Contenu du sommaire : Sociabilités animales
Revue | Etudes rurales |
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Numéro | no 189, 2012 |
Titre du numéro | Sociabilités animales |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Sociabilités animales : Introduction - Florent Kohler p. 11-31
- Entretien - p. 33-45
- Quand l'éthologie s'intéresse au lien social : Processus biologiques et plaisir - Gérard Leboucher p. 47-56 Les soins parentaux en général, maternels en particulier, ont été analysés tantôt en termes d'attachement tantôt en termes d'investissement ou d'effort reproducteur. Les comportements sociaux (parental, conjugal) qui induisent un attachement peuvent aussi être étudiés à la lumière des connaissances que les neurobiologistes ont acquises sur le « circuit de récompense ». Les comportements et attachements sociaux sont renforcés par l'activation de ce circuit nerveux impliquant des structures comme l'aire tegmentale ventrale et le noyau accumbens, et utilisant la dopamine comme neuromédiateur. On pense de plus en plus que les addictions résultent du « détournement » de ces mécanismes qui, naturellement, sont associés au renforcement des comportements dits motivés (manger, boire, s'accoupler, prendre soin de ses enfants...). Les images qu'offre la neuro-imagerie tendent à confirmer que les résultats précédemment enregistrés chez des rongeurs peuvent s'appliquer à notre espèce. L'intérêt de ces recherches est d'asseoir plus fermement les processus à l'origine du lien social, qui trouvent chez nombre d'espèces, dont la nôtre, des ramifications singulières.Ethology and the study of social relationships
Research on parental (particularly maternal) care has tended to focus on the notion of attachment or on reproductive effort or investment. However, the social behaviors (i.e. parenting behaviors, marital behaviors) governing attachments can also be studied in the light of recent research on “reward circuits” in neurobiology. Recent studies have shown that social behaviors and attachments are strengthened by the activation of these circuits, which involve structures such as the ventral tegmental area and the nucleus accumbens and use dopamine as a neuromediator. There is increasing evidence to suggest that addictions are a result of these mechanisms (associated with the reinforcement of motivated behavior, such as eating, drinking, mating, or caring for one's children) being “bypassed”. Neuroimaging has shown that the results of studies on rodents may also apply to humans. Neuroimaging studies provide further evidence of the processes underlying social relationships, which have unique ramifications among many species (including humans). - Peut-on étudier la morale chez les animaux ? - Dalila Bovet p. 57-73 Les sciences humaines et sociales s'intéressent à la morale humaine sous différents angles (développement, différences liées au sexe, différences culturelles, etc.). Cependant, à de rares exceptions près, ce terme devient tabou dès lors qu'il s'agit de l'appliquer à l'animal, et ce bien que les bases biologiques de la morale humaine soient de plus en plus étudiées et que l'altruisme chez certaines espèces animales fasse l'objet de publications de plus en plus nombreuses. Est-il possible d'appréhender scientifiquement et sans tomber dans l'anthropomorphisme des concepts tels que la sympathie, la réciprocité ou le sentiment d'injustice s'agissant d'individus qui n'ont pas accès à la parole ? Nous répondons par l'affirmative et donnons plusieurs exemples d'expériences permettant d'apporter des éléments objectifs de comportements qui peuvent être interprétés en termes de moralité.The study of morality in animals
Research on human morality in the social and human sciences draws on a range of approaches and perspectives (development, gender differences, cultural differences, etc.). However, with very few exceptions, the term “morality” remains a taboo when applied to animals, despite the increasing interest in the biological foundations of human morality and the growing number of studies on altruism in various animal species. This paper argues that concepts such as sympathy, reciprocity and the sense of injustice among living beings without language can be examined scientifically without committing the fallacy of anthropomorphism. The paper discusses a number of experiments that have provided evidence of behaviors that can be interpreted in moral terms. - Anthropologie clinique et langage animal - Jean-Michel Le Bot, Clément de Guibert, Laurence Beaud, Patrice Gaborieau p. 75-90 La question du langage demeure une question clé dans le débat sur la continuité et la discontinuité entre l'animal et l'homme. Pour tenter de mieux caractériser les propriétés des langages animal et humain, cet article discute une expérience menée récemment par deux chercheurs américains et visant à observer l'acquisition du vocabulaire par Chaser, une chienne de la race Border Collie. Sans chercher à contester l'existence de points communs entre les performances animales et les performances humaines, les auteurs soulignent que les performances de Chaser peuvent toutes s'expliquer à partir de compétences perceptives, alors que les performances humaines, y compris les fautes de grammaire que commet l'enfant, font intervenir des compétences structurales. Ils invitent donc, dans une perspective de dialogue interdisciplinaire, à s'intéresser de façon plus approfondie aux processus perceptifs en tant que tels, en tenant compte et des similarités et des différences entre le fonctionnement humain et le fonctionnement animal.Clinical anthropology and animal language
