Contenu du sommaire : Varia
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | no 217, 2015 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Hommage à Bruno Martinelli - Jacky Bouju p. 7-10
Études et essais
- Humanitarian Bodies : Gender, Moral Economy and Genitals Modifications in Italian Immigration Policy - Michela Fusaschi p. 11-28 En 2006, une femme nigériane a été arrêtée dans le nord-est de l'Italie et accusée du délit de « mutilation génitale féminine » en conformité avec la loi italienne de juillet 2006, intitulée « dispositions relatives à la prévention et l'interdiction de la pratique des mutilations génitales féminines ». En 2008 à Bari, dans le Sud, un nourrisson nigérian, âgé de deux mois, est décédé à la suite d'hémorragies sévères causées par une circoncision effectuée à la maison par un compatriote. Ces deux épisodes, malgré leur différence de contexte et de temps, pourraient sembler très éloignés l'un de l'autre, mais ils ne le sont pas réellement. D'après les documents officiels, l'auteure analyse anthropologiquement les messages qui peuvent être définis comme une « morale humanitaire ». Ainsi, les conséquences juridiques de ces événements constituent des précédents importants et, grâce à une lecture au prisme du genre, ils aident à mettre au jour ce qu'on pourrait appeler un « néo-sexisme différentialiste », impliquant la perception de la corporéité de l'Autre dans notre société. Pourtant, ces deux histoires aident à comprendre l'idée de l'État en ce qui concerne le corps des femmes immigrées, les Autres africaines, et en particulier « le traitement culturel » de la femme africaine devant la loi.On 2006, a Nigerian woman was arrested in the northeast of the Italy and she was charged with the offense of “female genital mutilation” in compliance with Italian Law 7/2006 entitled “provisions concerning the prevention and prohibition of the practice of female genital mutilation”. On 2008 in Bari, in the south, a two-monthold Nigerian infant died following severe haemorrhaging caused by a circumcision performed at home by a compatriot. These two episodes, notwithstanding their difference in context and time, could seem very distant from each other, but these cases are connected exactly at the point where they divide. From the official documents the anthropological analysis focuses on the messages that can be defined as “humanitarian moral”. So the legal implications of these events constitute important precedents and if read, from a gender perspective, help us to shed light on what might be called “differentialist neo-sexism”, which implies the perception of the Other corporeality in the so-called host society. Still, following the two stories sheds more light on what the idea the nation state has regarding the body of immigrants, in general the Others, and in particular on “culturally relevant” treatment of the woman under the law.
- L'épopée chez les Peuls du Massina (Mali) : Une approche ethnopoétique - Christiane Seydou p. 29-43 Dans les cultures de tradition orale, tout type de discours est une manifestation langagière particulière qui ne délivre sa signification réelle et son efficacité qu'à travers l'éventail des paramètres présidant à sa performance. Ainsi relèvera-t-on, pour l'épopée des Peuls du Massina : au niveau de l'expression textuelle, la dimension référentielle du contenu de la narration et sa mise en forme stylistique ; au niveau socioculturel, le statut respectif des participants : le griot énonciateur et son auditoire ; au niveau de la performance, les circonstances et les modalités de l'énonciation (accompagnement musical) ; au niveau de la pragmatique, la fonction mobilisatrice autour d'une idéologie identitaire.The Epic Among the Fulbe of Massina
In the oral tradition cultures, every type of speech is a specific expression of language which transmits its real meaning and its efficiency only through the whole range of the parameters commanding its performance. Thus we shall observe in the epic of the Massina Peuls: as far as the textual expression is concerned, the referential dimension of the narrative content and its stylistic and musical layout; on the socio-cultural level, the respective status of the participants: the enunciating “griot” and his audience; as for the performance, the circumstances and the modes of enunciation (rhythm and accompanying music); as for the pragmatics, the rallying function centered on an identity ideology. - Njoya's Alphabet : The Sultan of Bamum and French Colonial Reactions to the A ka u ku Script - Kenneth J. Orosz p. 45-66 Peu avant le tournant du siècle, le sultan Njoya des Bamoun a développé une écriture indépendante pour enregistrer l'histoire de son peuple et fournir un moyen de communication sécurisé pour les affaires royales. La version finale de son écriture, nommée A ka u ku, a été saluée par les autorités coloniales allemandes comme un symbole de l'intelligence et du caractère progressiste de Njoya. Les Français ont d'abord eu une approche positive de Njoya quand ils ont remplacé les Allemands comme nouveaux maîtres coloniaux du Cameroun après la Première Guerre mondiale. Cependant, dans les années 1920, leur respect pour Njoya s'est transformé en antipathie croissante qui a finalement conduit à l'arrestation et à l'exil du sultan à Yaoundé. Comme l'utilisation d'A ka u ku a diminué durant la même période, les chercheurs ont fait valoir à tort pendant