Contenu du sommaire : Les banques centrales
Revue | Revue d'économie financière |
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Numéro | no 113, mars 2014 |
Titre du numéro | Les banques centrales |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Crises et défis
- Introduction - Christian Bordes, Robert Raymond p. 9-22
L'action des banques centrales et la crise
- L'évolution du rôle des banques centrales dans la crise - Lorenzo Bini Smaghi p. 25-34 La crise a conduit les banques centrales du monde entier à jouer un rôle spécifique – et en partie nouveau – au sein des économies développées. Cette évolution pose une série de défis à la structure institutionnelle régissant les politiques, notamment les politiques monétaires. Le premier défi concerne la nécessité d'adapter le mandat principalement pour assurer la stabilité financière. Un deuxième défi repose sur l'influence de la politique monétaire sur les autres politiques, en particulier la politique budgétaire, et sur le cadre institutionnel général. L'article se concentre sur l'Union monétaire européenne qui a été conçue principalement pour des périodes fastes. Cependant depuis que des crises surviennent, il faut que la politique monétaire les empêche de se transformer en catastrophes. Mais la politique monétaire ne peut pas être la seule option possible et elle ne peut pas remplacer les autres acteurs politiques. Seule une banque centrale indépendante peut réussir cet exercice d'équilibriste. Pourtant l'indépendance des banques centrales est menacée dans le monde entier. Classification JEL : E58, E63, F36, G01.The crisis has exposed central banks all over the world to play a special – and partly new – role in advanced economies. This poses a series of challenges to the institutional framework underlying monetary and other policies. The first is the need to adapt the mandate, especially to ensure financial stability. The other is the impact of monetary policy on other policies, in particular fiscal, and on the overall institutional framework. The paper focuses on the European monetary union, which was mainly designed for good times. Since crises do occur, however, monetary policy needs to ensure that they do not end up into catastrophes. But monetary policy cannot be the only game in town and substitute for other policy actors. This is a difficult balancing act, which only an independent central bank can play. However, central bank independence is being put at risk throughout the world. Classification JEL: E58, E63, F36, G01.
- La politique monétaire face à la crise : enjeux de court terme et ancrage à long terme - Benoît C?uré p. 35-46 La crise a mis en lumière une tension fondamentale au cœur de la politique monétaire. D'un côté, les banques centrales sont des acteurs majeurs dans la lutte contre la crise. D'un autre côté, leurs efforts doivent être conçus et communiqués dans le strict respect de leur mandat qui consiste à assurer la stabilité des prix à long terme. Pour atteindre cet équilibre, une distinction claire doit être établie entre l'objectif de la politique monétaire et sa conduite. Le cadre stratégique de la BCE et l'objectif d'une hausse des prix « inférieure à, mais proche de 2 % à moyen terme » permettent d'obtenir cet équilibre. Tout d'abord, l'inflation peut varier au sein de l'intervalle pour peu que la convergence vers l'objectif de moyen terme de 2 % soit assurée, de nombreuses trajectoires étant possibles. En outre, la notion de « moyen terme » ne renvoie pas à un horizon préétabli et dépend de la nature des chocs sous-jacents. Ceci a permis à la BCE de réagir de manière flexible à la crise tout en s'inscrivant dans le cadre stable de sa stratégie monétaire. Classification JEL : E58, E63, F36, G01.The crisis has exposed the balancing act lying at the heart of monetary policy. On the one hand, central banks are key participants in addressing short-term challenges that the economy faces. On the other hand, their crisis-fighting efforts have to be designed and made public in full consistence with their long-run price stability mandates. To successfully manage this balancing act, a clear distinction must be made between the monetary policy objective and the conduct of policy. The ECB's strategic framework and the aim of maintaining inflation rates “below, but close to, 2% over the medium term” contain the necessary elements to achieve this balance. First, there is scope for inflation to vary within the range along the way to convergence with the medium-term policy aim of 2%, and many path configurations are possible. Second, the “medium term” itself is not a pre-set time span, but is dependent on the underlying shocks. This has enabled the ECB to react flexibly to the crisis, while remaining within the stable framework of its monetary policy strategy. Classification JEL: E58, E63, F36, G01.
