Contenu du sommaire : Communication en entreprise : chacun cherche sa voie

Nombre d'entreprises jouent actuellement la carte des réseaux sociaux numériques en espérant améliorer la circulation de l'information, faire émerger de nouvelles formes de collaboration, favoriser la transversalité dans les échanges et le partage des compétences, tout en luttant contre la surcharge informationnelle. Une enquête par questionnaire réalisée auprès de salariés d'une grande entreprise inscrits sur le réseau social interne, complétée par une série d'entretiens, montre que les réseaux d'entreprise, loin de révolutionner les pratiques professionnelles, se positionnent comme un outil de travail prolongeant les pratiques déjà existantes. Les usages collaboratifs de l'outil se développent plus que la dimension sociale (présentation de soi, enrichissement des réseaux relationnels). Cette deuxième dimension pourrait-elle se développer dans des organisations plus horizontales ? La question reste ouverte.

Les Inspecteurs de santé publique vétérinaire (ispv), fonctionnaires d'État, agissent au sein des services territorialisés du ministère de l'Agriculture. Ils sont chargés de la mise en œuvre des orientations de la politique de santé publique. Au quotidien, ils sont incités à répondre à des injonctions à communiquer émises par l'administration. Les crises sanitaires qui se répètent à intervalles réguliers ont obligé les ispv à prendre part à de nombreuses démarches de communication qui sont ressenties comme inappropriés vis-à-vis de leurs expertises scientifiques et techniques. Cela les conduit à interroger le management qu'ils rencontrent dans les services.

Comment concilier l'incontournable tâche de fournisseur d'outils dans laquelle est cantonnée la communication interne (ci) et la quête de reconnaissance à laquelle aspire la fonction ? Cette contribution étudie la tension qui existe entre la demande de légitimité de celle-ci et la mise en invisibilité des dispositifs. Cette dernière renvoie à la problématique de l'usage social, qui peut être analysée à travers trois processus : l'idéalisation de la technique dans les discours, la banalisation des tic dans les pratiques professionnelles et enfin leur légitimation, qui s'appuie sur la justification et l'utilité de leur présence dans les ateliers de production et les bureaux. Le modèle interprétatif de l'enchevêtrement, présenté ici, propose d'analyser comment les outils numériques quittent la sphère des objets techniques énigmatiques pour devenir pour l'utilisateur des dispositifs invisibles. Ceci suscite des paradoxes et enferme la fonction ci dans un cercle vicieux.

Désormais bien installée dans les organisations la communication interne (ci) fait l'objet d'évaluations multiples : les mesures d'efficacité ainsi que les outils de reporting tendent à se généraliser. En référence au cadre théorique proposé par Thévenot (2006) et à sa conceptualisation des « régimes d'engagement », cette contribution montre que les pratiques de mesure et d'évaluation s'inscrivent dans des stratégies de légitimation des professionnels de la ci en réponse à des normes conventionnelles. Elle développe l'hypothèse que l'évaluation de la ci ainsi que celle des praticiens relèvent, de façon distincte, de processus de reconnaissance et contribuent à la formation de l'identité professionnelle des communicants internes.

Le témoignage d'une communicante relatif au discours aseptisé produit dans son organisation nous a conduits à mener une enquête mettant en évidence le rôle central de la relation au dirigeant. Les entretiens réalisés montrent que celle-ci vient compenser l'identité de métier fragile des communicants. Pour autant, ce faible ancrage identitaire semble paradoxalement constituer l'une des principales ressources pour résoudre les tensions qui traversent leur métier aujourd'hui. L'analyse du matériau produit nous a ainsi permis de souligner les stratégies que les communicants mettent en place pour insuffler du sens à la communication et à leur rôle.

Depuis 2010, des responsables de communication interne participent chaque année à des sessions de formation proposées par l'afci (Association française de communication interne) sur l'apport des sciences humaines et sociales à la communication, ainsi qu'à des groupes d'analyse de pratiques. Rencontrant un certain succès de participation, ces démarches qui s'appuient sur les sciences sociales traduisent à la fois des attentes nouvelles de la part des communicants au-delà des seuls savoir-faire de métier, et des questionnements sur leurs pratiques professionnelles en entreprises confrontées à des tensions et des contradictions.