The question of language remains a key issue in the debate over the continuity between man and animal. In order to provide a more accurate description of the specific properties of animal and human language, this paper presents the results of an experiment conducted by two American researchers on the acquisition of vocabulary by a Border Collie named Chaser. Without disputing the common characteristics shared by animals and humans in this area, the authors found that Chaser's performances could all be explained by perceptual skills or abilities, while human performances (including the grammatical errors made by children) were found to involve structural skills. In an attempt to foster interdisciplinary dialogue, the authors call for further research on perceptual processes that recognizes the similarities and differences between humans and animals. - Pour une histoire éthologique et une éthologie historique - Éric Baratay p. 91 L'histoire des animaux développée depuis trente ans est une histoire humaine des animaux qui s'intéresse aux dispositifs déployés par l'homme dans sa relation à l'animal, mais qui le considère comme un simple objet. C'est pourquoi il est temps de construire une histoire animale des animaux, qui leur donne un statut de sujets et d'acteurs agissants, influençant les humains. Pour ce faire, il faut rapprocher l'histoire (science humaine), en tant que science des vivants attachée au passé et non plus seulement science de l'homme attachée au passé, de l'éthologie (science naturelle), elle-même enrichie des concepts des sciences humaines et sociales. L'histoire permet de travailler des documents humains livrant des informations sur le vécu de l'animal. L'éthologie permet de comprendre ces informations. Il ne s'agit pas de seulement raconter des histoires d'animaux mais d'appréhender leur évolution « culturelle ». Il faut construire une histoire éthologique, qui saisisse ces évolutions dans la longue durée, et une éthologie historique, qui analyse les comportements à telle ou telle époque et les compare à ceux d'autres époques.The case for ethological history and historical ethology
Over the past thirty years, the history of animals has been a human history of animals largely focused on the values and strategies deployed by humans in their relationships with animals, but that sees animals as mere objects. This paper argues that the time has come to develop an animal history of animals that defines animals as subjects and as active agents influencing humans. The paper calls for a rapprochement between history (i.e. a human science, conceived as a science of living beings attached to the past rather than a science of man attached to the past) and ethology (i.e. a natural science, enriched with concepts from the social and human sciences). History can be used to study human documents that provide information about the experience of animals, while ethology can be used to understand and interpret this information. The aim is not only to write histories of animals, but to understand their “cultural” evolution. Research in this area needs to develop both an ethological history that examines this evolution over time and a historical ethology aimed at analyzing behaviors in specific periods or at comparing them to behaviors in other periods. - L'animal, l'histoire et l'histoire naturelle : Un mariage à trois est-il possible ? - Corinne Beck, Éric Fabre p. 107-119 Les sciences humaines et sociales voudraient faire de l'animal un acteur à part entière, tout en évitant le piège de l'anthropomorphisme. Cet article montre que l'animal de l'historien n'est que rarement doté de l'animalité qui lui revient, à savoir ses potentialités et contraintes biologiques. Dans un contexte historiographique privilégiant l'approche culturelle, qui masque en réalité l'absence de prise en compte de la sphère propre à l'animal, notre démarche convoque les sciences naturelles au même titre que l'histoire pour interroger l'animal dans toute son animalité. Nous appuyant sur le cas concret du loup, que nous avons étudié de près, nous constatons que, pour traiter cette question dans toute sa dimension, il faut franchir les seuils disciplinaires et croiser les disciplines pour parvenir à un renouvellement épistémologique, et ce en imbriquant les idées et les concepts relevant tant de la biologie que de l'histoire.Animals, history and natural history
The social and human sciences have tended to see animals as actors in their own right, while seeking to avoid the fallacy of anthropomorphism. This paper argues that the prevailing conception of animals among historians is usually devoid of any reference to the “animality” of animals, i.e. to their biological potential and constraints. Against the grain of the dominant cultural approach in historiography (which fails to acknowledge the specificity of the animal sphere), the purpose of this paper is to use the resources of history and natural science in order to recognize and examine the animality of animals. Based on a case study of wolves, the paper argues that in order to address the many different facets of this issue, researchers will need to cross disciplinary boundaries and to combine the resources of different disciplines in order to develop a new epistemological framework, while combining ideas and concepts from both biology and history. - Bergers, chiens, brebis : un collectif de travail naturel ? - Jocelyne Porcher, Élisabeth Lécrivain p. 121-137 L'implication des animaux dans le travail est majoritairement perçue comme « naturelle » ou relevant de la contrainte ou du conditionnement. L'hypothèse que nous proposons ici est que les animaux sont aussi des acteurs du travail. Notre article porte sur un collectif de travail humains-animaux parmi les plus connus : bergers, chiens et brebis. Dans le cadre d'une recherche plus large sur la place des animaux dans le travail et à l'appui des cadres théoriques de la sociologie et de la psychologie du travail, cette étude vise à mettre au jour ce que « travailler » signifie pour des chiens et des brebis. Une enquête menée dans la région PACA montre qu'il existe, avec des brebis plus intelligentes que ce que l'on croit habituellement, différents métiers de chiens. Elle témoigne également de la « natureculture » de ce collectif de travail humain-animal et de l'intérêt d'une prise en compte du travail animal dans l'organisation collective du travail.Shepherds, dogs, and ewes: a natural work group?