- Les conséquences fiscales du programme d'achat d'obligations de la BCE - Paul de Grauwe, Yuemei Ji p. 47-60 L'idée selon laquelle le programme d'achat d'obligations d'État (OMT) annoncé par la BCE pourrait imposer de nouvelles charges fiscales aux États, notamment à l'Allemagne, repose sur une application erronée des principes de solvabilité qui s'appliquent effectivement aux agents privés, mais pas aux banques centrales. Nous démontrons que grâce à la mise en œuvre des OMT, les contribuables des États créanciers, en particulier les contribuables allemands, bénéficieront de recettes fiscales. Nous évaluons ensuite dans quelle mesure le programme d'achat d'obligations est compatible avec la stabilité des prix. Il s'avère que cette estimation dépend principalement de la situation de la zone euro vis-à-vis de la trappe à liquidité. La zone euro étant toujours engluée dans une trappe à liquidité, la quantité d'obligations d'État que la BCE peut acheter sans engendrer d'inflation n'est pas limitée. Classification JEL : E58, E63, F36, G01.The perception that the government bond buying program (OMT) announced by the ECB may lead to future tax burdens on countries, in particular on Germany, is based on an erroneous application of solvency principles that apply to private agents, but not to central banks. We argue that the creditor nations' taxpayers, in particular the German taxpayers, will receive tax revenue from the implementation of the OMT. We also measure the size of the bond-buying program that is compatible with price stability. It turns out that this estimate critically depends on whether the Eurozone stays in a liquidity trap situation or not. Today, as the Eurozone is still in a liquidity trap there is no limit to the amount of government bonds the ECB can buy without triggering inflation. Classification JEL: E58, E63, F36, G01.
- La crise de la zone euro et les deux BCE - Charles Wyplosz p. 61-76 La BCE a agi rapidement et de manière efficace lorsque la crise financière s'est mise en place à l'été 2007, mais elle a ensuite éprouvé des difficultés à faire face à la crise des dettes souveraines. Jusqu'à l'été 2012, elle a refusé de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort et a aggravé la crise. Puis la nouvelle BCE a engagé une action courageuse et le programme OMT a changé la situation, même s'il n'a pas encore été testé par les marchés. La différence de réactivité des deux BCE face à la crise des dettes souveraines peut avoir deux causes. Soit la BCE ancienne n'a pas pris la mesure de la gravité de la crise ou elle a craint une contagion malheureusement inéluctable. Soit elle a été paralysée par les contraintes politiques, en particulier du fait du poids de l'Allemagne. Mais l'adoption rapide par le gouvernement allemand du programme OMT montre que la BCE peut se dégager de ces contraintes lorsque la situation l'exige. Classification JEL : E58, E63, F36, G01.The ECB reacted swiftly and efficiently when the financial crisis burst in 2007 but it then experienced difficulties to cope with the euro sovereign debt crisis. Up till July 2012 the ECB refused to act as lender of last resort thus aggravating the crisis. Then the new ECB took a courageous bend and launched the OMT program, even as it has not yet been challenged by financial markets. The difference of reactivity between the two ECB may have two different reasons. On the one hand, the old ECB may have realized too late the seriousness of the crisis or may have tried to resist to an unavoidable contagion. On the other hand, it may have been paralyzed by political constraints. But the quick adoption of the OMT program highlights that such constraints can be put aside when required. Classification JEL: E58, E63, F36, G01.
