Contenu du sommaire : Cultures sportives et cultures politiques. Le cas des chefs d'Etat et de gouvernement dans le monde au XXe siècle
Revue | Histoire@Politique |
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Numéro | no 23, mai 2014 |
Titre du numéro | Cultures sportives et cultures politiques. Le cas des chefs d'Etat et de gouvernement dans le monde au XXe siècle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Les cultures politiques au défi des cultures sportives - Patrick Clastres p. 1-9
- Les présidents américains et le sport : pouvoirs de l'exercice et exercice du pouvoir, de Theodore Roosevelt à Barack Obama - Peter Marquis p. 10-31 De Theodore Roosevelt à Barack Obama, la plupart des occupants de la Maison Blanche cultivèrent des relations étroites avec le sport, soit en affichant leur pratique ou leur intérêt, soit en l'utilisant à des fins de communication pour façonner une personnalité de chef national proche et viril. Cet article interroge d'abord la place de la culture sportive dans la biographie des présidents étudiés en insistant sur l'usage médiatique qui en a été fait. Il démontre ensuite que cette essence sportive du président est une construction qui mérite réexamen tant du point de vue de la fragilité des corps présidentiels que de l'efficacité communicationnelle ou de la stratégie olympique. La troisième partie est consacrée aux liens entre sport, quotidien de l'exécutif et formation des présidents, à travers un questionnement qui s'inspire de la nouvelle histoire présidentielle (Zelizer, 2002).From Theodore Roosevelt to Barack Obama, most US presidents have established close ties with sport. They either put on public display their ability and taste for sport, or used it as a political prop to mold their persona as the nation's close and manly leader. The article first questions the significance of sporting culture in the presidents' biographies laying emphasis on its media use. It then argues that the essence of the “sports president” is a construct that needs reexamining from the standpoint of the vulnerable presidential body, PR fiascos or Olympic policies. Following the inquiries of the new presidential studies (Zelizer, 2002), the third part is devoted to the intersections between sport, the daily reality of executive power and the formative years of US presidents.
- Les cultures corporelles et sportives des femmes au pouvoir, de Golda Meir à Angela Merkel - Florence Carpentier p. 32-59 L'objet de cet article est d'étudier la fabrique et l'usage des cultures sportives et corporelles de quatre femmes qui ont été à la tête de leur État. Golda Meir (1898-1978), Indira Gandhi (1917-1984), Margaret Thatcher (1925-2013) et Angela Merkel (née en 1954) forment trois générations qui correspondent aussi à trois temps de l'histoire du sport : son émergence à la fin du XIXe siècle, son développement dans l'entre-deux-guerres et sa massification à partir des années 1960. L'étude des différentes biographies et revues de presse montre que le milieu social et l'éducation construisent un rapport au sport venant du père et une culture corporelle influencée par la mère. Les femmes au pouvoir n'échappent pas aux stéréotypes de genre qui prévalent dans le sport et dans la politique. Pas ou peu pratiquantes, elles s'improvisent supportrices quand la raison politique l'exige.“Body and Sporting Cultures of Women in Power, from Golda Meir to Angela Merkel”The aim of this paper is to study the making and the use of the body and sporting cultures of four women, each Head of their respective state. Golda Meir (1898-1978), Indira Gandhi (1917-1984), Margaret Thatcher (1925-2013) and Angela Merkel (born in 1954) are three generations of women in three different moments of the history of sport: its emergence at the end of the 19th century, its development in the Interwar period and its massification since the 1960s. The analysis of several biographies and press reviews shows that their social background and education built both their vision of sport, which were in fact their father's one, and their body culture, influenced by their mother. Women in power did not escape from gender stereotypes, which apply in sport and political areas. Whereas they did no or few sport, they improvised as supporters when political reasons required it.
- Les passions sportives des dirigeants italiens - Fabien Archambault p. 60-72 Si, dans la première moitié du XXe siècle, les dirigeants italiens mettaient en scène leurs pratiques sportives – on pense au cavalier Victor-Emmanuel III, à l'alpiniste Pie XI ou au touche-à-tout Benito Mussolini, cela a beaucoup moins été le cas par la suite. La posture affichée devint davantage celle du spectateur enthousiaste, de Pie XII à Silvio Berlusconi en passant par Giulio Andreotti. Ces attitudes n'en traduisaient pas moins que le sport devenait de plus en plus une affaire d'État, propre à renforcer la légitimité du pouvoir.Although in the first half of the twentieth century Italian leaders would frequently flaunt their sporting skills – from Victor-Emmanuel III's horse riding to Pius XI's mountaineering or Benito Mussolini's aried sports – this attitude was much less frequent in the decades that followed. The standard posture then became that of the keen amateur – as illustrated by Pius XII, Silvio Berlusconi or Giulio Andreotti. It remains that over this period, sport increasingly became an affair of state, with the potential to reinforce the power's legitimacy.
