Contenu du sommaire : Political Rhetoric in Early China
Revue | Extrême-Orient, Extrême-Occident |
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Numéro | no 34, 2012 |
Titre du numéro | Political Rhetoric in Early China |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction: Political Rhetoric in Early China - Paul Van els, Elisa Sabattini p. 5
I. Difficulties and Dangers of Political Persuasion
- Sly Mouths and Silver Tongues: the Dynamics of Psychological Persuasion in Ancient China - Albert Galvany p. 15-40 Les débuts de la réflexion philosophique en Chine ancienne sont indissociables de la conscience aiguë des dangers potentiels d'un discours rhétorique. Malgré tous les efforts de Confucius pour subordonner le discours à un code éthique afin d'instaurer une relation stricte et appropriée entre les noms et les choses, l'époque des Royaumes Combattants est marquée par l'influence intellectuelle et politique croissante d'une nouvelle classe d'orateurs qui, dépourvue de toute considération morale, conçoit les effets de persuasion d'un point de vue purement stratégique. Comme dans l'art de la guerre, tel qu'il est conçu et pratiqué en Chine ancienne, ce type de persuasion psychologique exige l'adaptabilité, la malléabilité, la simulation et la dissimulation ; il préconise également d'avoir une connaissance exhaustive de l'interlocuteur, de dévoiler les émotions de ce dernier et, en même temps, d'enfouir ses propres intentions au plus profond de soi-même. Le présent article s'efforce de montrer les principes communs à ces techniques rhétoriques ainsi que les tentatives les plus efficaces pour neutraliser et déjouer la force persuasive de ces orateurs, diplomates et conseillers.The philosophical adventure begins in ancient China with a clear consciousness of the power and the potential dangers deriving from the rhetorical use of words. In spite of all the efforts made by Confucius in order to subjugate discourse to an ethical code and to certify a strict and appropriate relationship between names and deeds, the truth is that the Warring States period is characterized by the increasing intellectual and political influence of a new class of orators who, stripped of any moral attachment, consider persuasion from a purely strategic perspective. As in the art of war, as it was understood in early China, this kind of persuasion based on psychological skills needs malleability, adaptability, simulation and dissimulation; exhaustive knowledge about the adversary and, at the same time, impenetrable secrecy and opacity concerning one's own intentions. In my paper, I will try to show the essential dynamics of these rhetorical techniques as well as some of the most relevant attempts to neutralize and evade the persuasive capacity of orators, diplomats and counsellors.
- Rhetoric that Kills, Rhetoric that Heals - Romain Graziani p. 41-78 Le contexte politique d'un essaim de courtisans lancés dans une âpre course pour se gagner l'oreille et recueillir la faveur d'un seigneur dont l'autorité ne se voyait bornée par aucun mécanisme institutionnel, rend en partie raison du caractère hasardeux et souvent fatal de la persuasion politique à l'époque des Royaumes Combattants. La dangereuse oscillation de ces discours entre raison et trahison, salut et suicide, fait l'objet du présent article, qui loin de prétendre épuiser les richesses et les ambiguïtés de chacun des textes qu'il évoque, vise avant tout à repérer et évaluer un répertoire d'attitudes distinctes, depuis l'optimisme cognitif jusqu'au pessimisme moral, face à la possibilité du langage de convaincre et d'influencer son interlocuteur.Dans la lancée des conceptions équivoques sur les ressources du langage que l'on trouve dans le Han Feizi ainsi que dans les Stratagèmes des Royaumes Combattants, certains des discours que j'examine dans cette étude ont pour trait distinctif de déployer une rhétorique qui n'ambitionne pas de l'emporter sur un tiers, ou de gagner quelque chose en particulier ; ils s'emploient bien plutôt à réaliser ce qui constitue l'aspiration suprême en Chine de toute personne éduquée : changer le souverain, réformer son esprit, déclencher un processus de transformation retentissant sur tout le corps politique.The political context of a throng of courtiers engaged in keen competition to be heard by a lord whose power was not limited by any institutional mechanism, accounts for the highly risky and often deadly game of political persuasion in the pre-imperial period. In this article I examine how early Chinese speeches of persuasion hover between reason and treason, salvation and suicide. Without seeking to exhaust the wealth and ambiguities of each text drawn on, I aim to identify and evaluate contrasting attitudes, ranging from cognitive optimism to moral pessimism, regarding the capacity of language to convince and influence the listener or improve his behavior.After analyzing in the Han Feizi and in the Intrigues of the Warring States a type of deliberative rhetoric that disregards moral ends, I turn to situations where, for once, rhetoric does not serve the purpose of winning a case, obtaining something specific or defeating an opponent, but seeks to accomplish the highest task of the educated man (shi) : that of changing the ruler, reforming his mind, triggering a process of transformation that may have an impact on the political body at large.
