Contenu du sommaire : Ruralité, urbanité et violence au Kurdistan

Revue Etudes rurales Mir@bel
Numéro no 186, 2010
Titre du numéro Ruralité, urbanité et violence au Kurdistan
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction - Clémence Scalbert-Yücel, Jordi Tejel Gorgas p. 9 accès libre
  • Une ethnographie succincte de « l'entre-deux kurde » au Moyen Âge - Boris James p. 21-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :À l'instar de la connaissance que les historiens ont de tous les peuples des confins de l'Islam (Arabes bédouins, Turcs, Berbères), la connaissance que l'on a des Kurdes médiévaux pâtit d'une vision monolithique où, dans un monde éloigné à la fois dans le temps et dans l'espace, tout se vaut : tribalisme, nomadisme, castes... Cet article esquisse l'organisation économique et sociale du territoire des Kurdes à cette époque (IXe-XVe siècle). On verra que, dans tous les cas, le paradigme de « l'entre-deux » s'impose. Cette situation intermédiaire du point de vue géographique, socioéconomique et politique a suscité l'émergence d'une culture frontalière propre aux Kurdes, et ce jusqu'à aujourd'hui. En affirmant leur souveraineté et leur différence, les tribus et les émirs du Moyen Âge ont contribué à créer un espace kurde distinct.
    Like the knowledge that historians have of all peoples on the fringes (Beduin, Turk, Berber) of the Islamic world, what is known about the Kurds during the medieval period suffers from a monolithic vision that sees far-off places as being “all the same”: tribalism, nomadism, castes... The economic and social organization of the land of the Kurds from the 9th to the 15th century is described. A paradigm of the “in-between” prevails geographically, socially, economically and politically. It has given rise to a still existing frontier culture specific to the Kurdish people. By asserting their sovereignty and differences, the tribes and emirs during the Middle Ages helped create a distinct Kurdish space.
  • Réformes ottomanes et cohabitation entre chrétiens et Kurdes (1839-1915)) - Hans-Lukas KIESER p. 43-60 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :Cet article décrit les acteurs et facteurs, internes et externes, de la cohabitation entre chrétiens et Kurdes dans l'Empire ottoman tardif. Il s'intéresse à l'égalité ethno-religieuse, aux rapports entre le pouvoir, la communauté-nation et le territoire, à la propriété foncière et à l'internationalisation des litiges kurdo-arméniens. Les leaders kurdes ont réagi à l'égalité proclamée par les réformes ottomanes et à l'ascension sociale des chrétiens en s'appropriant des terres, y compris par la force. Ils ont ainsi acquis un nouveau pouvoir. L'auteur distingue quatre étapes dans le processus de dégradation des relations arméno-kurdes : le nouvel ordre des tanzimat ; le grand massacre des Arméniens à l'automne 1895 ; les nouvelles opportunités créées par la « révolution des Jeunes-Turcs » de 1908, y compris le plan international de réforme établi entre 1912 et 1914 ; la Première Guerre mondiale, avec le génocide de 1915, qui a définitivement mis fin à la cohabitation.
    This description of the parties involved and the factors, internal and external, of cohabitation between Christians and Kurds in the latter period of the Ottoman Empire focuses on ethnic and religious equality; the relations between authorities, community-nations and territories; land ownership; and the internationalization of disputes between Kurds and Armenians. Kurdish leaders reacted to the equality proclaimed in Ottoman reforms and to the Christians' upwards social mobility by taking land, even by force, and thus acquired new power. Four phases stand out in the degradation of relations between Kurds and Armenians: the new order of the tanzimat; the massacres of Armenians in the autumn of 1895; the new opportunities opened by the “Young Turk Revolution” in 1908, including the international plan for reforms established between 1912 and 1914; and Word War I with the genocide in 1915, which put a definitive end to cohabitation.
