire, auprès d'internautes de la diaspora. En effet, la question de la diaspora est nécessairement liée à celle de la solidarité dans la mesure où elle implique une recherche d'amélioration des conditions de vie du pays ou de la région d'origine. Quant à la solidarité, elle est indissociable de la réflexion sur le lien social dans la mesure où ce dernier traduit tout ce qui maintient, entretient une solidarité entre les membres d'une même communauté.Social networking sites and solidarity
In discussing the various uses of social networks, this article seeks to highlight signs and expressions of solidarity and sharing. We therefore observe what is being disclosed on emerging social networking sites that are seen as newcomers to a diaspora which is “recognised” as rooted in solidarity. Our discussion draws on data from an online survey conducted through a questionnaire among web users within the diaspora. The diaspora idea necessarily stems from the question of solidarity, insofar as it implies the goal of improving living conditions in the country or region where it originated. As for solidarity, this is inseparable from the question of social ties, since these reflect anything that maintains and sustains solidarity between the members of a community. - Homme en réseau, homme augmenté - p. 123-124
- Utilisation des réseaux socionumériques par les jeunes européens : Nouveaux résultats sur la vie privée, l'identité et les connexions sociales - Sonia Livingstone, Giovanna Mascheroni, Maria Francesca Murru, Annike Thierry p. 89-97
IV. L'instrumentalisation des réseaux socionumériques
- La prescription de l'action collective : Double stratégie d'exploitation de la participation sur les réseaux socionumériques - Thomas Stenger p. 127-133 Les sites de réseaux socionumériques, Facebook en premier chef, ont développé une véritable stratégie d'exploitation de la participation, originale et sophistiquée. Elle consiste à instrumentaliser chaque utilisateur de la plateforme en le plaçant en situation de prescripteur ordinaire auprès de son propre réseau socionumérique. Par le biais d'applications spécifiques et d'une structure sociale particulière, il est converti en relais prescriptif. Dans ce système de prescription généralisée, au moins deux finalités peuvent être identifiées : la prescription de la consommation et des marques dans une logique marketing, et la prescription de l'action collective sur les réseaux socionumériques.Everyday prescriptions on social networking sites
Social networking sites, and Facebook in particular, have developed an original and sophisticated strategy for exploiting user participation. This involves instrumentalising every platform user by putting them in a position where they themselves have to prescribe usage on their own online networks. Through specific applications and a particular social structure, every user becomes a prescriptive relay. In this relentlessly prescriptive system, it is possible to identify at least two goals: prescribed consumption and brand names following a marketing logic, and prescribed collective action through online social networking. - Obama 2008 : l'inflexion numérique - François Heinderyckx p. 135-136
- Les enjeux économiques de la géolocalisation pour les réseaux sociaux numériques - Marc Bassoni, Félix Weygand p. 137-142 Depuis quelques années, les réseaux sociaux numériques et les usages qu'ils nourrissent ont pris une place significative au sein de la galaxie Internet. Parmi ces réseaux, ceux qui pratiquent la gratuité pour les utilisateurs finaux n'ont pas encore stabilisé leur modèle économique et ce, malgré les audiences dont ils bénéficient (Facebook, par exemple). Pour ces réseaux, le défi est désormais de convertir leur succès d'estime en espèces sonnantes et trébuchantes ; en d'autres termes, de mettre leurs capacités de ciblage et de filtrage des internautes, et des communautés que ces derniers forment, au service d'annonceurs solvables. Comme le montre l'exemple d'aka'aki, réseau social géolocalisé sur l'Internet mobile, la voie est étroite et le succès non encore garanti. La défiance croissante des internautes à l'endroit de la « marchandisation » des données privées constitue la limite principale du « business model » en gestation.Social networking sites and the economic challenge of geolocation
In the last few years, social networking sites and the uses they are generating have become a rapidly expanding star in the Internet galaxy. Among these networks, those that end users can access free of charge do not yet have a stable economic model, despite their wide audiences (Facebook, for example). The challenge now facing these networks is how to turn their popular success into actual cash ; in other words, how to press their capacities for targeting and filtering web users, and the communities they form, into the service of solvent advertisers. As shown by the aka'aki example, a geolocated mobile online network, the path is a narrow one and there is no guarantee of success. Increasing suspiciousness among Internet users as regards the transformation of private information into a marketable commodity is the main limitation to the business model now emerging. - Viadeo : réseaux sociaux et networking : Entretien réalisé par Thomas Stenger et Alexandre Coutant - Olivier Fecherolle p. 143-146
