Contenu du sommaire : Choisir ses immigrés ?
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 26, juin 2007 |
Titre du numéro | Choisir ses immigrés ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
dossier
- Editorial - Speranta Dumitru, Marc Rüegger p. 5-9
- Etrangers et citoyens : un plaidoyer en faveur de l'ouverture des frontières - Joseph H. Carens p. 11-39 Quantité de personnes pauvres et opprimées souhaitent quitter leur pays d'origine dans le tiers-monde pour accéder aux sociétés occidentales prospères. Cet essai soutient qu'il est difficilement justifiable de vouloir leur en refuser l'accès. Il montre comment des arguments en faveur de l'ouverture des frontières peuvent être élaborés en partant de trois approches contemporaines différentes en théorie politique : les approches de Rawls, de Nozick et de l'utilitarisme. Le fait que ces trois théories aboutissent à des réponses convergentes sur cette question en dépit de l'importance de leurs désaccords sur d'autres sujets renforce le poids des arguments en faveur de l'ouverture des frontières et laisse apparaître leurs racines dans notre engagement profond en faveur du respect de tous les êtres humains comme des personnes morales libres et égales. La dernière partie de l'essai examine les objections communautariennes à cette conclusion, particulièrement celles de Michael Walzer.
- Immigration rationnée - Stéphane Chauvier p. 41-61 Nous montrons que le contrôle de l'immigration doit être vu comme un rationnement de l'accès à un bien rare auquel une pluralité ont également droit. Nous en déduisons deux règles possibles de sélection des candidats à l'immigration, dont aucune ne permet à la communauté politique d'accueil de sélectionner systématiquement les immigrés en fonction de ses propres intérêts.
- Est-il permis, du point de vue éthique, de limiter la migration économique ? - Geert Demuijnck p. 63-81 La question que cet article examine est de savoir s'il est moralement légitime de limiter le droit d'une personne de quitter son pays et de s'installer dans un autre dans la perspective d'améliorer sa situation économique. La thèse défendue est qu'il n'y a pas de raison éthique fondamentale de limiter ces migrations. Les seules raisons susceptibles de justifier une limitation dans le contexte actuel dépendent de l'existence de profondes inégalités économiques au niveau mondial. Dans l'hypothèse d'un monde juste, ces raisons perdent leur pertinence. Cet article critique ensuite les arguments contre l'ouverture des frontières qui ne font pas appel à l'idée de justice distributive. De nature communautarienne, ceux-ci reposent souvent sur des analogies équivoques entre les Etats et d'autres institutions comme les familles ou les clubs.
- Républicanisme, immigration et design institutionnel - Christian Nadeau p. 83-99 Cet article vise deux objectifs. D'une part, soutenir la thèse selon laquelle la question des fondements moraux de l'immigration sélective est mal posée si elle ne part pas d'une réflexion sur les modalités institutionnelles assurant un rapport positif entre migrants et communauté d'accueil. D'autre part, cet article présentera un argument défendant le rôle de la théorie républicaine de la liberté politique comme cadre normatif pour penser les problèmes structurels liés à l'immigration.
- Libéralisme, immigration et culture - Marc Rüegger p. 101-123 Un Etat libéral peut-il légitimement apporter des restrictions à l'immigration c'est-à-dire à la liberté de mouvement des individus par le souci de préservation de sa propre culture nationale ? De manière plus spécifique encore, peut-il sélectionner les candidats à l'immigration en fonction de leur origine culturelle en privilégiant ou décourageant l'immigration de certaines personnes au motif de leur proximité ou de leur éloignement supposé avec la culture dominante au sein de l'Etat ? Afin de répondre À ces questions, l'article identifie tout d'abord les valeurs de l'appartenance culturelle et de l'autodétermination démocratique comme les deux fondements possibles de l'affirmation d'un droit de restreindre l'immigration sur une base culturelle. Il examine ensuite dans quelle mesure la morale politique libérale peut reconnaître ces valeurs et en déduire des restrictions à la liberté de mouvement des individus. Sa conclusion est que le type d'appartenance culturelle auquel le libéralisme peut reconnaître une valeur ne peut pas servir de base À la justification d'une restriction à l'immigration.
- Les sans-papiers et leur droit d'avoir des droits. : Une approche par l'éthique de la discussion - Insa Breyer, Speranta Dumitru p. 125-147 L'objectif de cet article est de montrer que le refus de régulariser les sans-papiers qui résident depuis longtemps sur le territoire constitue une violation profonde des droits humains. En prenant appui sur le concept de droit d'avoir des droits, tel qu'il a été forgé par Hannah Arendt et élaboré par Seyla Benhabib, nous montrons que sa signification première est le droit d'avoir une existence légale. Nous critiquons les raisons de nature conséquentialiste qui mettent en avant les effets qu'aurait la régularisation des sans-papiers sur la venue de nouveaux migrants non souhaités : cette forme de dissuasion n'est ni efficace, ni juste. Nous soutenons qu'une politique de l'immigration qui se veut toujours « choisie » et jamais « subie » est inacceptable d'un point de vue éthique.
