Contenu du sommaire : Le programme du Conseil national de la Résistance en perspective
Revue | Histoire@Politique |
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Numéro | no 24, septembre 2014 |
Titre du numéro | Le programme du Conseil national de la Résistance en perspective |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Claire Andrieu p. 1-4
Dossier
- Le programme du CNR dans la dynamique de construction de la nation résistante - Claire Andrieu p. 5-23 Négocié de l'été 1943 au printemps 1944, le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) a été adopté à l'unanimité dans la clandestinité en mars 1944. La composition pluraliste du CNR et ses méthodes de travail réglées sur la construction du consensus ont contribué à la nationalisation de la Résistance et à la formation d'une nation résistante. La façon dont le contenu du programme a évolué ers la gauche au cours des négociations, et le plébiscite quasi unanime dont il a fait l'objet à la Libération, montrent qu'il était porté par un puissant mouvement social, lui-même en phase avec la modernité internationale. Cet ensemble de facteurs a permis à la Résistance d'imprimer durablement sa marque dans les structures économiques et sociales du pays libéré.The program of the underground National Resistance Council was adopted unanimously in March 1944 after a nine-month negotiation. The pluralistic composition of the CNR and its working methods dedicated to consensus-building contributed to the nationalization of the Resistance and to the formation of a resistant nation. The way the program's contents evolved towards the Left during the negotiations, and the quasi-unanimous plebiscite in its favor at the Liberation, show that it was supported by a powerful social movement, itself in step with contemporary understandings of the meaning of modernity. This set of factors allowed the Resistance to play a major role in determining the economic and social structures of the freed country.
- The Beveridge Report and Its Implementation: a Revolutionary Project? - Noel Whiteside p. 24-37 Cet article propose de réinterpréter le célèbre rapport Beveridge de 1942 et d'en réévaluer le contenu. Sur bien des aspects, la réputation du texte comme une étape clé de la construction d'un État-providence juste et équitable est usurpée et son influence sur les réformes de la protection sociale britannique d'après-guerre a été exagérée. L'article remet le rapport Beveridge dans son contexte historique et montre que, quels que soient ses mérites au moment de sa publication, c'est aujourd'hui un document daté, et mal lu et interprété par les chercheurs en sciences sociales, qui se font les relais d'interprétations mythiques, injustifiables historiquement.This paper revisits the famous Beveridge Report of 1942 with the object of re-evaluating its contents. It argues that, on several counts, the reputation of the text as a blueprint for a socially just and equitable welfare state is misplaced and that its influence on British post-war welfare reform has been exaggerated. The paper locates the Beveridge Report within its historical context to argue that, whatever its merits at the time of its publication, it is now a dated document which is widely misinterpreted by contemporary social policy writers, who perpetuate mythical interpretations in a manner that is not historically justifiable.
- Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? Résistance et réformes dans la transition italienne, 1943-1948 - Giovanni Focardi p. 38-50 Cet article propose d'analyser les principales caractéristiques des réformes institutionnelles en Italie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en particulier les enjeux et la portée d'une réforme démocratique, aux yeux des protagonistes. L'organisation d'un nouveau régime politique apparaît nécessaire, d'autant plus que les dirigeants de l'après-guerre veulent se démarquer, légalement et symboliquement, de la précédente dictature fasciste. Cette période est décisive pour l'Italie républicaine qui reste marquée par ces évènements sur le long terme. L'étude des diverses commissions de réforme mises en place à la Libération (leurs programmes, leurs membres et leurs projets) permet de mettre en évidence les éléments expliquant pourquoi, après cinq années de transition et de changements institutionnels, le erre (des réformes) italien est à moitié plein et à moitié ide.This paper intends to analyze the main features of the institutional reforms in Italy after the Second World War, in particular the stakes and the ultimate impact of a reform which was understood as democratic by the protagonists. The organization of a new political regime seems necessary, especially since the leaders of the postwar want to distinguish themselves, legally and symbolically, from the previous fascist dictatorship. This period is crucial for the Italian Republic which has been greatly affected by these events over the long term. The study of various reform commissions that were put in place (their programs, their members and theirs projects) allows one to highlight the elements of why, after five years of transition and institutional change, the metaphorical glass of Italian reforms is at once half full and half empty.