- La veille technologique à l'ère des médias sociaux : content de ce que génèrent les utilisateurs. Le cas Twitter - Olivier Desbiey p. 147-149
- Les réseaux sociaux numériques en Chine : une constellation de petits mondes - Éric Sautedé p. 151-158 Les réseaux sociaux numériques ont connu en Chine un engouement massif, et cela dès leur introduction en 2007. On compte aujourd'hui 210 millions d'utilisateurs de « sites d'échanges sociaux », soit exactement la moitié des 420 millions d'internautes chinois, et les autorités chinoises soulignent désormais que ce développement des réseaux sociaux numériques est « irrésistible ». Comme souvent pour la Chine, la tyrannie des nombres n'a d'égale que l'originalité des usages. C'est cette originalité bornant à la singularité des « caractéristiques chinoises » – étroitesse des liens entre réseaux sociaux numériques de socialisation et de navigation, domination des plateformes nationales, « harmonisation » des contenus, prévalence des liens forts, etc. – que nous nous efforçons de mettre au jour en nous intéressant successivement aux utilisateurs, aux plateformes et au rôle particulier joué par l'État-parti chinois dans les structures sociales. Une fois encore, l'héritage communiste s'affiche comme une subtile synthèse entre contrôle des pratiques et mobilisation des individus et des organisations sociales, tout en tolérant les vertus cathartiques et correctives des émois populaires liés aux sentiments d'injustice.Social networking sites in China : a constellation of small worlds
Social networking sites have spread like wildfire in China, ever since the first sites appeared there in 2007. There are now some 210 million people using “social exchange sites”, which is exactly half of all Internet users in China, and the Chinese authorities are saying that the development of social networking sites is “irresistible”. As is often the case in China, the weight of numbers is equalled only by the distinctiveness of their Internet uses. It is this distinctiveness, which borders on the singular – very close links between online socialisation and navigation networks, predominance of national sites, content “harmonisation”, prevalence of strong links, etc. – that we attempt to bring out here, by successively investigating users, sites and the particular role played by China's one-party State in the country's social structures. The legacy of Communism once again stands out as a subtle mix between control over practices and the mobilisation of individuals and social organisations and a tolerance of the cathartic and corrective virtues of popular emotion aroused by feelings of injustice. - Internet dans la révolution tunisienne - Mokhtar Ben Henda p. 159-160
- Chabab el Facebook : the Face of Egypt ! - Myriam Raymond p. 161-162
- Ingénierie de la connaissance, industrie de la connaissance - Jacques Perriault p. 163-164
- La prescription de l'action collective : Double stratégie d'exploitation de la participation sur les réseaux socionumériques - Thomas Stenger p. 127-133
Varia
- La cyberdépendance : un objet pour les sciences de l'information et de la communication - Nicolas Oliveri p. 167-171 La cyberdépendance est un phénomène dont l'étude relève, encore aujourd'hui, largement de la psychologie. En abordant cette problématique sous l'angle pluridisciplinaire des sciences de l'information et de la communication, ce nouvel objet peut permettre la mise à distance de discours convenus sur la technophilie, mais également, sur une certaine technophobie. Ainsi, en abordant l'univers des jeux vidéo et d'Internet, il est désormais possible de prendre la mesure de la croissance multiforme des mondes virtuels, mais aussi et surtout, des risques inhérents de dépendance, liés à ces pratiques et, plus largement, aux usages des techniques de l'information et de la communication. L'intérêt de notre démarche serait donc de relativiser, d'une part, un discours particulièrement élogieux à l'égard des nouvelles technologies, mais dans le même temps, montrer que la technique, aussi puissante soit-elle, reste tributaire de variables culturelles fortes. Les résultats d'une enquête empirique permettront alors de mieux comprendre comment s'articulent les relations entre l'individu, la technique et la culture, en montrant comment cette dernière parvient finalement à canaliser la technique.Internet addiction : an object for the information and communication sciences