- Quatre théories d'acquisition de la nationalité - Jonathan Seglow p. 149-173 Cet article examine les raisons morales pour lesquelles les Etats devraient accorder la nationalité aux migrants de longue durée qui résident sur leur territoire. Contre la conception selon laquelle les Etats devraient (pour des raisons de souveraineté démocratique) jouir d'une totale discrétion en la matière, il soutient que la politique de naturalisation devrait être raisonnablement acceptable par toutes les parties concernées. Les théories communautariennes qui spécifient les conditions posées à la naturalisation des migrants sont critiquées (entre autres) pour faire l'impasse sur la question préalable de savoir pourquoi les étrangers devraient avoir la possibilité d'accéder à la citoyenneté. Trois autres réponses à cette question sont explorées. La première est que les migrants apportent une précieuse contribution à leur nouvelle société. La deuxième est qu'en étant privés des droits de citoyenneté, les migrants sont soumis à une contrainte légale au sujet de laquelle ils n'ont pas leur mot à dire. Si ces deux premières réponses ne sont pas dénuées d'intérêt, l'article met en évidence certaines difficultés qu'elles soulèvent. L'argument le plus simple en faveur de l'acquisition de la nationalité consiste en l'idée que faire obstacle à la naturalisation des migrants qui sont insérés dans leur nouvelle société correspond à un manque de reconnaissance qui diminue le respect qu'ils ont d'eux-mêmes en tant qu'agents porteurs de droits. Je suggère que cet argument en termes de reconnaissance soulève moins de difficultés que les trois précédents. L'article examine en conclusion les implications pratiques de ces quatre approches.
varia
- Au c?ur du raisonnement galtonien : le paradoxe de la politique malthusienne et sa solution eugéniste : « L'intelligence peut être aidée ou exercée, mais aucun apprentissage, aucun enseignement ne peut la créer. Elle doit être transmise héréditairement. » Karl Pearson - Pierre-André Taguieff p. 175-215 En forgeant le mot « eugenics » (« bonne naissance ») en 1883, Francis Galton (1822-1911) a baptisé son projet normatif d'une amélioration des qualités supposées héréditaires des « meilleures » lignées humaines par le contrôle de la procréation. Il postule que les aptitudes humaines sont inégalement distribuées et déterminées par l'hérédité. Inspiré par Quetelet, il s'efforce d'établir que leur distribution est « gaussienne », représentable par une « courbe en cloche ». Dans Hereditary Genius (1869), il tente de montrer qu'on peut formuler des lois statistiques de l'hérédité, susceptibles d'expliquer la transmission des caractères physiques et des caractères mentaux. L'intelligence est donc héréditaire. Le raisonnement galtonien est fondé sur la réinterprétation héréditariste d'un paradoxe mis en évidence par Malthus : si les meilleurs éléments sont les « prévoyants », qui tendent à se reproduire moins que les « imprévoyants », alors les meilleurs sont voués à disparaître et les médiocres ou les pires à proliférer. Galton en infère que le contrôle des naissances doit être qualitatif. Il faut donc sélectionner les procréateurs, et encourager la procréation chez les représentants des « meilleurs souches ». Tel est le programme de l'eugénique dite « positive ».
- De Gaulle et le jeu divin du héros. Une théorie de l'action : [L]'homme de caractère confère à l'action sa noblesse ; sans lui morne tâche d'esclave, grâce à lui jeu divin du héros. - Jean-Baptiste Decherf p. 217-233 La conception gaullienne de l'héroïsme a quelque chose d'un ovni intellectuel. Combinant dans un même culte de l'individu d'exception l'influence des théories romantiques du grand homme, des thématiques venues de la psychologie des foules et de récurrentes tonalités nietzschéennes, elle peut donner l'impression d'accumuler sans soucis de cohérence les vulgates en vogue dans les années 1920-1930, moment où de Gaulle écrit le Fil de l'Epée. La présente recherche vise à montrer la profonde unité qui unit les apparences paradoxales de la représentation gaullienne du héros et de son autorité, une pensée qui n'a cessé de le guider dans son action politique. A la source de cette célébration de l'homme d'exception et de son combat se trouve l'idée, inexplicite mais omniprésente, que le moment de crise où celui-ci prend en main les destinées de son peuple est le temps de toutes les révélations : celui où se découvre la vraie nature des choses, celle des hommes, celle de la nation, autant de vérités profondes qui selon de Gaulle sont masquées dans le quotidien.
- Au c?ur du raisonnement galtonien : le paradoxe de la politique malthusienne et sa solution eugéniste : « L'intelligence peut être aidée ou exercée, mais aucun apprentissage, aucun enseignement ne peut la créer. Elle doit être transmise héréditairement. » Karl Pearson - Pierre-André Taguieff p. 175-215
Lectures critiques
- Notes de lecture - p. 235-245