des décennies qu'elle avait été interdite par les autorités locales françaises dans le cadre de leur campagne visant à affaiblir Njoya et à limiter son pouvoir. En réalité, l'écriture de Njoya a été simplement victime de la politique de l'Entre-deux-guerres et des avantages matériels évidents accordés aux Bamoun qui ont acquis l'alphabétisation en français.Shortly before the turn of the century Sultan Njoya of Bamum developed an independent written script to record the history of his people and provide a secure means of communication for royal affairs. The final version of his script, dubbed A ka u ku, was hailed by German colonial authorities as a symbol of intelligence and Njoya's progressive character. The French initially held equally positive visions of Njoya when they replaced the Germans as Cameroon's new colonial master in the wake of WWI. By the 1920s, however, their regard for Njoya was replaced by a growing antipathy which eventually led to the sultan's arrest and exile to Yaoundé. Since the use of A ka u ku declined in the same period scholars have argued incorrectly for decades that it must have been outlawed by local French authorities as part of their campaign to undermine Njoya and curtail his power. In reality, Njoya's script simply fell victim to inter-war politics and the clear material advantages to those Bamum who acquired literacy in French.
- La « haalpularisation » ou la mise en discours de la culture et de la langue pulaar au Sénégal : Processus et enjeux - El Hadji Abdou Aziz Faty p. 67-84 Cet article propose d'étudier et d'analyser les discours épilinguistiques des militants pulaarophones du Sénégal. Il s'agit plus précisément de rendre compte de l'instrumentalisation discursive dont la langue pulaar fait l'objet, à travers divers processus d'homogénéisation, à des fins politiques, économiques et sociales. D'un point de vue méthodologique, cette étude s'inscrit dans le cadre de l'anthropologie des pratiques langagières, et adopte donc une approche pluridisciplinaire.The “Haalpulaarization” or the “Enwordment” of Pulaar Language and Culture in Senegal
This article proposes to explore and analyze the epilinguistic discourses of pulaarophone Senegalese activists. More specifically, it involves clarifying the discursive intrumentalization that Pulaar language provides through diverse homogeneization processes, for social, economic and political purposes. From a methodological point of view, this study fits within the framework of the anthropology of language practices, thus it adopts a multidiciplinary approach. - Representing African Reality through Knotty Terms - Josep Martí p. 85-105 Dans la recherche sur les réalités africaines, les anthropologues doivent très souvent faire face aux difficultés de l'utilisation de certains termes problématiques tels que « ethnique » (dans des expressions comme « musique ethnique », « vêtements ethniques », etc.), « tribu » et ses dérivés, ou « magie » et « sorcellerie ». Ces termes sont encore utilisés, mais l'inconfort que de nombreux anthropologues ressentent lorsqu'ils les mobilisent est indéniable; il s'agit, sans aucun doute, de « termes épineux ». Dans quelle mesure l'anthropologie africaine peut faire sans ces termes ? Comment devons-nous utiliser ces termes, s'il est vraiment impossible d'y renoncer ? Voici quelques-unes des questions posées dans cet article, en donnant une importance particulière au terme problématique de « sorcellerie ». Il est clair que la pratique anthropologique dans les sociétés africaines est indissociable de la dynamique générale du processus d'altérisation. Comme je le soutiens dans l'article, une partie du problème des « termes épineux » réside dans la façon de nous voir et de traiter les autres par des stratégies d'altérisation telles que la synecdochization, l'exoticisation, la sous-évaluation, la surévaluation, l'incompréhension et l'exclusion. L'intérêt de la réflexion sur la question des « termes épineux » réside dans le fait que bien au-delà de leurs implications épistémologiques pour l'anthropologie, ils possèdent une dimension idéologique importante et donc bien sociale.In researching African realities anthropologists very often have to face the difficulty of the use of some very problematic terms such as “ethnic” (in expressions like “ethnic music”, “ethnic clothing”, etc.), “tribe” and derivatives, or “witchcraft” and “sorcery”. Such terms are still used but the discomfort that many anthropologists feel when using them is undeniable; they are, undoubtedly, “knotty terms”. To what extent can African anthropology do without these terms? What must our attitudes regarding these terms be if we really cannot give them up? These are some of the questions I will be addressing in this article, giving special importance to the troublesome term of “witchcraft”. It is clear that anthropological practice in African societies cannot be separated from general dynamics of alterization processes. As I argue in the article, part of the problem of knotty terms lies in the way we view and treat the Other through determined alterization strategies such as synecdochization, exoticization, undervaluation, overvaluation, misunderstanding and exclusion. The interest in reflecting on the “knotty terms” issue lies in the fact that far beyond their epistemological implications for anthropology, they have an important ideological and therefore social dimension as well.