Studies on Internet addiction are still largely confined to the field of psychology. However, addressing this new object from the multidisciplinary angle of the information and communication sciences can help to step back from conventional discourses on technophilia, but also on some instances of technophobia. Investigating the world of video and Internet games makes it possible to take stock of the many-faceted growth of virtual worlds, but also, and especially, of the inherent addictiveness of game playing and the use of information and communication technologies in general. The value of our approach lies therefore in taking an objective view of the consistently eulogistic discourse on new technologies while showing at the same time that technology, for all its power, will always be dependent on strongly marked cultural variables. The results of our empirical investigation shed light on the interaction of relationships between people, technology and culture, to show that, ultimately, it is culture that channels technology and not the reverse. - Philosophie des sites de rencontres - Marc Parmentier p. 173-178 L'objectif de cet article est de recenser quelques problématiques de philosophie morale susceptibles d'éclairer la nature des interactions sur les sites de rencontres. L'abondance du possible pose la question du rôle de l'imagination. Mais le virtuel n'est pas réductible au fictif et au fantasme, car les échanges à distance sont bien réels. Les témoignages et les enquêtes sociologiques révèlent qu'ils instaurent une sorte d'état de nature où domine la défiance suscitée par la mauvaise foi généralisée. La communication s'oriente donc vers des échanges standardisés, conformes aux valeurs du « marketing de la séduction », et, paradoxalement, vers une dépersonnalisation des protagonistes. Mais le jeu avec l'identité se heurte au problème de la responsabilité morale et aux nouveaux puzzles moraux que suscitent les univers virtuels. À titre d'exemple, il semble très difficile de répondre à la question de savoir si un adultère virtuel constitue ou non une faute morale.Web dating and moral philosophy
This article looks into a series of moral philosophy issues that may shed light on the nature of the interactions taking place on web dating sites. Their wealth of possibilities raises the question of the role of imagination, but the virtual world is more than just fiction and fantasy, since the cyber-exchanges taking place are real. Personal stories and sociological surveys show that these exchanges establish a kind of natural state in which suspicion, arising from a sense of systematic bad faith, prevails. Communication therefore generally follows a standard pattern that obeys the rules of “seduction marketing” and, paradoxically, tends to depersonalise the protagonists. But the identity game then comes up against the question of moral responsibility and the new moral quandaries raised by the virtual world : it seems very difficult to decide, for example, whether virtual adultery is morally wrong, or not. - La télévision et Internet dans les élections Brésiliennes de 2010 - Juremir Machado Da Silva, Erwan Pottier p. 179-183 Cet article vise à éclairer le rôle de la télévision et d'Internet dans la campagne de 2010 qui a abouti à l'élection de Dilma Rousseff à la présidence du Brésil. Ce faisant, il s'agit de considérer, d'une part, l'analyse d'un expert en communication politique sur l'influence des réseaux sociaux et des médias traditionnels dans les élections remportées par la candidate du Parti des Travailleurs ; d'autre part, de discuter les positions de Dominique Wolton sur le journalisme, Internet, l'information, l'opinion et la communication, en correspondance avec différents points de vue intellectuels à propos d'un événement politique majeur.Television and Internet in the 2010 brazilian presidential election's
This article aims at shedding light on the role of television and Internet during de 2010 campaign, up to the election of Dilma Rousseff as President of Brazil. While taking into consideration a political communication expert's analysis about the influence of social networks and traditional medias in the election of the Partido dos Trabalhadores candidate, it discusses the ideas of Dominique Wolton on journalism, Internet, information, opinion and communication, at the intersection with various intellectuals thoughts in regards to a major political event.
- La cyberdépendance : un objet pour les sciences de l'information et de la communication - Nicolas Oliveri p. 167-171
Hommage
- Mohammed Arkoun (1928-2010) : L'affranchissement de la raison critique en contextes islamiques - Mohamed Nachi p. 187-190
- Claude Lefort (1924-2010) : Avec Lefort - Edgar Morin p. 191-197
- Jean Meyriat (1921-2010) : Le paradoxe de la discrétion - Anne-Marie Laulan p. 199-200
Lectures
- Lectures - Brigitte Chapelain p. 201-212