- Sortir des politiques monétaires non conventionnelles : quels défis ? - Philip Turner p. 77-100 Les politiques monétaires engagées pour répondre à la crise financière ont démontré que modifier les bilans des banques centrales a des conséquences importantes. La nouvelle macro-économie classique, qui a gagné en influence depuis la fin des années 1980 et qui a conduit à se concentrer exclusivement sur le taux directeur, avait simplement ignoré de tels effets (équivalence ricardienne). Ramener les bilans des banques centrales à des niveaux normaux est important pour parvenir à préserver les marges de manœuvres politiques et constituera un formidable défi. Cette tâche nécessitera la coopération de la banque centrale avec le Trésor sans sacrifier son indépendance en matière de politique monétaire. Alors que les banques centrales doivent surveiller la résilience des marchés avec pragmatisme, elles ne doivent pas tomber dans le piège de la domination financière. Classification JEL : E42, E52, E58.The monetary policies in response to the financial crisis demonstrated that changes in central bank balance sheets have major macroeconomic consequences. The New Classical Macroeconomics, which gained increasing sway from the late 1980 and which led to an exclusive focus on the policy rate that was not warranted, had simply assumed away such effects (Ricardian equivalence). Getting their balance sheets back to normal levels is important in order to preserve policy flexibility for the future and will present central banks with some formidable challenges. This task will require cooperation with Treasuries without surrendering monetary policy independence. While central banks must be entirely pragmatic in their monitoring of market resilience, they must beware of the “financial dominance” trap. Classification JEL: E42, E52, E58.
- L'évolution du rôle des banques centrales dans la crise - Lorenzo Bini Smaghi p. 25-34
Les répercussions sur les pays tiers
- Politique monétaire non conventionnelle : l'expérience israélienne - Jacob Braude, Nathan Sussman p. 103-116 La politique monétaire israélienne pendant la crise financière mondiale a eu recours à des mesures non conventionnelles tout en réduisant drastiquement le taux d'intérêt. Les mesures comprenaient les achats de devises et les achats d'obligations d'État sur le marché secondaire. Quand la situation économique a commencé à se rétablir, la Banque d'Israël a réduit progressivement l'ampleur de l'expansion monétaire, en supprimant d'abord les mesures non conventionnelles. L'achat de devises a pourtant continué par différents dispositifs actualisés pour refléter l'importance des exportations dans l'économie et l'éternel défi posé par une monnaie appréciée. Plusieurs leçons sont à tirer des mesures non conventionnelles : elles pourraient être considérées comme une composante à part entière de la politique monétaire quand le taux d'intérêt nominal est proche de zéro, elles augmentent l'intensité de la réponse de la politique monétaire, ce qui est primordial en temps de crise avec des risques graves en cas de réaction trop timide, et leur diversité rend possible la poursuite de plusieurs objectifs en dehors de l'expansion économique elle-même. Classification JEL : E58, E61, G01, G15.Monetary policy in Israel during the global crisis used unconventional measures alongside aggressive cuts in the interest rate. The measures included the purchase of foreign currency, the purchase of government bonds in the secondary market, and additional measures. As the economy began to recover, the Bank of Israel gradually reduced the scale of monetary expansion, rolling back the unconventional measures first. However, foreign currency purchases have continued in various schemes up to date, reflecting the importance of exports to the economy and the enduring challenge posed by an appreciated currency. Several lessons arise regarding unconventional measures: they should be considered an integral part of monetary policy at a near-zero interest rate; they enhance the intensity of the monetary policy response, which is crucial at a time of crisis when the risks of underreacting are acute; the variety of these measures allows the pursuit of several goals apart from monetary expansion. Classification JEL: E58, E61, G01, G15.