- Sly Mouths and Silver Tongues: the Dynamics of Psychological Persuasion in Ancient China - Albert Galvany p. 15-40
II. Overt and Covert Rhetoric against Ruling Elites
- Alienating Rhetoric in the Book of Lord Shang and its Moderation - Yuri Pines p. 79 Le Livre du Seigneur Shang, attribué à Shang Yang (?-338 av. J.-C.) et ses disciples, est l'un des textes les plus controversés de l'époque des Royaumes Combattants. De façon concomitante à leur implication dans ce qui peut être qualifié de polémique « normale » avec leurs opposants, les auteurs adoptent parfois une rhétorique de provocation radicale en s'en prenant à des idées et des valeurs adoptées par l'immense majorité des membres de l'élite lettrée. Une telle rhétorique est pleinement manifeste dans les chapitres 3 et 4, qui semblent appartenir à la strate la plus ancienne de l'ouvrage. Les auteurs y tournent en dérision les valeurs morales fondamentales et en appellent à l'établissement d'un régime dans lequel « des crapules dirigent le bon peuple » ; afin de s'assurer une victoire militaire, ils prônent la mise en œuvre de « tout ce dont l'ennemi aurait honte ». De telles déclarations peuvent rendre compte de la réaction très négative que le Livre du Seigneur Shang et son auteur supposé, Shang Yang, suscitèrent parmi les intellectuels tout au long de l'histoire chinoise, depuis la période des Royaumes Combattants jusqu'à nos jours.Dans cet article, je défends l'idée que si la rhétorique adoptée dans les deux chapitres les plus anciens du Livre du Seigneur Shang pouvait apparaître en effet des plus provocantes aux yeux de la plupart des lecteurs, elle pourrait avoir eu pour destinataires certains membres de l'élite intellectuelle attirés par la nouveauté du texte et les libertés que prend ce dernier par rapport aux conventions. Je montre aussi combien cette rhétorique radicale se modère dans les strates postérieures du Livre du Seigneur Shang et je conclus que le changement de modèle rhétorique dans cet ouvrage nous aide à mieux comprendre la nature, la composition et la périodisation de chacun de ses chapitres.The Book of Lord Shang, supposedly composed by Shang Yang (d. 338 bce) and his disciples, is one of the most controversial texts of the Warring States period. Aside from engagement in what may be defined as “normal” polemics with ideological opponents, the authors at times adopt a radically alienating rhetoric, assaulting ideas and values which were overwhelmingly cherished by members of the educated elite. This rhetoric is fully visible in two chapters (3 and 4), which apparently belong to the early layer of the book. There, the authors deride fundamental moral values; call for establishing a regime in which “scoundrels rule the good people”; and advocate military victory by performing “whatever the enemy is ashamed of.” These pronouncements may explain the strongly negative reaction that the Book of Lord Shang and its putative author, Shang Yang, generated among intellectuals from the Warring States period, throughout the imperial era and well into our time. In my article I argue that while the rhetoric adopted in the two early chapters of the Book of Lord Shang was alienating for most readers, it could have targeted those members of the intellectual elite who were attracted by the text's novelty and freedom from conventions. I further show how this harsh rhetoric was moderated in the later layers of the Book of Lord Shang and conclude that analyzing the changing rhetorical patterns in the text may help us to understand better its nature, composition, and the periodization of individual chapters.
