Contenu du sommaire : Police du genre

La prostitution à Paris est de plus en plus masculine et transgenre. Comment expliquer, alors, la disjonction de genre entre cette évolution et une action policière de répression du proxénétisme toujours focalisée sur l'élucidation de configurations hétérosexuées de domination ? Fondé sur des enquêtes ethnographiques conduites au sein de la police, l'article vise à saisir comment la « Mondaine » circonscrit ses populations-cibles. L'analyse conjointe des pratiques professionnelles de construction des enquêtes et de la division sexuée du travail policier permet d'expliquer la gestion différentielle, du point de vue du genre, des illégalismes sexuels par la police.

Au Québec, plusieurs dispositifs institutionnels amènent les juges à s'investir particulièrement dans les affaires mettant en cause la capacité des parents qui se séparent à s'occuper de leurs enfants. L'enquête ethnographique menée dans trois tribunaux montre comment juges et avocat-e-s donnent crédit aux accusations de déviance, mais aussi quels sont les ressorts structurels de ces accusations, situés au cœur des rapports sociaux de classe, de « race » et de sexe. Le contrôle judiciaire de la parentalité s'avère très inégal, différenciant fortement les rôles paternel et maternel et pesant plus durement sur les justiciables de classe populaire, en particulier ceux issus de l'immigration.

Cet article porte sur le traitement différentiel des adolescents selon le genre dans la justice pénale. Après avoir présenté les statistiques publiques dans ce domaine sous le rapport du genre, on examine d'un point de vue qualitatif le travail judiciaire et ses productions (écrits éducatifs, dossiers judiciaires), afin de saisir, dans leur banalité, les biais de genre opérant quotidiennement dans le traitement des « mineurs délinquants ». Cette analyse est confrontée aux propos d'éducateurs et de magistrats recueillis au cours d'une enquête par observation et entretiens. On décrit ainsi, dans ses aspects les plus concrets, la production et reproduction des normes de genre et ses effets sur les carrières institutionnelles des adolescents.

S'appuyant sur une enquête ethnographique conduite en binôme masculin-féminin dans un commissariat français, l'article propose d'interroger les biais genrés structurant les normes au sein de l'institution policière, à partir notamment des positions de genre occupées par les enquêteurs ou assignées à ces derniers. Dans un contexte de féminisation de la profession sont examinées ici les dynamiques par lesquelles la « masculinité virile » tend à se perpétuer dans les brigades spécialisées dans l'usage de la force, ainsi que les relations d'interdépendance entre les dimensions genrées de la relation d'enquête, des sociabilités professionnelles policières et des interactions avec les populations-cibles.

Cet article porte sur la manière dont les relations entre le Parti socialiste (PS) et les organisations étudiantes se sont forgées. Ces différentes structures ne sont pas ici envisagées comme des entités à part entière mais comme des collectifs d'individus. C'est la multipositionnalité de l'engagement des jeunes militants qui, via le recours à l'analyse de réseaux, permet de saisir l'établissement de liens entre deux espaces sociaux qui étaient déconnectés dans les années 1960. Ce processus peut être décomposé en trois temps : un premier, au cours duquel quelques militants d'un courant minoritaire du PS investissent la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) pour s'offrir des relais auprès des étudiants ; un deuxième, marqué par l'engagement délibéré de la direction du parti avec la création d'organisations spécifiques pilotées par un petit groupe de militants ; le troisième est celui de l'institutionnalisation des relations en ce sens qu'elles vont survivre au départ des fondateurs.

Avec le concours d'une enquête de la statistique publique et de l'analyse des correspondances multiples, l'outil présenté par cet article permet de produire sur les personnes formant un terrain d'enquête – ici les anciens élèves d'une même classe de terminale – un point de vue à la fois assez précis pour distinguer chaque individu et assez synthétique pour ne pas se perdre dans la complexité de l'information disponible. Nous détaillons les conditions d'emploi de cet outil et les précautions à prendre, et nous aboutissons à quelques conclusions sur la pertinence de la théorie de la légitimité culturelle à diverses échelles d'analyse et sur l'idée fausse qu'il existerait des méthodes « quantitatives » et « qualitatives ».

Cet article s'intéresse à la gestion de la peur par le sociologue qui enquête dans un environnement défavorisé et marqué par une forte prévalence de la délinquance et de la criminalité. Il réexamine de manière réflexive une enquête de terrain ethnographique réalisée, pendant huit mois, dans plusieurs quartiers paupérisés et ségrégés de la ville de Boston. Il montre comment la peur, en partie reflet de la distance sociale entre le chercheur et son objet, peut également constituer une voie pour comprendre les pratiques et les représentations des populations des quartiers où s'est déroulée l'enquête.