- La politique monétaire des pays émergents : les cinq dernières et les cinq prochaines années - Manoj Pradhan p. 117-140 Avant le déclenchement de la crise, les pays émergents jouissaient d'une croissance rapide et leurs banques centrales avaient fortement progressé dans la mise en œuvre de politiques monétaires modernes se rapprochant de celles en vigueur dans les pays développés. Cette période de croissance généralisée est maintenant révolue et a fait place à un jeu à somme nulle. Il en résulte que les dernières générations d'investissements réalisés dans les économies émergentes ne procureront que de très faibles rentabilités. Nous considérons donc que le modèle de croissance des pays émergents est en panne et qu'il est urgent de mettre un terme à cette mauvaise allocation des ressources. Comme cela est apparu depuis 2013, la politique monétaire n'est pas capable d'engendrer les réallocations de capital nécessaires vers de nouveaux secteurs et de nouvelles zones géographiques. L'adoption de politiques industrielles modernes est un outil bien plus efficace qui doit devenir le socle des politiques économiques des pays émergents. Classification JEL : E58, G01, O23, O25.Before the crisis emerging countries experienced substantial economic growth and their central banks made considerable progress in adopting modern and theoretically sound frameworks, which further reinforced the benign environment. That period of global growth now appears to have given way to a period where incremental growth looks more like a zero-sum game. As a result, later vintages of the capital stock in the emerging market export sector are likely to generate very low returns. We thus consider that their growth model is broken and that resource misallocation must be stopped. As highlighted during the last post crisis period, monetary policy is ill-equipped to reallocate resources to new sectors and regions. A better tool would be a modern industrial policy that must become the cornerstone of emerging countries policies. Classification JEL: E58, G01, O23, O25.
- Nouveau central banking et cycle international du crédit - André Cartapanis p. 141-154 Depuis la crise financière internationale, il est question d'un nouveau central banking et donc d'une redéfinition des politiques menées par les banques centrales sous l'angle des objectifs de la politique monétaire et des instruments permettant d'assurer la stabilité financière. L'analyse menée dans cet article se consacre à la question des rapports entre le nouveau central banking et la globalisation du crédit, notamment à la lumière de l'expérience récente des pays émergents. On y trouve un plaidoyer en faveur d'une extension des politiques macro-prudentielles aux sources étrangères de boom du crédit. Classification JEL : E58, F32, F42, O23.Since the international financial crisis, a new central banking is prepared, and therefore a redefinition of monetary policies pursued by central banks and instruments to ensure financial stability. The analysis in this article focuses on the relationship between the new central banking and the globalization of credit, especially in light of the recent experience of emerging countries. There is a plea for an extension of macro-prudential policies to foreign sources of credit boom. Classification JEL: E58, F32, F42.
- Politique monétaire non conventionnelle : l'expérience israélienne - Jacob Braude, Nathan Sussman p. 103-116
La gouvernance et l'indépendance mises à l'épreuve
- L'autonomie de la Banque de France de la Grande Guerre à la loi du 4 août 1993 - Bertrand Blancheton p. 157-178 Cet article propose une mise en perspective de l'histoire de l'autonomie de la Banque de France au XXe siècle afin de faire ressortir la tradition d'un fort interventionnisme gouvernemental dans les affaires de la Banque de France, les tergiversations et les résistances qui ont empêché de faire évoluer la loi de janvier 1973, et ainsi de mieux mesurer la rupture que constitue la loi d'août 1993 sur l'indépendance de la Banque de France. Classification JEL : G20, N14.This paper analyses Banque de France's independence during the 20th century. The contribution highlights a tradition of government intervention to drive monetary policy in order to finance government spending. During the 1980s, it was particularly difficult to reform the Banque de France Act implemented in January 1973. Only a hard foreign constraint (international capital mobility and European integration) push to adopt a new law in 1993 (August 4) with an important degree of independence.
