Contenu du sommaire : Compétition, productivité, incitations et carrières dans l'enseignement supérieur et la recherche
Revue | Revue économique |
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Numéro | vol. 66, no 1, janvier 2015 |
Titre du numéro | Compétition, productivité, incitations et carrières dans l'enseignement supérieur et la recherche |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Pierre-Michel Menger, Jacques Mairesse p. 5-12
- Le recrutement collégial : L'université comme partenariat à but non lucratif - Robert Gary-Bobo, Alain Trannoy p. 13-36 Nous approfondissons l'analogie entre l'université et le partenariat professionnel, mode d'organisation en vigueur dans de nombreux champs d'expertise comme le droit et l'expertise comptable. L'université serait la transcription dans un univers non marchand de ce type d'institution. Nous montrons que les principes du recrutement collégial et de la cooptation à l'université ressemblent à bien des égards à la règle selon laquelle le remplacement d'un associé, dans un partenariat, ne peut se faire qu'avec l'assentiment de tous les autres associés. Nous comparons ce mode de recrutement à d'autres possibilités comme la vente aux enchères des charges universitaires, ou le recours à des « chasseurs de têtes ». Des problèmes d'asymétrie d'information, de maintien d'un capital de réputation, de production jointe et d'effets externes dans l'activité de production universitaire permettent de montrer que le recrutement collégial n'a pas d'alternative dans cet univers non marchand. Toutefois, le fait que les universitaires n'engagent pas leurs capitaux dans l'université, contrairement aux associés dans une structure privée, contribue de manière notable à affaiblir les incitations à retenir le meilleur candidat lorsque le mode de recrutement est collégial. Après avoir élaboré des pistes de réflexion pour remédier à des faiblesses inhérentes à ce mode de recrutement, nous concluons avec l'idée qu'une présidence d'université indépendante du pouvoir proprement académique devrait constituer un rempart contre les dérives possibles de la cooptation.
- Devenir professeur des universités : Une comparaison sur trois disciplines (1976-2007) - Mareva Sabatier, Christine Musselin, Frédérique Pigeyre p. 37-63 En référence aux travaux qui éclairent la constitution des trajectoires des universitaires aux États-Unis, nous analysons les déterminants de l'accès au professorat des universités en France dans trois disciplines (histoire, physique, gestion). Parmi ces déterminants, nous cherchons à mesurer l'impact de caractéristiques individuelles (âge, genre), la place de la production scientifique et l'importance de variables institutionnelles, qu'elles soient liées à chacune des disciplines étudiées ou au mode d'accès à la promotion (concours d'agrégation vs recrutement). Nous cherchons également à comprendre l'évolution de ces déterminants au cours de la période observée pour rendre compte des transformations des carrières académiques. Nos résultats s'appuient sur des analyses statistiques effectuées sur une base de données originale appariant données individuelles et données bibliométriques relatives à quatre cohortes d'enseignants-chercheurs dans les trois disciplines choisies, totalisant plus de 800 individus.