- "Waiting for the Sages of Later Generations" : Is there a Rhetoric of Treason in the Shiji? - Dorothee Schaab-Hanke p. 111-140 Cet article étudie cinq passages du Shiji dans lesquels l'auteur invite les sages et hommes de bien des générations futures à se référer aux données historiques qui y sont présentées. Ces cinq passages renvoient tous à un extrait spécifique du Gongyang zhuan, lequel expose l'enseignement dispensé par Confucius dans les Annales des Printemps et Automnes. Celles-ci font mention à la 14e année de règne du duc Ai de Lu de la capture d'une licorne, et le commentaire rapporte la réaction de Confucius à cet événement, qu'il aurait déchiffré comme un signe lui indiquant qu'il était désormais temps pour lui de se consacrer aux sages et aux hommes de bien des générations à venir.Un examen approfondi des cinq chapitres du Shiji dans lesquels se trouve une allusion au Gongyang zhuan montre que tous évoquent des éléments associés au règne d'un sage. Or, de tels éléments sont eux-mêmes liés, directement ou indirectement, aux mesures prises par l'empereur Wu de la dynastie des Han (qui régna de 141 à 87 av. J.-C.), suggérant ainsi que ce dernier ne peut guère être considéré comme un sage souverain. Il est remarquable que dans ces cinq cas, les intentions de l'empereur Wu revêtent plus d'importance que ses actes eux-mêmes. Pourtant, et c'est ce que l'article s'entend à démontrer, le point de vue critique de l'historiographe constitue plus qu'un simple avertissement formulé à l'empereur dans l'espoir de le voir changer et devenir en fin de compte un sage souverain. À travers ses allusions aux Gongyang zhuan, l'historiographe prononce un jugement définitif sur l'empereur en s'adressant en réalité, à l'instar de Confucius, aux lecteurs des générations futures. Ce faisant, il encourt l'accusation de haute trahison, sans pour autant que ce risque l'ait empêché de remplir son devoir de « scribe accompli » (liangshi), qui consistait à composer un récit véridique (shilu).This paper explores five passages in the Shiji in which the author addresses sages and superior men of later generations and encourages them to draw conclusions from the historical facts presented there. All five passages allude to one specific passage in the Gongyang zhuan, a text that transmits the teachings of Confucius relating to the “Spring and Autumn” Annals (Chunqiu). Under the entry relating to the 14th reign year of Duke Ai of Lu (481) in which the capture of a unicorn is recorded, the Gongyang commentary reports on Confucius' reaction to this event: the arrival of this auspicious animal meant to him that the time had come to devote his work to sages and superior men of later generations.Closer examination of the five Shiji chapters in which the allusion to the Gongyang zhuan occurs reveals that they all discuss aspects related to the rule of a sage. These aspects are all—directly or indirectly—related to measures taken by Emperor Wu of the Han dynasty (r. 141-87), implying that this emperor can scarcely be regarded as a sage ruler. Importantly, in all five cases the intention behind this emperor's deeds is given more weight than the deed itself. However, as will be argued, the historiographer's critical assessment is more than merely a warning addressed to his emperor in the hope he might change his mind and become a sage ruler in the end. Rather, by using this allusion to the Gongyang zhuan the historiographer passes a final judgement on his own emperor, by devoting his work, very much like Confucius before him, only to the readers of a future generation. By doing so, the historiographer incurred the risk of being charged with high treason, but this did not prevent him from fulfilling the duty of an “excellent scribe” (liangshi), namely compiling a “true record” (shilu).