- Une évolution inachevée. Les partis communistes français et italien face au gouvernement de l'économie, 1944-1947 - Massimo Asta p. 51-71 Acteurs politiques centraux de la période de la Libération, au sein de la Résistance puis des gouvernements d'union nationale, les partis communistes français et italien ont marqué la politique économique de l'après-guerre. Des communistes dirigent certains ministères économiques durant presque toute la période 1944-1947. En France comme en Italie, la politique de ces ministères est façonnée par la conjoncture économique et les contraintes politiques liées aux alliances gouvernementales et au contexte international. Elle tient aussi au compromis social qui se met en place, et dont les communistes constituent l'un des piliers. La dimension culturelle joue en outre un rôle important à travers la vision communiste du monde capitaliste et de l'économie soviétique. Le rapport entre culture et politique économiques a fait l'objet d'une historiographie longtemps clivée. L'article compare les cultures économiques du PCI et du PCF et en s'appuyant sur les archives. Au-delà de l'appareil idéologique marxiste-léniniste qui reste central, la contribution souligne les évolutions qui caractérisent la doctrine et la stratégie communistes. Les communistes découvrent le rôle de l'État. Les réformes de structure tels que les nationalisations, le plan et, pour le cas italien, la réforme agraire, deviennent pour la première fois partie intégrante du lexique économique et de la politique communistes. L'article montre les liens réciproques dans lesquels se construisent la culture et la politique économiques de chaque PC.The French and Italian Communist Parties were central political actors of the Liberation period, in the resistance movement and in the national unity governments. They played a key role in shaping economic policies. Communists are present at the head of some of the economic ministries over almost all the period 1944-1947. In France as well as in Italy, economic situation, political constraints related to governmental alliances and the international context shape the economic policy. The Communist Parties also play a major role in the specific social compromise of the Liberation and immediate postwar period. Historiography has long been divided on the issue of relationships between economic culture and policy. This article shows how the Communist Parties engage in the structural reforms such as nationalizations, economic planning, and, in the Italian case, the agrarian reform, while the ideological Marxist-Leninist apparatus remains central. This raises the question of possible mutual influence between original economic culture and implemented economic policy.
- Nationalisations et souveraineté de l'État - Olivier Beaud p. 72-87 L'étude du programme du CNR donne l'occasion de préciser le sens qu'a en droit la notion de « nationalisation », ici étudiée à partir non pas du régime des entreprises nationalisées, mais de l'acte qui procède à la nationalisation. Cet acte témoigne de la souveraineté de l'État qui décide d'exproprier des actionnaires d'entreprises. Le fondement d'une telle opération de nationalisation est un motif de police économique qui l'emporte alors sur la défense des intérêts privés.The study of the CNR's programm gives here the opportunity of determining the meaning of the concept of "nationalization". This one is examined from the point of wiew not of the legal status of the nationalized enterprises, but of the act whoch proceeds of the nationalization. This act reveals the sovereingty of the state which decides dot expropriate the property of the shareholders of the enterprises. The founding of such an operation is the motive of economical discipline (or public order) which prevails on the defense of private interests.
- Singularité, postérité différentielle et actualité du programme du CNR - Michel Margairaz p. 88-98 Le programme du CNR, adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 par toutes les composantes (politiques, syndicales, mouvements) de la Résistance, se caractérise par la postérité plus ou moins durable des « réformes de structures » en matière de droits collectifs économiques et sociaux : nationalisations, Sécurité sociale, planification démocratique... Son contenu participe d'un mouvement international plus large en faveur de la régulation économique et sociale des sociétés libérales, mais s'inscrit également dans des spécificités françaises de longue durée.The program of the CNR, adopted secretly on March 15th, 1944 by all components of the French Resistance (politics, syndicates, movements) is characterized by a more or less lasting posterity of "structural reforms" in collective economic and social rights: nationalisations, Social Security, democratic planning... Its contents are part of a larger international movement in favor of economic and social regulation of liberal societies, but are equally a part of the specific nature of French society in the long term.