- Les banques centrales peuvent-elles mener des politiques non conventionnelles tout en conservant leur indépendance ? - Niels Thygesen p. 179-192 Au cours des années 1970 et 1980, les banques centrales ont vu leur objectif principal devenir la stabilité des prix et elles ont acquis de l'indépendance pour assumer ce mandat. Ces deux évolutions sont nées de l'expérience pratique combinée à de nouvelles théories macro-économiques. La création de la BCE en offre un exemple frappant. Des mesures ont été prises pour supprimer explicitement les objectifs et/ou les outils susceptibles de détourner la BCE de son mandat principal. Après 2008, les banques centrales des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon ont entamé des politiques non conventionnelles – achats massifs de titres et annonces concernant les futures mesures de politique monétaire – dans le but de contourner leur incapacité à diminuer les taux directeurs à court terme. Elles se sont ainsi rapprochées des gouvernements sans remise en cause officielle de leur indépendance. La BCE n'a pas suivi cette voie, la diversité des membres de la zone euro a rendu plus difficile voire carrément impossible l'usage de politiques non conventionnelles. Classification JEL : E58, F36.In the course of the 1970s and 80s, central banks became focused on price stability as a prime objective, and they were given more independence to assure such a mandate. Both developments grew out of practical experience combined with a new perspective on macroeconomic theory. The design of the ECB is a prime example; steps were taken to explicitly exclude objectives and/or instruments that might have distracted the ECB. After 2008 central banks in the US, the UK and Japan embarked on unconventional policies – massive purchases of securities and guidance to markets about future policy actions – in order to get around their inability to lower the short-term policy rate further; this brought them closer to governments, though as yet without any formal change in their independence. The ECB has not followed suit; the heterogeneity of the participants in the Euro area has made unconventional policies less useful or outright impossible. Classification JEL: E58, F36.
- Les banques centrales et la stabilité financière : nouveau rôle, nouveau mandat, nouveaux défis ? - Laurent Clerc, Robert Raymond p. 193-214 La doctrine des banques centrales ainsi que leur cadre stratégique ont été soumis à rude épreuve lors de la crise financière : leur objectif de stabilité des prix était défini de façon trop étroite et les considérations de stabilité financière laissées au second plan. Lorsque les taux d'intérêt directeurs nominaux ont heurté leur « contrainte zéro », les banques centrales ont dû mettre en œuvre des mesures non conventionnelles les conduisant à sortir très largement des limites fixées par leur mandat de stabilité des prix. Paradoxalement, au sortir de la crise, le cadre stratégique des banques centrales ne semble pas fondamentalement remis en cause. Leur mandat a même été étendu pour intégrer de nouvelles missions en matière de politique macroprudentielle et, dans certains cas, la supervision microprudentielle. Le principal défi soulevé par la centralisation de toutes ces fonctions au sein des banques centrales est leur capacité à les mener en toute indépendance. Or l'indépendance est la condition première du succès de leurs missions traditionnelles de maintien de la stabilité des prix et de prêteur en dernier ressort. Classification JEL : E41, E52, E58, E63.Both the central bank strategic framework and doctrine have been challenged by the recent financial crisis. Their focus on price stability was too narrowly defined and insufficient considerations were given to financial stability. When key interest rates reached their zero lower bound, central banks had to resort to non-conventional measures, leading them to err far away from their legal mandate. Paradoxically, this strategic framework has not been questioned so far. The central bank mandate has even been extended to factor in macro-prudential policy and, in some cases, micro-prudential responsibilities. The main challenge raised by the centralization of all these regulatory powers is the extent to which central banks will be able to carry out all their duties in full independence. However, independence is key for the success and the implementation of central bank core missions : price stability and lender of last resort. Classification JEL: E41, E52, E58, E63.
