Contenu du sommaire : Milieux économiques et relations internationales

Sous la triple influence de la Business History, de la transnationalisation des approches et de la désoccidentalisation des objets induite par le Cultural Turn, l'histoire économique des relations internationales s'est considérablement renouvelée depuis trente ans. Le bilan historiographique effectué ici se concentre sur une piste importante explorée ces dernières décennies : une sociologie de la scène économique internationale. Les historiens ont commencé à analyser, de manière beaucoup plus systématique, les acteurs agissant dans la sphère économique ou issus de celle-ci, et à décortiquer leurs modalités d'intervention, en premier lieu dans deux processus contemporains : celui des décolonisations et celui de l'intégration européenne. D'autres champs, déjà bien défrichés, offrent aujourd'hui des perspectives d'études nouvelles : c'est le cas des organisations internationales à vocation économique et sociale, de l'aide au développement et de la coopération technique. Enfin, l'essor des intégrations régionales permet de replacer le jeu des acteurs dans un cadre systémique.

Au xviiie siècle, affaibli politiquement mais fort de ses nombreux atouts, le Danemark choisit une politique axée sur le développement de son économie. La mise en place de services consulaires dans la plupart des grands centres du commerce européen participe directement à la croissance de son commerce maritime par la fourniture d'informations économiques qui permettent de diminuer le risque dans les échanges internationaux et d'accroître la compétitivité de la navigation danoise par rapport à ses concurrents. Pour le Danemark, la trentaine d'années entre 1778, au début de la guerre d'Indépendance américaine, et 1807, date du bombardement de Copenhague par les Anglais, est qualifiée de période dite du commerce « florissant » où ses armateurs s'imposent sur les routes maritimes internationales.

En créant des fondations, les familles riches constituaient un capital à des fins charitables mais aussi pour aménager les successions et préserver le patrimoine familial, selon la situation juridique. Alors que l'historiographie récente a étudié l'impact politique des fondations philanthropiques, cet article met l'accent sur celles d'entre elles qui furent au service d'intérêts familiaux à un niveau international. Par leurs objectifs et leur composition multinationale, ces fondations non charitables ont défié les administrations étatiques, devenant de ce fait des acteurs importants dans les relations internationales.

Les organisations internationales sont depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale impliquées dans des programmes de renforcement des capacités humaines et institutionnelles des pays dits « en voie de développement ». Leur implication dans de telles actions s'inscrit cependant dans un processus historique plus large, où l'entre-deux-guerres a joué un rôle important comme premier laboratoire d'expériences, en particulier pour le Bureau international du Travail. Cet article cherche à fournir quelques pistes afin de mieux comprendre l'engagement du BIT dans des activités d'assistance technique dans les années 1930. L'étude d'une mission en Chine en 1934 permet en outre de mettre en lumière un embryon d'organisation et d'expériences concernant le transfert, par l'entremise d'experts, de compétences et de connaissances des pays industrialisés vers les pays « sous-développés ».

Pourquoi l'aide au développement, réseau d'activités et de relations qui a croisé les grandes dynamiques de la deuxième moitié du XXe siècle, peine-t-elle à trouver sa place dans les grands tableaux économiques et politiques de l'histoire internationale ? L'article identifie les axes qui animent un champ de recherche encore fragmentaire, mais en plein essor : de l'analyse du discours public et de l'action des organisations internationales à l'étude comparée des politiques des donateurs de l'Europe du Nord, à l'approche de la « modernisation » et au rôle de la coopération dans les stratégies économiques des donateurs. Il identifie un défi commun dans l'intégration des points de vue des États du Sud, qu'ils soient donateurs ou récepteurs d'aide. Il présente ensuite le cas de l'Italie, donateur inquiet, qui montre comment au fil de quatre décennies, les motivations, les acteurs politiques, économiques et sociaux, la signification et les stratégies de l'aide ont expérimenté des variations profondes, ce qui recommande des approches de recherche diversifiées.

Alors que la prise en charge des questions européennes par les groupes d'intérêt économiques est souvent présentée comme automatique, cet article analyse les dynamiques de structuration d'une catégorie « Europe » au sein du Conseil national du patronat français (CNPF). Loin d'être consensuelle, la prise en charge des premiers projets d'intégration européenne au sein du CNPF est l'objet de tensions entre plusieurs dirigeants. L'émergence d'organisations patronales européennes, et notamment de l'UNICE, fournit un ensemble de ressources et de contraintes ensuite mobilisées au sein du CNPF. Saisir la structuration de l'intérêt européen implique alors d'articuler le fonctionnement de la confédération patronale française aux différents espaces où se construit l'objet européen.

Cet article explore la transformation de la diplomatie économique multilatérale des pays occidentaux par les sommets du G7. Leur instabilité économique appelle une nouvelle régulation internationale qui supplée au plus haut niveau les défaillances des organisations internationales. L'institutionnalisation du G7 et les limites de son action traduisent simultanément l'idée d'une coordination macroéconomique globale, et la remise en cause des instruments de régulation des États vis à vis des acteurs économiques transnationaux. La normalisation des relations du G7 avec les organisations internationales confirme à la fois son importance et ses limites : alors que s'amorce la révolution néolibérale, il sert d'instrument de concertation plus que de structure de régulation, illustrant la genèse d'une nouvelle « gouvernementalité » des économies libérales où la régulation n'a plus de caractère systémique.

Cet article utilise les méthodes de la Business History pour souligner l'influence des entreprises sur les idéaux de la beauté humaine. L'homogénéisation de ces idéaux est l'un des traits les plus notables de la globalisation au cours de ces deux derniers siècles. Cette étude suggère que les firmes se plient aux idéaux de beauté autant qu'elles les façonnent. La démonstration s'appuie sur des études de cas concernant trois entreprises importantes. Au xixe siècle, Coty et d'autres entreprises françaises ont fait de Paris la capitale globale de la beauté. Au milieu du XXe siècle, les stratégies déployées par Estée Lauder et d'autres firmes ont impulsé la montée en puissance et en prestige des marques de beauté américaines. Dans un passé plus récent, L'Oréal a favorisé une beauté à nouveau plurielle en faisant l'acquisition de marques américaines et internationales, en offrant aux consommateurs dans le monde toute une gamme d'idéaux de beauté, à la fois globaux et localement personnalisés. L'article conclut que les stratégies des entreprises doivent être plus pleinement intégrées dans les récits historiques qui rendent compte de la mondialisation.