- L'envers du tourisme au Sahara tchadien : Entre jeu politique national et indifférences locales - Julien Brachet, Judith Scheele p. 107-131 Au début de l'année 2012, un avion commercial transportant des touristes s'est posé pour la première fois dans le désert tchadien. Après être revenu sur les contextes géopolitiques saharien et tchadien qui ont suscité cette « ouverture » touristique, l'article décrit la manière dont le pouvoir politique national s'exerce à travers ce nouveau champ. L'analyse porte ensuite sur le peu d'intérêt manifesté par les populations du Sahara tchadien concernant la venue de ces étrangers que personne n'a invités. Indifférence et malentendus donnent l'occasion de questionner l'idée du développement par et pour le tourisme, puis d'interroger les notions d'hospitalité et de solidarité qui éloignent visiteurs et visités plus qu'elles ne les rapprochent.In early 2012, an international charter plane carrying tourists landed, for the first time, in the Chadian desert. Its arrival was made possible by the political context in Chad and the Sahara more generally, rather than by significant local developments or demands; as a result, tourism in the area remained primarily shaped by national politic interests and power struggles. Meanwhile, local populations showed relatively little interest in these uninvited strangers. This indifference, and the many misunderstandings it led to, mostly based on mutually incompatible notions of wealth, hospitality and solidarity, shows the limits, in this particular context at least, of the idea of development through and for tourism.
- Humanitarian Bodies : Gender, Moral Economy and Genitals Modifications in Italian Immigration Policy - Michela Fusaschi p. 11-28
Notes et documents
- « On ne se dévêt pas devant n'importe qui » : Le témoignage oral des personnes vivant avec le VIH au Sénégal - Fatou Leïty Mbodj p. 133-162 Le témoignage public comme pratique est un des moyens pour les associations de malades à travers le monde de donner un visage, une visibilité à une maladie, en d'autres termes de contribuer à en faire un objet public, concret et réel. En Europe, de nombreux patients se prêtent au jeu du témoignage, une forme d'engagement contre la maladie. Au Sénégal, le témoignage se révèle sous ses formes historiques, juridiques et sociales. Il est, dans le cadre de la maladie, un fait rare voire inexistant. L'analyse des témoignages oraux, faits par les personnes vivant avec le VIH au Sénégal, nous révèle en quoi ceux-ci constituent un exemple d'adaptation locale d'une technique empruntée. L'étude rend compte également des obstacles politiques, économiques, culturels, moraux, qui donnent un caractère original au témoignage oral des personnes vivant avec le VIH.“Nobody Undress in Front of Anyone”The public testimony as practice is one of ways for the associations throughout the world to give a face, a visibility to a disease, in other words to contribute to make it a public, concrete and real. In Europe, numerous people use testimonies, as a form of commitment to fight the disease. In Senegal, the testimony has historic, legal and social forms. The analysis of the oral testimonies, made by people living with AIDS in Senegal, reveals an example of local adaptation of a borrowed technique. The study also reports political, economic, cultural, moral obstacles, which give an original character of these testimonies.
- « On ne se dévêt pas devant n'importe qui » : Le témoignage oral des personnes vivant avec le VIH au Sénégal - Fatou Leïty Mbodj p. 133-162
Chronique bibliographique
- Analyses et comptes rendus - p. 163-194