The use of animals for work tends to be perceived as “natural” or as a matter of coercion or conditioning. This paper is based on the premise that animals are also actors in the work process. A study was conducted on one of the most well-known groups of human-animal cooperation: shepherds, dogs and ewes. As part of a broader study of the role of working animals, and based on the theoretical framework of the sociology and psychology of work, the purpose of this paper is to explain what “working” means for dogs and ewes. A field study conducted in the PACA region of France showed that dogs carry out a range of jobs among ewes (animals that are far more intelligent than is commonly thought). The results also provide evidence of the “natureculture” of human-animal work relationships and of the importance of including working animals in the organization of work. - "One slash of light, then gone" : Animals as movement - Henry Buller p. 139-153 Les animaux sont définis par le mouvement. Comme l'a souligné Akira Lippit : « La figure de l'animal a toujours servi de symbole au mouvement lui-même. » Les animaux ne cessent jamais de se mouvoir, ne cessent jamais de nous faire bouger et ne cessent jamais de franchir les frontières que nous avons établies entre eux et nous. Dans l'intérêt renouvelé que les sciences sociales portent au monde animal, le mouvement et le partage du mouvement offre une voie originale pour appréhender les animaux et comprendre nos relations avec eux. Cet article nous invite à réfléchir aux conséquences ontologiques et éthiques de cette nouvelle approche.Animals are defined by movement. Animals are movement. As Akira Lippit remarks: “The figure of the animal has always been destined to serve as the symbol of movement itself”. Animals never stop moving, never stop moving us, never stop moving across and between the frontiers by which we set them apart. In the invigorated engagement between the social sciences and animal worlds, movement and the sharing of movement offer us the potential for original ways of knowing animals and of understanding our relationship to them. This paper explores that potential and the ontological and ethical consequences it has for living with animals.
- Blondes d'Aquitaine : Essai de zooantrhopologie - Florent Kohler p. 155-174 Cet article applique la méthode de l'observation participante à un troupeau de vaches allaitantes de la race « Blondes d'Aquitaine ». Il s'agit d'étudier ici un groupe d'une vingtaine d'individus suivant le programme de l'anthropologie qui consiste à appréhender « le point de vue de l'indigène » et à étudier les communautés pour elles-mêmes. L'auteur a passé trois mois en plein champ auprès des vaches et a recueilli des appréciations spontanées auprès des éleveurs. « Ennui », « curiosité » et « amitié » sont autant de termes qui gagnent à être conceptualisés plus finement lorsqu'ils ont trait à d'autres sociétés que les nôtres. L'anthropologie gagnera, elle, à voir émerger des individualités non humaines si elle prétend réellement s'emparer des « collectifs » et des « sociétés hybrides ».Blondes d'Aquitaine
Participant observation was used to collect data on a herd of “Blondes d'Aquitaine” (brood cows). The aim was to study approximately twenty individuals based on an anthropological approach that recognizes “the point of view of the native” and examines communities for themselves. The author spent three months in the field studying the herd and collecting the views of farmers. Terms such as “boredom”, “curiosity” and “friendship” were found to require further conceptual analysis when applied to non-human societies. This paper argues that researchers in anthropology will need to recognize non-human individualities in order to understand hybrid “communities” and “societies”. - L'animal sous le regard profane, sacré et savant des humains et des éthologues - Michel Kreutzer p. 175-179
À propos
- Objectivité, vérité et assertabilité en histoire environnementale - Hakim Bourfouka, Nicolas Krautberger p. 181-198
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 199-218