- Témoignage de Jean Auroux, ancien ministre du Travail du gouvernement d'union de la gauche, 1981-1983 : (Sciences Po, 15 mars 2014) - Jean Auroux p. 99-104
- Le programme du CNR dans la dynamique de construction de la nation résistante - Claire Andrieu p. 5-23
Vari@rticles
- Enjeux et enseignements des élections intermédiaires au temps du Cartel (1924-1926). L'exemple de Léon Daudet, indésirable sénateur du Maine-et-Loire en juin 1925 - Jean-Étienne Dubois p. 105-118 Dans une démocratie pluraliste, toute compréhension honnête des prises de position des acteurs politiques nécessite une attention soutenue à l'évolution de leurs horizons d'attente. Sous la Troisième République, avant l'élaboration et la généralisation des sondages d'opinion, il était difficile pour la classe politique de connaître ce que l'on appelait « l'état d'esprit » des populations. Entre deux élections législatives, le meilleur moyen de cerner de possibles évolutions politiques de l'opinion publique était d'étudier les élections intermédiaires, élections locales générales et élections partielles. La candidature malheureuse de Léon Daudet à une élection sénatoriale partielle en juin 1925 montre tout l'intérêt que l'historien du politique peut avoir à généraliser cette démarche.In a democracy such as the French Third Republic, the historian has to pay close attention to the evolutions of the political actors and public opinion' horizons. Before the generalization of the opinion polls, the only way for the political class to grasp the evolutions of public opinion was to focus on mid-term elections, local or partial ones. The case of the electoral defeat of the royalist Léon Daudet at a partial senatorial election in June 1925 exemplifies all the historical interests of such electoral studies.
- Le fait religieux dans les travaux parlementaires : constantes et évolutions récentes (1958-2011) - Jean-Pierre Delannoy p. 119-130 Cette étude montre comment, après l'accomplissement au tournant des années 1970, à travers les débats sur la contraception et l'avortement, d'une véritable seconde Séparation – avec la morale catholique –, on en est tenu à pratiquer au Parlement la consultation pluraliste des sensibilités religieuses dans le domaine nouveau de la bioéthique tout en généralisant, à l'occasion du débat sur les signes extérieurs d'appartenance religieuse, la défense de la distinction des compétences au nom de la laïcité.Parliamentary debates reveal how a really new and neat process of separation occurred between the Catholic Church and political France on the occasion of the debates on contraception (1966) and abortion (1973). More recently, religious leaders have been invited to express their views on bioethics at parliamentary committee meetings on a pluralist basis; meanwhile, the controversy on external religious signs allowed the Houses to express a fierce and wholesome defence of the public sphere against religious influences.
- Le RPR face au traité de Maastricht : divisions, recompositions et réminiscences autour de la dialectique souverainiste - Jérôme Pozzi p. 131-152 La question de la ratification du traité de Maastricht en 1992 provoque une véritable division de la famille gaulliste en deux camps, même si le clivage entre pro- et anti-maastrichtiens plonge ses racines dans une histoire plus lointaine du gaullisme. Le tandem Philippe Séguin/ Charles Pasqua a ranimer la flamme de l'indépendance nationale et de la souveraineté en se déclarant ouvertement hostile à une Europe fédérale. Les parlementaires du Rassemblement pour la République (RPR) se divisent sur la question référendaire et le camp du « non » rassemble des députés et des sénateurs de toutes les générations et aux itinéraires hétérogènes. Les attaques se concentrent principalement sur le projet de l'Union économique et monétaire (UEM), la crainte de la dérive technocratique et de la « menace » fédérale. Pourtant, la courte victoire du « oui » ne fait pas du tandem Séguin/Pasqua les vainqueurs de Jacques Chirac, c'est-à-dire d'un camp sur un autre. L'imperium du président du RPR n'est pas réellement remis en cause, puisque la famille doit se rassembler en vue des élections législatives de mars 1993. Tout compte fait, l'impact de Maastricht est plus important sur le long terme, dans la mesure où la campagne référendaire peut être considérée comme un tournant dans l'histoire de la droite parlementaire, que sur le court terme. Les positionnements passés face à Maastricht seraient devenus, au fil du temps, une ligne de démarcation politico-culturelle entre pro-européens et partisans d'une autre Europe, pour qui la souveraineté serait encore une borne-témoin.“The political party RPR facing up to Maastricht treaty : divisions, reconstructions and reminiscences around the notion of sovereignty” In 1992, the ratification of the Maastricht Treaty strongly divided the Gaullist family, even if that division took its roots in a much older Gaullist tradition. The duo – composed of Philippe Séguin and Charles Pasqua – revived the flame for national independence and sovereignty by asserting their opposition to a federal Europe. The RPR party's MP disagreed with the treaty, and many deputies and senators opposed it, whatever their age, training, career and political background. They mainly objected to the Economic and monetary Union, the technocratic drift, and the federal “threat”. However, the short victory of the “yes” didn't make Jacques Chirac weeker. Indeed, Jacques Chirac leadership over the RPR was never challenged because the party had to be united in order to win the 1993 general elections. All in all, the impact of Maastricht is more important in its long-term than in its short-term consequences, since the referendum campaign can be regarded as a turning point in the history of the parliamentary right parties. Actually, the Maastricht dispute became, as the days went by, a genuine political and cultural demarcation line between the pro-Europeans and the advocates of another vision of Europe, who still consider the notion of sovereignty as a reference.
