Contenu du sommaire : L'antilibéralisme

Revue Raisons Politiques Mir@bel
Numéro no 16, décembre 2004
Titre du numéro L'antilibéralisme
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Dossier

    • Destin de l'antilibéralisme schmittien : penser l'équilibre des pouvoirs après 1945 - Sandrine Baume p. 9-23 accès libre avec résumé
      L'antilibéralisme schmittien se traduit, après 1945, en Allemagne, dans le débat sur l'équilibre des pouvoirs, tel que celui-ci ressort de la Loi fondamentale de Bonn. Une problématique qui était déjà au coeur des controverses à Weimar et qui continue après-guerre à hanter les juristes. Sur cet aspect, des filiations avec la théorie de la Constitution de Carl Schmitt peuvent être identifiées notamment chez deux de ses élèves : Ernst Forsthoff et Werner Weber. Ceux-ci parviennent, dans le contexte nouveau de la République fédérale, à transposer l'antilibéralisme de leur « maître », notamment dans la réhabilitation de l'autorité et la méfiance à l'égard des « pouvoirs indirects ». Des contributions qui prolongent les réflexions schmittiennes sur la relation entre Atat et société.
    • La fin du libéralisme américain ? - Laurent Bouvet p. 25-44 accès libre avec résumé
      Depuis les années 1960-1970, la société américaine a connu une profonde transformation de son rapport ' originel et original ' au libéralisme, à tel point que l'on peut parler de la fin du consensus libéral tel qu'il a été formulé après la Seconde Guerre mondiale, par Louis Hartz et Gunnar Myrdal notamment. Cet article, qui se présente davantage comme un programme de travail que comme le résultat d'une recherche, s'intéresse au mécanisme théorique de ce tournant identitaire qui signe le passage d'un pluralisme des intérêts (de la diversité des intérêts) à un pluralisme de l'identité (de la différence des identités). L'auteur émet l'hypothèse que cette transformation porte en elle une forte charge d'antilibéralisme tant l'action politique, par exemple, est désormais essentiellement orientée selon des critères d'identité surdéterminants (foi religieuse, race, ethnie, orientation sexuelle...), loin de la liberté de choix individuelle du libéralisme.
    • Attac et le renouveau de l'antilibéralisme - Marcos Ancelovici p. 45-59 accès libre avec résumé
      En prenant l'exemple de l'association Attac en France, cet article tente de comprendre comment le mouvement « antimondialisation » né dans les années 1990 a contribué à renouveler la critique antilibérale. A la croisée des mobilisations, Attac s'est immiscée entre deux pôles traditionnels du paysage politique, nationaliste-protectionniste d'une part, et marxiste-internationaliste d'autre part. Tout en défendant l'idée d'un alliage inédit entre étatisme et démocratie participative, cette association a cependant évolué dans le sens d'une organisation classique de la gauche française, laissant progressivement de côté ses revendications globales au profit d'enjeux nationaux et locaux. Si Attac incarne le passage de l'anticapitalisme à l'antilibéralisme, elle ne parvient néanmoins pas à proposer un nouveau projet politique émancipateur.
    • Le Sphinx n'a pas de secret. À propos des Études de Philosophie Politique Platonicienne de Leo Strauss - Myles F. Burnyeat p. 61-81 accès libre avec résumé
      Les personnages principaux des écrits de Strauss sont « les gentlemen » et « le philosophe ». Les premiers viennent, de préférence, des milieux de patriciens urbains, et ils ont de l'argent sans avoir besoin de beaucoup travailler : ils sont des idéalistes dévoués à des causes vertueuses, et éprouvent de la sympathie pour la philosophie. Aussi sont-ils prêts à être pris en main par « le philosophe » qui leur enseignera la noble leçon qu'ils ont besoin d'apprendre avant de rejoindre l'élite gouvernante. Le philosophe sait décrypter les vieux livres pour parvenir à lire, entre les lignes, le message caché des Anciens : une société juste est tellement improbable que rien ni personne ne peut faire quoi que ce soit pour la faire émerger. Le problème de la lecture straussienne des vieux livres est que toute l'histoire qu'elle raconte repose sur une base très fragile. Si Platon est effectivement l'utopiste radical que les experts voient en lui habituellement, alors il n'existe rien qui ressemble au conservatisme unanime des « classiques », ni au désastre de la perte de la sagesse des Anciens avec Machiavel et Hobbes, ni à une personne aussi qualifiée que « le philosophe » pour conseiller aux « gentlemen » de respecter « les limites de la politique ».
    • Le Néo-conservatisme et les « contre-Lumières » - Philip Green p. 83-90 accès libre avec résumé
      En complément des travaux de Louis Hartz dans Liberal Tradition in America consacrés à la culture politique aux Atats-Unis, Philip Green met en lumière l'existence d'un conservatisme anti-moderne défini comme mouvement des « contre-Lumières » concurrent du modèle libéral et source des « stratégies néo-conservatrices » fondées sur un découplage radical entre le pouvoir des élites et le peuple. Le modèle des « contre-Lumières » s'appuie d'une part sur une valorisation exclusive de la religion, considérée comme source unique de vérité, et sur une disqualification symétrique de la science et de la raison, et d'autre part sur la substitution du modèle de la lutte à celui du débat dans le traitement des questions politiques. Illustrant son propos par les exemples du Créationnisme et de la controverse autour du mariage homosexuel, l'auteur conclut à l'existence d'une régression inquiétante vers une irrationalité de masse qui relève selon lui d'un « proto-totalitarisme ».
  • Actualité