- Générations athlétiques et éducations corporelles. L'autre acculturation politique des présidents de la Ve République - Patrick Clastres p. 73-96 Cet article est une contribution à l'étude du corps présidentiel à partir des itinéraires athlétiques des sept jeunes hommes nés entre 1890 et 1955 qui deviendront les présidents de la Ve République. Leur éducation corporelle est rapportée à des contextes sportifs et pédagogiques, culturels et politiques, à ce point différents que la méthode des « portraits sportifs » a été retenue. Au fil des expériences enfantines et juvéniles de formation corporelle, il s'agit d'étudier les points de contact entre milieu, éducation, héritage politique et culture sportive. Autrement dit, pour paraphraser Pierre Bourdieu, de comprendre comment, c'est-à-dire de quelle manière et pourquoi, les présidents de la Ve République ont-ils pu être sportifs s'ils l'ont jamais été. La question est posée d'un lien entre nature des sports pratiqués et leadership politique, et de la culture sportive comme atout politique.This paper analyses the sport culture of the seven French Presidents of the Vth Republic, born between 1980 and 1955. It tries to relate their physical education to the educational, sports, cultural and political background of their times – so distinct that only successive and juxtaposed pictures can be drawn. During their infancy, as well as during their primary and secondary education, their social and educational background, and their inherited political culture have interacted with their sport and physical culture. The paper therefore questions the link between political leadership and physical activities and tries to show how their sport culture has been (or not) a political asset.
- Entre tribunes et terrain. Les cultures sportives des chefs d'État argentins des années 1880 aux années 1990 - Lucie Hémeury p. 97-122 Cet article propose une analyse de la culture sportive des chefs d'État argentins entre les années 1880 et 1990. Le sport est devenu un phénomène social, culturel et médiatique massif, face auquel les dirigeants politiques ne sont pas restés indifférents. L'organisation de la Coupe du monde de football en 1978 lors de la dictature la plus iolente qu'ait connue l'Argentine est restée dans les mémoires comme un exemple d'instrumentalisation extrême du sport par un pouvoir en quête de légitimité. Mais au-delà de ce cas, les hommes politiques argentins entretinrent des rapports au sport bien plus divers. Sportifs, spectateurs assidus, promoteurs du sport, ils révèlent la complexité à l'œuvre au sein de la culture sportive argentine au cours du XXe siècle.“Politics on the Ground: Argentinean Heads of State and Sports Culture from the 1880s to the 1990s” This article offers an analysis of the sport culture fostered by Argentinean heads of state between the 1880s and the 1990s. Sport became a widespread social and cultural phenomenon that was central in mass media, and statesmen did not remain indifferent to it. The organization of the Football World Cup in 1978, under the most violent dictatorship Argentina ever knew, is still remembered as an example of how sports can be utilized by powerful leaders in quest of legitimacy. However, the links between Argentinean politicians and sports were much more diverse and should not be reduced to the limited scope of the World Cup. As sportsmen, regular spectators or promoters of sports, Argentinean heads of state revealed how complex sporting culture was throughout the 20th century.
- Du sportsman à l'histrion : les cultures sportives de trois leaders africains (Nnamdi Azikiwe, Nelson Mandela et Joseph-Désiré Mobutu) - Paul Dietschy p. 123-141 La culture sportive de plusieurs grands leaders de l'Afrique des indépendances a été formée pendant l'ère coloniale. Si le football a pu servir aux missionnaires pour attirer et retenir à l'école les enfants turbulents comme Joseph-Désiré Mobutu, l'apprentissage d'un large échantillon de sports a fait d'un Nnamdi Azikiwe ou, dans une moindre mesure, d'un Nelson Mandela de véritables sportsmen empreints de la culture sportive anglo-saxonne. Toutefois, quand le sport a nourri et servi à la lutte pour l'indépendance et la liberté, ses valeurs ont vite été battues en brèche. La sportivité prêchée en politique par Azikiwe a vite tourné cours, alors que Mobutu a mis au service de son impitoyable dictature les aleurs du sport.The sport culture of several major leaders of the independence of Africa was forged during the colonial era. If football has been used by missionaries to attract and retain at school unruly children as Joseph-Désiré Mobutu, learning a large sample of sports made a Nnamdi Azikiwe, or, to a lesser extent, a Nelson Mandela two true Anglo-Saxon sportsmen. However, when sport inspired and was used in the struggle for independence and freedom, its values were quickly forgotten. Sportsmanship in politics preached by Azikiwe quickly came to a sudden end, while Mobutu put sports values in the service of his ruthless dictatorship.
