Contenu du sommaire : Travailleurs saisonniers dans l'agriculture européenne
Revue | Etudes rurales |
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Numéro | no 182, 2008 |
Titre du numéro | Travailleurs saisonniers dans l'agriculture européenne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les migrants dans l'agriculture : vers une crise de main-d'oeuvre ? : Introduction - Alain Morice, Bénédicte Michalon p. 9
- Les paradoxes de la formalisation de la relation salariale en milieu rural (Briançonnais) - Annie Lamanthe p. 29-44 Quoique très anciennes, les formes de flexibilité du travail salarié agricole ont été très peu étudiées par la sociologie du travail. Or elles relèvent d'un modèle plus général qui inclut d'autres secteurs d'activité (commerce, hôtellerie-restauration, construction) et constituent à ce titre un objet d'étude à part entière. Ces formes reposaient principalement sur une gestion paternaliste de la relation salariale. Avec les transformations socio-économiques des années 1980 sont apparues une distanciation relationnelle et géographique entre employeurs et employés ainsi qu'une pénétration croissante du juridique dans leurs relations. S'appuyant sur la région du Briançonnais, très représentative de la saisonnalité de l'emploi, l'auteure montre que, paradoxalement, la juridicisation de ce type d'emploi, surtout dans le cas des travailleurs recrutés à l'étranger, permet aux employeurs de faire des entorses à leurs obligations.
- Travail agricole et « carrières» des sans-papiers algériens dans la Drôme - Marie-Thérèse Têtu p. 45-60 Avant de pouvoir obtenir un permis de séjour et de travail en France, les sans-papiers algériens que nous avons suivis dans la Drôme entre 2001 et 2004 cumulent plusieurs activités dans des secteurs diversifiés, parmi lesquels l'agriculture joue un rôle pivot. L'emploi agricole est pour eux une étape indispensable dans une trajectoire qui vise une stabilisation juridique et économique. Cette activité, saisonnière mais néanmoins régulière, constitue une porte d'entrée dans l'emploi, une base arrière et un refuge où ils n'entendent toutefois pas « faire carrière ». Les parcours de ces sans-papiers s'inscrivent dans le cadre du développement de l'informalisation du travail en France et permettent de prendre la mesure des effets de cette informalisation sur les rapports sociaux, dans le travail et hors du travail.
- Quelques repères sur les contrats OMI et ANAEM - Alain Morice p. 61-68
- Flexibilité interne et flexibilité externe dans le contrat OMI - Aurélie Darpeix p. 69-86 Depuis les années 1980, l'émergence de formes atypiques de l'emploi et la déstabilisation des marchés internes du travail sont au coeur de nombreux débats. Dans ce contexte, deux formes polaires de flexibilité du travail sont généralement opposées : la flexibilité interne, qui prend appui sur les travailleurs de l'entreprise, et la flexibilité externe, synonyme du recours au marché externe du travail. Chacune de ces deux formes est rattachée de manière schématique à un contrat de travail particulier : contrat permanent (CDI) ou contrat temporaire. Notre article s'intéresse à une forme de contrat temporaire spécifique : le contrat OMI. Ce contrat d'immigration de travail est principalement utilisé dans le secteur agricole, soumis à de fortes fluctuations d'activité. Nous mettrons en évidence que ce contrat allie les caractéristiques de ces deux formes de flexibilité, remettant en cause la dichotomie traditionnelle qui les sépare. Nous suggérons en outre que la flexibilité qu'il renferme peut être mobilisée de manière différente selon le système de production dans lequel il est utilisé.