- Does Gender Affect Scientific Productivity ? : A Critical Review of the Empirical Evidence and a Panel Data Econometric Analysis for French Physicists - Jacques Mairesse, Michele Pezzoni p. 65-113 Dans cette étude, nous reconsidérons la question de la moindre productivité scientifique des femmes, souvent désignée comme celle du « gender gap » ou du « productivity puzzle » par les économistes et sociologues de la science. Après une revue critique des travaux empiriques sur cette question, nous présentons les résultats d'une analyse économétrique conduite en parallèle sur deux échantillons de panels représentatifs des chercheurs en physique du cnrs et des enseignant-chercheurs en physique des universités françaises. Nous observons que, dans les deux cas, la productivité des physiciennes en termes de publication est largement inférieure, d'environ un tiers en moyenne, par rapport à celle de leurs collègues masculins. Nous concluons cependant que cette différence de productivité disparaît pour le cnrs et qu'elle s'inverse même pour les universités quand nous tenons compte de plusieurs facteurs, notamment ceux liés à des chances inégales de promotion et à des discontinuités notables dans les publications, qui peuvent refléter de forts engagements familiaux. JEL Codes : C23, I23, J40
- The Diffusion of the Internet and the Increased Propensity of Teams to Transcend Institutional and National Borders - Anne E. Winkler, Wolfgang Glänzel, Sharon Levin, Paula Stephan p. 115-142 Nous étudions, dans le cas des États-Unis, la relation entre l'exposition à l'Internet et l'évolution des collaborations nationales et internationales entre institutions académiques. Nous utilisons comme un indicateur de l'exposition à Internet le nombre des années depuis lesquelles ces institutions ont adopté un nom de domaine (dns). Nous avons, par ailleurs, collecté les données de toutes les publications indexées par l'isi, dans les domaines des sciences sociales et de la nature sur les années 1991-2007, pour plus de 1 200 collèges universitaires, universités et écoles de médecine aux États-Unis. Nous retenons deux mesures de collaboration institutionnelle nationale et internationale, définies par les pourcentages de publications ayant un auteur appartenant à chacune de ces institutions et ayant soit un ou plusieurs coauteurs dans une autre de ces institutions (us-us), soit un ou plusieurs coauteurs hors États-Unis (us-intl). Nos résultats montrent une croissance spectaculaire du pourcentage des collaborations nationales et internationales avec des différences par domaine importantes. Ils indiquent que la durée d'exposition à l'Internet a eu un effet positif et significatif dans le cas des institutions les plus performantes en recherche. JEL Codes : A14, I23, O33
- The Ownership of Academic Patents and Their Impact : Evidence from Five European Countries - Francesco Lissoni, Fabio Montobbio p. 143-171 Cet article compare la valeur et l'impact des brevets universitaires dans cinq pays européens avec des cadres institutionnels différents : Danemark, France, Italie, Pays-Bas, et Suède. Un brevet académique est défini comme tel quand au moins un professeur ou un maître de conférences figure parmi ses inventeurs, indépendamment du propriétaire. En effet, la plupart des propriétaires sont des entreprises commerciales, suivies par les universités, les organismes publics de recherche, et les inventeurs individuels. La répartition de la propriété dans ces catégories différentes change beaucoup entre le pays, en raison d'une combinaison de normes juridiques sur la propriété intellectuelle et des caractéristiques institutionnelles du système universitaire. Elle est aussi associée à la valeur des brevets, telle qu'elle est mesurée par les citations des brevets. Les brevets académiques appartenant aux entreprises ont tendance à être cités comme les non-académiques, ceux de propriété des universités ont tendance à être moins cités. Les brevets académiques dans les Pays-Bas sont plus cités que les non-académiques, indépendamment de leur propriété, alors que les brevets appartenant aux universités obtiennent moins de citations en Italie et au Danemark. Nous proposons une explication de ces résultats par l'autonomie variable dont les universités sont dotées dans les différents pays considérés. Nous constatons également que les brevets universitaires appartenant aux entreprises en Suède reçoivent beaucoup moins de citations que les non-académiques. Parmi les brevets appartenant aux particuliers, les académiques sont le plus cités. JEL Codes : O31, O32, O33, O34
- Impact, dominance et classements des universités - Nicolas Carayol, Ghislaine Filliatreau, Agenor Lahatte p. 173-194 Cet article présente un modèle théorique permettant d'établir, pour plusieurs classes de fonctions de valorisation des citations reçues par les articles, des relations de dominance entre les productions scientifiques d'établissements de recherche pris deux à deux. Ces relations de dominance sont ensuite utilisées pour construire des réseaux de dominance, des classements et des classes de référence. L'article discute les résultats obtenus pour les principales universités de recherche américaines.
