Contenu du sommaire : Trente années d'une revue
Revue | Réseaux (communication - technologie - société) |
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Numéro | vol. 32, no 184-185, 2014 |
Titre du numéro | Trente années d'une revue |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Présentation
- Les trajectoires de Réseaux - Patrice Flichy p. 9-31 Cet article se propose de retracer les grandes lignes de la politique éditoriale de Réseaux depuis son origine (1983). Comment la revue a combiné trois perspectives de recherche : l'étude de l'ensemble du champ de la communication, médiatique et interpersonnelle, grand public et professionnelle, l'analyse des transformations technologiques contemporaines, la construction d'un nouveau positionnement théorique. Ce texte illustre l'entrelacement de ces trois perspectives en s'intéressant à la recherche sur les politiques publiques, à celle sur les réseaux, techniques d'une part, informels (sociabilité ordinaire, pratiques amateurs) d'autre part, et à celle sur la réception et sur les usages.The evolution of réseaux
This article retraces the main lines of Réseaux's editorial policy from its inception in 1983. The journal has combined three research perspectives : a comprehensive study of the communication field, be it media, interpersonal, public or professional ; the analysis of contemporary technological transformations ; and the construction of a new theoretical positioning. The article shows how these three perspectives are intertwined, by looking at research on public policy, on networks – both technical and informal (ordinary sociability, amateur practices) – and on reception and uses.
- Les trajectoires de Réseaux - Patrice Flichy p. 9-31
Dossier : Trente années d'une revue
- Métamorphoses d'une question scientifique : Trente ans de recherches sur l'inscription des TIC dans les univers productifs - Alexandre Mallard p. 33-69 Cet article examine les recherches publiées au cours des 30 dernières années par la revue Réseaux sur le rôle des Technologies d'Information et de Communication dans les entreprises et les marchés. Il propose un triple parcours de lecture, documentant successivement l'histoire des technologies, les coopérations scientifiques qui sous-tendent la production de Réseaux, et les métamorphoses problématiques qu'a connues l'analyse des liens entre technologie et organisation. Informé par une démarche de sociologie des sciences, il questionne les relations entre les technologies, les perspectives théoriques qui ont rendu compte de leur inscription productive et les chercheurs en sciences sociales qui les ont étudiées.Metamorphosis of a scientific issue
This article examines the research published by the journal Réseaux over the last 30 years, on the role of Information and Communication Technology in companies and markets. It offers a threefold analysis, documenting in turn the history of technology, the forms of scientific cooperation underpinning the production of Réseaux, and the metamorphoses that the analysis of the links between technology and organization has undergone. Based on a sociology of science approach, it investigates the relations between technologies, the theoretical perspectives that have described their engagement in productive systems and the social scientists who have studied them. - De l'économie des réseaux aux services en réseaux : Nouveau paradigme, nouvelles orientations - Thierry Penard, Alain Rallet p. 71-93 La révolution numérique a profondément modifié l'architecture des réseaux, mais aussi les activités économiques et les usages développés sur ces réseaux. Elle est à l'origine d'un changement important des thématiques traitées en économie dans ce domaine, mais aussi d'un renouvellement conceptuel dans l'analyse des réseaux. L'objectif de cet article est de décrire ce changement de paradigme d'un point de vue théorique et méthodologique. L'article propose par ailleurs de nouvelles orientations de recherche autour des modèles d'affaires et écosystèmes numériques, des impacts socio-économiques des services numériques et des politiques publiques.From the network economy to networked services
The digital revolution has profoundly reshaped not only the architecture of networks, but also the economic activities and uses developed within these networks. It has also changed the research topics and framework for networks and networked services. This article describes this paradigm change from a theoretical and methodological point of view. It also suggests new research orientations for digital business models and ecosystems, the socio-economic impacts of digital services and public policies. - Citoyenneté, médias et TIC : Trente années de liaisons covalentes, au sein de la revue Réseaux - Fabien Granjon p. 95-124 Cet article entend considérer la manière dont Réseaux a pris en charge le thème de la citoyenneté et l'a envisagé sous l'angle particulier de son rapport avec l'évolution des formes médiatiques. Force est de constater que cette thématique a, dès les premiers numéros, fait partie des intérêts de connaissance privilégiés de la revue, laquelle n'a eu de cesse de valoriser des contributions mettant en lumière les aspects citoyens des usages sociaux des médias de masse, des dispositifs télématiques de première génération et, plus récemment, des technologies de l'Internet. Le bilan présenté n'a aucun caractère d'exhaustivité, mais englobe néanmoins une large part des contributions pouvant être rattachées de façon assez directe au thème de la citoyenneté, avant que le déploiement considérable de l'informatique connectée n'emporte la quasi-totalité des orientations de recherche.Citizenship, media and ICTs