- L'autonomie de la Banque de France de la Grande Guerre à la loi du 4 août 1993 - Bertrand Blancheton p. 157-178
Les banques centrales et les défis à venir
- Les défis pour les banques centrales après la crise - Patrick Artus p. 217-226 La crise récente va certainement modifier durablement le comportement des banques centrales. Avant la crise, elles contrôlaient les taux d'intérêt à très court terme et veillaient à rester crédibles en cas de chocs inflationnistes en réagissant très rapidement. Depuis la crise, elles ont mené des politiques non conventionnelles, ce qui leur impose maintenant d'apporter des solutions à des problèmes qui n'existaient pas avant la crise. Nous considérons que les banques centrales sont aujourd'hui confrontées à cinq défis nouveaux : la sortie des politiques monétaires ultra-expansionnistes, le piège de l'irréversibilité des politiques monétaires, l'adoption d'une doctrine antidéflation, l'identification des actifs dont elles doivent surveiller les prix et le risque de conflits d'intérêts entre politique monétaire et supervision des banques. Classification JEL : E52, E58, G18.The recent crisis will undoubtedly change central bank behaviour for a long time. Before the crisis, they managed short-term interest rates and looked after being credible in case of inflation shock. With the crisis, they implemented non conventional policies and are now led to find solutions to problems that did not exist prior to the crisis. We see five new challenges ahead for central banks: the exit of ultra-expansionary monetary policies, the trap of irreversibility of monetary policies, the design of a deflation fighting kit, the identification of the assets whose prices they must watch and the risk of interest conflicts between monetary policy and banks supervision. Classification JEL: E52, E58, G18.
- Banques centrales : les défis de la sortie de crise - Natacha Valla p. 227-242 Une politique monétaire inédite et innovante a été mise en œuvre avec les crises de 2008-2010, et le retrait de ces mesures exceptionnelles représente un défi, car la santé des économies développées reste fragile. Au-delà de ces enjeux de transition, le défi majeur réside dans les nouveaux contours du champ d'action des banques. Cet article souligne d'abord la difficulté de concilier trois objectifs : accompagner la reprise économique quand celle-ci est faible, temporiser la normalisation de la liquidité interbancaire et ne pas inhiber l'assainissement des bilans bancaires. L'articulation des enjeux de court et moyen termes milite en faveur des opérations d'open market de long terme, alors que les politiques de taux d'intérêt négatifs ou de forward guidance montrent leurs limites. La BCE devra également relever d'autres défis de long terme : la désintégration financière, l'économie politique de son programme OMT, la dynamique institutionnelle de l'union bancaire, mais aussi la conjonction de ses nouvelles casquettes (stabilité financière et supervision) avec la politique monétaire, ce qui appelle une redéfinition de son mandat. Classification JEL : E42, E52, E58, G18, G21.Innovative monetary policies have been triggered by the 2008-2010 crises. Withdrawing these unconventional policies brings in challenges but central banks should think about the new boundaries of their activities that go well beyond the narrow field of monetary policy. This paper underlines the difficulty to reconcile three objectives: accompanying the economic recovery when it is feeble, normalising the liquidity situation in money markets, and setting incentives right to encourage the cleaning-up of bank assets. The articles argues in favour of longer-term open market operations as a new central tool for the implementation of monetary policy, while it underlines the limits of strategies based on negative interest rates or on forward guidance. In the case of the euro area, the ECB will also face another host of longer term challenges. These include financial disintegration, the political economy of its OMT programme, the institutional dynamics of Banking Union, and its new “three-pronged” prerogatives (financial stability, supervision and monetary policy). Its mandate will likely need to be redefined. Classification JEL: E42, E52, E58, G18, G21.
- L'aggiornamento des politiques monétaires - Michel Aglietta p. 243-256 Le ciblage de l'inflation comme objectif exclusif de la politique monétaire repose sur l'hypothèse d'une efficience forte de la finance que la crise systémique a invalidée. La politique monétaire doit être reconfigurée dans un univers incertain où la monnaie est endogène et où la stabilité financière est une responsabilité éminente des banques centrales. On peut alors élaborer les fondements théoriques de la politique macroprudentielle et montrer que la politique monétaire a plusieurs objectifs. Elle doit donc se doter de plusieurs instruments et les affecter aux objectifs sur lesquels ils sont relativement les plus performants. En outre, les politiques monétaire et budgétaire interagissent, ce qui conduit à reconcevoir l'indépendance des banques centrales. Classification JEL : E44, E52, E58.Inflation targeting was the only objective of monetary policy up to the financial crisis. Its rationale rests on a strong efficient market hypothesis that the systemic crisis has invalidated. Monetary policy must be overhauled to encompass financial stability under radical uncertainty, while money is endogenous and monetary policy has multiple objectives. Therefore it must use multiple instruments and allocate them to the objectives according to their relative performances. The responsibility for financial stability involves new macro prudential tools to manage financial vulnerabilities, some of which pertaining to monetary policy. Furthermore monetary and fiscal policies interact, which leads to reconsider the nature of central bank independence. Classification JEL: E44, E52, E58.