  • Un territoire de marge en haute Djézireh syrienne (1921-1940) - Jordi Tejel Gorgas p. 61-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :Au sortir de la Première Guerre mondiale, les nouveaux États fondés sur les décombres de l'Empire ottoman adoptent, dans leurs zones rurales respectives, des politiques similaires afin de stabiliser leurs frontières et leurs populations. Si divers groupements ethniques et/ou religieux du Moyen-Orient sont touchés par ces changements, les plus touchés sont les Kurdes, majoritairement ruraux et principalement répartis depuis 1925 sur quatre États : la Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie. La haute Djézireh syrienne, objet d'un vaste projet de sédentarisation entrepris par la France en tant que puissance mandataire au Levant (1920-1943), offre à cet égard un singulier terrain d'observation des populations rurales kurdes dans l'entre-deux-guerres. L'auteur envisage les relations centre-périphérie à partir de la notion de « marge», dans un sens certes spatial mais aussi culturel, politique et social.
    After World War I, the newly established states in the Middle East implemented similar policies for stabilizing borders and populations, especially in rural areas. These policies affected various ethnic and/or religious groups, but the impact was heaviest on the Kurds, a people divided after 1925 among four countries: Turkey, Iran, Iraq and Syria. Upper Jazira, an area located in Syria at the junction with Turkey and Iraq, was the target of a comprehensive project for settling people that France carried out under its League of Nations' mandate (1920-1943). It provides a vantage point for observing rural Kurdish groups during the interwar period. The center-periphery debate is revisited by using the concept of “margins” in not only its spatial but also its cultural, political and social senses.
  • Village Evacuation and Reconstruction in Kurdistan (1993-2002) - Joost Jongerden p. 77 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :Le monde rural a souvent été le théâtre de luttes armées et de contre-insurrections. Pourtant on a prêté peu d'attention à ce phénomène. L'observation des transformations récentes des campagnes du Kurdistan turc permet de discuter des stratégies de contre-insurrection turque, d'un point de vue à la fois militaire et politique ; de l'évacuation et de la destruction des villages lors des conflits ; et des plans de développement relatifs à la zone en guerre. Cette étude révèle que les plans de reconstruction et de développement mis en œuvre par le gouvernement turc prolongent la guerre, mais en usant d'autres moyens.
    The countryside has been used as a medium for warfare and affected by counterinsurgency, but this has received relatively little attention. Transformations of the countryside in Turkish Kurdistan serve as the basis for discussing: Turkish counterinsurgency strategies from both military and political perspectives; the evacuation and destruction of villages in the course of campaigns; and development plans for the war zone. A major conclusion is that the Turkish government's reconstruction and development plans continue the war by using other means.
  • Effectively Urbanized : Yezidis in the Collective Towns of Sheikhan and Sinjar - Eva Savelsberg, Siamend Hajo, Irene Dulz p. 101-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé : Cet article présente les principales caractéristiques du yézidisme ainsi que les relations historiques entre, d'une part, la communauté yézidie et l'État irakien et, d'autre part, les Yézidis et les Kurdes musulmans. Ces relations sont marquées par des persécutions, et plus particulièrement, par des déplacements des populations rurales et des destructions de villages. Cet article aborde la situation présente des villes collectives de Sheikhan et Sinjar. On a ici affaire à un environnement urbain pour ce qui est de la densité de la population, des activités économiques et, à Sheikhan plus qu'à Sinjar, de la fourniture d'électricité et d'eau. De surcroît, dans ces villes collectives, la population a été « mentalement urbanisée ». La majorité des Yézidis de Sheikhan préfèrent la vie urbaine à la vie villageoise, bien que la plupart d'eux continuent d'habiter la campagne. Les communautés yézidies ne sont pas les seules en Irak à s'être implantées de façon définitive. Notre contribution vise à expliquer en quoi leur cas diffère de celui d'autres communautés.
    The main features of Yezidism and the historical relationship between the Yezidi community and the Iraqi state, on the one hand, and Yezidis and Muslim Kurds, on the other, are outlined. These relationships are characterized by persecution in general and displacement of a rural population and village destruction in particular. The paper concentrates on the current situation in the collective towns of Sheikhan and Sinjar. It is shown that the collectives constitute an urban environment with regard to material aspects as population density, primary types of economic activity, and, in Sheikhan more than in Sinjar, settlement categories such as electricity, water supply, etc. It is argued that the population of the collectives is also “mentally urbanized”. At least the majority of the Yezidis in Sheikhan does not only live in an urban environment but also prefers this life to that in the village. However, Yezidi collectives are not the only ones in Iraq to have become permanent. This paper seeks to explain what makes the Yezidi case different from others.
