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La sociologie juridique de Georges Gurvitch n'a pas rencontré auprès des juristes l'accueil qu'auraient dû lui mériter son originalité et sa profondeur. Cet échec est imputable, pour partie, à certains traits de la personnalité de Gurvitch. Mais des causes objectives s'y sont ajoutées : mettant l'accent sur le droit public au détriment du droit privé, retenant du droit les phénomènes de pouvoir plutôt que le procès et la discussion, la sociologie juridique de Gurvitch reposait sur une vision trop partielle et un peu imaginative de son objet.

Malgré l'ampleur de son œuvre, Georges Gurvitch n'a exercé aucune influence significative sur l'orientation de la sociologie du droit. Au-delà des faux prétextes qui tiendraient au caractère confus, dépassé ou trop complexe de sa problématique, l'indifférence à l'égard de Gurvitch s'explique d'abord par son rejet radical des thèses de l'idéologie juridique dominante concernant l'importance de la raison, du pouvoir politique et du savoir professionnel dans la réalité sociale du droit. Le développement d'une sociologie du droit plus soucieuse de ses fondements théoriques et plus critique à l'égard de la conception dogmatique du droit pourrait favoriser dans l'avenir une certaine réhabilitation de la pensée de Gurvitch.

La recherche exploratoire sur les connaissances et les représentations du « juridique » chez les enfants et les adolescents dont il est rendu compte dans cet article se situe au carrefour de deux courants de recherche développés dans les années 60 et 70 : les recherches sur la socialisation juridique effectuées aux Etats-Unis et les recherches sur la connaissance et la conscience du droit réalisées en Europe. C'est par rapport aux acquis de ces recherches que sont déterminés l'objet et la conception de la socialisation juridique. Le choix de la méthode des associations de mots permet d'appréhender la diversité de l'objet « juridique » de la socialisation et de tester l'application de modèles d'interprétation utilisés dans le champ de la socialisation juridique mais aussi du développement cognitif et moral.

Les changements récents de l'institution familiale et la permanence, en Suisse, du droit du divorce incitent à s'interroger sur les principes qui guident aujourd'hui la pratique des tribunaux en matière familiale. Il s'agit d'analyser l'élaboration des réponses institutionnelles aux demandes singulières émanant des divorçants, de dégager les logiques « publiques » du règlement des conflits « privés » que constituent les dissociations familiales. Les auteurs ont réalisé une recherche qui s'appuie principalement sur l'analyse d'un ensemble de jugements de divorce — 490 jugements rendus en 1980 par le Tribunal de première instance de Genève. Ces décisions, résultat concret du fonctionnement de la juridiction, sont considérées, dans le cadre de cette étude, comme les révélateurs de l'action institutionnelle. Le présent article décrit la méthode d'analyse des jugements utilisée et discute les problèmes que soulèvent le choix et l'analyse d'un tel corpus. Il met en évidence l'apport de cette recherche à la compréhension des phénomènes judiciaires.

A la frontière des sociologies du droit et de la vie morale, l'analyse de la sociogénèse des représentations populaires de catégories normatives fondamentales telles que le contrat, la légitimité, la responsabilité, le juste, etc., peut jouer un rôle décisif pour la compréhension de la dynamique des systèmes normatifs. C'est dans cette perspective que l'on s'intéresse ici aux variations des représentations et pratiques de la justice distributive selon les genres de groupes. Plus précisément, on cherche à montrer, par le biais de l'étude des solutions apportées à des situations familiales problématiques, comment les principes et les critères de justice mis en œuvre par les acteurs changent radicalement selon la nature des interactions dans le groupe. Après une discussion théorique des phases principales du " jugement " de justice distributive dans le groupe, on montre comment l'actualisation préférentielle d'un principe de justice — le mérite, le besoin ou l'appartenance — dépend du genre de cohésion de groupe, du type d'adaptation et de coordination interindividuels et de la nature de l'intégration du groupe avec l'environnement social.

Le célèbre théorème de Godel a surtout retenu l'attention de logiciens, d'épistémologues et de philosophes. Peut- il aussi alimenter les réflexions de théoriciens du droit ? Cela paraît en tout cas possible dans le cadre de théories, comme celle de Kelsen, qui opèrent avec la notion de systèmes de normes juridiques superposés les uns aux autres, jusqu'à former un système juridique mondial, englobant le droit international et tous les autres systèmes de moindre envergure. Le problème central est alors celui de la validité de ces divers systèmes de normes juridiques. On peut ainsi établir un parallèle avec le théorème de Godel, qui a notamment trait à la validité de systèmes d'axiomes mathématiques, eux aussi superposés les uns aux autres. Pour bien marquer que sa Théorie pure du droit est limitée au droit positif, Kelsen a imaginé une norme fondamentale servant, sur le plan théorique, à fonder la validité de l'ensemble des normes juridiques. Le théorème de Godel n'implique aucune limitation de cette nature. D'autres divergences résultent des matériaux à partir desquels Godel et Kelsen ont construit leurs théories respectives.