- Les défis pour les banques centrales après la crise - Patrick Artus p. 217-226
Articles divers
- La construction progressive de l'avantage compétitif financier suisse (1914-1936) - Alain Laurent, Guillaume Vallet p. 259-274 L'objectif de cet article est d'expliquer comment la Suisse est parvenue à construire un avantage compétitif majeur dans le secteur financier. À partir d'une perspective historique, nous montrons que la période 1914-1936 a été décisive dans cette construction, la Suisse passant d'un statut de place financière internationale de second rang à celui de lieu incontournable, avec l'émergence associée d'acteurs très puissants comme les banques. Si nous mettons en évidence une influence majeure exercée par l'industrie bancaire et financière, un tel avantage compétitif ne s'est durablement solidifié qu'à partir d'une coalition nationale autour de la préservation de la valeur du franc suisse, dans laquelle l'industrie des biens a aussi joué un rôle important. La stabilité de la monnaie nationale au cours de cette période a ainsi été décisive pour la spécialisation financière de la Suisse. Classification JEL : E58, E65, G21, N14, N24.This article aims at explaining how Switzerland succeeded in building a major competitive advantage in the financial sector. From a historical perspective, we show that the period 1914-1936 was decisive in Swiss monetary history, Switzerland moving from a status of minor international financial centre to a major place, with the development of very powerful actors like banks. Hence we highlight that if the banking and financial industry played an important role in this process, such a competitive advantage solidified durably only thanks to a national coalition around the conservation of the value of the Swiss franc. In particular, the industry of goods was at the core of such a coalition. The fetishism of the Swiss franc during this period appears to have been a decisive factor for the financial specialisation of Switzerland. Classification JEL: E58, E65, G21, N14, N24.
- Le système de l'écu privé : comment a-t-il fonctionné ? comment aurait-il pu évoluer ? - Michel Lelart p. 275-290 Alors que la crise de la zone euro a été l'occasion d'envisager une sortie de la Grèce, voire d'autres pays, de la zone euro, on ne peut s'empêcher de réexaminer les différentes étapes qui nous ont conduits à la monnaie unique. Avant le choix décisif fait à la fin des années 1980, une monnaie avait commencé à être utilisée modestement par les pays participant au système monétaire européen… et par quelques autres. Cet écu privé, comme on l'a appelé, aurait pu devenir une monnaie communautaire qui n'aurait pas remplacé les monnaies nationales, mais qui aurait pu être disponible pour les transactions entre deux pays, comme Keynes l'avait imaginé, au niveau international, au lendemain de la Seconde Guerre. Cet article rappelle ce que cet écu privé a été et comment ce système a fonctionné, et analyse le rôle qu'il a joué dans l'évolution vers la monnaie unique et quel rôle aurait pu être le sien. Classification JEL : E42, F31, F33.Now that it is no longer a taboo to consider the exit of a country from the euro area, it may be appropriate to revisit the different stages that led to the introduction of the single currency. Before the commitment made to that effect in the late 1980s, a common currency had begun to be used, albeit modestly, by the countries participating in the European Monetary System, as well as by a few other countries. This private ecu, as it was called, could have become the common currency for the Community to be used for transactions between two countries, without replacing the national currencies. This set-up would have been along the lines described by Keynes at the international level at the end of WW2.This paper reviews the operational aspects of the private ecu system and compares this Community currency with the concept of the “parallel currency”, which was often invoked. Classification JEL: E42, F31, F33.
- La construction progressive de l'avantage compétitif financier suisse (1914-1936) - Alain Laurent, Guillaume Vallet p. 259-274