    • Nouvelle judéophobie ou vieil antisémitisme ? - Nonna Mayer p. 91-103 accès libre avec résumé
      A partir de données de sondage, cet article relativise la montée d'une « nouvelle judéophobie » qui serait fondée sur la diabolisation d'Israël et du sionisme, et portée par la conjonction d'un islamisme radical et d'une extrême gauche tiers-mondiste. En France du moins les opinions antisémites déclarées sont plutôt en recul. Le rejet des Juifs reste corrélé aux autres formes de racisme et associé aux mêmes facteurs (faible niveau socioculturel et orientation politique de droite ou d'extrême droite). Et cet antisémitisme apparaît relativement indépendant du degré de sympathie/antipathie exprimée envers les protagonistes du conflit israélo-palestinien, Ariel Sharon et Yasser Arafat.
    • Les enthousiasmes anti-israéliens : la tragédie d'un processus aveugle - Abram De Swaan p. 105-124 accès libre avec résumé
      Appréhendé sous un angle sociologique, le conflit israélo-palestinien peut être considéré comme le paradigme d'une « constellation » mutuellement contraignante dont l'effet premier est une escalade apparemment irréversible de la violence. L'analyse distanciée, qui seule permettrait d'enrayer ce « processus aveugle », est aujourd'hui contrariée par un discours critique à l'égard d'Israël hâtivement taxé d'antisémite. Cet article tente de montrer que ce discours exprime un sentiment bien différent, un « enthousiasme anti-israélien ». Libérateur d'une pensée bien-pensante, et surtout de la honte liée au souvenir encore vif de la Shoah, il réduit notamment, au fil des raisonnements les plus rudimentaires, l'Atat hébreu à la dernière citadelle du colonialisme, et occulte ainsi les véritables enjeux du conflit.
    • Hannah Arendt et le sionisme : Cassandre aux pieds d'argile - Pierre Bouretz p. 125-138 accès libre avec résumé
      Au moment du centenaire de la mort de Theodor Herzl le 3 juillet 1904 et dans un contexte de controverses au sujet de son héritage, cet article examine la position d'Hannah Arendt vis-à-vis du sionisme, son sens et sa postérité. Après avoir été engagée pendant dix ans dans le mouvement sioniste, Arendt a rompu avec lui dès 1944 en développant une critique de sa politique et de sa vision de l'histoire. Bien qu'elle ait été très isolée à l'époque, on retrouve aujourd'hui certains de ses arguments dans les discours qui défendent un point de vue révisionniste sur les fondements et l'histoire de l'Atat d'Israël entre deux perspectives : post-sioniste ou anti-sioniste. Devant le sionisme, Arendt a joué le rôle de Cassandre ; mais peut-être une Cassandre aux pieds d'argile.
  • Varia

    • La justice démocratique : deux dimensions (suite et fin) - Ian Shapiro p. 139-157 accès libre avec résumé
      Dans cet article, Ian Shapiro esquisse une théorie de la justice dont le fondement est démocratique. A partir du constat que la justice et la démocratie s'orientent parfois dans des directions contraires, il montre pourquoi et comment elles peuvent, et doivent, se renforcer mutuellement. Dans la première partie, publiée dans le précédent numéro, il défend l'idéal d'une justice démocratique comme bien subordonné, destiné à informer les termes des interactions humaines sans en déterminer le cours. Il fait l'hypothèse qu'il est nécessaire de structurer les dimensions de la vie sociale relatives au pouvoir de manière à maximiser la participation au processus de prise de décisions tout en minimisant les hiérarchies qui n'ont pas de caractère de nécessité. Dans la seconde partie, il explore les tensions internes à une justice démocratique ainsi conçue et les implications de cette dernière pour le rôle de l'Atat.
  • Lectures critiques