- Enjeux et enseignements des élections intermédiaires au temps du Cartel (1924-1926). L'exemple de Léon Daudet, indésirable sénateur du Maine-et-Loire en juin 1925 - Jean-Étienne Dubois p. 105-118
Pistes & débats
- De la difficulté d'être historien du temps présent : entre histoire nationale et histoire-monde - Jean-François Sirinelli p. 153-162 Il s'agit ici d'évoquer une donnée rarement mentionnée dans les considérations historiographiques et épistémologiques concernant l'histoire du temps présent : la difficulté à nommer les phénomènes étudiés. Une telle difficulté est d'autant dirimante que, dans le cas de l'histoire de l'État-nation France, celui-ci a connu au cours du second XXe siècle un véritable basculement anthropologique, dont les différentes facettes doivent être historicisées. De surcroît, cet État-nation, durant la même période, s'est trouvé enserré dans de nouveaux jeux d'échelles, avec notamment une réelle connexion avec l'histoire-monde. Un tel constat a, bien sûr, des conséquences multiples, évoquées ici.This article serves to evoke a fact rarely mentioned in the historiographical and epistemological considerations surrounding contemporary history: the difficulty in naming the phenomena studied. It is difficult once over in cases such as the history of the nation-state France, which experienced in the second twentieth century a true anthropological tipping point, of which many different facets must be collected and historicized. Moreover, the nation-state during the same period developed new identities with regard to its place in the world, including a real connection with world history. This finding has, as one would expect, multiple consequences, all of which are expanded upon here.
- De la difficulté d'être historien du temps présent : entre histoire nationale et histoire-monde - Jean-François Sirinelli p. 153-162
Sources
- L'Office universitaire de recherche socialiste (OURS), 45 ans d'histoire (et) d'archives socialistes - Frédéric Cépède p. 163-179 À travers l'histoire de l'Office universitaire de recherche socialiste (OURS), cet article vise à éclairer, d'hier à aujourd'hui, les relations des socialistes avec leur histoire et avec les sources pour l'écrire. Il décrit les archives très éclatées d'un mouvement socialiste qui a unifié en 1905 dans le Parti socialiste SFIO les principales familles apparues au lendemain de la Commune. Les séismes politiques (congrès de Tours 1920, crise néo-socialiste 1933, crise pivertiste 1938...), le pillage de son siège au cours de la Deuxième Guerre mondiale, des crises politiques (1958), le congrès d'Épinay (1971), des déménagements (1975, 1980), autant que son mode de fonctionnement non centralisé, ont eu des conséquences sur l'éparpillement des sources. Cet article explique pourquoi et comment le PS a finalement décidé à partir de 1997 de confier à l'OURS et à la Fondation Jean-Jaurès, la « gestion » de ses archives historiques.By telling the history of the University Office of Socialist Research (OURS), this article aims to shed light on, from yesterday to today, the relationship of socialists with their history and with the sources that wrote it. This article describes the fragmented archives of the 1905 socialist movement that unified the major groups within the Party SFIO that had immerged in the wake of the Paris Commune. Political upheavals (Tours Conference (1920), Neo-Socialist Crisis (1933), the Pivertist crisis (1938)…), the ransacking of the Party's headquarters during the Second World War, the political crises (1958), the Épinay Convention (1971), and the two moves of party headquarters (1957, 1980), as well as the un-centralized nature of the Party's operations, had dire consequences on the dispersal of documents. This article explains why and how the Socialist Party finally decided, in 1997, to entrust the administration of their historical archives to the OURS and to the Jean-Jaurès Foundation.
- L'Office universitaire de recherche socialiste (OURS), 45 ans d'histoire (et) d'archives socialistes - Frédéric Cépède p. 163-179
Portraits & témoignages
- Entretien avec Jean-Marc de la Sablière - Anne Dulphy, Christine Manigand p. 180-193