This paper examines how Réseaux has tackled the topic of citizenship and studied it from the particular angle of its relationship with the evolution of media forms. From the very first issues, this theme has clearly been one of the journal's focal points. Réseaux has published numerous contributions that shed light on citizenship and the social uses of mass media, first generation ICT systems and, more recently, Internet technologies. While this review is in no way exhaustive, it does encompass a large share of the contributions that could be linked directly to the topic of citizenship, before most research orientations shifted to social uses of ICTs. - La citoyenneté numérique : Perspectives de recherche - Fabienne Greffet, Stéphanie Wojcik p. 125-159 À partir des différentes conceptions de la « citoyenneté numérique » développées ces dernières années, cet article propose des pistes de recherche destinées à mieux rendre compte des pratiques, significations et enjeux qu'elle recouvre. La « citoyenneté numérique » – traduction de la digital citizenship anglophone – renvoie tant à la maîtrise des technologies qu'à la (ré)évaluation permanente de l'action politique dans des sociétés de plus en plus réflexives. Cette notion soulève des questions qui paraissent encore trop peu explorées, relatives notamment à sa caractérisation juridique, aux allégeances qu'elle pourrait entraîner, ainsi qu'à la place des institutions constituées autour ou à l'intérieur des espaces numériques. De même, les processus de construction dans la durée d'une telle citoyenneté, mais aussi l'analyse des inégalités grevant la « citoyenneté numérique », particulièrement en termes de compétences civiques et technologiques, nécessitent de mobiliser une diversité de méthodes.Digital citizenship
Based on the different understandings of “digital citizenship” developed over the last few years, this article points to research pathways to further our understanding of the practices, meanings and issues it encompasses. “Digital citizenship” refers both to the command of technologies and to the constant (re)evaluation of political action in increasingly reflexive societies. The concept raises questions which are still insufficiently explored, particularly relating to its legal characterization, to the allegiances it could entail, and to the role of the institutions constituted within or around digital spaces. The long-term processes underpinning the construction of such citizenship and the analysis of the inequalities weighing on “digital citizenship”, particularly in terms of civic and technological competences, require the articulation of a variety of methods. - Réseaux et les mutations de la sociabilité - Dominique Cardon, Zbigniew Smoreda p. 161-185 Né sous les auspices du Centre National d'Études des Télécommunications (CNET), Réseaux a eu pour projet de rapprocher la recherche sur la communication médiatique et les échanges interpersonnels se déployant à partir des outils de télécommunication. Cette synthèse explore la production de la revue portant à la fois sur la question des échanges téléphoniques et sur les sociabilités numériques apparues avec les usages d'Internet comme plate-forme d'échange généralisé. L'article propose de suivre quatre fils au sein des publications de Réseaux. Les deux premiers, l'hypothèse « continuiste » et la question de l'entrelacement des médias témoignent du travail accompli par la revue pour introduire les questions de communication, jusqu'alors principalement pensées à travers les médias de masse, dans la sociologie de la vie quotidienne. Les deux suivants, la force des liens faibles et la fabrication des collectifs sur la base des interactions, montrent comment la question des sociabilités numériques s'est introduite dans les préoccupations de la revue pour donner jour aux nouveaux champs de recherche des digital studies.Réseaux and changing sociability
Réseaux was created under the auspices of the Centre National d'Études des Télécommunications (CNET) to bring closer together media communication research and the interpersonal exchanges that take place with telecommunication tools. This synthesis explores the journal's production both on the question of telephone communication and on the digital sociabilities that appeared with the use of Internet as a platform for generalized interaction. The article examines four orientations in the articles published in Réseaux. The first two, the “continuist” hypothesis and the question of intertwined media, attest to the journal's endeavour to introduce communication issues – until then considered mainly through the prism of mass media – into the sociology of everyday life. The other two, the strength of weak ties and the construction of collectives based on interactions, show how the question of digital sociabilities was introduced as one of the journal's focuses and gave rise to the new research field of digital studies. - Que font les réseaux sociaux aux réseaux sociaux ? : Réseaux personnels et nouveaux moyens de communication - Michel Grossetti p. 187-209 Le développement des « réseaux sociaux » numériques, et plus largement des moyens de communication, s'est-il accompagné d'évolutions dans les systèmes concrets de relations interpersonnelles, les « réseaux sociaux » au sens des analystes de réseaux ? Ce texte tente de faire le point sur cette question en rappelant les bases du courant de recherche appelé analyse des réseaux sociaux, en particulier dans sa composante dédiée à l'étude des « réseaux personnels » (les relations d'une même personne). L'examen d'un ensemble de travaux récents montre que, sur de nombreux aspects, la question posée reste sans réponse claire. Une hypothèse semble toutefois se dégager de ces études : une légère régression des liens forts ou durables et un accroissement des liens plus faibles ou plus éphémères, ainsi qu'un renforcement de l'entre-soi, au moins pour les liens forts : un monde plus équipé, plus connecté, aux communications plus denses, plus continues et plus rapides, mais peut-être plus ségrégatif.What do social networks do to social networks ?