- Quand la France recrute en Pologne : Réseaux transnationaux et main-d'oeuvre agricole - Bénédicte Michalon, Swanie Potot p. 87 Le recrutement de la main-d'oeuvre agricole temporaire dans le sud de la France est caractérisé, depuis presque une décennie, par le recours croissant à des migrants d'Europe centrale et orientale, polonais principalement. Les auteures se demandent comment, anticipant le processus d'élargissement de l'Union européenne, une « niche d'emploi», traditionnellement occupée par des Maghrébins et des Européens du Sud, s'est progressivement ouverte à cette catégorie de travailleurs inconnue jusqu'alors dans le secteur agricole français. Sont identifiées les principales causes de cette évolution. Les auteures examinent d'abord les enjeux politiques et ceux des acteurs en présence. Puis elles montrent que le recrutement des Polonais s'est davantage construit autour de personnes relais qu'il n'est passé par le biais de canaux institutionnels. Elles soulignent enfin que, dans ces organisations formelles et informelles, la confiance reste une valeur déterminante qui explique la préférence de nombreux acteurs pour les réseaux relationnels.
- La santé des travailleurs agricoles migrants : un objet politique ? - Frédéric Décosse p. 103-120 S'appuyant sur plusieurs années d'une enquête menée dans le sud de la France, en Andalousie et dans le pré-Rif marocain, cet article s'intéresse à la santé de la main-d'oeuvre temporaire étrangère que l'agriculture intensive méditerranéenne mobilise. Alors que ces saisonniers sont victimes d'un nombre élevé d'accidents et de maladies, les risques auxquels ils sont exposés et, plus encore, les pathologies dont ils sont atteints sont rendus invisibles, sont sous-déclarés et ne sont pas pris en charge. Ne suscitant qu'une faible mobilisation de la part des acteurs du champ, cette question n'émerge donc pas comme un problème de santé publique, ce qui permet une externalisation des coûts, à la fois économiques et humains, vers les pays d'origine, où ces salariés sont tenus de retourner à la fin de chaque saison. Ainsi s'institue une nouvelle division internationale des risques du travail agricole.
- Contentieux prud'homal des étrangers saisonniers dans les Bouches-du-Rhône - Béatrice Mésini p. 121-138 Cette contribution s'intéresse aux conditions de travail de la main-d'oeuvre étrangère, marocaine et tunisienne, dans l'agriculture des Bouches-du-Rhône, et ce à partir d'une étude longitudinale des conflits consignés dans les minutes du Conseil des Prud'hommes d'Arles, pour les années 1981, 1991 et 2001-2004. Après une brève mise en contexte et la présentation de quelques résultats quantitatifs, l'auteure souligne le caractère inique et dérogatoire du contrat OMI sous lequel la plupart de ces saisonniers sont employés. Elle pointe la sous-qualification chronique dans laquelle ces travailleurs sont enfermés, répondant tous à une seule et même catégorie : celle des « saisonniers ». Parmi les principaux dépôts de plainte étudiés revient régulièrement le motif du non-paiement de la prime d'ancienneté et des heures supplémentaires. La difficulté des plaignants à faire valoir leurs droits est d'autant plus grande qu'ils sont opposés à des défendeurs qui relèvent d'un secteur particulièrement puissant dans ce département.
- La migration pendulaire de la main-d'oeuvre entre la Pologne et l'Allemagne - Birgit Glorius p. 139-152 En Europe, l'Allemagne est un pays pionnier dans la systématisation du recours à la main-d'oeuvre étrangère pour effectuer les travaux saisonniers agricoles. Les Polonais constituent l'essentiel des ouvriers employés sur les exploitations, et ce depuis plus de cent ans en raison des liens historiques qui existent entre ces deux pays. L'auteure s'intéresse ici aux principaux aspects de cette migration, qui évolue depuis une quinzaine d'années avec l'élargissement de l'Union européenne. Elle examine les causes de ce processus migratoire, les caractéristiques socio-économiques des migrants, le rôle que jouent les réseaux sociaux et les agences de recrutement dans la constitution et la permanence des flux. Elle montre que, depuis peu, les Polonais gagnent le sud de l'Europe, obligeant les employeurs allemands à recruter de plus en plus loin à l'est, dans des pays comme l'Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie.