  • Representations of Peripheral Space in Iraqi Kurdistan - Andrea Fischer-Tahir p. 117-132 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :Les villes de Erbil, Dohuk et Sulaimaniya sont décrites comme des espaces de croissance économique et de développement. Cet article s'intéresse au fossé qui, au Kurdistan irakien, sépare les villes « prospères » des quartiers « extrêmement vulnérables ». L'exemple de Qaradagh, un district du gouvernorat de Sulaymaniya, montre que plusieurs facteurs contribuent à sa dépendance économique et politique vis-à-vis de Sulaymaniya, ce qu'illustrent les entretiens que nous avons menés sur place. Même si, à première vue, les représentations technnocratiques, académiques et politiques semblent inclure Qaradagh dans les projets de développement, en réalité, très peu est fait pour réduire sa dépendance. Au contraire, ces représentations accentuent le processus de périphérisation.
    The large cities of Erbil, Dohuk and Sulaimaniya in Iraqi Kurdistan are described as places of economic growth and development. This article focuses on the sharp discrepancies between “better-off” cities and “extremely vulnerable” districts. The example of Qaradagh, a district center in the governorate of Sulaimaniya, is used to argue that a combination of circumstances has resulted in the town's economic and political dependency on Sulaimaniya, the consequences of this being illustrated through biographical accounts. Technocratic, academic and political conceptions seem at first sight to incorporate Qaradagh in development projects but, in fact, do little to reduce this dependency. On the contrary, they shape the process of peripheralization.
  • L'agriculture du Kurdistan irakien : Entre destruction et reconstruction - Yann Walliser p. 133-148 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :En 1975, le Kurdistan irakien produit encore 45 % du blé irakien. Malgré les destructions occasionnées par la guerre Iran-Irak (1980-1988) et par l'Anfal (1988), lorsque, en 1991, la région acquiert une autonomie de fait via la résolution 688 de l'ONU, le monde agricole, mis à mal, tente de se reconstruire, et ce en dépit du double embargo qui le frappe. L'arrivée de l'aide alimentaire internationale en 1996 réduit l'exploitation des terres et pousse les agriculteurs à chercher d'autres activités rémunératrices dans les villages-centres ou les villes. Avec l'invasion américaine et la nouvelle Constitution irakienne, la zone se stabilise. En janvier 2009, le Gouvernement régional du Kurdistan irakien (KRG) annonce un plan stratégique de développement agricole ayant pour objectif l'autonomie alimentaire dans les cinq années à venir. Un travail de terrain effectué entre mars et mai 2009 dans le gouvernorat de Sulaymaniya nous permet de tirer un premier bilan de ce plan de reconstruction.
    In 1975, Iraqi Kurdistan was still producing 45% of the country's wheat, despite the destruction wrought by the Iran-Irak War (1980-1988) and the Anfal campaign (1988). When the region acquired, in 1991, de facto autonomy under UN resolution 688, the farming sector, which had seen better times, tried to undertake its reconstruction in spite of the double embargo weighing on it. The arrival of food under international aid in 1996 led to less work being done in the fields as farmers were pushed to look for better-paying jobs in center-villages or towns. Following the American invasion and the adoption of the new Iraqi constitution, Iraqi Kurdistan has been stabilized. In January 2009, the Kurdistan Regional Government (KRG) announced a plan for reconstructing the agricultural sector with the objective of attaining autonomy in the food supply within the coming five years. Fieldwork conducted between March and May 2009 in Sulaymaniya Governorate has provided data for making an initial assessment of this plan.
  • Kurdish Sufi Spaces of Rural-Urban. Connection in Northern Syria - Paulo Pinto p. 149-168 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :Les communautés kurdes soufies fonctionnent comme des espaces de médiation entre les univers urbain et rural du nord de la Syrie, permettant la circulation des personnes, des biens et des idées à travers leurs réseaux religieux. Cet article montre comment deux communautés soufies, l'une à Alep, principale ville du nord de la Syrie, l'autre à 'Afrin, ville située dans une zone rurale au nord d'Alep, organisent, dans cette région, des formes de connection discrètes entre la ville et la campagne. Tandis que la communauté d''Afrin mobilise ses réseaux religieux pour se rattacher à l'univers économique et culturel d'Alep, celle d'Alep fournit à ses membres des références culturelles pour leur permettre de passer facilement du contexte urbain-arabe au contexte rural-kurde. Par conséquent, les communautés soufies sont des espaces de circulation culturelle et sociale qui estompent les frontières entre l'urbain et le rural dans le nord de la Syrie.