Has the development of digital “social networks” and more generally of means of communication accompanied changes in the actual systems of interpersonal relationships, that is, “social networks” as understood by network analysts ? This article reviews this question by outlining the foundations of the research stream called social network analysis, particularly in its study of “personal networks” (the relationships of a single person). Through the examination of a body of recent work, it shows that in many respects the question still does not have a clear answer. These studies nevertheless seem to point towards a slight regression in strong or lasting ties and an increase in weaker or more transient ties, along with the reinforcement of l'entre-soi, at least for strong ties ; that is, a better equipped, better connected world, with denser, more continuous and faster communication, though perhaps with a more segregating effect. - Réseaux et la culture : Des médias traditionnels à la numérimorphose des goûts et des usages - Philippe Le Guern p. 211-246 Participant à l'établissement d'un bilan à l'occasion des trente ans de la revue Réseaux, cet article s'intéresse à la thématique des publics de la culture et des médias. En effet, la réception et les usages de la culture ont constitué un des axes prépondérants de l'activité critique déployée par la revue, même si les différents objets du paysage médiatico-culturel y ont été abordés avec plus ou moins d'intensité : comme le montre cet article, en régime prénumérique, c'est surtout la télévision qui a la part belle, un certain nombre de « passeurs » contribuant à la diffusion, en France, d'un corpus théorique qui renouvelle l'approche des cultures populaires. Mais avec le virage numérique, c'est la reconfiguration du système des goûts qui va devenir centrale, la numérimorphose attirant notamment l'attention sur des pratiques telles que les jeux vidéo ou la musique.Audiences, reception and uses
As part of the review of Réseaux for its 30th anniversary, this article studies the theme of culture and media audiences. The reception and uses of culture have been one of the journal's main areas of critical interest, even though the different objects of the media-cultural landscape have been addressed with varying degrees of intensity. As shown in this article, in the pre-digital system, the focus was mainly on television, with a number of “go-betweens” contributing to the spread, in France, of a theoretical corpus reviving the popular culture approach. But with the digital turn, the reconfiguration of the system of tastes became central, with digimorphosis in particular drawing attention to practices such as video games and music. - D'un paradigme à l'autre : Sur quelques glissements théoriques dans l'étude de la communication sociale Trente ans de la revue Réseaux - Olivier Voirol p. 247-278 La revue Réseaux est apparue à un moment singulier de l'évolution des sciences sociales de langue française, marqué par le passage progressif d'un « paradigme de la domination » soulignant le poids des « interpellations » institutionnelles, le caractère aliéné des savoirs ordinaires et la nécessité de la démarche scientifique comme condition de la critique, à un « paradigme de l'activité » insistant sur la centralité de l'activité, la connaissance ordinaire et les potentialités critiques propres aux pratiques sociales. Ayant contribué à la formation de ce paradigme, Réseaux a été l'un de ses canaux de diffusion en sociologie de la communication, sans effacer pour autant tous les traits du « paradigme de la domination ». Revenir sur la trajectoire de Réseaux sur trente ans permet autant de faire ressortir ces glissements théoriques que de questionner la situation théorique actuelle et les déplacements en cours, dans lesquels la revue peut être aujourd'hui amenée à se repositionner.From one paradigm to another
The journal Réseaux appeared at a significant point in the evolution of the social sciences in the French-speaking world. This stage was characterized by the gradual shift from a “domination paradigm” emphasizing the weight of institutional “interpellation”, the alienated nature of ordinary knowledge and the need for the scientific approach to underpin critique, to an “activity paradigm” stressing the centrality of activity, ordinary knowledge and the critical potential inherent to social practices. Having contributed to shaping this paradigm, Réseaux was one of its channels of dissemination in the sociology of communication, without however removing all the features of the “domination paradigm”. Looking back on Réseaux's 30-year journey is an opportunity both to highlight these theoretical shifts and to challenge the current theoretical situation and ongoing changes, in which the journal may have to reposition itself. - Étudier la communication au XXIe siècle : De la théorie de l'action à l'analyse des sociétés - Cyril Lemieux p. 279-302 La communication n'est pas un domaine séparé de la vie sociale, mais une propriété générale de l'action. Partant de ce constat, cet article soutient que les travaux sur la communication dont nous avons aujourd'hui besoin sont ceux qui s'efforcent d'être le plus pleinement possible sociologiques. Cette affirmation implique non seulement que les chercheurs assument, dans leur travail d'enquête empirique, des ambitions théoriques, mais encore que, tout en reconnaissant la primauté méthodologique de la description et de la compréhension de l'agir situé, ils ne s'y limitent pas et tentent, sur le plan théorique, de prolonger leurs analyses de l'action par celle de l'organisation évolutive des sociétés, dans une alliance renouvelée avec l'anthropologie et l'histoire.Studying communication