- Sport and Political Leaders in the Arab World - Mahfoud Amara p. 142-153 L'article témoigne de l'utilisation du sport par les dirigeants arabes, y compris les présidents, les rois et membres des familles royales, dans la conduite de la politique intérieure comme de la diplomatie, ainsi que pour améliorer l'image de marque de leur régime. L'article fait également allusion, dans une moindre mesure, à la pratique sportive et aux loisirs des dirigeants arabes (peu représentés dans le domaine public) visant principalement à promouvoir un style de vie sain, le maintien des traditions sportives arabes, et à des fins de relations publiques.The paper examines how sport has been utilised by Arab rulers, including Presidents, Kings and members of Royal families, for internal politics as well as for place branding and public diplomacy. The paper alludes alsoto the sport practice and hobbies of Arab leaders aimed at promoting healthy life style, maintaining Arab sport traditions, and for media and public relations.
Vari@rticles
- La Roumanie à Paris : exil politique et lutte anti-communiste - Béatrice Scutaru p. 154-165 L'avènement du communisme détermine de nombreux Roumains à choisir la oie de l'exil, de la « liberté ». Les vagues d'émigrés se mobilisent et s'organisent pour recréer une société en exil, pour lutter contre le régime de Bucarest. L'exil roumain à Paris crée des associations politiques et culturelles, publie des revues et des romans et tente d'influer sur l'image de la Roumanie en France. L'objectif de cette étude est d'illustrer, à travers quelques exemples, l'importance de l'exil politique roumain dans la lutte anti-communiste.The instauration of communism forced many Romanians to choose the path of exile, to choose “freedom”. The multiple waves of émigrés mobilised and organised themselves in order to recreate their home society abroad, in order to fight against the Romanian communist regime. Romanian exiled in Paris created cultural and political organisations, published newspapers and novels and tried to change their home country's image abroad. This study argues that the Romanian political exile activities played an important part in the fight against communism.
- Champion et politique. La fonction de komsorg dans les équipes nationales en URSS (1964-1982) - Sylvain Dufraisse p. 166-177 L'éducation politique des sportifs en URSS, en particulier de ceux qui composent les équipes nationales, est une préoccupation constante des autorités sportives et politiques. Cette question semble cependant plus aiguë à la fin des années 1950 en raison de plusieurs facteurs. Les équipes nationales participent de manière plus active à la vie sportive internationale lors de compétitions, de stages, de tournées et circulent souvent au-delà des frontières de l'URSS. Leurs faits d'armes sont désormais enregistrés et diffusés à la radio et à la télévision. Ambassadeurs de leurs pays à l'étranger, le comportement des athlètes soviétiques est scruté. Leurs incartades font la joie de la presse étrangère, en particulier dans les pays capitalistes. Une des conséquences visibles des scandales est le renforcement de la discipline dans les équipes. Le Komsomol, organisation de jeunesse du PCUS, est une des chevilles ouvrières de ce mouvement. Aux autorités déjà présentes dans les équipes de sport (directeurs de délégation, agents des services secrets), s'ajoute le komsorg, organisateur du komsomol, champion sportif, membre de l'équipe qui devient dans les années 1960 un agent de contrôle politique des équipes nationales.“Champion and Politician: Being komsorg in the National Soviet Team (1962-1982)” This article highlights how the komsorg emerged as an agent of social and political control inside Soviet sports teams during the Brezhnev era. Sportsmen served as ambassadors for the Soviet Union in the world's sports arenas and stadiums; therefore, their political education was a constant concern among leaders of the Soviet sports movement and the Communist Party. This question became increasingly important by the end of the 1950s, as a result of the Soviet Union's expanded participation in worldwide sporting events, and in the wake of international scandals. These incidents tarnished the image of Soviet sportsmen, who were accused of suffering from “star syndrome”. To solve this problem, the leaders of the sports movement, including the Soviet Committee for Sports and sports societies, the Party and the Komsomol, decided to strengthen the political education of athletes beginning in the early 1960s. One way they believed they could more effectively control the behavior of athletes was by strengthening the role of the komsorg, a champion or member of the team who served as the model of a well-educated and properly politicized Soviet sportsman. The komsorg was charged with organizing the team's political education during training camps before the Olympics, disciplining and shaping the team from the inside.