- Incitations explicites et implicites dans les universités en concurrence : Quelques pistes de réflexion - David Martimort p. 195-217 Les récentes réformes institutionnelles initiées dans un certain nombre de pays de par le monde bouleversent profondément le paysage universitaire dans lequel nous évoluons désormais. Partant du constat que la recherche universitaire était parfois en volume et en qualité en retrait de ses concurrentes anglo-saxonnes, un certain consensus réformateur a ainsi émergé pour justifier la nécessaire introduction d'incitations auprès des acteurs du monde de la recherche. Ces incitations explicites lient les rémunérations à des indices de performances construits de manière ad hoc ou référencés. Ces schémas sont à distinguer des incitations implicites traditionnellement utilisées aux États-Unis dans un contexte de grande concurrence sur le marché de l'emploi universitaire. Ces dernières lient alors les compensations financières et les trajectoires professionnelles aux opportunités générées sur le « marché de l'emploi » et aux signaux que ce dernier envoie sur la qualité des chercheurs. Si des incitations explicites paraissent attractives dans un contexte européen où cette mobilité est réduite, leur mise en œuvre n'en soulève pas moins certaines questions. Pourquoi le système anglo-saxon n'adopte-t-il pas de telles méthodes directes d'incitations en sus de ses pratiques existantes ? Dans quelle mesure un système d'incitations implicites fondées sur des évaluations subjectives est-il préférable à un système d'incitations explicites ? Enfin, sous quelles conditions la concurrence entre institutions de recherche modifie-t-elle le choix des modes incitatifs ?
- Is it Always Good to Let Universities Select Their Students ? - Guido Friebel, Dario Maldonado p. 219-235 Inspiré par les tendances récentes du système universitaire en Europe, nous étudions des réformes partielles donnant aux universités le droit de sélectionner leurs étudiants mais pas le droit de percevoir des frais de scolarité. Donner aux universités le droit de sélectionner leurs étudiants devrait augmenter la productivité des étudiants sur le marché du travail car l'appariement du capital humain des enseignants et des étudiants serait meilleur. Cependant, dans des conditions réalistes, en absence de droit de percevoir des frais de scolarité, les incitations des universités à améliorer le capital humain des professeurs peuvent diminuer. JEL Codes : I2, I23
- La concurrence positionnelle dans l'enseignement supérieur : Les grandes écoles de commerce françaises et leur académisation - Pierre-Michel Menger, Colin Marchika, Danièle Hanet p. 237-288 Situées dans le périmètre de l'enseignement supérieur public, les grandes écoles de commerce françaises ont quatre caractéristiques fortement distinctives : la liberté de sélectionner leurs étudiants ; le prix inhabituellement élevé des études ; la liberté de gérer le corps enseignant hors des règles de la fonction publique ; la faible dépendance à l'égard des financements publics. Ces écoles sont nettement hiérarchisées entre elles. La concurrence qu'elles se livrent au sein de l'oligopole qu'elles forment est positionnelle. Les leaders dominent en innovant dans leur technologie d'enseignement et de recherche, et leurs innovations percolent au long de la hiérarchie. Il y a plus d'inertie que de variabilité dans cette stratification et dans les classements qui en signalent les différentes dimensions. L'article en propose l'explication et permet de vérifier la pertinence du modèle qui analyse l'enseignement supérieur comme une customer-input technology.
- Comparabilité entre domaines scientifiques : La pondération « côté citant » des réseaux de citation - Michel Zitt p. 289-310 Le volume d'articles scientifiques publiés augmente de quelques millions par an. L'impératif « publier ou périr » – ou sa variante « publier, être cité ou périr » – accélère le rythme de croissance de cette mémoire collective, accessible sous une forme condensée ou in extenso dans les bases de données spécialisées ou les moteurs en ligne. Les réseaux explicitement ou implicitement révélés par les données d'articles sont exploités par les sciences sociales – scientométrie, économie et sociologie – mais aussi instrumentés par l'évaluation de la recherche. Les indicateurs scientométriques résultent d'élaborations de ces données de base, avec diverses opérations : sélection des données pertinentes, comptage selon diverses options, normalisation par champ ou type de recherche, type d'indicateur, valuation économique, schémas d'indicateurs composites... Nous nous concentrons ici sur une pondération particulière du réseau de citations. Entre les techniques classiques et les mesures récursives d'influence, elle introduit une nouvelle méthode de normalisation rendant comparables, dans un sens précis, les citations de différents champs scientifiques. Plus généralement, elle offre une mesure simple et performante des échanges de citations, indicatifs des flux de connaissance.