Communication is not a field removed from social life but a general property of action. Based on this fact, this article argues that the communication studies needed most today are those that are as sociological as possible. This requires researchers who not only embrace theoretical ambitions in their fieldwork, but also recognize the methodological primacy of description and understanding of situated action, without limiting themselves to it. On a theoretical level, it furthermore requires them to prolong their analysis of action with that of the evolving organization of societies, thus reviving an alliance with anthropology and history. - Action et interaction située : L'ethnométhodologie et l'analyse conversationnelle à la française - Marc Relieu p. 303-316 La revue Réseaux fut sans doute le vecteur principal de diffusion des approches d'ethnométhodologie et d'analyse conversationnelle en France. Cette place singulière, dans le monde des publications francophones, a contribué à introduire ces disciplines de l'action et de l'interaction située au sein des Sciences de l'Information et de la Communication comme de la sociologie. Se distinguent ainsi les premiers travaux d'Analyse Conversationnelle, qui s'efforcent d'analyser des organisations séquentielles de conversations téléphoniques, les mises en perspectives de l'éthnométhodologie qui soulignent son apport à la théorie de la communication, et les études portant sur les toutes premières interactions médiées – visiophonie, télématique. En dépit de leur diversité réelle, ces études partagent une mentalité analytique singulière, qui accorde à l'examen minutieux et systématique de l'organisation d'activités ordinaires un statut particulier dans l'enquête sociologique.Action and situated interaction
The journal Réseaux was probably the main driver of the spread of ethnomethodology and conversation analysis in France. This singular position in the world of French-speaking publications contributed to introducing these action and situated interaction disciplines into the Information and Communication Sciences and into sociology. This is how the earliest conversation analysis studies emerged, focused on sequential organizations of telephone conversations, along with the perspectives of ethnomethodology, highlighting its contribution to communication theory, and studies on the very first mediated interactions with videophone calling and computer-telephone integration. Though truly diverse, these studies share a singular analytical perspective, which gives special importance to the detailed and systematic examination of the organization of ordinary activities in sociological research.
- Métamorphoses d'une question scientifique : Trente ans de recherches sur l'inscription des TIC dans les univers productifs - Alexandre Mallard p. 33-69
Dossier : Trente années d'une revue
- Interactions médiées et action située : La pertinence renouvelée des approches praxéologiques issues de l'ethnométhodologie et l'analyse de conversation - Christian Licoppe p. 317-345 L'objectif de cet article est de montrer la pertinence qu'ont aujourd'hui l'analyse de conversation et l'ethnométhodologie. Le texte propose trois exemples différents : a) comment ces approches éclairent notre compréhension de situations ordinaires qui mettent en jeu des plaintes sans que celles-ci montent nécessairement en généralité et en publicité, situations qui constituent une sorte d'angle mort pour les sociologies critiques et pragmatiques ; b) la capacité intacte de l'analyse de conversation à rendre visibles et intelligibles des phénomènes interactionnels, en particulier dans des environnements saturés de médiations digitales ; c) comment l'ethnométhodologie, en particulier dans son souci de rendre compte du travail vécu de produire une activité au milieu de descriptions de celles-ci (par exemple accomplir une activité armé des instructions pour produire cette activité), peut constituer une ressource fondamentale pour rendre compte de ce que c'est d'agir comme un « soi quantifié » (« Quantified Self »), ou plus généralement dans des environnements traversés par des infrastructures de traitement des données personnelles, perspective que négligent trop aujourd'hui les « humanités digitales ».Mediated interactions and situated action
The aim of this article is to show the current relevance of conversation analysis and ethnomethodology. It provides three different examples : a) how these approaches enhance our understanding of ordinary situations involving complaints which do not necessarily become general or publicized ; situations which constitute a blind spot, in a sense, for critical and pragmatic sociologies ; b) conversation analysis' real ability to make interactional phenomena visible and intelligible, particularly in environments saturated with digital mediations ; c) how ethnomethodology, particularly with respect to its concern with describing the lived experience of producing an activity amidst descriptions thereof (for example performing an activity equipped with instructions to produce this activity) can constitute a fundamental resource to describe what it means to act as a “Quantified Self” or, more generally, acting in environments populated with infrastructure processing personal data – a perspective that currently receives too little attention from the “digital humanities”.
- Interactions médiées et action située : La pertinence renouvelée des approches praxéologiques issues de l'ethnométhodologie et l'analyse de conversation - Christian Licoppe p. 317-345