- Sous la férule des caporali. : Les saisonniers de la tomate dans les Pouilles - Cristina Brovia p. 153-168 Au nord des Pouilles, région de l'Italie du Sud, environ 12 000 migrants recueillent chaque été des tomates destinées à la transformation agroalimentaire. Une partie de ces travailleurs est recrutée par le biais d'une politique de quotas mise en place, au niveau gouvernemental, à travers une procédure complexe qui se prête à de nombreux détournements. L'autre partie des travailleurs est recrutée de manière informelle et soumise au caporalato, un système de gestion de la main-d'oeuvre basé sur la délégation des tâches d'embauche et d'encadrement à des sous-ordres sans scrupule. Les saisonniers travaillent et vivent le plus souvent dans des conditions d'exploitation et de violation des droits fondamentaux, dans une région mal contrôlée par l'État central. Sous le coup de la pression médiatique qui a révélé en 2006 les conditions de travail épuisantes imposées à ces travailleurs, diverses initiatives ont vu le jour ces dernières années, qui essayent de traiter dans l'urgence un problème structurel.
- Les «contrats en origine» dans la production intensive des fraises à Huelva - Dolores Redondo Toronjo p. 169-184 L'inefficacité, reconnue officiellement, de la politique espagnole des quotas d'entrée et de régularisation des travailleurs étrangers donne lieu, depuis 2000, à la mise en place, dans l'agriculture, de « contrats en origine », dont nous décrivons ici les termes et les modalités d'application. La procédure, qui associe toutes les parties intéressées (administration, syndicats d'employeurs et de travailleurs) aux autorités des pays de départ (Afrique du Nord, pays de l'Est), prévoit l'introduction, anonyme puis nominative, de saisonniers étrangers - des femmes en l'occurrence - d'origines très diverses, faisant l'objet d'une contractualisation préalable. Dans l'expérimentation de ce système, le secteur de la fraise dans la province de Huelva fait figure de modèle au niveau national. On étudiera les tenants et les aboutissants de cette expérience spécifique, conçue pour empêcher les travailleurs temporaires de se fixer en Espagne.
- Importer des femmes pour exporter des fraises (Huelva) - Emmanuelle Hellio p. 185-200 À Huelva, en Andalousie, depuis 2000, le système des « contrats en origine » permet aux exploitants de fraises d'employer des saisonniers étrangers pour récolter leur production. Le recrutement des travailleurs a lieu en Pologne, Roumanie, Bulgarie, Maroc, Sénégal et Ukraine. La sélection vise des personnes au profil « adéquat à la fraise », c'est-à-dire des femmes d'âge moyen, ayant des obligations familiales dans leur pays d'origine. Une fois la saison terminée, ces femmes doivent rentrer chez elles et attendre une éventuelle invitation de l'agriculteur pour la saison suivante. L'accès au marché du travail européen ainsi que le droit au séjour dépendent de l'employeur. En créant une précarité juridique légale et en se servant des inégalités économiques entre pays, le recrutement « en origine » permet de fournir la main-d'oeuvre abondante, flexible et bon marché indispensable à la rentabilité de cette production agricole sous serre.
- Entre contrôle et tolérance. : Précarisation des migrants dans l'agriculture d'Almería - Pauline Carnet p. 201-218 Dans les années 1970, la province andalouse d'Almería connaît un développement agricole sans précédent ayant entraîné une forte croissance économique locale. Depuis la fin des années 1980, cette région est devenue, pour de nombreux migrants, le lieu de leur première incorporation dans le marché du travail ainsi qu'une plate-forme vers la régularisation. Le secteur agricole d'Almería repose, en effet, sur une main-d'oeuvre étrangère composée en partie de clandestins, phénomène que les politiques espagnoles de contrôle et de gestion des migrations tentent d'endiguer. À partir notamment des changements induits par la mise en place, en 2001, des « contrats en origine », cet article interroge, plus largement, les croisements et interdépendances entre les nouveaux modèles agricoles, les nouveaux processus migratoires et les politiques d'immigration.
- L'immigré agricole comme modèle sociétal ? - Jean-Pierre Berlan p. 219-226