- La Révolution nationale impossible, Le Temps et Le Figaro à l'épreuve du régime de Vichy - Philippe Jian p. 178-190 De juin 1940 à novembre 1942, Le Temps et Le Figaro, organes emblématiques de la presse libérale, s'installent en zone libre. Acquis à la « Révolution Pétain », ils n'en dénoncent pas moins les formes d'un nouveau désordre qui ruine tout espoir de voir la France retrouver l'ordre perdu avec la rupture du consensus républicain au début des années 1920. À l'épreuve d'un régime autoritaire, les deux journaux adoptent des approches différentes de la pensée libérale au regard de la modernité.Relocated in the non-occupied zone from June 1940 till November 1942, the French liberal newspapers Le Temps and Le Figaro first supported the Vichy Regime. In the test of an authoritarian regime, these two newspapers adopted two different positions, reflecting the ambivalence of the liberalism ideology about modernity.
- La Roumanie à Paris : exil politique et lutte anti-communiste - Béatrice Scutaru p. 154-165
Pistes & débats
- Du passé faisons table rase ?, un vandalisme épistémologique ? - Vincent Chambarlhac p. 191-203 La réception du livre de Jean Chesneaux (Du passé faisons table rase ?) par les historiens français débouche sur le heurt de deux manières de pratiquer l'histoire du mouvement ouvrier. L'une, académique, oppose à l'autre sa radicalité, son engagement. Celui-ci participerait d'un vandalisme épistémologique. Revenir sur cette polémique restitue une part du paysage intellectuel de l'histoire dans la décennie 1970.The reviews of Jean Chesneaux's book (Du passé faisons table rase?) by the French historians attest of two opposite ways of conceptualizing and making the history of the labour movement. The academic one stands against another one, characterized by its radicality and its political commitment, by its epistemological vandalism. The article highlights the intellectual controversy between The Annales and the Révoltes logiques group, and therefore draws the intellectual landscape of the history discipline in the 1970s.
- Du passé faisons table rase ?, un vandalisme épistémologique ? - Vincent Chambarlhac p. 191-203
Sources
- Lettres du voyage en URSS de Marguerite et Jean-Richard Bloch (été 1934) - Rachel Mazuy p. 204-214 Les lettres de Marguerite et Jean-Richard Bloch font partie d'un fonds très important de correspondances qui éclairent la vie intellectuelle de la France du début du siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Réunies dans un grand cahier avec d'autres témoignages du voyage, puis cachées pendant la Seconde Guerre mondiale, elles ont été déposées à la Bibliothèque nationale de France au début des années 1990. Adressées à un cercle d'intimes lors de l'été et l'automne 1934, elle témoigne de la première découverte du monde soviétique d'un intellectuel de gauche. Les époux Bloch ont en effet été invités en URSS pour le premier Congrès des écrivains soviétiques en compagnie des couples Aragon, Malraux et Nizan et de Vladimir Pozner. En septembre, après le Congrès, les Bloch assistèrent aussi au Festival de théâtre de Moscou, puis partirent en oyage pour le Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan). Ce sont les conditions de cette « découverte » que documente cette archive liée à l'historiographie des oyages dans le monde communiste. Les lettres permettent aussi de questionner les processus d'adhésion au système soviétique. Elles offrent enfin un éclairage passionnant sur cet été 1934 à Moscou, sur les rapports entre intellectuels soviétiques et occidentaux et sur les Républiques soviétiques du Caucase alors en plein bouleversement.The letters of Marguerite and Jean-Richard Bloch are part of a large archive's Collections, which shed some new light on the French intellectual life from one war to another. Gathered in a big notebook with other testimonies of their journey, hidden during WWII, they were given to the “Bibliothèque nationale de France” in the nineties.
- Lettres du voyage en URSS de Marguerite et Jean-Richard Bloch (été 1934) - Rachel Mazuy p. 204-214
Portraits & témoignages
- Entretien avec Serge Sur - Anne Dulphy, Christine Manigand p. 215-245