    Sufi communities function as spaces of mediation between the urban and rural universes among the Kurds of Northern Syria, allowing the circulation of people, goods and ideas through their religious networks. This article analyzes how two Sufi communities, one located in Aleppo, the main urban center of northern Syria; and the other located in 'Afrin, a Kurdish town in a rural area north of Aleppo, create discrete forms of connection between city and countryside in this region. While the community in 'Afrin mobilizes religious networks in order to connect the community with the economic and cultural universe of Aleppo, the one in Aleppo provides cultural references to their members that enable them to navigate in both Arab urban and Kurdish rural contexts. Therefore, the Sufi communities are spaces of cultural and social circulation that blur the boundaries between urban and rural in northern Syria.
  • Les migrations kurdes à Istanbul. Un objet de recherche à reconstruire - Jean-François Pérouse p. 169-180 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :Les diverses façons d'appréhender l'immigration kurde à Istanbul attestent une véritable difficulté à sortir de l'ornière que représente l'ethnicité et à résister à la stigmatisation. Dans la presse, le débat politique ou la sphère universitaire, la tendance est de considérer l'immigration exclusivement sous l'angle ethnique. Dès lors, on construit « une population kurde » homogène, sans tenir compte des différences de génération, de genre et de statut. Cet amalgame vient soit du rejet que certains Stambouliotes éprouvent à l'égard des migrants, qu'ils perçoivent comme illégitimes et menaçants, soit d'une forme de compassion ressentie par d'autres, qui voient en chaque Kurde une victime à défendre. Pour échapper à l'hégémonie encombrante du paradigme ethnique, d'autres voies sont esquissées ici.
    The various explanations of Kurdish immigration to Istanbul are evidence of the difficulties of breaking free from conceptions related to ethnicity and of resisting stigmatization. In newspapers, political discussions and academia, immigration tends to be presented exclusively in ethnic terms. Accordingly, a homogeneous “Kurdish population” is postulated without taking into account differences in socioeconomic status and between generations or genders. This amalgam stems either from the rejection of migrants by residents in Istanbul who see them as being illegitimate and as a threat or else from a form of compassion felt by other residents who see every Kurd as a victim to be defended. To escape from this overpowering ethnic paradigm, other ways of understanding this immigration are presented.
  • Le monde rural dans la poésie contemporaine kurmandji en Turquie - Clémence Scalbert-Yücel p. 181-196 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Résumé :Cet article s'intéresse à la représentation du monde rural dans la poésie contemporaine de langue kurmandji en Turquie. L'auteure constate que c'est autour du village – réel et idéel – et de sa disparition que se structure l'expérience traumatique du peuple kurde et que se cristallise la notion de dépossession de la terre. Elle montre que la représentation du monde rural s'est transformée avec les années de guerre (1980-1990) et avec l'étiolement du socialisme, idéologie dominante au sein des mouvances kurdistes. L'idylle rurale est désormais extrêmement présente dans la création poétique et renvoie, d'une part, à un Kurdistan rêvé et, d'autre part, à un âge d'or révolu et détruit par la guerre. Cette idylle contraste fortement avec l'image de la migration vers la ville impure, lieu de l'altérité.
    What vision of rural life does contemporary poetry in the Kurmandji language of the Kurds in Turkey present? The traumatic experience of the Kurdish people and their ideas about being dispossessed of their land has crystallized around the “village”, both real and ideal, and its disappearance. The vision of the rural world changed during the years of war (1980-1990) as socialism, the dominant ideology of Kurdish movements, waned. The rural idyll, which now serves as a source of creativity in poetry, refers to a dreamed-of Kurdistan and a bygone golden age destroyed by the war. It contrasts starkly with the image of migrations toward impure cities, places of alterity.
  • Écraser le serpent ? : Violences privées et violences politiques dans l'espace rural turc - Benoît Fliche p. 197-208 accès libre
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