- Alienating Rhetoric in the Book of Lord Shang and its Moderation - Yuri Pines p. 79
III. Stories and Slogans as Rhetorical Tool
- Tilting Vessels and Collapsing Walls?On the Rhetorical Function of Anecdotes in Early Chinese Texts - Paul Van els p. 141-166 Les textes philosophiques de la Chine ancienne fourmillent d'anecdotes. Ces brefs récits d'événements historiques marquants n'ont pas seulement vocation à parer un texte d'un attrait supplémentaire, ils revêtent une fonction rhétorique de première importance, dans la mesure où ils aident le lecteur à comprendre, accepter et se remémorer les arguments mis en avant par ledit texte. Dans cet article, j'examine ce type de rhétorique dans deux textes des Han occidentaux (202 av. J.-C.-9 ap. J.-C.) : Les Illustrations Han des Odes à l'adresse des non-initiés (Hanshi waizhuan) et les Écrits du Maître de Huainan (Huainanzi). Ces deux textes font un usage original de l'anecdote, notamment afin d'illustrer des citations de sources canoniques. En m'appuyant sur l'étude de plusieurs types de combinaisons d'anecdotes et de citations, j'avance l'idée que de telles associations visent à présenter les auteurs de ces textes comme des guides du savoir, possédant une intelligence authentique autant des événements historiques que des textes canoniques, et dotés du talent nécessaire pour combiner les deux avec succès.Early Chinese argumentative texts are full of historical anecdotes. These short accounts of events in Chinese history enhance the appeal of the text, but they also have an important rhetorical function in helping the reader understand, accept, and remember the arguments propounded in the text. In this paper I examine the rhetorical function of historical anecdotes in two argumentative texts of the Western Han dynasty (202 bce-9 ce): Han's Illustrations of the Odes for Outsiders and The Master of Huainan. These two texts found creative use for anecdotes, namely as illustrations of quotations from canonical sources. Through case studies of several combinations of anecdotes and quotations, I argue that the combinations serve to present the creators of these texts as beacons of knowledge with profound understanding of historical events and canonical literature, and with the necessary skills to fruitfully combine the two.
- "People as Root" (min ben) Rhetoric in the New Writings by Jia Yi (200-168) - Elisa Sabattini p. 167-194 L'idée ancienne de « primauté du peuple » (min ben) a connu un renouveau en Chine depuis le début du xxe siècle ; elle est généralement associée à la philosophie de Confucius (551-479 av. J.-C.) et de Mencius (ca 379-304 av. J.-C.). Contrairement à la lecture traditionnelle de ce slogan qui y voit la manifestation de vertus favorables au peuple et la clé d'un mode de gouvernement authentique, cet article s'emploie à montrer l'usage rhétorique de cette expression en examinant le « Grand Commandement, sections 1 & 2 » des Nouveaux écrits, une collection de textes attribués au lettré Jia Yi (200-168 av. J.-C.) de la dynastie des Han antérieurs. L'appel au « peuple » relève plus du registre émotionnel qu'il ne reflète un ensemble de politiques en la faveur de ce dernier et l'expression « primauté du peuple » vire aisément au procédé rhétorique. La « primauté du peuple » fait en effet partie de la phraséologie de Jia Yi, largement influencé par ces hommes d'État qu'étaient Shang Yang (390-338 av. J.-C.), Shen Buhai (ca 400-337 av. J.-C.) et Han Feizi (ca 280-233 av. J.-C.). Pour Jia Yi, le peuple – les racines mêmes de l'empire – représente un danger potentiel qui doit être contrôlé.The ancient idea of the “people as root,” which experienced a revival in China starting from the early twentieth century, is usually related to the philosophy of Confucius (551-479 bce) and Mengzi (ca 379-304 bce). Contrary to the traditional reading, which perceives the manifestation of virtues that benefit the people as the key to genuine leadership, this paper aims to stress the rhetorical use of the expression “people as root” and mainly focuses on the “Great Command, Part I” and “Great Command, Part II” of the New Writings, a collection of texts ascribed to the Former Han empire (202 bce-9 ce) scholar Jia Yi (200-168 bce). Its appeal to “the people” is due to its “emotive connotation” rather than signifying a concrete set of people-oriented policies and the “people as root” easily became a rhetorical device. The “people as root” is part of the political phraseology of Jia Yi and is strongly influenced by statesmen such as Shang Yang (390-338 bce), Shen Buhai (ca 400-337 bce) and Han Feizi (ca 280-233 bce). According to Jia Yi, the people—the grassroots of the empire—are potentially dangerous and must be controlled.
- Tilting Vessels and Collapsing Walls?On the Rhetorical Function of Anecdotes in Early Chinese Texts - Paul Van els p. 141-166
IV. Regards extérieurs
- Political Rhetoric in China and in Imperial Rome: the Persuader, the Ruler, the Audience - Alexander Yakobson p. 195-204
- Paroles justes, paroles efficaces - Gabrielle Radica p. 209-216